L`agriculture peut-elle être le moteur de la croissance

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Colloque sur l’Agriculture
Ouaga, Décembre
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L’agriculture peut-elle être le
moteur de la croissance
et du développement ?
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Professeur Moustapha Kassé
Doyen Honoraire, membre de l’Académie,
Président de l’Ecole de Dakar
www.mkasse.com
Présentation de la communication
Introduction
Les fonctions motrices et d’impulsion de
l’agriculture dans le développement économique et
social
I/ Les raisons des médiocres résultats des
réformes du secteur agricole en Afrique.
II/ Les axes d’une stratégie de développement
pour faire de l’agriculture le secteur moteur.
En Conclusion
Introduction
 L’expérience historique montre d’ailleurs que
toutes les révolutions industrielles en Europe
comme en Asie ont été précédées par
d’importantes révolutions agraires.
 L’agriculture conditionnait les investissements
dans le secteur industriel naissant et bénéficiait
d’importantes infrastructures de base : énergie
hydro-électrique, infrastructures de transport et
de communication, infrastructures portuaires.
Ces expériences historiques montrent que les
agricultures ont rempli 4 (quatre) fonctions
incitatrices et d’entrainement à savoir :
1. La couverture des besoins vivriers d’une population en
augmentation rapide (parfois à un taux supérieur à
2,5%) ;
2. La formation de surplus substantiels pour
l’élargissement de ses bases sociales et matérielles et le
financement d’autres secteurs comme l’industrie ;
3. La libération d’une partie de la main-d’œuvre pour
d’autres secteurs par suite d’une augmentation de la
productivité du travail agricole ;
4. La formation d’une demande qui élargit le marché des
biens industriels et de services.
A l’analyse, l’agriculture africaine est marquée depuis des décennies
par de mauvaises stratégies et des échecs des politiques agricoles
tant au niveau du secteur vivrier qu’à celui des cultures de rente :
1. Baisse de la production alimentaire par tête d’habitant,
diminution des exportations de produits de rente en
volume et en valeur, détérioration du niveau de vie des
populations rurales complètement gagnées par la
pauvreté.
2. L’Afrique a remplacé l’Asie et l’Amérique Latine dans le
recours à l’aide alimentaire. Un Rapport prospectif de la
Banque mondiale (1990-2020) est encore beaucoup plus
pessimiste, puisqu’il prévoit dans l’intervalle le
doublement des importations alimentaires.
3. Ce secteur dont dépendent plus de 70% de la population
africaine est le domaine de prédilection de la pauvreté: on
peut constater que la pauvreté mondiale est
principalement africaine et la pauvreté africaine est
rurale.
Au moment des indépendances africaines, il y a environ plus
d’une cinquantaine d’années, la situation alimentaire en
Asie était catastrophique avec une gestion désastreuse du
secteur agricole alors que l’Afrique ne connaissait point ce
type de problème. Aujourd’hui, il est caractéristique que
« les greniers sont pleins en Asie et vides en Afrique ».
Cette nouvelle donne a une triple signification : elle est un
cri d’alarme, une mise en garde et un message d’espoir.
Pourquoi le continent africain qui a toutes les dotations
factorielles pour produire des richesses, secrète-t-il la
pauvreté ? Force est de constater qu’en trente ans, l’Asie a
mis sous céréales 701 millions d’hectares, exactement
l’équivalent du total des terres africaines cultivées. Cette
production céréalière a augmenté de 175% alors que celle
de l’Afrique s’est accrue très peu, de 17%. Pendant une
longue période, l’Asie s’est transformée en atelier de
sueur et de labeur et l’Afrique en continent
d’immobilisme.
I/ Les raisons des médiocres résultats des
réformes du secteur agricole en Afrique.
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Beaucoup d’études relatives aux agricultures africaines sous le
régime des réformes depuis un quart de siècle établissent un
bilan assez mitigé relativement aux fonctions attendues de
l’agriculture . Double échec des modes d’organisation et de
transformation inspirés de principes du libéralisme et du
socialisme
1. le capitalisme n’a pu prendre racine pour impulser dans les
campagnes son dynamisme propre et son mode de
reproduction. Les réformes néo-libérales ont fait faillite.
