les gardiens de la nature - People Resources and Conservation

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les gardiens de la nature
Förderverein Waldrappteam
les gardiens
de la nature
Protéger la vie. C’est l’objectif commun de nombreux programmes
de conservation des espèces. De Birmanie à la Grèce, de l’Indonésie
à la Chine, des Fidji au Bélize, des hommes se mobilisent et mettent
en œuvre des projets… exemplaires.
L’ibis chauve
le corridor pour migrer, c’est par ici !
L’Égypte des pharaons en a fait son oiseau sacré, La Mecque des fidèles, son
pèlerin exemplaire, et l’Europe d’aujourd’hui, son grand défi. Si le Maroc
protège ses 450 individus sauvages, mais sédentaires, à Souss-Massa-Drâa
et si la Syrie s’est découvert une petite colonie migratrice au sort désormais
incertain, c’est en Europe, où l’ibis chauve n’existe plus depuis quatre cents
ans, que l’association Förderverein Waldrappteam a initié le programme de
réintroduction « Reason for Hope ». Grâce à des juvéniles élevés en captivité
et des mesures anti-chasse extensives dans les pays concernés, l’objectif est
de développer un corridor migratoire qui assurera la survie de l’espèce. Des
colonies reproductrices ont été établies en Allemagne et en Autriche, et des
migrations assistées par l’homme permettront de retrouver trois populations
autonomes d’ici 2019. Ainsi, en août dernier, 14 ibis accompagnés de 16 personnes ont migré avec succès jusqu’à leur station d’hivernage en Toscane.
Et Johannes Fritz, le directeur du projet, de préciser : « On doit la tournure
fantastique de la migration aux mères adoptives Corinna et Anne. Elles ont
fait leur travail avec joie et bâti une relation forte avec tous les oiseaux. »
par jean-baptiste pouchain - illustrations heïdi jacquemoud
L’okapi
un drôle de zèbre !
C
Walting/NFMV
http://waldrapp.eu/index.php/en cr
Wenzel/NFMV
L’acmopyle des îles Fidji
http://okapiconservation.org
en
cr
en danger
76 Terre Sauvage N°311
des félins, un habitat
auprès de mon arbre
« L’acmopyle des îles Fidji incarne l’un des problèmes majeurs de la
protection de la nature aux Fidji : le manque de connaissance et de
valorisation des espèces », regrette Dick Watling, administrateur de
l’association NatureFiji-MareqetiViti (NF-MV). Relique du supercontinent Gondwana, ce petit conifère, dont la présence aux Fidji
demeure inexpliquée, est connu depuis 1927, mais n’a fait l’objet
d’aucun plan de conservation. Moins de 100 arbres sont désormais
recensés sur l’île de Viti Levu. NF-MV a décidé de briser cette inertie
en travaillant avec les propriétaires fonciers de deux sites abritant des
populations d’acmopyles. « Une équipe de quatre propriétaires confirmera l’identité de chaque nouvel arbre et s’accordera sur un suivi du
site et l’identification de nouvelles populations. » Après deux mois,
les lieux seront revisités par un scientifique de NF-MV qui décrira,
photographiera et enregistrera les coordonnées GPS des trouvailles.
« Ce processus sera enseigné aux propriétaires afin qu’ils deviennent
autonomes avant le terme du projet, précise Dick Watling. Nous
essayons d’instiller un sens de la responsabilité et du gardiennage en
nous assurant que les propriétaires comprennent bien l’importance
de l’espèce en termes de conservation. » www.naturefiji.org
en danger critique
en danger critique
Le jaguar
LYNN M. STONE/npl
et okapi a les rayures d’un
zèbre sur les pattes, mais est
pourtant plus proche de la girafe.
Découvert en 1901, ce mammifère
est endémique de la jungle Ituri, en
République démocratique du Congo.
Sa population, désormais estimée
à 10 000 individus, a chuté de 50 %
en quinze ans, victime des pièges
posés par les braconniers à l’intention
d’autres animaux et de la destruction
de son habitat par la déforestation
et l’orpaillage illégal. Depuis 1987,
l’Okapi Conservation Project (OCP),
en partenariat avec l’Institut
congolais pour la conservation de la
nature, mène jusqu’à 20 patrouilles
dissuasives par mois au sein de la
Réserve de faune à okapis (RFO).
