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Résultats d’une étude de psychodynamique du
travail en milieu scolaire
Marie-France Maranda, Lucie Héon, Simon Viviers et Jean-Simon
Deslauriers
Centre de recherche et d’intervention
sur l'éducation et la vie au travail (CRIEVAT)
Faculté des sciences de l’éducation
Université Laval, Québec.
Présentation dans le cadre d’un «Rendez-Vous du CRIEVAT»
14 avril 2011
www.fse.ulaval.ca/crievat
+
Objectif de la communication
Documenter
la nature des situations de travail
difficiles ou à risque du côté de la santé mentale
au travail du personnel scolaire.
Organisation
du travail
Stratégies défensives individuelles et collectives
Exploration de pistes d’action
+
Finalités de la recherche*
Reconnaître, corriger et prévenir les
problèmes de santé mentale au travail du
personnel scolaire (détresse, épuisement
professionnel, dépression, etc.)
Accompagner les acteurs dans une
intelligibilité des situations et traduire cette
délibération en un Plan d’action en santé et
sécurité du travail dans un objectif de
prévention primaire (à la source).
* Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et sécurité du travail (IRSST)
+
Quelques indicateurs significatifs
Stress,
détresse et épuisement = la recension des
écrits révèle des taux de prévalence variables, mais
préoccupants (de 20% à 60%)
Congés
d’invalidité long terme = 50% reliés à la
santé psychologique, au Québec (FCSQ).
Précarité
d’emploi = 48,6% du personnel des
commissions scolaires est non permanent
(enseignants 40% et soutien 60%) (MELS)
«Décrochage
professionnel » = + de 20% chez les
enseignants à statut précaire, au Québec
+
Cadre théorique
La
psychodynamique du travail étudie les rapports
subjectifs et intersubjectifs des personnes en situation
de travail aux prises avec une organisation du travail
(potentiellement) pathogène (Dejours, 2008, IPDTQ,
2006). Elle s’appuie sur l’expérience des sujets pour
comprendre l’écart entre le travail prescrit et effectif.
Elle révèle ce qui se met en place pour faire face au
réel du travail.
+ Méthodologie
Clinique du travail
Objet: l’organisation du travail, le rapport au travail, les affects
(plaisir-souffrance) et les défenses.
Enquête de psychodynamique du travail:
École publique, niveau secondaire (programmes réguliers et
spécialisés), milieu socioéconomique défavorisé
Annonce à l’ensemble du personnel.
Quatre (4) groupes de participants volontaires (enseignants,
professionnels de l’éducation, directions adjointes et personnel de
soutien) (n=6 à 13 / groupe).
Entretiens : 4 groupes x 4 rencontres x 3h= cinquantaine d’heures
de propos et de discussion retranscrits. Analyses en intersubjectivité
(participants) (chercheurs-participants) (chercheurs-collectif de
chercheurs) = Quatre rapports écrits et un rapport intégré.
+ Rencontre des 4 groupes (intercompréhension) + Journée d’étude
(validation auprès de l’ensemble du personnel = 13 ateliers).
+
DIFFICILES SITUATIONS DE TRAVAIL :
TÉMOIGNAGES DE LA SOUFFRANCE
VÉCUE AU QUOTIDIEN
+
Définition de la souffrance
Entre
le bien-être « idéal » et la maladie
Espace
de lutte pour rester en santé
Souffrance
créatrice (si possibilité de faire contribuer
intelligence, expérience, ingéniosité, coopération,
etc.)
Souffrance
pathogène (si contradictions, impasses,
blocages, distorsions, empêchements)
Prenant
la forme de : stress chronique, détresse,
fatigue, usure, épuisement, etc.
+
Six situations difficiles…
Lourdeur
du travail : le poids du « trop », le poids du
« manque »
Les
pressions du temps sous le mode de
l’immédiateté et de l’urgence
La
complexité du travail et la confusion des rôles
De
la bureaucratie à la désorganisation
Non
respect et violence
Précarité
d’emploi et de travail
+Groupe: Enseignantes et enseignants
Triple mission: instruire-socialiser-qualifier devenue: socialiserinstruire-qualifier: Pourquoi ? De + en + Réel du travail : des
jeunes en détresse & problèmes « Gestion de classe » = École
réparatrice ? Travail en douce (ou en catimini) = « enseigner
quand on le peut »…
Impossibilités/intégration réelle des EHDAA, différenciation
pédagogique, et
Organisation bureaucratisée du travail et du temps (rapports) et
intériorisation des outils comptables (feuille de tâche).
