Quel travail voulons-nous

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Quel travail voulons-nous ?
Quel travail voulons-nous ?
• Près de 6.000 auditeurs ont déjà répondu à
l’enquête lancée par Radio-France depuis le
18 avril dernier sur le site «espacepublicradiofrance-fr ». Cette enquête se
poursuivra jusqu’à la fin de l’année 2011.
L’ensemble des témoignages recueillis
donnera lieu à l’édition d’un livre aux
éditions les Arênes début janvier et à un
débat public le lundi 23 janvier au Théâtre
du Rond-point à Paris
Quel travail voulons-nous ?
• Les témoignages qui suivent sont issus de
cette enquête placée sous l’autorité d’un
conseil scientifique composé de la
sociologue Dominique Meda, du psychiatre
Patrick Légeron et du philosophe Yves
Schwartz.
Salarié, délégué du personnel, dans un bureau de
contrôle
• Nous avons subi la dictature d’un chef d’agence
durant pratiquement 10 ans. Harcèlement,
discrimination, surcharge de travail étaient le
quotidien..Nous avons tous eu, à un moment, la
nécessité de prendre des tranquillisants,
anxiolytiques, arrêts de travail qui vont avec,
suivis psy pour dépression. Pour certains cela a
aussi joué sur leur vie privée (séparation). La seule
chose qui nous a sauvé c’est notre travail, le
respect des procédures internes, des textes
réglementaires
La souffrance au travail d’une fonctionnaire du
ministère de la Défense
• Je regrette qu’on ne parle que « d’entreprises »
lorsqu’on parle de souffrance au travail. J’ai, pour
ma part, quitté une très grande entreprise
nationale, il y a deux ans pour rejoindre la
fonction publique d’Etat (mon 8ème poste, auprès
de 5 employeurs différents). Jamais je n’ai eu de
hiérarchie aussi mal formée au management, aussi
peu respectueuse..Jamais je ne me suis sentie aussi
dévaluée et malmenée..le tout dans un domaine
auquel on ne songerait même pas : le social
Un infirmier dans l’hôpital public
Il n’y a pas que le travail dans la vie. Les
loisirs aussi c’est être utile à la société, par
un engagement associatif ou militant…Dans
mon métier, la notion de coût, de rentabilité
vient polluer ce pourquoi j’ai choisi ce
métier: être utile et en lien avec les autres.
Mais, de moins en moins nombreux, nous
devenons des ‘robots de soin’, avec de
moins en moins d’humanité par manque de
temps. La société marchande a pollué nos
valeurs..;
Une infirmière à l’hôpital public
• Depuis une dizaine d’années je trouve que
la situation se dégrade, tant au niveau des
conditions de travail que de l’accueil et de
la prise en charge des patients. Je voudrais
travailler autrement. Les salaires ne bougent
pas. Les perspectives d’évolution sont quasi
nulles..Nous sommes nombreux aujourd’hui
à vouloir quitter l’hôpital..J’étais heureuse
de faire ce métier. Maintenant je me sens
prise au piège. Comment y échapper ?
Cadre du secteur privé âgé de 57 ans
• Mon souhait serait de travailler moins pour
travailler plus longtemps. Il faudrait innover
pour trouver des formules qui permettraient
de travailler à temps partiel progressif
jusqu’au départ à la retraite. Je constate que
les personnes qui sont ‘au bout du rouleau’
pèsent beaucoup sur la dynamique des
équipes de travail. La réalité du travail
exige dynamisme, créativité….
incompatibles avec le ‘burn out’
Chargée de l’insertion professionnelle de personnes
handicapées
En tant que salariée je constate une dégradation
importante des conditions de travail
‘immatérielles’:horaires flexibles,empiètement
sur la vie privée, manque de reconnaissance,
dévalorisation, déshumanisation…Le travail
est devenu un lieu de maltraitance. Et on
s’étonne que les salariés n’aient plus envie d’y
aller ! Car enfin quoi, eux, ils ont bien de la
chance d’en avoir un, de travail…
Chargée de l’insertion professionnelle de personnes
handicapées (suite)
• J’ai la chance d’être devenue maman cette
année. Et bien, je n’aurais jamais cru que
j’éprouverais plus de satisfaction à rester à
la maison et à changer des couches toute la
journée (je suis en congé parental) que de
me rendre à mon travail !! Je trouve qu’il y
a actuellement en France un formidable
gâchis de toutes les richesses humaines et
de tous les talents.
Ouvrier du Bâtiment pendant 20 ans et formateur
depuis 11 ans
• On n’embauche plus le même public qu’il y
a 20 ou 30 ans. Les jeunes, qui viennent
souvent par défaut dans le Bâtiment, sont
souvent mal accueillis dans les entreprises.
On ne leur laisse pas le temps de découvrir
ce milieu nouveau pour eux. Ils sont
souvent secoués, pressés et même jetés,
sans qu’ils aient pu montrer ce qu’ils étaient
capables de faire.