L’OCP promeut également des
méthodes d’agroforesterie durables,
enseignant aux populations locales
des alternatives à la culture sur brûlis,
destructrice pour l’environnement.
Mais, dans un pays où la situation
politico-militaire impacte profondément
la protection de la nature, la route est
semée d’embûches. Après les gorilles
du parc national des Virunga, ce sont
les okapis d’Ituri qui ont fait les frais
de combats armés : en juin 2012, des
braconniers ont massacré six gardes
et 14 okapis captifs au siège de la RFO.
La mort du chef des rebelles, tué par
l’armée congolaise en avril dernier,
augure de meilleurs jours pour l’okapi.
Quand un homme se plaît à raconter une histoire, c’est
bientôt l’histoire qui se met à le raconter. Une telle aura
mythique entoure la vie du zoologiste américain Alan
Rabinowitz. Tout est affaire de voix : celle qu’un jeune
garçon atteint de bégaiement persistant implorait de
retrouver devant un vieux jaguar de zoo ; celle que le
félin ne possédait pas et dont le jeune garçon s’est promis
de se faire le porte-parole. Depuis, Alan Rabinowitz a
guéri et a créé l’association Panthera, ne souhaitant pas
attendre que son animal fétiche soit en danger d’extinction pour le protéger. Ayant découvert que le plus grand
félin des Amériques était aussi le seul au monde à ne
pas avoir de sous-espèce, c’est-à-dire à n’avoir connu
aucune fragmentation de populations, il a fondé le
« Corridor du jaguar », un projet transnational dont le
but est de créer un continuum d’habitats protégés, afin
qu’un jaguar du Mexique puisse continuer à mélanger
ses gènes avec un jaguar d’Argentine. Désormais, tout
est affaire de voie : celle que les félins, avec l’aide de
13 gouvernements et des populations locales, doivent
continuer à trouver au milieu de la forêt ou d’un ranch.
www.panthera.org nt
quasi menacée
Le gibbon Houlock
oriental
forêts connectées
D
e l’autre côté de la rivière
Chindwin, au Myanmar (Birmanie),
le gibbon Houlock oriental
berce la forêt de ses vocalises depuis
des temps immémoriaux. Le pays
renferme 99,90 % de sa population
totale, autrefois répandue jusqu’en
Chine. « L’espèce est de plus en plus
menacée par la fragmentation de son
habitat », explique Fernando Potess,
cofondateur de la People Resources
and Conservation Foundation, qui a
engagé en 2007 un plan de sauvetage
afin de réduire les dommages infligés
à la forêt par l’agriculture traditionnelle
et les conflits armés. Le travail
s’effectue principalement au sein
de la communauté de Ker Shor Ter,
dans l’État Karen. « Nous travaillons
avec les gens d’ici pour maintenir de
larges couloirs d’habitats propices aux
gibbons et établir des connexions avec
les autres forêts », précise Fernando.
Gestion des forêts en accord avec les
régulations ancestrales, substitution
du bois de construction par d’autres
matériaux et suivis des gibbons sont
autant d’initiatives qui impliquent
fortement les communautés locales.
En effet, portées par une culture
interdisant de chasser les primates
et vénérant la beauté de leur chant,
qui mieux qu’elles peuvent s’en faire
les gardiennes ?
www.prcfoundation.org
vu
vulnérable
N°311 Terre Sauvage 77
les gardiens de la nature
cr
en danger critique
78 Terre Sauvage N°311
amis des poissons-scies
l’écotourisme
à la rescousse
stephen belcher/minden pictures
A
Le rhinocéros de Java
une garde rapprochée
Au sein du parc national indonésien d’Ujung Kulon, Pak Sorhim et Pak Tisno sont membres
des Rhino Protection Units (RPU). Ces équipes de quatre gardes opèrent depuis vingt ans à
l’initiative de l’International Rhino Foundation et de l’association Yayasan Badak Indonesia
afin de protéger la dernière population de rhinocéros de Java, estimée à 44 individus sauvages.
