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La place des prescriptions dans la
programmation de l’enseignement
IFE
19 mars 2014
Professionnalité
enseignante
en LP
Nicole Bouin
Enseignante en LP et formatrice
Respect des prescriptions et liberté pédagogique
Progression
Ouvrier d’enseignement ou ingénieur de la formation ?
Comment l’enseignant peut-il respecter la mission qui lui est confiée
tout en assumant sa responsabilité de concepteur de la formation
sur le terrain ?
Quelle marge de manœuvre par rapport aux ordonnances
ministérielles et rectorales lui permet de conserver une part
d’autonomie et de faire jouer sa créativité pour ne pas s’ennuyer
dans une fonction de simple exécutant ?
Comment éclairer et nourrir les capacités de discernement des
enseignants qui vont décliner les programmes avec souplesse, dans
le respect de l’esprit des textes officiels ?
Une problématique moins soft :
« Faire le programme ou faire son métier ? »
« L’action de planifier est soit rigide et triviale,
« appliquer les instructions », soit flexible et
d’une indéniable complexité, « hiérarchisez les
objectifs et régulez les progressions ». »
Olivier Maulini 2013
Programme, référentiel et curriculum
•
La prescription = une injonction de faire émise par une autorité, procédures ou consignes
écrites. De plus en plus les ergonomes appellent aussi prescription, toutes les autres
indications fournies par le milieu professionnel ou non, et même les auto-prescriptions.
•
Le programme = liste de thèmes, de connaissances, ensemble de savoirs comme une fin en
soi et non comme une ressource pour agir, peu de savoir faire ou savoir être associés.
•
Le référentiel = cahier des charges des performances attendues en fin de formation.
Fondé sur les pratiques professionnelles de référence il décline la transposition didactique
en plan de formation. Il articule les compétences comportementales et les notions. Il est
pragmatique et ponctuel, dans le domaine professionnel et social.
•
Le curriculum = Plan d’action pédagogique global à long terme, projet d’enseignement
raisonné et complet du cursus de l’élève. Son étendue est plus vaste que celle du programme
d’enseignement qu’il inclut. Il comprend les contenus à enseigner, les visées éducatives, la
progression, l’organisation, les situations d’apprentissage et d’enseignement, les méthodes
pédagogiques, les activités, les moyens et les modalités d’évaluation des compétences visées.
On distingue le curriculum prescrit, mis en œuvre, effectué ou acquis, le curriculum évalué ou
validé et le curriculum caché ou implicite.
•
La progression = outil de gestion du temps et de la classe représentant l’organisation
prévisionnelles d’activités, le déroulement séquentiel et le suivi du programme (François
Muller). C’est la répartition du programme dans le temps, la distribution des objets
d’étude sur l’année. Elle est constamment régulée.
Charte des programmes de février 1992
« Le programme est un texte réglementaire publié au
B.O. : c’est le texte officiel qui sert de référence
nationale pour fonder dans chaque discipline, à chaque
niveau, le « contrat d’enseignement », c’est-à-dire le
cadre à l’intérieur duquel chaque enseignant ou
l’équipe pédagogique font les choix pédagogiques
adaptés aux élèves dont ils ont la responsabilité. Il a
par ailleurs fonction d’établir une clarification entre
les différents niveaux du système éducatif et de
définir les compétences que les élèves doivent
acquérir. »
Compétences et capacités
• Compétences = Maîtrise globale d’une situation sollicitant une
reconfiguration de savoirs et de capacités auxquelles
s’ajoutent des connaissances, l’expérience, les affects et
l’émotion. Il s’agit donc d’un savoir agir ou un savoir en acte
réfléchi mettant en synergie savoirs, habiletés, informations,
attitude, postures, valeurs et composantes de l’identité et de la
personnalité.
Les compétences sont évaluées par des performances qui
permettent de vérifier que le candidat sait mobiliser et
combiner les ressources pertinentes en temps réel.
