CNAF IN FO N° 59

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N° 59 - Juin 2014
CNAF INFO
LES CONSÉQUENCES DU CHANGEMENT DE DÉLAI DE
REPRISE DE L’ADMINISTRATION DE 10 ANS Á 6 ANS EN
MATIÈRE DE SUCCESSION
La prescription fiscale, ou le délai de reprise, est la durée pendant laquelle l’administration peut exercer son
contrôle et demander le paiement des impositions au contribuable (art L 168 du LPF).
En matière d’enregistrement, deux délais sont applicables :
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le délai de prescription court, de 3 ans, applicable à compter de l’enregistrement de l’acte ou de la
déclaration, à condition que l’exigibilité des droits y soit suffisamment révélée (Art L 180 du LPF) ;
le délai de prescription long applicable à défaut d’autre délai (art L 186 du LPF).
En 2008, le délai de prescription long de l’administration a changé. Il a été ramené de 10 ans à 6 ans.
Quelles sont les conséquences de ce changement ?
Dans l’absolu, depuis 2008, l’administration dispose de moins de temps pour contrôler les héritiers qui n’auraient
pas déposé la déclaration de succession.
Depuis 2 à 3 ans au moins, nous constatons que, de fait, l’attitude de l’administration à l’égard des dépôts tardifs
de déclaration de succession a changé. Elle se montre beaucoup moins conciliante, voire même, dans certains
cas, plutôt malintentionnée, et ce de deux manières :
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Par l’envoi de mise en demeure visant à provoquer l’application de la majoration de 40 % à l’encontre
de la succession.
Par l’incitation à faire payer aux héritiers des droits et des pénalités qui sont prescrits depuis plusieurs
mois ou plusieurs années.
1. L’envoi de mises en demeure visant à provoquer l’application de la majoration de 40 %
Depuis des années, l’administration dispose de la faculté de mettre en demeure les héritiers de déposer la
déclaration de succession, dès lors que ce dépôt n’a pas été réalisé dans le délai de 6 mois du décès.
Dans notre CNAFINFO de septembre 2012 n° 44 (voir www.cnaf.notaires.fr, rubrique CNAFINFO), nous alertions
les notaires sur les conséquences du dépôt tardif des déclarations de succession.
A cette époque, nous commencions à constater un changement d’attitude de l’administration fiscale concernant
le retard apporté par les héritiers au dépôt des déclarations de succession, par rapport à l’attitude qu’elle avait
eue auparavant dans la plupart des dossiers que nous avons eu à connaitre.
Il y a quelques années, si une déclaration de succession n’était pas déposée dans le délai de 6 mois, il n’était pas
rare que le service de l’enregistrement contacte le notaire pour connaitre les difficultés rencontrées, s’assurer
que le règlement de la succession était en cours, et il acceptait généralement de patienter quelques mois voire
quelques années pour réclamer le paiement des droits, le temps que la succession soit réglée.
L’administration avait alors 10 ans pour réclamer le paiement des droits dus sur ces successions. Si des mises en
demeure pouvaient être envoyées dans certains dossiers, c’était de manière occasionnelle, lorsque le règlement
de la succession durait déjà depuis 4 ans, 5 ans ou plus et, généralement, après l’envoi de plusieurs demandes de
dépôt, non contraignantes, restées sans réponse.
Depuis 2008, l’administration n’a plus que jusqu’au 31 décembre de la 6 ème année suivant le décès pour réclamer le paiement
des droits aux héritiers. Elle a donc un peu moins de temps qu’auparavant pour agir, mais elle conserve néanmoins un délai
plutôt confortable pour engager une procédure à l’encontre des héritiers.
En principe, l’administration ne peut envoyer de mise en demeure avant l’expiration d’un délai de 12 mois suivant le décès.