Trad.: Le modèle du Maître seul dans sa classe
De + en +: Modèle Équipe dans la classe et hors classe (incluant
professionnels, direction et soutien)
Problèmes relevés: débuts d’année scolaire éreintants; directions
absentes, conduites déloyales de collègues & Précarité
accentuée et risque/ nouveaux enseignants.
+Enseignants et enseignantes, suite
Plaisir:
Et
l’amour du métier : enseigner…
« les petites réussites ».
Souffrance:
Ne pas pouvoir enseigner, être débordé-e,
dépassé-e par la gravité des « cas » des élèves, ne pas
pouvoir souscrire à la triple mission…ou au prix de sa
propre santé ou de son temps personnel.
défensives : « s’adapter » au trop (de cas) et
au manque (de ressources) en se résignant à ce que l’on
peut faire… malgré tout.
Stratégies
S’adapter » en se conformant (gestion bureaucratisée),
« s’adapter » en pensant au retrait (congés, retraite,
départs, en comptant le temps). = adaptation paralysante.
«
Groupe
:
Personnel
de
soutien
+
(éducateurs-trices spécialisés, surveillants…)
Un
travail réalisé sous le mode du collectif de travail
avec des règles de métier: l’intervention coordonnée :
«cohérence, constance, conséquence ».
Un
travail réalisé avec les jeunes et les adultes.
Un
travail précarisé par l’affaiblissement du lien
d’emploi (contractuel: temps réduit/semaine et mises à
pied) & de la polyvalence: de « l’usage » des
personnes: « toutes tâches connexes… ».
Un
travail parfois « instrumenté » par les personnes:
ma classe, ma craie, mon éducateur….
Plaisir:
Le travail auprès des jeunes, les projets tenus
avec eux, la relation d’aide.
Groupe : Personnel de soutien (éducateurs+ éducatrices spécialisés, surveillants…), suite
Souffrance: Le non-respect :
Venant des parents
Venant des enseignants et des directions (court-circuitage de
leurs interventions, économies de bouts de chandelles)
Venant de la commission scolaire (le plus cuisant)… des
agressions bureaucratisées (ex: contestations systématiques
des accidents de travail ou maladies) = se sentir un numéro,
au bas de l’échelle, sans importance.
Stratégies défensives: discours des limites individuelles
(professions en relation d’aide) et tentatives de
désinvestissement (par un certain détachement ou cynisme =
« faire semblant »…
= blessures identitaires (professionnelles et personnelles),
déficit d’affirmation professionnelle.
+
•
Le travail:
•
•
•
•
Groupe: Professionnels de l’éducation
Faire cheminer les jeunes sur différents plans; Prévention,
intervention, postvention
Avec les jeunes: Relation d’aide… à la grandeur de l’école; Ceux
qui dérangent en priorité…; Évaluation, planification, suivi
Avec les «adultes»: Une «mauvaise surprise» du milieu scolaire?;
Collaboration… stratégique; Résolution de problèmes, dépannage
et relation d’aide.
Les points de tension dans le travail:
•
•
•
•
Le temps: Un outil de travail dont il faudrait se passer?
L’autonomie professionnelle? : Entre liberté professionnelle et
instrumentalisation: l’importance du cadre; Consentir à «être
utilisé», mais …
Le travail multidisciplinaire: La concertation: comment?
Quelle place pour les professionnels?: De «clinicien» à
«consultant»; Vs. Enseignant-ressources; La minorité isole
+
Groupe: Professionnels de l’éducation (suite)
Le plaisir au travail: La relation à l’Autre (principalement les
élèves), la confiance; Entre reconnaissance des élèves et autoreconnaissance.
Une souffrance marquée par la désorganisation:
• Des inquiétudes pour leur école… pour le personnel… et les
élèves
• La désorganisation… insécurité et usure: «À chaque
année…»; Gestion changeante; Conditions de travail
inadéquates et bureaucratie…; Manque d’information,
procédures et imputabilité
• Une instrumentalisation frustrante: «Exécuter» des
commandes discutables quant au besoin de l’élève… une
solution immédiate; Peu de reconnaissance
Les stratégies «adaptatives»: Se servir de sa «seconde nature»;
«Nommer» et «se» nommer; «Poser ses limites»; Tenter de se
regrouper
Les stratégies «défensives»: entre «mal-posture» et
«imposture»: le travail en catimini ou le repli dans ses quartiers
+Groupe: Directions adjointes
Trad. (avant mi-90): Structure = le double de directeurs-trices.