Ce qui suppose de passer d’un enseignement linéaires et
cumulatif des connaissances à une acquisition spiralaire des
compétences.
• Capacités = schèmes d’opérations mentales, connaissances et
attitudes
Deux
exemples
pour
réfléchir
Le Monde du 10 octobre 2013
Un premier exemple : le français
en baccalauréat professionnel
Le programme de 2009 comprends 5 axes :
L’introduction met en avant la visée de cet enseignement et les objectifs entre le socle
commun du collège et l’insertion professionnelle ou la poursuite d’études post-bac :
o
o
o
o
o
o
o
o
Maîtrise de l’expression orale et écrite
Identité culturelle : partage de connaissances, de valeurs, de langages
Autonomie dans la construction et la mise en perspective des connaissances
Expression des jugements et des goûts dans le respect d’autrui
Réflexion sur soi-même et le monde
Confrontation aux productions artistiques
Affirmation de ses choix
Possibilité de poursuite d’études vers enseignement supérieur
-
En enseignement général au LP le terme « programme » est conservé mais il n’a plus
rien à voir avec un syllabus qui se limiterait à des thèmes ou un sommaire.
Avant de présenter les objets d’étude, on avance ici les acquis attendus de
l’apprentissage.
On le voit ces prescriptions portent à la fois sur des compétences scolaires et sur
des attitudes en lien avec des valeurs, des compétences sociales et
psychologiques qui renvoient à des exigences extérieures au système scolaire.
o La première partie : Finalités
-
Rappelle les 4 compétences : oral, écrit, lecture, identité culturelle
A deux reprises on trouve l’expression «construction/affirmation de l’identité culturelle »
qui, au-delà de la culture générale évoque la construction de la personnalité des adolescents
mais aussi la spécificité de la culture française et européenne… La dimension politique est ici
implicite mais prégnante. Ces indices lexicaux nous rappellent que « les contenus
d’enseignement s’inscrivent dans des contextes politiques précis » (Chervel 2010) et qu’ils
traduisent les finalités assignées au projet éducatif. Ici fondre dans une matrice commune
les différences sociales et culturelles en tablant sur les vertus intégratrices de
l’enseignement.
-
Affirme la nécessité du décloisonnement « externe » : histoire géographie, éducation à la
citoyenneté, philosophie, langues, arts appliqués…
Notons qu’en LP le décloisonnement est favorisé par la polyvalence et les projets techniques.
- Situe les textes littéraires comme médiation permettant une approche de soi et du monde
La littérature n’est pas considérée comme un objet en soi mais comme un moyen pour le
jeune de se connaître et de construire sa relation aux autres et au monde. Ce qui
représente un glissement non négligeable dans les visées et la didactique de la discipline. Il
ne s’agit plus seulement de réussir sa scolarité mais son insertion sociale et professionnelle,
sa vie. Il ne s’agit plus seulement de se construire une culture mais de se construire à
travers la culture.
o La deuxième partie : Démarches
- Prescrit 3 objets d’étude au programme chaque année
- Affirme la nécessité absolue du décloisonnement « interne » :
la maîtrise de la langue orale et écrite, les compétences de
lecture, la construction de l’identité culturelle
- Fournit des exemples d’activités pour chacune des compétences :
oral, écriture, langue, arts et TIC
Faut-il s’amuser que le décloisonnement prescrit impérativement
dans l’enseignement ne soit pas respecté dans la présentation du
référentiel « pour la clarté de la présentation » ? Cela devrait
interroger les concepteurs de référentiel.
Cela pose en fait la très intéressante question des injonctions réitérées, d’autant plus
souvent rappelées qu’elles suscitent une résistance de longue durée et qu’elles passent
mal dans la pratique.
Le décloisonnement interne à la discipline est à l’origine de l’émergence de la séquence.
