Me Marie Carpentier, conseillère juridique, Direction de la

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Transcript Me Marie Carpentier, conseillère juridique, Direction de la

Journée d’action globale contre le racisme et pour les droits des migrants, réfugiés et personnes déplacées La notion de discrimination systémique appliquée au travailleuses et travailleurs migrants par Me Marie Carpentier Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse Montréal, 18 décembre 2013

Plan de la présentation

• La Commission et la Charte • La discrimination • Le modèle de la discrimination systémique appliqué au travail migrant • Conclusion 2

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse • Organisme indépendant • Membres nommés par les 2/3 de l’Assemblée nationale • Mandat : veiller au respect des principes énoncés à la Charte 3

La Charte des droits et libertés de la personne

• Loi fondamentale ayant un caractère quasi-constitutionnel • Suprématie par rapport aux lois « ordinaires » (préséance des articles 1 à 38 en vertu de l’article 52, à moins d’une dérogation expresse) 4

Contexte de l’avis sur le travail migrant • Adoption d’un avis intitulé « La discrimination systémique à l’égard des travailleuses et travailleurs migrants sexe » » le 9 décembre 2011 • Principale conclusion: « Les travailleuses et travailleurs étrangers temporaires peu spécialisés sont victimes de discrimination systémique en raison de leur origine ethnique ou nationale, de leur race, de leur condition sociale, de leur langue et, dans le cas des aides familiales résidantes, de leur 5

Les travailleuses et travailleurs migrants • Des résidents temporaires • Qui détiennent un permis de travail • Pour occuper un emploi peu spécialisé au Québec • Trois programmes: – Programme des travailleurs agricoles saisonniers – Programme des aides familiaux résidants – Programme des travailleurs étrangers temporaires volet peu spécialisé 6

Données fournies par Citoyenneté et Immigration Canada et le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles 7

Données fournies par Citoyenneté et Immigration Canada et le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles 8

Droit à l’égalité

Art. 10 de la Charte Qu’est-ce que la discrimination?

1.

Distinction, exclusion ou préférence 2.

Fondée sur un des motifs prohibés 3.

Qui détruit ou compromet l’exercice d’un droit 9

Droit à l’égalité (2)

Motifs prohibés: la race , la couleur , le sexe , la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue , l' origine ethnique ou nationale , la condition sociale , le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.

10

Droit à l’égalité (3)

• Pas un droit autonome • La discrimination n’a pas à être intentionnelle pour être illicite • Le motif prohibé n’a pas à être la seule cause d’inégalité 11

Droit à l’égalité (4)

• Recherche d’une égalité réelle plutôt qu’un égalité formelle • Exercice de comparaison mais la recherche du groupe de comparaison ne doit pas devenir trop formaliste 12

Discrimination systémique

• Englobe la discrimination directe et indirecte • Ensemble de faits (politiques institutionnelles, processus décisionnels, comportements, attitudes), souvent inconscients, anodins en apparence qui conjugués produisent un effet disproportionné d’exclusion 13

Discrimination systémique (2)

Émergence possible de la notion dans la jurisprudence parce que: • On cesse de chercher un preuve de l’intention de discriminer • On cherche plutôt les effets discriminatoires • On ne cherche pas à punir les personnes responsables de la discrimination mais à la faire cesser • La vulnérabilité n’est pas inhérente 14

Discrimination systémique: les limites

• Les concepts sont potentiellement flous • Fondements sociaux, manifestations subtiles, motivations inconscientes 15

Discrimination systémique: les limites (2)

• Phénomène de causalité circulaire: – Plusieurs victimes – Plusieurs mis en cause – Plusieurs facteurs qui n’ont pas nécessairement de lien entre eux et qui ne sont pas nécessairement discriminatoire pris isolément 16

Le modèle de la discrimination systémique appliqué au travail migrant

17

Fondée sur un des motifs prohibés • Les travailleuses et travailleurs migrants constituent un groupe relativement homogène présentant des caractéristiques communes qui peuvent constituer des motifs de discrimination : – Race, couleur, origine ethnique ou nationale – Condition sociale – Langue – Sexe (aides familiales résidantes) • Possibilité de confluence des motifs 18

Discrimination

1.

 3.

