Le Roman expérimental

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Transcript Le Roman expérimental

Le Naturalisme
Contexte socio-historique
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Le Second Empire va s’effondrer à la
suite d’une défaite militaire : le 2
septembre 1870 à Sedan, l’Empereur
lui-même est fait prisonnier par les
Prussiens.
La Commune (de mars à mai 1871).
À Paris, on proclame la IIIe
République ; les élections amènent une
majorité conservatrice favorable à
l’ordre et à la paix. Mais dans la
capitale assiégée par les Prussiens, la
colère grandit contre le gouvernement
accusé
d’être
défaitiste
et
antirépublicain. Éclate alors l’épisode
de la Commune : dans une atmosphère
de fête et de libération sociale, le
peuple de Paris s’insurge. Le
gouvernement de Thiers, installé à
Versailles, réprime durement le
mouvement.
Contexte socio-historique

La IIIe République (1870-1940).
D’abord, la IIIe République est la
première véritable réussite d’un
régime républicain.

Pour libérer les consciences de
l’emprise du clergé, la République
instaure en 1882 l’instruction
laïque, gratuite et obligatoire.
Former des individus conscients de
leurs droits et de leurs devoirs,
telle est pour la IIIe République la
condition du progrès social.

Enfin, ce régime, attaché au respect de
l’individu, doit affronter deux forces
d’opposition extrêmes : le nationalisme et le socialisme. Ce combat
culminera avec l’affaire Dreyfus
(1898). Zola publie l’article J’Accuse.
Les influences
 Hippolyte Taine (1828-1893) :
critique littéraire, philosophe et
historien, sa pensée se fonde sur
un déterminisme strict. Il pensa
trouver dans la race, le milieu et le
moment les facteurs susceptibles
d’expliquer le développement des
fonctions mentales et les faits
historiques.
Les influences
 Charles Robert Darwin (18091882) : naturaliste britannique qui
posa les fondements de la théorie
de l'évolution grâce au concept de
la sélection naturelle qui se fonde
sur la compétition entre les jeunes
de chaque espèce pour leur survie.
L'influence de ses travaux et de sa
pensée fut énorme dans les
domaines des sciences de la vie et
de la Terre. De façon plus
générale, il a jeté les bases des
principales théorie modernes sur
l’évolution et a marqué de son
empreinte toute la pensée
moderne.
Les influences
 Herbert Spencer ( 1820 - 1903) est un
philosophe et sociologue anglais.
Connu comme l'un des principaux
défenseurs de la théorie de l’évolution
au XIXe siècle, il est reconnu comme
l'un des fondateurs de la sociologie. Sa
théorie fut appelée postérieurement
«darwinisme social», ou encore
«théorie organiciste», car Spencer
considérait la société comme un
organisme vivant ou une supraorganisation. Ses recherches visaient à
découvrir les lois d'évolution de la
société en se basant sur celles des
espèces.
Les influences
 Auguste Comte (1798-1857) :
philosophe français dont la pensée
fait la promotion de l'observation
et de l'expérience scientifiques par
le positivisme, doctrine d'après
laquelle la science doit renoncer à
chercher le pourquoi des choses et
se contenter d'établir des lois
décrivant des relations entre des
faits observables.
Les influences
 Claude Bernard (1813-1880) :
physiologiste français
(Introduction à l’étude de la
médecine expérimentale, 1865)
dont les travaux convergent vers la
notion fondamentale de milieu
intérieur de l’être vivant (le sang
et la lymphe) dont l’équilibre et la
fixité sont la condition d’une vie
organique autonome.
 Déterminisme des phénomènes
biologiques, spécificité des
fonctions vitales, identité des lois
de fonctionnement normal et
pathologique de l’organisme.
Le Naturalisme (1865-1893)
Pour les Naturalistes, qui prennent la relève du Réalisme, la littérature devient un
mode d’expérimentation du monde réel ; elle est la formule de la science moderne
appliquée à la littérature (Zola). Il faut donc chercher ses sources dans l’évolution
scientifique du XIXe siècle. La science n’est plus alors simplement qu’un thème
nouveau introduit dans la littérature : plus qu’une source d’inspiration, elle devient
une source d’écriture et la littérature naturaliste lui empruntera sa méthode et son
mode de raisonnement. Les Naturalistes tenteront donc d’assimiler le travail du
romancier à celui du savant, et proposeront une osmose entre Art et Science. Si le
Réalisme documentaire s’est employé surtout à observer et à décrire
minutieusement la réalité, le Naturalisme, pour sa part, s’emploie à en faire
l’expérience sur le terrain (étude de l’homme contemporain dans son milieu),
même (surtout ?) si ce milieu est boueux, laid et scabreux et révèle des tranches de
vie saignantes et putrides. À l’observation « sur les faits de la nature » succède
l’expérimentation du « mécanisme des faits ».
Réunis autour d’Émile Zola dans sa maison de Médan (les Soirées de Médan), les
principaux « disciples » de ce mouvement sont Maupassant, Huysmans, Daudet,
Mirbeau, Alexis, Vallès, Céard et Hennique.
Les caractéristiques
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Méthode de penser, de voir, de
réfléchir, d’étudier, d’expérimenter ;
un besoin d’analyser pour savoir, non
une façon spéciale d’écrire.

