Pas d`Internet avant 9 ans

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Transcript Pas d`Internet avant 9 ans

Serge TISSERON
Psychiatre, psychanalyste, Directeur de Recherches à
l’Université Paris Ouest Nanterre
Blog: http://squiggle.be/tisseron
L’enfant et les écrans
La règle 3- 6- 9-12
Résumé :
Le pédiatre doit conseiller les parents pour prévenir les excès d’écran
le remède est le plus souvent éducatif et pédagogique que médical
La règle « 3-6-9-12 »
* pas de télé avant trois ans,
* pas de console de jeu avant 6 ans,
* pas d’Internet accompagné avant 9 ans,
* pas d’Internet seul avant 12 ans.
Une règle nécessaire, mais pas suffisante
Les dangers de la télé avant 3 ans
souvent dénoncés
1999: Académie américaine de pédiatrie
• Barbara A. Dennison, Tara A. Erb and Paul L. Jenkins. Television Viewing
and Television in Bedroom Associated With Overweigt Risk Among LowIncome Preschool Children. Pediatrics 2002; 109; 1028-1035.
• Christakis D, Zimmerman F, Enquête département de pédiatrie de l’hôpital
pour enfants de Seattle (Washington), publiée dans la revue américaine
Journal of Pediatrics, 4 April 2004,
• vol 113 ; 708-713.
• Christakis DA, Zimmerman FJ, DiGiuseppe DL, McCarthy CA. Early
television exposure and subsequent attentional problems in children.
Pediatrics. 2004;113 (4):708–713
• Pempeck, Tiffany A., Georgetown University, The effects of background
television on the toy play behavior of very young children. (2008) Journal
Child Dev: 79 (4):1137-51.
• Pagani Linds S., Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine, 2010;
164(5):425-431.
L’étude de Pagani et collègues
suivi de 1314 petits Québécois à 2 ans et demi, 4 ans et demi et 10 ans,
1. L’étude confirme d’abord ce que d’autres recherches avaient montré, à savoir que la
forme physique est affectée à long terme. Au-delà de deux heures par jour, chaque
heure de plus passée devant un téléviseur se traduit en effet à l’âge de dix ans par
une diminution de 9% de l’activité physique générale, une augmentation de 10% du
grignotage et de 5% de l’Indice de Masse Corporelle (IMC) qui mesure l’obésité
2. Au-delà de deux heures de télévision par jour, les chercheurs ont également
constaté des pertes durables dans le domaine des comportements sociaux. Les
bébés les plus exposés à la télévision deviennent « des enfants moins autonomes,
moins persévérants et moins habiles socialement ».
3. Plus précisément, pour chaque heure supplémentaire passée devant le petit écran
par un enfant en bas âge, ils ont noté une diminution de 7% de l’intérêt en classe à
l’âge de dix ans, et de 6% sur les habiletés mathématiques.
4. Mais le plus impressionnant est l’influence de la consommation télévisuelle précoce
sur la sociabilité. Chaque heure en surplus s’est traduite plus tard par une
augmentation de 10% du risque d’être constitué en victime ou en « bouc émissaire »
par les camarades de classe.
• Comment expliquer ces chiffres? Parce que cette consommation se fait au détriment
des activités de jeu et d’interaction qui sont fondamentales à cet âge.
Avant 4 ans, les images agissent par
rupture de l’espace de sécurité
*Après 4 ans
*Avant 4 ans
Le problème est celui du
contenu des images
violentes
Le problème est celui de
la violence des images
Théorie de l’apprentissage
social de l’agression
Théorie du déséquilibre:
Agit en produisant une rupture
de l’espace de sécurité et
une perte des repères.
L’enfant insécurisé renforce
ses identifications précoces
Agissent par les contenus
proposés qui sont pris
comme modèles
La violence des images gèle les
identifications précoces
1. Le jeu spontané invite
l’enfant à s’imaginer dans
tous les rôles
* Quand un enfant joue seul avec ses
jouets (petites voitures, playmobiles,
poupées…) il utilise ses deux mains.
* Il est alternativement celui qui frappe et
celui qui est frappé, celui qui poursuit
et celui qui est poursuivi, celui que
gagne et celui qui perd, etc.
Plus tard, en jouant avec ses
camarades, il est invité à faire de
même « On change ! »
* Le jeu spontané de l’enfant a un rôle
régulateur sur ses identifications
précoces : il se familiarise avec
l’idée de jouer tous les rôles.
2. Les images invitent l’enfant à
s’imaginer dans le même rôle
* Ce que voit l’enfant est la plupart du temps
incompréhensible pour lui.
Il y réagit en s’identifiant au personnage qui
semble le plus proche de lui.
* Il est toujours celui qui frappe ou bien celui
qui est frappé, toujours celui qui poursuit
ou bien celui qui est poursuivi, toujours
celui qui gagne ou bien celui qui perd.