Distinction, exclusion ou préférence Fondée sur un des motifs prohibés Qui détruit ou compromet l’exercice d’un droit 19

Conséquences du statut de ressortissant étranger pour les travailleuses et travailleurs migrants • Directes : – Absence de liberté d’établissement – Difficulté à se faire accompagner par la famille • Indirectes : – Permis de travail restreint – Obligation de résidence 20

Permis de travail restreint

• Le permis de travail lie le travailleur migrant à un seul employeur pour un seul emploi • Pour changer d’employeur : nouveau permis de travail • Difficultés financières (délai entre deux emplois) et administratives pour changer d’emploi 21

Permis de travail restreint (2)

• Compromet : – La liberté de la personne (art. 1) : contraint la faculté d’exercer un travail librement consenti – Le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent la santé, la sécurité et l’intégrité physique (art. 46) 22

Obligation de résidence

• Obligation de résider chez l’employeur ou à l’endroit fourni par lui • Affecte plus particulièrement les aides familiales résidantes • Pour les travailleurs agricoles : il s’agit d’une obligation de facto en raison entre autres de la situation géographique des exploitations 23

Obligation de résidence (2)

• Compromet : – La liberté de circulation (art. 3) – La liberté d’association (art. 3) – Le droit au respect de la vie privée (art. 5) – La libre disposition des biens (art. 6) – L’inviolabilité de la demeure (art. 7) – Le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent la santé, la sécurité et l’intégrité physique (art. 46) 24

Obligation de résidence (3)

• Rend difficile la distinction entre vie professionnelle et vie privée 25

Justification du statut

• Moyen « efficace » de combler les besoins cycliques et/ou importants de main d’œuvre de nature temporaire • Les travailleuses et travailleurs migrants sont considérés comme des intrants de l’économie canadienne • Or, une aide à une industrie ne devrait pas justifier la violation des droits contenus à la Charte 26

Exclusions de la protection sociale • Le statut des travailleurs migrants peut rendre difficile la détermination de leur domicile, de leur résidence ou d’autres critères d’éligibilité aux services étatiques • Domaines d’exclusion – Aide juridique (résidence?) – Aide sociale (citoyen et résident permanent) – Régime québécois d’assurance parentale (fait de vouloir s’établir au Québec) – Instruction publique gratuite (à la discrétion des commissions scolaires) – Accès à une habitation à loyer modique (12 mois de résidence) – Soutien à l’intégration – Cours de français (à temps partiel seulement) 27

Exclusions de la protection sociale (2) • Compromet : – Droit à la vie et à l’intégrité (art. 1) – Droit à la sauvegarde de la dignité (art. 4) – Droit à l’instruction publique gratuite (art. 40) – Droit à des mesures d’assistance financière (art. 45) 28

Exclusions dans le domaine du travail • S’ajoutent au permis de travail restreint et à l’obligation de résidence – La

Loi sur les normes du travail

– Le

Code du travail

– La

Loi sur la santé et la sécurité du travail

– La

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Ne traitent pas du statut d’immigration mais certaines de leurs dispositions affectent de façon disproportionnée les travailleuses et travailleurs migrants 29

Exclusions dans le domaine du travail (2) • Exclusion des travailleuses et travailleurs domestiques du régime collectif de protection en matière d’accident du travail et maladies professionnelles • Exclusion des travailleuses et travailleurs agricoles de certaines normes du travail (calcul des heures supplémentaires, jour de repos, salaire minimum) 30

Exclusions dans le domaine du travail (3) • Exclusion de facto des aides familiales résidantes et de certains travailleurs agricoles de la protection du

Code du travail

• Situation où, dans une même exploitation agricole, des travailleurs de différents programmes ont des conditions de travail différentes 31

Exclusions dans le domaine du travail (4) • Compromet : – Le droit à la dignité (art. 4) – Le droit à la liberté d’association (art. 3) – Le droit à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent la santé, la sécurité et l’intégrité physique (art. 46) 32

Exclusions dans le domaine du travail (5) • Compromet : – L’interdiction de stipuler une clause comportant discrimination dans un acte juridique (art. 13) – L’interdiction d’exercer la discrimination dans les conditions de travail et dans l’établissement des catégories d’emploi (art. 16) – L’obligation de verser un salaire égal pour un emploi équivalent (art. 19) 33

Autres obstacles d’ordre systémique • Les mécanismes de protection des droits offerts par – la

Charte des droits et libertés de la personne

– la

Loi sur les normes du travail

– la

Loi sur la santé et la sécurité du travail

ne garantissent pas que la travailleuse ou le travailleur migrant ne sera pas renvoyé • Pas de mesure de révision en cas de rapatriement suite à une décision de l’employeur • Absence d’encadrement de l’activité de recrutement 34

Conclusion

• Les atteintes aux droits fondamentaux sont manifestes • La voie judiciaire est difficile à exploiter • D’où viendra la solution?

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MERCI!

[email protected]

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