Le Naturalisme reprend l’idée de
nature aux sources mêmes, remplace
l’homme métaphysique par l’homme
physiologique et ne le sépare plus du
milieu qui le détermine.
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Les Naturalistes privilégient l’étude
des marges du sain, les
dégénérescences, la folie, les névroses,
l’hérédité : l’impression, la sensation
l’emportent sur le sentiment, sur la
pensée (voir aussi l’Impressionnisme
en peinture).
Les caractéristiques (suite)
 Le roman est une analyse du
monde contemporain, explorant
tous les milieux, y compris les
« basses classes », jusque-là
réputées trop triviales ; il doit
utiliser les découvertes et les
méthodes des sciences, et en
particulier celles de la médecine.
 Le Naturalisme poursuit un but
pédagogique, social, humaniste :
faire le tour du réel, société et
homme, pour en comprendre les
lois afin de les dominer.
Les caractéristiques (suite)
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Peinture vraie et exacte du milieu
social, de l’époque : montrer comment
le milieu agit sur l’individu, l’action
des lieux sur l’individu.
Lutte des classes
Représentation de la trivialité,
comportements sexuels.
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Étude des milieux (histoires sordides,
meurtres crapuleux, etc.).
Exploration de l’homme et de la
société d’une époque déterminée : « La
bête humaine est la même partout »
(Zola).
Les caractéristiques (suite)
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Le roman expérimental / la méthode
expérimentale : le roman devient un
« laboratoire », le lieu d’application de
la méthode expérimentale (physiologie
et médecine) au roman.
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Littérature basée sur l’observation des
faits, sur la science ; manifestation de
la foi dans le progrès (positivisme) et
en accord avec le développement des
sciences dont elle imite la méthode et
où elle puise ses sujets (biologie,
physiologie, anatomie, sciences
naturelles, sciences physiques, etc.).
Les thèmes
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Pauvreté.
Sexualité.
Querelles familiales.
Matérialisme (corps et société).
Mœurs de la petite bourgeoise
provinciale.
Femme (hystérie, névrose, sexualité) :
Symbolisme : Sexualité (hérédité,
tares génétiques)
Prostitution (image
odieuse et répugnante de
la déchéance physique
et morale).
Les thèmes (suite )
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Déséquilibre (social ou individuel) :
 Social : lutte des classes, conflit
social, grèves, injustices, etc.
 Individuel : Névrose, folie, hystérie,
pulsions meurtrières, etc.
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Maladie (dégénérescence) : hérédité,
tares génétiques, pulsions
incontrôlables (domination de la
chair).
Les thèmes (suite )
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Exploitation ouvrière, travail,
industrialisation.
Ville : développement du capitalisme,
de l’industrialisation, essor des
grandes villes, exode rural.
Les thèmes (suite )
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Machine (technologie, chosification —
symbole du progrès industriel et de la
modernité). De nombreux romans
réalistes et naturalistes réfractent les
signes, les objets, les manifestations de
la révolution industrielle. La machine
devient le grand mythe de l’époque,
tout particulièrement la machine à
vapeur. C’est une composante
fondamentale de l’imaginaire de
l’époque.
La description

La peinture de la société se veut une
description scientifique, méthodique et
objective.
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Absence d’éléments romanesques et
importance de la documentation sur les
personnages, les lieux, etc.
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Le décor (l’espace) acquiert une valeur
évocatrice et symbolique.
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Le personnage apparaît dans la somme
des impressions qu’il ressent.

