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24 heures | Lundi 10 mars 2014
Point fort
L’ambiance se crispe avec
l’arrivée de la proportionnelle
Communes Au moins 17 bourgs sont forcés de passer à la proportionnelle
aux élections de 2016. Les partis prennent leurs marques. Ce qui agace les élus locaux
Renaud Bournoud
«D
iktat». Le mot
revient souvent
dans la bouche
des élus en
place dans les
communes sommées d’adopter un système proportionnel aux prochaines élections. A deux ans de cette échéance, l’ambiance se crispe déjà. L’arrivée des partis
dans le jeu politique communal est vue
d’un mauvais œil.
«On sent bien que les couteaux commencent à s’aiguiser dans les états-majors
des partis cantonaux», relève Guy Delacrétaz, syndic de Préverenges. «Mais on
ne va pas laisser les partis à Lausanne
venir farfouiller dans nos affaires communales, prévient pour sa part Christian
Kunze, son homologue de Chavornay.
Nous, nous faisons de la gestion publique,
pas de la politique politicienne.»
Pourtant, en 2011, le peuple a décidé
d’imposer la proportionnelle à toutes les
communes de plus de 3000 habitants en
acceptant l’initiative parlementaire de la
socialiste Cesla Amarelle (lire ci-contre).
«Les villages concernés sont en réalité des
gros bourgs en plein essor, note la
conseillère nationale yverdonnoise. Ils se
situent souvent en région périurbaine où
il y a de grands enjeux, sur le plan des
infrastructures notamment.»
Alors, pour Cesla Amarelle, il n’est
plus question de laisser ces localités en
mains radicales. «Car, dans ces communes, les élus sous l’étiquette entente villageoise sont en fait très souvent des hommes de plus de 50 ans inscrits au PLR. Ils
trustent toutes les décisions, juge-t-elle. Je
pense qu’une mère de famille de 35 ans
pourrait amener d’autres problématiques.»
«Blocages d’élus locaux»
D’ailleurs, le PLR s’était retrouvé bien
seul à faire campagne contre l’initiative.
«Notre parti est attaché à l’autonomie
communale et au système des ententes
villageoises», note Philippe Miauton. Le
secrétaire général du PLR Vaud convient
que c’est «compliqué» de mettre en place
un dispositif en vue du basculement à la
proportionnelle. «Ce n’est pas dramatique, mais il y a quelques blocages de la
part d’élus locaux, indique-t-il. Il faut y
aller lentement. C’est un processus à long
terme pour faire gentiment évoluer les
mentalités.»
Si la pilule de la proportionnelle est
encore difficile à avaler pour certains, il
faudra toutefois s’adapter rapidement.
Les signes avant-coureurs de ce changement se manifestent déjà. «Au Conseil
communal du Mont, je constate que les
places pour les présidences de commission sont plus âprement convoitées par
les gens membres d’un parti, observe le
syndic du Mont-sur-Lausanne, JeanPierre Sueur. Certains veulent déjà marquer leur terrain.» Deux pétitions, l’une
sur les crèches et l’autre sur la politique
des déchets, viennent d’être lancées par
des habitants de sa commune. Le syndic
y décèle également les premières
manœuvres des partis. «Le combat politique n’est pas dans les gènes du Mont,
estime Jean-Pierre Sueur. Mais nous allons vite apprendre.»
Une crainte de la politisation
Cette politisation de la vie locale inquiète.
«La proportionnelle va forcément durcir
le ton, pense Yvan Nicolier, syndic
d’Echallens. Le risque de sombrer dans la
politique politicienne est là.» Mêmes
craintes du côté du président de la section PLR de Blonay, Pierre Barbey, opposé à ce système. «En voyant les débats
stériles dus aux clivages politiques chez
nos voisins de Vevey, beaucoup nous disent qu’ils ne veulent pas entendre parler
VC1
Contrôle qualité
Plénum
La salle du Conseil communal
d’Echallens. Dès 2016,
ses membres seront élus sur des
listes de partis. JEAN-PAUL GUINNARD
de partis.» Raison pour laquelle des «ententes citoyennes», indépendantes des
formations politiques cantonales, sont en
train de se créer dans les communes concernées.
Les règles du jeu
Proportionnelle contre majoritaire
Les partis sont confiants
Le 4 septembre 2011, les Vaudois ont
accepté à plus de 60% l’instauration de
la proportionnelle pour les élections
communales dans toutes les localités
de plus de 3000 habitants. Avec ce
système, les électeurs doivent se
déterminer sur des listes de partis,
comportant les noms des candidats.