2. Les formes de collectivisation de l’agriculture n’ont guère
fait mieux : inefficacité de l’intervention massive de l’État
et échec du Mouvement coopératif.
3. Les raisons des contre performances des
réformes dans l’agriculture
 Les raisons internes: se définissent comme un
ensemble de facteurs internes à l’agriculture qui
bloquent l’instauration et le développement de
rapports de production capitalistes efficients à
savoir : L’abondance de la terre et les formes
traditionnelles de son appropriation sociale,
L’exploitation familiale dans des formes
traditionnelles de production se fait aux
moindres coûts pour le marché mondial et
L’instabilité des écosystèmes et les contraintes
naturelles accroissent les risques pour
l’investissement privé
Les Raisons externes sont de deux ordres : celles
liées aux diverses formes d’extorsion, de
mobilisation et d’utilisation improductive des
surplus issus de la rente agricole ne permettent pas
la formation d’une base autonome d’accumulation
pour l’investissement et l’élévation de la
productivité sectorielle.
Celles liées à la détérioration des termes de
l’échange. Le sujet ne fait plus controverse
Au demeurant, la conjugaison de tous ces facteurs
établit clairement que les conditions de
fonctionnement d’une agriculture capitaliste sont
loin d’être réunies particulièrement dans les soussecteurs de production des biens destinés au
marché mondial.
II/ Les axes d’une stratégie de développement
pour faire de l’agriculture le secteur moteur.
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Nul doute que la transformation de l’agriculture
africaine sera longue et pénible. Sans avoir la
prétention de proposer les éléments d’une
politique agricole africaine, la préoccupation
essentielle est d’indiquer les grands axes de
réflexions et de recherches pour faire de
l’agriculture l’un des moteurs de la croissance et
du développement économique et social.
1. Mettre un État de qualité au cœur du dispositif de
transformation des campagnes africaines. Les PAS
ont accrédité l’idée que l’État africain est rentré dans
une triple crise économique (déficit chronique des
finances publiques), politique (faible
démocratisation) et sociale (incapacité à réguler le
chômage et la pauvreté) qui le met « hors jeu » et le
condamne à un désengagement. Deux observations.
La première observation est que le débat entre « plus
d'État » et « moins d'État » est largement trompeur
et reste dans le fond à la fois idéologique et assez
superficiel. En effet, « le Japon a un État très tort et
très centralisé, les États Unis un État moins fort et
plus décentralisé et la Suède un Etat assez faible. Or,
ces trois États ont d'excellentes performances sur le
marché mondial unifié ».
.
La première observation est que Les Nouveaux Pays
Industrialisés d’Asie qui ont réglé le sous-développement
en l’intervalle d’une génération offrent une parfaite
illustration du rôle moteur joué par l’État dans la
dynamique du développement: c’est l’Etat qualifié de
« pro ». Trois illustrations dans l’agriculture: l’Inde, la
Thaïlande et l’Indonésie
En conclusion, le monde rural en Afrique, est complètement
déstructuré, disloqué et surtout dévitalisé par les effets
conjugués de la crise économique et des diverses agressions
naturelles comme la sécheresse. Peut-on raisonnablement
penser dans ce contexte que les paysans de surcroît trop
pauvres peuvent s'en sortir sans État.
En clair, dans cette situation, les incitations du marché vont
s'avèrer insuffisantes, seul l'État a les moyens d'une
recomposition des structures et d'une revitalisation de la
production.
L’État devra intervenir systématiquement pour apporter l’assistance
économique, technique et financière, de même qu’il devra apporter
tous les aménagements structurels en fonction des impératifs de
l’élargissement des bases de l’accumulation et de l’instauration des
formes de propriété et d’exploitation efficientes. Il doit éviter d’être
prédateur.
2. La
réalisation programmée d’une infrastructure de base
pour l’agriculture : l’eau, les routes et l’énergie, la clef de
voûte du développement agricole. C’est le second axe de
réflexion. Il se traduit par la mise en place progressive
d’une infrastructure matérielle rendant possible
l’accélération et l’intensification de la production agricole.