« Nous patrouillons la forêt et sensibilisons les communautés vivant autour », explique Pak
Sorhim. En effet, l’espèce est convoitée par les braconniers pour ses cornes, revendues sur le
marché chinois. « En plus d’empêcher les perturbations humaines, nous identifions les aires
de vie du rhinocéros et l’état de son habitat », ajoute Pak Tisno, chef d’une RPU depuis 2007.
Ce suivi de l’espèce, mené à partir de fèces et de traces, vise notamment à empêcher la
prolifération d’espèces invasives au détriment de l’herbe dont l’animal se nourrit. « Une
bonne collaboration entre le Parc et les communautés doit permettre d’améliorer la vie des
villageois », souligne Pak Sorhim, soucieux de leur offrir la clé de leur propre « mieux-vivre ».
Quant à l’improbable rencontre avec un rhinocéros, Pak Tisno la résume simplement : « Je
les ai vus deux fois en trente ans, et c’était juste incroyable ! » www.badak.or.id/home
http://desrequinsetdeshommes.org
cr
en danger critique
La tortue caouanne
passer la bague... à la nageoire !
« Je n’oublierai pas la première fois où j’ai vu une tortue caouanne donner la vie. Il faisait
nuit, on attendait qu’elle ait fini de pondre pour la baguer, couché auprès d’elle. Sa carapace
préhistorique était dorée par la pleine lune, et je n’imaginais pas qui que ce soit pouvant
blesser un si bel animal. » Pourtant, si Freya Cohen est devenue chef de camp pour Archelon,
la Société de protection des tortues marines de Grèce, c’est bien parce que le rituel de
ponte millénaire des tortues caouannes est désormais menacé par les activités de pêche et
le développement incontrôlé du littoral grec. Dans un contexte de pays en crise, les constructions illégales se multiplient sur l’habitat protégé des tortues, et leurs interactions avec l’homme
s’avèrent souvent fatales. Depuis plus de trente ans, les nombreux volontaires internationaux
d’Archelon identifient, protègent et suivent les nids jusqu’aux éclosions. Leur travail porte ses
fruits, puisque les femelles caouannes émergent de plus en plus nombreuses chaque été. Reste
à implanter une activité écotouristique qui bénéficierait à la fois aux tortues et aux locaux. « Ces
sites sont la propriété de tous, résume Freya, et ils nous récompenseront bien plus au long terme
qu’un développement immobilier éphémère ! » www.archelon.gr en en danger
cr
en danger critique
La pomme de Niedzwetsky
un pépin pris en charge
j.-b. pouchain
www.montgomerybotanical.org
doug perrine/npl
la cultivée vient
en aide à la sauvage
C
La raie manta
Le long des côtes d’Afrique de l’Ouest, les poissons-scies,
semblables aux requins par leur squelette cartilagineux,
sont menacés par les activités de pêche et le commerce illégal. Aussi sont-ils l’objet d’un programme de
conservation « AfricaSaw ». Armelle Jung, chef de projet
scientifique à l’association Des requins et des hommes,
témoigne : « Le cœur de notre projet est de travailler avec
les Africains. Nous avons créé un réseau d’alerte entre
plusieurs pays (Sénégal, Sierra Leone, Guinée-Bissau...)