Bertrand Daunay*, professeur de didactique du français, montre que cette notion
remonte au moins à 1938, l’expression apparaissant quant à elle en 1977. Pourtant elle
s’impose difficilement dans les pratiques.
Pour le corps d’inspection la résistance à appliquer strictement cette injonction, en
particulier pour l’étude de la langue, est souvent interprétée comme un réflexe
d’autodéfense réactionnaire, un conservatisme révélateur d’incompétence ou un acte
d’insubordination, une inertie par paresse.
Et si, se demande le didacticien « l’étude de la langue et l’étude des textes littéraires
(nécessitaient) une approche qui convoque des pratiques langagières spécifiques » et si
le « décloisonnement (empêchait) un apprentissage des dispositions et des procédures
cognitives nécessaires à l’objectivation de la langue » ? Pierre Lévêque estime aussi
« qu’intégrer l’enseignement de la langue entraîne des risques de dispersion, de
fragmentation du savoir ». Cela explique pour lui le dépérissement de cet enseignement
en LP faute de parvenir à respecter les injonctions.
Une résistance aussi persistante mériterait en tous cas d’être interrogée avant d’être
condamnée.
Dans le même ordre d’idées, l’individualisation de l’enseignement qui est déjà évoquée en
1920. Ce n’est pas par manque d’intérêt pour les préconisations récurrentes que les
enseignants peinent à les mettre en œuvre mais parce qu’elles posent problème dans la
réalité du terrain. C’est à ces difficultés qu’il faudrait s’attaquer, pas aux enseignants.
On pourrait se dire que si les problèmes perdurent c’est parce qu’ils sont mal
posés.
o La quatrième partie : Contenus et mise en oeuvre
- Fait le point sur :
- les injonctions incontournables : objets d’études,
compétences
- et ce qui relève de la liberté pédagogique de l’enseignant :
l’ordre dans lequel on aborde les objets d’étude, le nombre
de séquences (à condition qu’elles n’excèdent pas six
semaines chacune)
- Nourrit chaque objet d’étude de 3 problématiques.
- On voit que le cadrage est strict et la marge de
manœuvre étroite puisque la responsabilité de la
problématisation n’est pas laissée à l’enseignant.
o La quatrième partie : Organisation de l’enseignement
- Met en relation pour chaque objet d’étude :
- Les capacités à développer
- Les connaissances à acquérir
- Les attitudes à susciter
On note que ce programme ne précise pas les supports, les
œuvres à aborder, mais il est complété de nombreux
documents d’accompagnement :
- Pour lire correctement le programme de 2009
- pour chaque compétence
- et chaque objet d’étude.
Le document « présentation des programmes »
•
Reformule le programme de mai 2009 en octobre 2010
•
Insiste sur la liberté pédagogique de l’enseignant
•
Le précise sur certains points :
objets d’étude, des œuvres, des activités…
–
–
–
–
–
Opte pour un parcours dans une œuvre longue plutôt que pour des œuvres courtes
Impose l’étude d’œuvres intégrales, de corpus,interdit le texte seul
Explique la possibilité de faire alterner des séances majeures de 6 semaines et
mineures de 3 semaines ou de croiser deux objets d’étude
Souligne la logique des 3 problématiques : représentations des élèves, traitement
littéraire de la question, élargissement culturel et réflexion, tout en indiquant que
l’enseignant peut les prendre dans l’ordre qu’il souhaite, voire de front
Insiste sur l’esprit du nouveau programme :
•
•
–
: choix de l’ordre des
Pas de « cours sur » mais des mises en activités qui permettent la construction de la
réflexion, il y a cependant une liste de connaissances à acquérir impérativement
Pas d’enseignement de notions pour elles-mêmes mais on fournit des notions pour outiller la
lecture
Rappelle les enjeux des compétences linguistiques au service d’une métacompétence :
les rendre apte à participer au monde professionnel, à la société française,
européenne, mondiale. En d’autres termes « Maîtriser les outils d’une citoyenneté du
XXIe siècle.