* Les médias figent les premières
identifications réalisées sous
l’influence su milieu familial (et leur
influence est d’autant plus grande que
les enfants y sont plus insécurisés)
Pas de console de jeu avant 6 ans
Problème de l’acquisition de la motricité fine et rôle
sur les régions cérébrales
Pas d’Internet avant 9 ans: accompagné
Faire une éducation à la distinction intime / public,
et au droit de l'enfant à son image,
Expliquer les 3 règles d’Internet
•
Tout ce qu’on y met peut tomber dans le domaine public
•
Tout ce qu’on y met y restera éternellement
•
Tout ce qu’on y trouve est indécidable
Après 12 ans:internet seul (mais pas
24H/24
. Le jeu excessif disparaît le plus souvent
seul à la fin de la crise d’adolescence .
. Quand il persiste, le jeu excessif est
l’expression
* d’une souffrance psychique conjoncturelle
* personnelle: déception amoureuse, violence
scolaire
* familiale: divorce, déménagement...
* d’un troubles de la personnalité (dépression,
psychose),
Le jeu normal
Plusieurs bénéfices
1. Exprimer symboliquement l’agressivité
2. Apprendre à se débrouiller dans des environnements
changeants
L’enfant anticipe des épreuves qu’il n’a pas vécues, mais qu’il imagine comme possibles :
compétition professionnelle ou sportive, attitude à avoir par rapport à la transgression des
normes et des règles, souci des blessés dans le cas d’un affrontement militaire, etc.
3. Apprendre à gérer les contacts sociaux et travailler en équipe
Il est impossible d’avancer dans les épreuves proposées par les jeux en réseaux si on n’établit
pas des alliances avec d’autres joueurs qui ont choisi de développer des compétences
différentes et complémentaires. Le jeu en réseau fournit en outre un cadre protecteur pour
le début de relations affectives.
4. Explorer divers registres identitaires
L’enfant explore diverses identités. Il apprend à se percevoir peu à peu comme un autre et qui
lui permettra ensuite de répondre à la question de savoir qui il est.
5. S’inventer des rituels initiatiques
Dans une société où les adultes ne proposent plus aux jeunes de rituels initiatiques, les jeux
vidéo leur permettent d’en réinventer. Et cela peut éviter le recours à des pratiques
initiatiques dans la réalité, qui sont souvent beaucoup plus dangereuses.
Jeu pathologique: lutter contre une
souffrance psychique
1. Lutter contre une souffrance aigue:
souffrance physique, souffrance psychique personnelle
(violences scolaires, deuil), souffrance psychique liée à
la vie familiale (divorce des parents,…), lenteur
2. Lutter contre une souffrance chronique: la « dyade
numérique »
3. En cas de gravité, c’est toute la famille qui doit aller
en consultation spécialisée, dans la mesure où ces
situations révèlent toujours des souffrances
familiales.
Conduite à tenir
1.Éviter de parler d'addiction à l'adolescence
* A l'adolescence, tout est flottant et peut changer très vite
* Le système de contrôle de l’impulsion se met en place très
tard entre l’adolescence et l’âge adulte.
Il n’est pas souvent pas constitué à l’adolescence et on ne peut pas employer
le même mot pour désigner un système qui se détraque (dans la dépendance
chez l’adulte) et un système qui n’est pas encore constitué.
* Les programmes de traitement adaptés pour les
toxicomanes ne fonctionnent pas pour les joueurs excessifs
(Keith Bakker)
2. La gravité ne se mesure pas qu'au temps
passé
* Prendre en compte la baisse des résultats scolaires,
la réduction des autres activités (notamment sportives),
la tendance à l'isolement (appauvrissement du réseau
relationnel), et l’usage régulier d’une substance toxique :
tabac, hashich et café notamment.
* Toujours demander au joueur excessif s’il a pensé
faire sa profession dans les métiers du jeu vidéo. Ce
projet est de bon augure et doit être encouragé. C'est
possible
3. Aider les parents à cadrer et accompagner
* Cadrer
Tous les programmes de réduction d’usage doivent être établis en lien
avec les parents : ce sont eux qui doivent être le plus possible
garants de son application.
Couper l’accès à Internet à partir d’une certaine heure (23 heures par
exemple)
Faire respecter la signalétique PEGI (Pan European Game Information)
qui attribue à chaque jeu une tranche d’âge spécifique.
* Accompagner
Les parents doivent s’intéresser aux jeux de leur enfant,
Ils peuvent ainsi encourager leur enfant à privilégier le jeu narratif sur le
jeu sensori-moteur, et découvrir le plaisir de parler du jeu.
[1] S. Tisseron, Faut il avoir peur des jeux vidéo ? Paris : Albin Michel, 2008.