Succession d’éléments perçus
visuellement; absence d’évolution
chronologique.
La narration
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Disparition du romancier derrière
l’histoire qu’il raconte (la voix de
l’auteur se veut la plus neutre
possible).
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Restriction de champ ; l’action,
l’espace, le temps, les personnages,
etc. sont perçus à travers le regard d’un
personnage d’un récit, qui remplit la
fonction de relais de l’information (le
savant , le médecin, le prêtre, le
nouveau venu, le voyeur, l’espion, le
technicien, etc.).
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Le style indirect libre (monologue
intérieur) : modalité du discours qui
rapporte des paroles, des pensées, mais
sans toujours les signaler comme
éléments du discours ; absence
d’indices précis quant à l’énonciation
(deux-points, guillemets, incises).

Multiplicité des points de vue : le point
de vue est délégué à un personnage
important ; action et décor vus à
travers le regard des personnages
(progressivement).
Le personnage
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Contestation de la notion
traditionnelle de héros (absence de
héros) : tout homme, toute femme
normale, banale, médiocre peut
devenir un « héros » ou un
personnage principal ; tous les
personnages sont sur un même
plan.

Le personnage n’est pas donné
définitivement ni clairement ; il est
construit progressivement ; il se
dissout dans le milieu dans lequel
il est immergé.
L’action
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L’intrigue s’efface au profit de tranche
de vie, de fragments, d’instantanés, de
pages d’existence, de récit d’un fait
unique ; aucun souci de nouer les fils
complexes d’une intrigue principale et
d’intrigues secondaires (sauf pour Zola
qui multiplie les petites intrigues).
Le rythme de l’action est plutôt lent en
raison des nombreuses descriptions.
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À la limite, succession de courts
chapitres formant chacun un tout,
comme un tableau détaché (voir Le
Grand cahier).
La multiplicité des petits faits vrais
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Donner au récit un air d’authenticité.
Noms propres des personnages.
Noms de lieux réels (ville, pays, rue,
etc.).
Référence à des lieux, des paysages,
une géographie connus du lecteur.
La langue
 Écriture de la sensation : «Au
moment où l’impressionnisme se
développe en peinture, les
écrivains donnent eux aussi la
primeur à la sensation sur
l’analyse, comme moyen
d’approche du réel» (Colette
Becker).
 Les figures de style : Parataxes,
comparaisons, métaphores,
périphrases, métonymies,
synecdoques, hyperboles, etc.
 Le champ lexical ; sciences,
médecine, technologie, sociologie,
etc.
 Intellectuel engagé, grand
polémiste, écrivain et sociologue,
Émile Zola est un observateur
attentif des travers de la société de
l'époque. Épris de justice sociale,
il dénonce âprement l'hypocrisie
des milieux bien-pensants, les
intrigues de la bourgeoisie, la
corruption politique et devient l'un
des plus ardents défenseurs des
classes ouvrières.
 Pour Zola, à l’observation sur les
faits de la nature succède
l’expérimentation du mécanisme
des faits.
 Le roman comme arme politique
et sociale : en 1871, il entame le
cycle des «Rougon-Macquart»,
l'histoire d'une famille sous le
Second Empire, qui s'échelonnera
sur 20 volumes (1871 à 1893).
Passion, misère, révolte sont au
cœur de ses romans.

Zola croit pouvoir établir le
déterminisme absolu des phénomènes
humains et manifeste sa confiance
dans la compréhension future, grâce à
la science, de la « machine humaine »
produite par les influences conjuguées
de l'hérédité et du milieu.

Même si le terme de naturalisme
apparaît avant lui, c'est Zola qui en
définit véritablement les lois et les
enjeux. Plusieurs textes : articles de
1865-1866 recueillis dans Mes Haines
et Mon salon, ses romans manifestes
(L'Assommoir, Nana, 76 et 79) mais
surtout en 1880 Le Roman
expérimental où il expose sa théorie du
roman.
Conception et réalisation :
Jocelyn Gilbert