On le voit la tension entre prescriptions strictes et liberté
d’interprétation est grande.
Le professeur est libre de choisir les œuvres mais pas d’étudier une
nouvelle ou un texte isolé.
Se pose ici la question des modes subies par les enseignants ou des
injonctions fluctuantes chaque fois présentées comme la seule
vérité acceptable excluant toute flexibilité, comme un dogme :
-
La dictée obligatoire, interdite (alors même qu’elle reste présente à l’examen final du DNB),
tolérée, revisitée…
Les oeuvres intégrales longues, nouvelles, parcours dans l’oeuvre…
Les progressions thématique, chronologique, par types de textes…
Les théories linguistiques d’analyse du discours plus ou moins adaptables à
l’enseignement comme l’opposition récit/discours par exemple.
Classiques littéraires, œuvres contemporaines, textes non littéraires,
littérature de jeunesse…
Nombre de documents par séance
…
Il ne s’agit pas de refuser les apports de la
recherche à l’enseignement, loin de là, mais
seulement de reconnaître la pluralité des
positions des chercheurs et la dimension
théorique, relative et provisoire, voire
arbitraire, de ces études qui pourront être
remises en cause par de nouvelles recherches.
Les documents d’accompagnement
Où l’on passe de l’injonction à la ressource :
Le principe de liberté pédagogique
En application de la loi n°2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme
pour l'avenir de l'École, «la liberté pédagogique de l'enseignant s'exerce dans le
respect des programmes et des instructions du ministre chargé de l'Éducation
nationale et dans le cadre du projet d'école ou d'établissement avec le conseil et
sous le contrôle des membres des corps d'inspection».
Les programmes sont, en conséquence, la seule référence réglementaire
adressée aux professeurs. Les ressources et documents proposés aux
enseignants garantissent ce principe, il revient à chaque enseignant de
s'approprier les programmes dont il a la charge, d'organiser le travail de ses élèves
et de choisir les méthodes qui lui semblent les plus adaptées en fonction des
objectifs à atteindre.
Les ressources pour faire la classe proposées par la DGESCO ne sont que
des appuis à la libre disposition des professeurs.
Pour chacun des 9 objets d’étude les ressources fournissent :
•
•
•
•
•
Des perspectives, en fait une introduction sous forme de problématique
globale
L’explication des 3 problématiques imposées
Une bibliographie, sitographie, filmographie indicatives
Des exemples d’activités
Des exemples de validation des attitudes, d’évaluation formative, des
pistes de séquences à dominante lecture intégrale, lecture de corpus,
écriture.
La contrainte étant source de créativité que
reste-t-il à faire à l’enseignant ?
Reconception, coconception ou conformation ?
Adapter le programme
et le niveau d’exigence institutionnel
• À la classe
(degré d’hétérogénéité, milieu, intérêts, envies, prérequis &
préacquis, orientation souhaitée, style d’apprentissage…)
• Aux projets de l’équipe pédagogique
• A la filière (industrielle, tertiaire… et aux spécialités)
• Aux opportunités locales (spectacles, expositions, visites,
sortie d’un film…)
• A la culture d’établissement
(aides didactiques disponibles,
structures d’encadrement du travail personnel (en internat par exemple),
trimestre/semestre/stages, café philo, semaine des arts, voyages scolaires,
dédoublements…)
• Aux compétences et goûts de l’enseignant à
ses valeurs et croyances pédagogiques
Construire la progression
Choisir, doser, organiser
•
•
•
•
•
Décider de prendre un manuel ou pas
Construire sa progression seul ou en équipe
Hiérarchiser les priorités : doser risque et sécurité
Choisir les œuvres majeures de l’année, textes, films, supports, sites
Organiser les objets d’étude et les séquences sur l’année scolaire
« La progression est bien la combinaison complexe d’invariants
programmatiques, mais de variantes contextuelles, professionnelles
et personnelles. » François Muller
En fait il s’agit de concilier prescriptions ministérielles,
envies des élèves, intérêts du prof et contraintes de la
préparation à l’examen à la poursuite d’études.