pour réagir rapidement en cas de capture de poissonscie. Il fonctionne grâce à des relais locaux – un chef
de village, un responsable pêche –, qui communiquent
beaucoup pour garder le lien après une intervention,
et affichent ainsi leur communauté comme “amie des
poissons-scies”. C’est le maintien de cette énergie, ainsi
que plusieurs projets d’éducation, qui appellent une
prise de conscience. Dans un petit village du sud de la
Sierra Leone, je me souviens de pêcheurs ayant décidé
de remettre à l’eau un poisson-scie après un débat long
et houleux. C’était un témoignage fort de la part de ces
gens qui ont pourtant d’autres préoccupations quotidiennes. À terme, on espère les voir prendre en main
la gestion raisonnée de leurs ressources halieutiques. »
Zamia prasina
’est comme si pour vivre
heureux Zamia prasina avait
voulu vivre caché. Non content
d’être endémique des monts Maya,
au sud-ouest du Bélize (Amérique
centrale), ce cycas – en passe d’être
renommé « Zamia decumbens » après
une confusion taxonomique –, ne
pousse qu’au fond des dolines, des
dépressions formées par l’affaissement
de la roche souterraine. Ironie du sort,
c’est la rareté de cette plante, qu’on
prendrait pour une fougère croisée
de palmier, qui l’a rendue précieuse
aux yeux des collectionneurs. Ses
populations, décimées par une
exploitation commerciale non durable,
ne comptent plus qu’une centaine
d’individus sur 10 kilomètres carrés
de forêt. Le Montgomery Botanical
Center (MBC), à travers des expéditions
cofinancées par SOS (Save Our
Species), rapporte de précieuses
graines de cycas sauvages aux ÉtatsUnis à des fins d’horticulture. « Des
collections ex situ sont nécessaires afin
de compléter les populations de cycas
sauvages, explique Tracy Magellan,
gestionnaire de sensibilisation au MBC.
Une grande disponibilité de cycas
cultivés en pépinières démotivera les
collectionneurs de plantes sauvages. »
Avec un plan de propagation de
1 000 graines et plus de 50 % de
germination fructueuse, Zamia prasina
semble avoir de beau jour devant lui.
Le poisson-scie
Les forêts fruitières d’Asie centrale : un paradis (presque) perdu ? C’est
qu’elles contiennent aussi leur fruit défendu : la pomme de Niedzwetsky,
l’ancêtre sauvage de nos variétés de culture. Robin Loveridge, agent
de la Global Trees Campaign (GTC), programme mondial de conservation des arbres menacés crée par Fauna & Flora International, est
parti en juin 2014 au Kirghizistan, dans la réserve de Sary-Chelek, afin
de superviser la protection de la dernière population de pommiers de
Niedzwetsky : « Chaque printemps, les jeunes plantes qui pointent leurs
premières pousses sont mangées par les troupeaux. Une population
silencieuse est en train de s’écrouler. » Afin de parer cette absence de
régénération qui, combinée à une fragmentation des populations, a
réduit l’espèce à 117 individus, GTC forme les communautés locales
et les services d’État à identifier et gérer les pommiers à travers un
pâturage extensif, tout en développant des pépinières pour renforcer
les populations sauvages avec des arbres cultivés. Ainsi, la survie de
l’espèce augurerait d’une « diversité génétique et d’une potentielle résistance aux maladies qui menacent les variétés domestiques de pomme ».
http://globaltrees.org en
près les soupes d’ailerons
de requins, plus nocives que
médicinales, la mode est
désormais à l’utilisation pseudothérapeutique des branchies de raies
manta. Il y a plusieurs années, des
écologistes des associations WildAid
et Shark Savers ont remonté la piste
de ce commerce illégal jusqu’aux
marchés de fruits de mer séchés
de Guangzhou, au sud de la Chine :
99 % des branchies y sont vendues
comme base de préparation pour
des tonifiants. Afin d’enrayer le déclin
des populations de raies manta que
la demande en branchies engendre
en motivant une surpêche globale de
l’espèce, les deux associations ont créé
le programme « Manta Ray of Hope ».
Outre l’implantation des mesures de
protection légale des raies et une
campagne de sensibilisation en Chine,
il promeut les activités d’écotourisme
liées à l’espèce telle que la plongée
sous-marine. « Ce commerce est
en train de déposséder les économies
locales de l’une des créatures
les plus charismatiques des océans,
qui pourrait leur attirer des millions
de dollars chaque année », assure
le chef d’équipe Shawn Heinrichs.
