Document 7810304
Download
Report
Transcript Document 7810304
L’éducation interculturelle ou le
défi éthique de la rencontre de
l’altérité
Stéphane Martineau
UQTR, CRIFPE, LADIPE
Automne 2009
Plan
Introduction
Problématique
Le pluralisme dans le cadre de la réforme actuelle
Quelques distinctions conceptuelles
Vers l’identification de principes pédagogiques
adaptés
Quelques comportements et attitudes à éviter en
éducation interculturelle
Les étudiants en formation initiale
Conclusion
2
Introduction
Une présentation par un non spécialiste du
champ de l’interculturel
Une réflexion plutôt théorique et spéculative
Une communication qui repose sur une
expérience d’enseignement de formateur
d’enseignants
Une position influencée par ma triple
appartenance à la sociologie, l’anthropologie et
les sciences de l’éducation
3
Problématique
Dans les sociétés occidentales, l’éducation
interculturelle représente un enjeu majeur pour la
cohésion sociale dans la mesure où elle a
notamment pour finalité d’éduquer au «vivre
ensemble».
Au Québec, comme dans d’autres sociétés
divisées (Irlande du Nord, Catalogne, Belgique),
l’ambiguïté de la question ethnique nuit à
l’émergence d’un projet civique commun
(McAndrew et Gagnon, 2000).
4
Problématique (suite)
Dans ce contexte, les «immigrants»
représentent un enjeu de débats et
«d’appropriation».
Depuis l’entrée en vigueur de la Charte de
la langue française, le secteur francophone
a le mandat d’intégrer, de scolariser et de
former les jeunes immigrants.
5
Problématique (suite)
Petit portrait du pluralisme :
De la culture aux cultures : la diversité de
plus en plus grande des publics scolaires.
Une immigration de moins en moins
européenne : Asie, Antilles, Afrique, etc.
Près de 93 % des élèves allophones se
retrouvent dans la région métropolitaine, 76
% sur la seule île de Montréal.
6
Problématique (suite)
La présence multiethnique varie énormément
dans les commissions scolaires de l’île de
Montréal. Elle peut aller de 10 % à 45 %, voire
même plus dans quelques cas.
Cette présence multiethnique s’accompagne
d’une diversité linguistique. À Montréal les
élèves d’origine «immigrée» représentent 35 %
de la population scolaire totale.
En 1997 le MEQ fait paraître son projet de
politique en matière d’intégration et d’éducation
interculturelle.
7
Le pluralisme dans le cadre de la réforme
actuelle
Dans son énoncé de politique Une école
d’avenir, le MEQ (1997) identifie trois
grands principes d’action pour l’éducation
interculturelle et l’intégration scolaire :
La promotion de l’égalité des chances.
La maîtrise du français, langue commune de
la vie publique.
L’éducation à la citoyenneté démocratique
dans un contexte pluraliste.
8
Le pluralisme dans le cadre de la réforme
actuelle (suite)
Ce document propose un modèle de société
pluraliste où l’homogénéité culturelle de la
nation et la «pureté ethnique» sont rejetées
comme fondements légitimes de la société
politique.
Le projet d’intégration et d’éducation prend une
couleur plus citoyenne qu’ethnique :
«remplacement graduel du paradigme culturel
par le paradigme civique et la délégitimation de
l’essentialisme identitaire» (McAndrew, 2001, p.
149).
9
Le pluralisme dans le cadre de la réforme
actuelle (suite)
Les programmes scolaires qui intègrent
l’éducation à la citoyenneté et l’éducation
interculturelle doivent composer avec une
tension inhérente à nos sociétés : présenter
à la fois la culture comme vécu (son sens
phénoménologique) et comme corpus de
savoirs à apprendre et de valeurs
auxquelles on doit adhérer.
10
Quelques distinctions conceptuelles
Éducation interculturelle : «toute démarche
éducative visant à faire prendre conscience de la
diversité, particulièrement ethnoculturelle, qui
caractérise le tissu social et à développer une
compétence à communiquer avec des personnes
aux référents divers, de même que des attitudes
d’ouverture, de tolérance et de solidarité» (MEQ,
1997, p. 2). Elle est intégrée dans l’éducation à la
citoyenneté. Ce terme fait son entrée officielle au
Québec en 1983 avec l’Avis du CSE au Ministre.
11
Quelques distinctions conceptuelles
(suite)
Éducation à la citoyenneté : est une formation qui
s’adresse à l’ensemble des élèves et qui vise
l’engagement actif par l’apprentissage d’attitudes,
de comportements et de compétences nécessaires
à la constitution et au maintien d’un espace
civique démocratique où peuvent se vivre le
respect des particularités et le partage de valeurs
communes (CSE, 1998).