« Travailler c’est mettre en débat une diversité de
sources de prescription, établir des priorités, trier
entre elles, et parfois ne pas pouvoir les satisfaire
toutes tout le temps. »
(Schwartz 2000)
Prenons un exemple concret, le professeur de français se trouve face à une
classe de 1ère professionnelle industrielle peu intéressée par la matière
et manquant de vocabulaire et de bases dans sa discipline.
Il lit la problématique qu’il doit les amener à traiter :
« Comment l’imaginaire joue-t-il avec les moyens du langage, à l’opposé de
sa fonction utilitaire ou référentielle ? »
Il va forcément devoir confronter cette prescription ambitieuse à ce que
ses élèves peuvent comprendre et supporter puis imaginer un détour
pour les amener à ce point de la réflexion.
La prescription ne prend un sens que confrontée à l’activité sur le terrain.
C’est pourquoi les enseignants aimeraient bien ne pas être évalués à la
seule aune de la conformité au référentiel mais aussi sur leur capacité à
s’adapter à des situations réelles. Tout en restant dans le cadre
normatif de la prescription bien sûr.
Monter une séquence
Respectés
• L’objets d’étude et les
problématiques
Non respectés
• La durée,
il s’agit en
effet d’un cours d’introduction
présentant la problématique globale
de l’année, rappelant aux jeunes les
règles de travail en groupe et
reprenant les techniques de base et
les notions acquises l’année
précédente comme les genres de
textes.
• Les notions à transmettre
• Le décloisonnement intradisciplinaire presque
• Les modes d’évaluations
préparant à la certification
de fin d’année
L’esprit et la lettre
•
Cette séquence installe ou rappelle
un des objectifs majeurs de
l’enseignement de la discipline, la
capacité à distinguer les niveaux de
lecture quel que soit le support.
•
La séance 1 introduit, à partir d’un
court métrage, la problématique
annuelle et les objets d’étude de
français, d’histoire, de géographie
et d’éducation civique.
Un exemple en histoire
Question de la marge de
manœuvre
Le thème d’étude est
obligatoire mais l’enseignant
choisit entre 3 développements
illustratifs possibles.
On constate que les sujets
d’étude poursuivent trois
finalités : identitaire,
intellectuelle et civique.
Un exemple en histoire géographie
Choix
Le professeur qui connaît bien ses élèves
repère vite ce qui va faire problème dans
la réponse à la prescription et il va
concevoir une stratégie pour faire face à
la difficulté, penser l’articulation entre
démarches et contenus.
On peut constater que ce document
de deux pages comprend moins de
10% de programme et plus de 90%
de « cours d’histoire » pour le
professeur afin qu’il aborde ce
thème comme les concepteurs
(anonymes) du programme le
souhaitent, en adoptant le modèle
retenu et peut-être aussi pour lui
rappeler des notions de base et
l’inciter à faire des révisions à
partir de la bibliographie.
Le texte ne semble pas trancher
entre l’approche chronologique et
l’approche thématique.
L’enseignants s’approprie les instructions
officielles avant de se livrer à une activité de
re-conception. « L’écart entre le prescrit et le
réalisé n’est pas vide. Il est plein d’une
activité professionnelle saturée par des
dimensions collectives et une forte
mobilisation individuelle. C’est dans cet écart
que les professeurs conçoivent des outils, des
dispositifs nouveaux. (…) le professeur qui va
devenir « l’exécutant » de sa propre
conception »
René Amigues – Equipe ERGAPE « Le travail enseignant :
prescriptions et dimensions collectives de l’activité »
Du programme à sa mise en oeuvre
•
Sujet d’étude obligatoire
•
•
Pas de problématique proposée
•
Problématique choisie : Mais qu’est-ce qui
•
Choix de Carmaux
•
3 situations au choix
Ce qui complique le sujet du diplôme
national
•
•
Orientations et mots clés :
–
–
–
–
–
évolution de 1830 à la fin des 30 Glorieuses
Sociabilité et culture ouvrière
Conscience de classe à travers les luttes
Grève, syndicalisme, partis
Processus d’intégration républicaine
Evaluation pas abordée ici
•
•
Placé en début d’année
de la rentrée à la Toussaint (LP industriel de
garçons)
fait évoluer la condition ouvrière depuis le XIXe
siècle ?