Ensuite, la répartition des sièges se fait
proportionnellement aux suffrages
obtenus par chaque liste.
Les communes qui devront changer
pratiquaient le système majoritaire.
Celui-ci recourt à une liste d’entente
accueillant tous les candidats. Leur
élection se fait en fonction des
résultats que chacun obtient individuellement.
Les états-majors des partis
fourbissent leurs armes
Les 20 communes concernées
Elections à la proportionnelle dès 2016.
Pourraient atteindre 3000 habitants en 2016
et ainsi passer à la proportionnelle.
A voté pour passer à la proportionnelle.
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Aubonne
Belmont
Blonay
Bourg-en-Lavaux
Chavornay
Corsier-sur-Vevey
Cossonay
Echallens
Founex
Le Montsur-Lausanne
Oron
Prangins
Préverenges
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Romanel
Saint-Prex
12
Saint-Sulpice
Savigny
9
Coppet
Etoy
Yvorne
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«Les grandes lignes des partis ne sont pas
applicables aux localités de la taille de
Préverenges. Nous voulons rester hors
des partis», indique Antoine Chappuis,
vice-président du Conseil communal de
Préverenges. Il est l’un des instigateurs de
l’Entente préverengeoise. «On se lance
maintenant, parce qu’on voit bien que les
partis vont commencer officiellement
leur campagne de recrutement», explique Antoine Chappuis.
En effet, le temps presse pour ceux qui
veulent rester indépendants. Les partis se
préparent à leur mener la vie dure. «Les
listes citoyennes pourraient bien marcher
en 2016, s’avance Gaétan Nanchen, secrétaire du PS Vaud. C’est normal, nous sommes en période de transition. Mais, ensuite, les partis vont s’implanter dans ces
communes.»
Sur ce coup-là, son homologue du PLR
est presque sur la même longueur
d’onde. «Lorsqu’une section UDC ou PLR
va se créer dans ces communes, les ententes se videront, in fine.»
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J. C
U La proportionnelle, c’est plus de
70 000 habitants concernés. Les partis ne
peuvent pas ignorer un tel potentiel
électoral. «Ce n’est pas anodin, observe
Philippe Miauton, secrétaire général du
PLR vaudois. Et les élections communales
ne sont qu’un an avant les cantonales.»
Il est donc temps de lancer les grandes
manœuvres. Le 27 mars prochain, le PLR
organise des séances d’information sur la
proportionnelle simultanément dans seize
communes concernées. Le parti vient
également de mettre en ligne le site:
www.proportionnelle.ch. «Nous
n’imposons rien, le parti cantonal vient
juste en soutien, explique Nicolas Tripet,
secrétaire général adjoint du PLR. Nous
respectons l’autonomie communale.»
Néanmoins des sections sont, ou seront,
créées dans les communes touchées par
l’arrivée de la proportionnelle, comme à
Saint-Prex ou à Saint-Sulpice.
En face, on ne reste évidemment pas
les bras croisés. Les socialistes s’implantent aussi dans ces communes. La section
PS de Chavornay a vu le jour il y a une
année et le parti est en train de s’organiser
au Mont, par exemple. «Nous nous
appuyons sur les gens que nous avons
déjà dans ces communes pour créer des
sections, indique Gaétan Nanchen,
secrétaire du PS Vaud. Mais nous n’allons
pas en créer partout immédiatement.» Car
cela nécessite beaucoup de forces. Pour
une section, il faut trouver un président,
un caissier, etc. «Nous prévoyons aussi de
faire des tous-ménages ciblés portant sur
certains thèmes qui nous sont chers,
comme la caisse publique», reprend-il.
Du côté de l’UDC, on sait qu’il y a du
potentiel dans certaines localités. Le parti
avait d’ailleurs soutenu l’initiative de Cesla
Amarelle. «Bien sûr, on va inciter à la
création de sections, indique Claude-Alain
Voiblet, coordinateur romand de l’UDC.
On s’y connaît en la matière, il y a dix ans
nous n’en avions pas dans les villes.»
Des discussions sont en cours à Bourg-enLavaux, à Saint-Prex et à Saint-Sulpice,
notamment. La machine est bien rodée,
comme le rappelle Claude-Alain Voiblet:
«Le parti peut s’appuyer sur son système
de formation continue pour préparer les
candidats dans ces communes.»