En théorie, à partir du 1er jour du 13ème mois, les héritiers s’exposent à :
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L’application automatique de la majoration de 10 % ;
L’augmentation du taux de 10 % à 40 % de cette pénalité, en cas d’envoi d’une mise en demeure de déposer la
déclaration de succession qui ne serait pas suivie du dépôt dans les 90 jours.
Ces derniers temps, nous constatons que le délai d’envoi des mises en demeure s’est considérablement raccourci et qu’il est
assez fréquemment réalisé dans les 13 à 24 mois qui suivent le décès.
En tout état de cause, on peut raisonnablement douter du fait que l’objectif de cette démarche soit de favoriser un dépôt
plus rapide des déclarations de succession qui, dans les faits, sont toujours soumises aux mêmes difficultés (héritiers inconnus
en tout ou partie, présence de majeurs protégés ou de mineurs, problèmes d’évaluation, liquidités non disponibles dans la
succession, etc.).
En réalité, c’est bien la provocation de l’application d’une pénalité de 40 %, en toute légalité, qui semble recherchée.
En effet, une fois la majoration « acquise » dans son principe, du fait du non dépôt avéré d’une déclaration dans les 90 jours
de la mise en demeure, l’administration ne bouge plus et elle attend patiemment, plusieurs mois voire plusieurs années, que
le notaire arrive à régler la succession.
Par ailleurs, on a pu constater, dans des successions à très forts enjeux financiers, que l’administration n’a pas hésité à
adresser une mise en demeure dès le 1er jour du 13ème mois suivant le décès, alors même que la totalité des droits (de plusieurs
centaines de milliers d’euros ou de plusieurs millions d’euros) avait été versée par un acompte dans les 6 mois du décès.
Or, contrairement à la majoration de 10 %, le calcul de la majoration de 40 % ne tient pas compte, en principe, des acomptes
versés dans le délai de 12 mois suivant le décès.
En d’autres termes, même si la totalité des droits a été versée dans le délai de 6 mois suivant le décès, l’administration
peut réclamer le paiement de 40 % supplémentaires aux héritiers, si elle leur a notifié une mise en demeure régulière (sur
cette question voir CNAFINFO n° 44).
En pratique, à ce jour, la difficulté réside dans le fait que le notaire n’est pas le destinataire de la mise en demeure et qu’il
peut ne pas en être informé par les héritiers. Dans ce cas, ce n’est qu’au moment du règlement final de la succession qu’il
découvrira l’étendue des sanctions applicables.
Parfois cependant, le notaire a pu être informé de la notification d’une telle mise en demeure aux héritiers mais, pour
différentes raisons, il ne leur a pas fait réaliser de dépôt de déclaration dans les 90 jours suivants. Dans certaines situations,
des solutions existent pour tenter d’éviter la sanction extrêmement préjudiciable de la majoration de 40 % (cf. CNAFINFO
n° 44).
En conclusion, dans le contexte actuel, il est indispensable pour le notaire d’informer par écrit les héritiers des pénalités
applicables pour dépôt tardif d’une déclaration de succession et, notamment, du risque d’envoi d’une mise en demeure et
des conséquences qui en découlent.
2. L’incitation au paiement de droits prescrits
Comme nous l’avons vu, la prescription fiscale, ou délai de reprise, est la durée pendant laquelle l’administration peut exercer
son contrôle et demander le paiement des impositions.
A l’expiration de ce délai, la dette fiscale ne « disparait » pas. Elle existe toujours mais l’administration n’a plus la possibilité
d’en réclamer le paiement.
Par contre, si un héritier procède au paiement spontané de droits prescrits, il ne pourra pas en demander le remboursement
par la suite.
S’agissant du changement de délai de 10 ans à 6 ans (art L 186 du LPF), nous nous sommes rendu compte que, en pratique,
il n’est pas encore bien intégré dans son principe.
Par ailleurs, ses modalités d’application ne sont pas simples, ce dont l’administration peut chercher à tirer profit dans certains
dossiers. En effet, le nouveau délai ne concerne pas, simplement, les actes ou les décès survenus à compter de 2008.