Avec 11 millions de dollars générés
par an, contre un potentiel 100 millions
de dollars en activités écotouristiques,
le trafic mortuaire de la raie manta
semble en effet ne pas tenir la route.
www.mantarayofhope.com
vu
vulnérable
en danger
N°311 Terre Sauvage 79
les gardiens de la nature
souriez, vous êtes filmés
Chassé à outrance par le passé, le phoque moine de Méditerranée est
l’un des mammifères marins les plus menacés, avec environ 500 animaux répartis entre la mer Égée et la côte nord-africaine. La Fondation
espagnole CBD-Habitat a initié un programme de conservation de
l’espèce en Mauritanie, dans la réserve Côtes des phoques. « Dans
la péninsule du cap Blanc, nous protégeons près de la moitié de la
population mondiale, souligne la biologiste Mercedes Muñoz Cañas,
et la seule qui préserve sa structure de colonie originale. En somme,
nous protégeons son plus gros espoir de survie. » Les phoques souffrant de perturbations humaines dans leurs
trois grottes de repos et de reproduction,
les techniciens du programme utilisent des
caméras de surveillance et, plus rarement,
y descendent en rappel pour en contrôler
l’activité. Ils travaillent aussi avec les habitants de la ville voisine de Nouadhibou afin
de prévenir toute activité de pêche intrusive.
Leurs efforts ont permis de doubler l’effectif
de la colonie en quatorze ans, et les phoques,
assure Mercedes, les en remercient à leur
façon : « C’est incroyable quand, en pleine
escalade, on sent soudain quelque chose tirer
la corde et que l’on découvre, en bas, un bébé
phoque jouant en toute insouciance avec ! »
La grenouille
de Corroboree
les œufs d’or
cr
en danger critique
on rentre à la maison
M
cr
www.life-papillons.eu en
en danger critique
en danger
L’écrevisse à
pattes blanches
Pas de cage pour la voix !
Toutes aux abris !
Rares sont les organismes
dévoués à la protection des
espèces « ingrates », tels que
les invertébrés. Pourtant, ils
sont « la clé pour maintenir
un environnement sain »,
assure Joanne Gilvear, agent de conservation à Buglife. L’association, dont
le mot d’ordre est : « Protéger les petites choses qui dirigent le monde », ambitionne de sauver l’écrevisse à pattes blanches en Angleterre du Sud-Ouest.
Les populations de cette espèce bio-indicatrice intolérante à la pollution ont
chuté de moitié depuis les années 1970, principalement à cause d’une « peste »
véhiculée par une espèce invasive, l’écrevisse de Californie. Afin de contrer
cette maladie, Buglife et plusieurs partenaires ont initié le « South West
Crayfish Partnership », visant notamment à établir des sites Arcs. « Ce sont des
refuges sûrs et dénués d’écrevisses invasives pour les populations autochtones
en danger », explique Joanne. Les agents, après avoir capturé des écrevisses à
pattes blanches, les transfèrent dans ces sites isolés où leur évolution est rigoureusement contrôlée. Douze sites Arcs ont ainsi été créés, et Buglife, à travers
une méthode de science participative, encourage chacun à en identifier de
nouveaux grâce à des tableaux de critères téléchargeables sur son site internet.
arcy Summers dirige l’Alliance
for Tompotika Conservation
(AITo), créée en 2006 dans le
but de protéger le mégapode maléo,
un oiseau endémique de Célèbes,
en Indonésie. Menacée par la collecte
illégale de l’œuf unique que les
femelles pondent sur une plage près
du village de Taima, dans la province
de Tompotika, l’espèce n’a cessé
de voir sa population s’agrandir depuis
le début des patrouilles instaurées
par AlTo avec la communauté locale.
« Nous avons prouvé que si les hommes
changent leur comportement envers
la nature, cela peut être mutuellement
bénéfique. » Plus rentable que la
revente d’œufs, la protection de la plage
a aussi rendu tangible la conséquence
de leurs actes aux Indonésiens.
« La partie la plus dure, c’est
de changer les mentalités... Ça prend
du temps. Mais, de plus en plus,
les villageois parlent avec fierté de leur
héritage naturel ! » D’après Marcy, cette
invitation au changement est lancée
par les mégapodes maléos eux-mêmes,
qui, après avoir enterré leur œuf
regagnent la forêt sans se retourner,
laissant le futur bébé livré à lui-même.