Cette infrastructure tourne autour de l’exploitation du
potentiel hydraulique et énergétique et de la création d’un
réseau routier permettant une circulation des productions
et des facteurs agricoles. L’Afrique irrigue peu et ne fume
pas assez.
3. L’utilisation généralisée des facteurs modernes
de production et exploitation des opportunités
de la technologie et de la Révolution Verte au
service de la transformation de l’agriculture
africaine.
C’est là un des volets extrêmement important des
politiques agraires et sur lequel les insuccès sont
notoires.
La recherche techno-agronomique n’est pas encore
un domaine prioritaire comme si la fameuse
« Révolution Verte » en Inde n’était pas partie des
universitaires et chercheurs.
4. La révolution verte est-elle encore utile à l’Afrique ?
Il faut observer que le terme « Révolution » Verte utilisé
par certains auteurs grossit exagérément l’impact de
l’utilisation des N.V.H.R de blé et de riz. En fait, le
phénomène est plus limité que ne suggère le terme.
Les pays africains engagés dans ce processus pourront
ainsi développer l’expérimentation et les recherches au
niveau :
 des produits chimiques pour étudier les conditions
d’accélération de la croissance des plantes en vue de
l’amélioration des rendements et les effets de
l’utilisation des pesticides et engrais sur la production
et les sols ;
 des manipulations génétiques pour améliorer les
espèces et accroître les rendements ;
 de la photosynthèse, de la prévision météorologique et
de la télédétection
5. Les enjeux et perspectives du développement des OGM
Les techniciens comme les décideurs face à la famine
rampante sur le Continent ont engagé le débat autour de
la question de savoir « Si les biotechnologies constituent
une opportunité pour l’Afrique ». Les prises de position
se multiplient mais beaucoup d’entre elles restent encore
essentiellement idéologique ou alors inspirées par « les
mouvements écologistes ». Deux positions celle du
Gouvernement Zambien défavorable celle du Président
B.Compaoré favorable. Rappel du principe de précaution
6. La nécessité d’élaborer et de mettre en place une
politique adéquate de crédit.
Le système bancaire en Afrique garde fortement les
stigmates des structures de financement de l’économie
de traite qui a contribué au renforcement des
distorsions structurelles caractéristiques du sousdéveloppement.
En Conclusion Générale
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Des mesures ponctuelles, si habiles et appropriées qu’elles soient ne
sauraient remplacer une politique cohérente qui seule peut
permettre à l’agriculture :
– de créer des surplus importants donc d’alimenter les fonds
nationaux d’accumulation pour le financement du
développement économique et social,
– d’accroître et de diversifier la production agricole et de couvrir
ainsi les besoins vivriers en croissance rapide du fait de
l’explosion urbaine,
– d’élever la productivité et l’efficacité du travail ; ce qui va
permettre de libérer une partie de la main d’œuvre pour
d’autres activités productives,
d’élargir et de diversifier les bases de l’industrialisation.
Dans toute réforme agraire la question essentielle est
de savoir où est passée la rente. Celle-ci peut être
utilisée à la consommation somptuaire et
personnelle de celui qui la perçoit ou bien elle peut
être transformée en capital technique soit dans le
secteur agricole, lui-même soit dans le secteur
industriel. C’est cette transformation de la rente qui
est désigné par l’expression «capitalisation de la
rente»
Les performances en Asie montrent que l’Afrique peut
s’en sortir à condition qu’elle opère les ruptures
indispensables comme l’ont fait les régimes militaro
technocratiques et les élites asiatiques qui ont mis en
place de vigoureuses stratégies de développement
basées sur l’agriculture.
Les développements essentiels de cette
présentation sont extraits de mon ouvrage
« Economie du Développement, références
africaines Tome 2: Sortir du sousdéveloppement : Chapitre 15
Editions Panafrika, Silex/Nouvelles du Sud
448 pages, Paris 2010
MERCI DE VOTRE ATTENTION