En réalité, le délai de prescription de 6 ans s’applique pour les procédures engagées à partir du 1er juin 2008. La date de
l’acte ou du décès n’a aucune importance.
Le délai de 10 ans reste donc en vigueur pour les procédures engagées avant le 1 er juin 2008 :
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soit par l’envoi d’une mise en demeure,
soit par l’envoi d’une proposition de rectification.
Exemple : Dans le cas d’un décès survenu le 15 juin 2006
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si la mise en demeure a été envoyée le 2 février 2008, le délai de prescription sera de 10 ans et expirera le
15 juin 2016 (décompte de date à date de l’ancien délai). A ce jour, les droits et pénalités seront donc encore dus.

si l’envoi de la mise en demeure a eu lieu le 2 juin 2008, le délai de prescription sera de 6 ans et il aura expiré au
31 décembre 2012. A ce jour, aucun droit ni pénalité ne sera dû.
Dans certains dossiers qui nous ont été récemment confiés, l’administration n’a pas hésité à inciter les héritiers à payer des
droits et des pénalités, pour plusieurs centaines de milliers d’euros, qui étaient prescrits depuis plusieurs années.
Par conséquent, les notaires doivent être particulièrement vigilants sur la question de la prescription applicable aux décès
qui sont survenus pendant une certaine période que l’on peut déterminer de la manière suivante :
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décès les « moins anciens » encore concernés par la prescription de 10 ans
Les dernières mises en demeure impliquant l’application d’un délai de 10 ans sont celles qui ont été envoyées jusqu’au
31 mai 2008 (avant le 1er juin 2008).
Nous avons vu plus haut qu’une mise en demeure ne peut être régulièrement envoyée qu’à partir du 1 er jour du
13ème mois qui suit le décès. Les dernières mises en demeure impliquant un délai de 10 ans concernent donc les décès
survenus au plus tard le 30 avril 2007.
Exemple : Un décès est survenu le 4 avril 2007. Une mise en demeure régulière a été envoyée le
15 mai 2008. Le délai de prescription expirera le 4 avril 2017
Pour les décès survenus depuis le 1er mai 2007, c’est nécessairement la prescription de 6 ans qui s’applique.
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décès les « plus anciens » encore concernés par la prescription de 10 ans
S’agissant des décès les plus anciens qui peuvent être concernés par la prescription de 10 ans, il suffit de remonter 10 ans
en arrière.
Exemple : Au 15 juin 2014, ce sont les décès survenus le 15 juin 2004 qui, s’ils se trouvaient soumis au
délai de reprise de 10 ans, se prescrivent. Et ainsi de suite à chaque jour qui va suivre (16 juin 2014
expiration du délai de reprise contre les décès du 16 juin 2004, 17 juin 2014 expiration du délai de reprise
contre les décès du 17 juin 2004 etc.) jusqu’aux décès du 30 avril 2007
A ce jour précis du 17 juin 2014, ce sont donc tous les décès compris entre le 16 juin 2004 et le 30 avril 2007 qui peuvent être
concernés par le délai de 10 ans.
Pour tous ces décès, il conviendra de vérifier si une proposition de rectification ou une mise en demeure a été envoyée ou pas
avant le 1er juin 2008.
En cas de doute sur le délai applicable, il convient, soit d’attendre l’expiration du délai le plus long, si l’on ne souhaite pas
attirer l’attention de l’administration, soit de demander à l’administration confirmation qu’il n’existe aucune mise en demeure
contre cette succession ce qui est tout à fait possible car, comme nous l’avons vu plus haut, à l’époque de ces décès (2004 à
2007), l’administration était beaucoup plus conciliante et les mises en demeure étaient loin d’être systématiques.
Pour terminer, il convient de préciser que la vigilance des notaires devra perdurer jusqu’au 30 avril 2017, date ultime
d’expiration des derniers délais de 10 ans.
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