De + en + Un travail de gestion multiple:
Gestion des unités, programmes, mandats…
Gestion du changement
Gestion des personnes
Gestion des crises
De + en + de travail de comités, d’interruptions, d’appels à l’aide
et à une intervention immédiate (re: EHDAA, cote 10… élèves
en souffrance), situation du milieu socioéconomique (pauvreté)
= « devoir éteindre des feux ».
Politiques de reddition des comptes, d’imputabilité (résultats:
réussite scolaire) en discours et en réalité.
Manque de temps pour le travail de leadership, de supervision
pédagogique, etc.
+Directions adjointes: suite
Souffrance: charge émotive très élevée;
Sentiment d’abandon, voire de trahison de la part des anciens
collègues = mis au banc des accusés
Cruel manque de temps: longues heures, temps personnel
sacrifié, envahissement du travail sur vie privée et famille
Devoir constater le peu de pouvoir réel (« Il faut…. »)
Le peu de reconnaissance sociale et la peur d’échouer à se
faire reconnaître personnellement (carrière)
Plaisir: Participer au succès malgré… tout. Non pas la
« réussite scolaire »…. Réussite sociale…
Sentir et constater l’efficacité parfois, souvent? (résolution de
problèmes)
Stratégies défensives: L’hyperactivité, l’hypertravail = une
drogue…
La carapace ou le bouclier: une manière de se tenir prêt-e au
combat : carapace construite sur la conviction d’avoir une
personnalité forte (« Je suis capable d’en prendre… »).
Pensées de type « retrait » ou « retour à l’enseignement ».
+
Passage à situations à risque?
La
notion de situations à risque comprend des
éléments de l’organisation du travail en interrelation
avec des stratégies défensives individuelles et
collectives mises en place pour contrer la
souffrance, stratégies qui s’avèrent souvent
nuisibles à long terme à la santé mentale,
puisqu’elles altèrent la perception de la réalité et
inhibent l’action.
+
Deux types de stratégies défensives
(individuelles) sous le signe d’une adaptation
paralysante
1.
Une adaptation à la mission de l’«école réparatrice» qui
consiste à pallier des manques.
2.
Pallier les manques sociaux, éducatifs, organisationnels:
travail en douce ou en catimini
Trop s’impliquer dans la relation d’aide, dans un « prendre
soin de l’élève » au delà du travail
Hyperactivité et hypertravail
Une adaptation réactive à l’envahissement du travail qui
incite à pratiquer un discours du « poser ses limites »
(idéologie défensive?) et à se retirer de la ligne de feu.
Retrait instrumental du contexte de travail et prise de congés
Compter aussi…
+
Hypothèses quant au
« risque »/santé mentale :
Plier
individuellement sous le poids des exigences et
des contradictions (stress, détresse)
S’acharner
à faire tourner la roue seule (seul)
(épuisement professionnel)
Risque
accru de devenir la cible de pressions ou
d’attaques personnalisées (violence psychologique,
verbale, menaces, etc.)
Peur
de commettre des erreurs professionnelles et
en être tenu responsable, imputable (de l’anxiété à
l’angoisse).
+
Exploration des pistes d’action
(chantier en travail: GSI)
Actualisation
des fonctions et des rôles (cœur du
travail, sens et communication)
Organisation
quotidienne plus sensée et soutenante
Resserrement
Inscription
du lien social et professionnel
de la santé mentale au travail en santé et
sécurité du travail
+
Références
Dejours,
Christophe (2008). Travail, usure mentale,
Bayard Éditions, 4e édition.
Institut
de psychodynamique du travail, sous la dir.
de (2006). Espace de réflexion, espace d’action en
santé mentale au travail, Presses de l’Université
Laval, 207 p.
Maranda,
M.F. et S. Viviers, sous la dir.de (2011):
L’école en souffrance: psychodynamique du travail
en milieu scolaire. PUL: Québec, 177 p.