comme sujet le plus à
même d’aider les élèves à comprendre les notions
complexes imposées et le processus de formation
de la classe ouvrière, à réviser la chronologie et
caractériser un personnage historique : Jean
Jaurès
Choix des modalités pédagogiques
qui vont permettre aux élèves de s’approprier
techniques, capacités et notions prescrites :
l’organisation des séances : temps d’exposition,
exercices à visée d’imitation, résolution de
problème, jeu sérieux, projet, détour, jeu de
rôles, recherche documentaire, débat, réalisation
d’un support, travail collectif, individuel, en
binômes ou en sous-groupes…
Les évaluations conçues par les
enseignants sont le plus souvent
calquées sur les annales
d’examens.
L’apprentissage, le grand absent
des prescriptions officielles
A aucun moment les programmes et les documents d’accompagnement n’abordent la
question des apprentissages. La façon de provoquer chez l’élève la compréhension
ou l’appropriation des techniques, des notions, de développer les capacités n’est
jamais évoquée. Les moyens d’aider les élèves à trouver leurs propres stratégies
d’apprentissage sachant qu’ils devront toute leur vie construire de nouveaux
savoirs par eux-mêmes. On nous dit quoi faire mais pas comment faire. On
rappelle que « apprendre à apprendre » est la seule compétence européenne qui
n’a pas été reprise dans le socle commun. Cette dimension est pratiquement
absente des programmes.
François Daniellou évoque « une prescription infinie des objectifs et une sousprescription totale des moyens pour les atteindre. »
Philippe Perrenoud : « aucune conceptualisation partagée de la manière dont les
savoirs se construisent dans l’esprit des élèves ».
Roger-François Gauthier : « plus tournés vers un idéal d’enseignement que vers une
effectivité d’apprentissage, et ne se prononçant ni sur l’outillage matériel
nécessaire, ni sur les questions d’évaluation, ni sur le niveau d’atteinte attendu
des élèves. »
Ce qui est justifié parce que c’est le cœur de métier de
l’enseignant qui doit avoir été sensibilisé à la
didactisation en formation initiale et qui doit
continuer à s’y entraîner durant toute sa carrière par
la formation continue. Une formation continue qui ne
se limiterait pas à la présentation des changements de
programmes ou la mise à jour des contenus. Une
formation continue qui comprendrait le travail en
équipe dans l’établissement ou inter-établissements
dans des groupes de recherche-action, la lecture
d’ouvrages et de revues, la participation à des
stages...
De la professionnalisation
enseignante !
• Tout se passe comme si le programme répondait au
quoi et pourquoi et que le comment revenait aux
enseignants.
• La prescription ne dit pas tout. La recherche
d’efficacité amène l’enseignant à faire ce que la
prescription ne dit pas, à faire plus que ce qu’elle
demande pour donner priorité à la loyauté envers les
élèves.
• En restant dans l’esprit et en respectant les
intentions on refuse une logique applicationniste du
programme qui infantilise l’enseignant.
Par exemple, le BO indique 5 capacités à développer pour se repérer
dans le temps mais c’est au professeur de décider de la démarche.
•
Un processus didactique possible : faire construire par les élèves une
frise chronologique thématique ce qui suppose :
– Le choix d’une échelle qui amène à se poser la question ça va de
quand à quand en fonction du titre et pourquoi ?