12
Quelques distinctions conceptuelles
(suite)
L’éducation interculturelle nous invite à
passer d’une vision de l’hétérogénéité
comme handicap, source de
dysfonctionnement qui demande des
mesures compensatoires, à une vision où
l’hétérogénéité est la norme.
13
Quelques distinctions conceptuelles (Modèle de
l’éducation interculturelle inspiré de Moisset, 1997)
Plan axiologique
(principes)
Plan téléologique
(finalités)
Plan praxéologique
(actions)
Accorder priorité à la
valeur humaine
Mieux se connaître
S’informer
Établir un dialogue
interculturel
Relativiser sa culture
Communiquer
Accepter et respecter les
différences
Démythifier et démystifier
les préjugés et stéréotypes
Coopérer
Reconnaître et valoriser
chacun
Développer des attitudes
de compréhension
Conscientiser
14
Quelques distinctions conceptuelles
(suite)
Intégration scolaire : elle se définit comme
un processus qui va dans les deux sens à
savoir qu’elle exige des efforts
d’adaptation et d’adhésion aux valeurs
communes de la part des élèves immigrants
mais aussi une ouverture à la diversité et la
mise en œuvre de moyens de la part des
milieux social et scolaire (MEQ, 1997).
15
Quelques distinctions conceptuelles
(suite)
Culture publique commune : elle se caractérise par
le partage d’un ensemble de valeurs, de principes, de
règles, de symboles et d’institutions au-dessus des
cultures particulières (Caldwell, 2001).
Accommodement raisonnable : effort de
compromis substantiel en vue d’adapter les modalités
d’application d’une norme ou d’une règle à une personne
afin d’éliminer ou d’atténuer un effet de discrimination
indirecte, sans toutefois que l’on subisse de contraintes
excessives (Barrette, Gaudet, Lemay, 1996).
16
Vers l’identification de principes adaptés
(éviter le culturalisme)
Adopter une approche qui met l’accent sur les
relations entre les porteurs de cultures (multiples
et mouvantes) plutôt que sur les cultures ellesmêmes.
Une manière de comprendre la culture et les
relations interculturelles : passer de la culture à la
culturalité (Abdallah-Pretceille et Porcher,
1996):
La culture comme ensemble de traits descriptifs
La culture comme ensemble de signes distinctifs
17
Vers l’identification de principes adaptés
(éviter le culturalisme)
Parler de culturalité :
C’est prendre acte du métissage de nos cultures, c’est
refuser le mythe de la culture unitaire et homogène.
C’est mettre l’accent sur la fluidité, la complexité, le
contradictoire, c’est refuser de réduire autrui à n’être
qu’un porteur de culture et le voir comme créateur de
culture, comme interprète de ce qui le constitue.
C’est refuser la causalité culturelle comme seule et
unique explication des relations avec l’altérité.
18
Vers l’identification de principes adaptés
(éviter le culturalisme)
Parler de culturalité :
C’est passer d’une analyse en termes de
structures et d’états à celle en termes de
processus.
C’est se rendre compte que la compréhension
ne relève pas de l’ordre de l’inventaire (une
description des traits culturels demeure
toujours réductrice).
19
Vers l’identification de principes adaptés
(éviter le culturalisme)
Parler de culturalité :
C’est comprendre que c’est moins la culture qui
détermine les comportements que l’individu qui
«utilise» la culture pour «dire et se dire».
Pour l’enseignant il s’agit alors de penser
l’altérité non plus à partir d’une vision d’autrui
comme objet (ensemble de traits culturels) mais
comme un co-producteur de la relation.
20
Vers l’identification de principes adaptés
(d’une épistémologie à l’autre)
L’épistémologie monoculturelle
La réalité existe indépendamment des
représentations.
La réalité existe indépendamment du langage.
La vérité est une affaire de précision de
représentations.
La connaissance est objective.
21
Vers l’identification de principes adaptés
(d’une épistémologie à l’autre)
L’épistémologie multiculturelle
La réalité est une construction.
Les interprétations comportent une dimension
subjective.
Les valeurs sont relatives, négociables.
La connaissance est un phénomène lié au
pouvoir.
(Semprini, 1997)
22
Vers l’identification de principes adaptés (principes
de base de la communication interculturelle)
1er principe
Reconnaître l’humanité en chacun (Lévinas, 1979, 1982)
2e principe
Se connaître soi-même et connaître sa propre culture, être
conscient de ses propres cadres culturels : pour arriver à
se sortir de son ethnocentrisme, il faut s’assumer soimême comme produit d’une culture.
3e principe
S’ouvrir à la connaissance des «différences» : si connaître
n’est pas suffisant, c’est néanmoins nécessaire.
23
Vers l’identification de principes adaptés (principes
de base de la communication interculturelle)
4e principe
Accepter les différences : cependant, l’ouverture
aux autres n’entre pas en contradiction avec une
affirmation de sa propre culture.