Ouvrier du Bâtiment pendant 20 ans (suite)
Lorsque j’étais enfant, dans mon Périgord
natal, moi et mes amis côtoyions toutes les
couches sociales : du fils du patron au fils
d’ouvrier . Nous savions ce qu’était un
maçon, un forgeron…On passait du temps à
les regarder travailler, on connaissait leur
nom, parfois même ils nous prêtaient des
outils pour essayer.
Une réflexion mélancolique sur notre
incapacité à donner du travail aux jeunes,
aujourd’hui
Jeune femme 28 ans
• J’ai beaucoup rêvé de faire un travail dans
lequel je me sente utile et pour lequel je
ressente intérêt et engouement. J ‘ai
beaucoup cherché, mais j’ai essentiellement
effectué des travaux alimentaires. Ma vie ce
n’est pas le travail. Est-ce qu’on cherche à
connaître les gens pour ce qu’ils sont ? Ou
uniquement pour ce qu’ils font comme
travail? ‘Tu fais quoi dans la vie?’ ne se
résume pas à ‘tu fais quoi comme travail?’.
Salarié d’une PME
• Le métier que j’exerce exige une forme
physique incompatible avec un âge proche
de la retraite. Or la performance exigée
reste invariable et il n’y a pas de possibilité
d’évolution pour échapper aux contraintes
physiques.
• Il devient de plus en plus difficile
d’appliquer des règles de bon sens, les
‘règles de l’art’, au nom d’une vision à
court terme. Il devient impossible de bien
travailler.
Salarié d’une PME (suite)
• Seul compte le résultat financier à court
terme. Ce qui fait qu’il n’est pas rare de se
voir reprocher un résultat médiocre, alors
même que nous pouvons dire ce qu’il en
sera, avant même d’avoir commencé.
• Nos dirigeants nous rendent responsables
des mauvais résultats, pénalisent nos
revenus et n’hésitent pas à invoquer notre
‘incompétence’ face aux clients, en se
dédouanant de leurs responsabilités
Une brodeuse à domicile pour deux entreprises
différentes
• La retraite, je n’y pense pas car je n’y aurai
jamais droit. Je suis une travailleuse pauvre,
mais c’est sans doute à cause de mes choix
de vie. Je n’attends rien des politiques, ni
des syndicats. Je crois que la situation est
inextricable.
• En attendant j’exerce un métier que j’adore.
Plusieurs fois j’ai failli le laisser tomber
pour l’usine. Mais je préfère travailler
moins, gagner moins, mais être fière de ce
que je réalise.
Salarié, syndiqué, travaillant à la Sécurité sociale
• Ce qui me révolte le plus c’est de voir
autour de moi des collègues déprimés,
abattus, du fait de la perte de sens qu’ils
éprouvent aujourd’hui face à leur travail.
Ceux qui souffrent le plus sont souvent les
plus attachés à leur travail, les plus
consciencieux. Mais ils ne trouvent pas
d’aide dans l’entreprise aujourd’hui malgré
les chartes,déclaration d’intention ou
accords contre les risques psychosociaux.
Un jeune diplômé de l’université
• C’est vraiment dur d’être jeune à notre
époque. Il y a un gouffre entre les diplômés
des grandes écoles…et la foule des
diplômés de la fac qui enchaînent stages,
CDD et vie précaire. Aujourd’hui on ne
nous apprend plus à nous épanouir dans un
travail, à le faire bien et avec détermination,
mais à ‘réussir’, faire du profit, et bouffer
les autres…
Un jeune diplômé de l’université (suite)
• ….j’encouragerai mes enfants à ne pas faire
de longues études tant que nos
gouvernements ne se pencheront pas
convenablement sur le sort des trop
nombreux diplômés qui ‘ne servent à rien’
et qui en souffrent.
Une monteuse de décors
• Un petit mot pour évoquer les difficultés
pour les femmes (en plus d’être moins
payées et de se faire appeler ‘poupée’ ou
‘mouflette’, quand on ne nous demande pas
si on est perdue, parce que le ménage c’est
là-bas…) de rester dans la vie active après
une grossesse. Actuellement le fait d’avoir
un enfant est clairement rédhibitoire pour
mes employeurs, qui ne veulent plus
m’engager sur des tournées et des créations
et me cantonnent à du travail d’accueil
Un responsable de la formation professionnelle des
adultes
• Le statut de formateur est de plus en plus
mal ‘traité’; « tout le monde peut être
formateur ». On assiste à une dégringolade
(en qualité) et à un appauvrissement de
l’identité professionnelle. On nous demande
de travailler sans réelle coordination avec
nos partenaires, qui d’ailleurs n’en
éprouvent pas la moindre envie. Quelle
utilité- à part pour certains stagiaires, les
moins éloignés de l’emploi?
Quelles réponses à la précarité ?
• Je suis en partie au chômage, mais je travaille
régulièrement. J’enchaîne les CDD dans la
fonction publique territoriale et le privé. Les
syndicats (je suis syndiqué) sont bien gentils
mais ils ne luttent qu’en surface, font des
textes indignés mais ne mouillent que rarement
la chemise (les permanents); les politiciens ne
pensent qu’à leur poste et nombreux sont ceux
qui n’ont jamais rien fait d’autre. La plupart
des questions devrait avoir une réponse autre,
résumer en quelques mots nos griefs, nos
envies.