– La hiérarchisation de faits parmi ceux qui sont cités dans la
séquence
– La distinction entre faits ponctuels (flèches) et durée (couleur de la
bande)
– L’utilisation d’une légende qui distingue les actions ouvrières, les
prises de position des intellectuels et les avancées sociales. Ce qui
est aussi une façon de répondre à la problématique choisie par
l’enseignant :
« Mais qu’est-ce qui fait avancer la condition ouvrière ? »
– Reste encore à opérationnaliser l’activité, décider du degré
d’accompagnement et d’autonomie des élèves, construire une séance
dans laquelle chaque élève va disposer de la guidance dont il a
besoin, s’assurer qu’ils ne vont pas confondre la tâche et l’exercice
intellectuel qui consiste à mettre en lien des événements pour leur
donner du sens, c’est-à-dire qu’ils fassent bien le lien entre ce qu’ils
représentent sur la frise et ce que cela signifie sur le plan
historique. Que l’exercice leur permette de nourrir la problématique
proposée.
• Par exemple, le BO indique : « On présente la formation d’une
conscience de classe à travers les luttes sociales et politiques ».
• Quelle activité proposer aux élèves pour qu’ils s’approprient
cette notion difficile à approcher pour eux et non qu’ils se
contentent d’apprendre par cœur une définition fournie.
• Un processus didactique possible : quelques extraits de films à
partir desquels on va amener progressivement les élèves à
exprimer un ressenti, à le rationaliser, à cerner la notion.
–
–
–
–
Un extrait du film de Laurent Cantet « Ressources humaines » dans lequel un fils ingénieur reproche
en mai 68 à son père d’avoir honte de sa condition d’ouvrier
Le documentaire « 3 classes sociales au Creusot » dans lequel on voit successivement l’instituteur,
l’ouvrier et le patron parler des forges
Un reportage sur des ouvriers des forges d’Audincourt qui parlent de leur métier et de leur vie
Une interview d’un syndicaliste de l’industrie automobile qui regrette en 1998 qu’on attribue le mérite
de mai 68 aux seuls étudiants
• Reste encore à opérationnaliser l’activité, comment amener les
élève peu à peu à ne pas en rester à la lecture de ces documents
au premier degré, à interpréter ce qu’ils voient en lien avec le
cours, à sélectionner les informations utiles pour répondre à la
question posée par le professeur : qu’est-ce que la conscience de
classe ? Et surtout à verbaliser en conclusion la façon dont ils s’y
sont pris pour favoriser le transfert dans une autre situation,
voire une autre discipline.
Schéma illustrant le désordre du réel ou
les implications complexes de la question
Pour moi, articuler judicieusement respect des
directives et autonomie professionnelle suppose :
•
•
•
•
Une formation initiale et continue robuste
Le travail en équipe des enseignants et l’analyse des pratiques, l’activité
collective doit contribuer à établir le rapport entre le prescrit et le réalisé.
Un mode de gouvernance qui s’attache davantage à l’esprit qu’à la lettre et qui
reconnaisse aux enseignants une expertise de terrain, surtout lorsqu’ils sont
formés et expérimentés. La prescription pourrait prendre la forme d’un
questionnement professionnel plutôt que celle d’une injonction directe à l’action,
et rester ouverte à la créativité pédagogique.
Le corps enseignant davantage associé à l’élaboration de programmes moins
internes aux cadres disciplinaires et moins chargés.
Un programme n’est enseignable
que si la profession s’en empare :
« Rendons aux professeurs ce qui
appartient aux programmes ».
Des programmes qui aident les enseignants ? Charlotte Vanhalme – Enseignante belge
Comment éduquer les jeunes à la responsabilité sans assumer
nous-mêmes la responsabilité de notre enseignement ?
Je vous remercie de votre attention
IFE
19 mars 2014
Professionnalité
Enseignante
En LP
Nicole Bouin
[email protected]