5e principe
Suspendre son jugement afin de se mettre à
l’écoute de l’autre et chercher à le comprendre.
24
Vers l’identification de principes adaptés (principes
de base de la communication interculturelle)
6e principe
Travailler à éliminer en soi les attitudes et comportements
qui empêchent de prendre en compte l’autre et sa
différence : décentration.
7e principe
Favoriser le compromis et la négociation : la
communication doit se dérouler en minimisant le plus
possible les frustrations et dans l’optique de trouver un
champ commun où chacun peut tout de même conserver
son identité.
25
Quelques comportements et attitudes à éviter
en éducation interculturelle
Ne pas reconnaître la diversité.
Limiter la diversité à ses manifestations
ethnoculturelles.
Limiter l’éducation interculturelle aux
élèves immigrants.
Voir la différence comme un handicap.
Adhérer à un culturalisme extrême.
26
Quelques comportements et attitudes à éviter
en éducation interculturelle
Adhérer à un relativisme extrême.
Réduire l’élève à n’être qu’un représentant
de sa culture.
Se donner un grille de lecture unique et
figée pour comprendre les élèves.
27
Quelques comportements et attitudes à éviter en éducation
interculturelle (obstacles à la communication interculturelle)
ETHNOCENTRISME
PRÉJUGÉS
STÉRÉOTYPES
HARCÈLEMENT
DISCRIMINATION
RACISME
28
Les étudiants en formation initiale
Une épistémologie monoculturelle
(positivisme).
Une vision culturaliste des comportements
et des attitudes des individus (un certain
fatalisme culturel).
Mais en même temps, une certaine vision
universaliste qui peut nier les différences
(«nous sommes tous pareils»).
29
Les étudiants en formation initiale (suite)
Très faible connaissance de la culture
publique commune.
Très faible connaissance de leurs devoirs et
responsabilités professionnelles.
Un rapport aux élèves immigrants et des
communautés culturelles où se lisent les
enjeux et les débats de la société
québécoise.
30
Conclusion
Au regard des programmes scolaires
Pour qu’une éducation à la citoyenneté et à
l’interculturel porte ses fruits, il ne faut pas en faire
une simple matière scolaire, un moment particulier
dans la plage horaire ou encore laisser cela aux
enseignants d’histoire et de géographie.
L’éducation à la citoyenneté et à l’interculturel
s’adresse à tous les élèves, concerne tous les
enseignants et toutes les matières.
Elle est moins un contenu à apprendre qu’une
manière de penser et d’être à acquérir.
31
Conclusion (suite)
Dépasser la tendance actuelle des
programmes à mettre l’accent sur les
différences culturelles pour porter une plus
grande attention aux ressemblances.
Dépasser la représentation implicite qu’il
existe des frontières ethniques étanches
entre les groupes majoritaire et minoritaires
(McAndrew, 2001).
32
Conclusion (suite)
Si les nouveaux programmes préparent le
jeune citoyen à médiatiser diverses
identités (et ici la dimension
ethnoculturelle n’a qu’un rôle secondaire),
ils ne semblent pas reconnaître le
«caractère potentiellement contradictoire
des appartenances groupales et de la
citoyenneté» (McAndrew, 2001, p. 157).
33
Conclusion (suite)
Dans le programme du primaire l’éducation
à la citoyenneté et à l’interculturel semble
se limiter :
Domaines généraux de formation : Vivreensemble et citoyenneté.
Domaines d’apprentissage : l’univers social.
34
Conclusion (suite)
Au regard de l’institution scolaire
Elle nécessite donc un travail en collégialité.
Elle demande aussi que l’établissement se dote d’un projet
mobilisateur et rassembleur.
Au regard des enseignants
Elle requiert enfin des pédagogues cultivés formés à la
communication interculturelle et conscients de leur héritage
culturel, capables de le relativiser et de le critiquer mais aussi
d’en faire la promotion.
Elle requiert des enseignants capables de soutenir, chez les
élèves, le développement d’une compétence citoyenne et son
transfert de la classe au « hors classe ».
35
Conclusion (suite et fin)
Au regard de la formation des enseignants
Plus que un ou deux cours dans le programme de 4
ans.
Une préoccupation «transversale» soutenue par tous
les professeurs et superviseurs de stages.
Former à une intervention professionnelle qui
dépasse les idéaux types malgré le fait que ceux-ci
puissent être d’une certaine efficacité dans l’action
(ils évitent notamment de procéder à une analyse en
profondeur pour chaque situation d’enseignement).
36
Référence
Martineau, S. (2005). L’éducation
interculturelle : problématique,
fondements et principes d’action. Dans
L’enseignement : profession intellectuelle,
sous la direction de Denis Simard et
M’Hammed Mellouki, Québec : Les
Presses de l’Université Laval, p. 207-236.
37