« C’est l’ultime acte de confiance. Ils
comptent sur le monde pour se montrer
clément avec leur enfant. En tant
qu’Homme, cela m’inspire l’envie
de ne pas trahir cette confiance. »
www.tompotika.org
en
en danger
linda pitkin/npl
« L’intelligence du gris du Timneh est à la fois la raison de sa
survie et de sa perte. » Les anciens de l’archipel des Bijagós,
en Guinée-Bissau, ont raconté à Mohamed Henriques, biologiste à la World Parrot Trust (WPT), comment ce perroquet
endémique d’Afrique de l’Ouest a décliné en trente ans,
victime de sa faculté à imiter les mots humains qui l’a rendu
populaire comme animal de compagnie en Europe. Mais la
création d’aires protégées, tel que le parc national marin de
João Vieira-Poilão, et l’avènement d’actions de conservation
ont commencé à décourager les chasseurs de perroquets.
« On en a eu la preuve cette année, quand nous avons réussi à
récupérer et réintroduire un oisillon qui avait été braconné »,
se félicite Mohamed. Afin de préserver la colonie reproductrice
des îles João Vieira et Meio, la WPT a fait le pari audacieux
de recruter six chasseurs de perroquets pour aider à recenser
les populations. « L’idée n’est pas seulement de leur offrir une
alternative économique, mais d’éveiller leur conscience aux
conséquences de la disparition du gris du Timneh. » Grâce à
leurs connaissances, ils sont devenus de précieux collaborateurs du projet, et un espoir pour cet oiseau qui, aux yeux de
Mohamed, incarne le vrai sens de la liberté. www.parrots.org
vulnérable
patrouilles gagnantes
http://mediterraneanmonkseal.org
Le gris du Timneh
vu
80 Terre Sauvage N°311
Le mégapode maléo
Tout papillon se doit de posséder un
nom alambiqué. Celui du cuivré de
la bistorte dit pourtant élégamment
sa vive couleur et la plante dont il
dépend. Petit insecte relique de la
dernière glaciation, ses populations
en déclin et de plus en plus fragmentées se concentrent majoritairement dans les fonds de vallées des
Ardennes et de la Lorraine belges.
En 2009, la Région wallone a mis en
place un programme de conservation
sur une durée de cinq ans, coordonné
par l’association Natagora et doté de
financements européens. À travers la restauration de 110 hectares de terrains,
dont 40 hectares de sites achetés et de nombreux sites Natura 2000, les travaux
ont rétabli le cadre de vie propice à ce papillon : un réseau de prairies humides
où pousse la bistorte, la plante nécessaire à sa reproduction. Par exemple,
de nombreuses coupes sélectives et des aménagements de clairières ont été
effectués dans le bassin de la Semois, auparavant envahi par les épicéas, qui
ont permis le retour de la bistorte après deux ans. Le projet s’est vu accorder
un an d’action supplémentaire, afin de superviser la gestion raisonnée des
sites rouverts, recolonisés avec succès par le cuivré malgré la forte pluviosité des deux derniers printemps et une baisse continuelle de ses effectifs.
daniel lopes
www.corroboreefrog.com.au
wweurope/npl
D
epuis quelques années, nombre
d’amphibiens dans le monde
sont décimés par un champignon
infectieux, le chytride. La grenouille
de Corroboree, endémique des zones
humides du parc national Kosciuszko,
dans l’État australien des NouvellesGalles du Sud, ne fait pas exception.
Seulement six mâles ont été recensés
en janvier 2014. Grâce à un projet
de conservation, on espère que cet
amphibien aux spectaculaires couleurs
jaune et noire connaîtra un futur
meilleur. « Mais le défi est plus large,
il faut faire face à un agent pathogène
qui menace globalement toutes les
grenouilles », indique David Hunter,
agent à l’Office de l’environnement
et de l’héritage, qui espère que le plan
de sauvegarde essaimera ailleurs.
Quatre zoos et parcs australiens
gèrent la reproduction en captivité,
dans des conditions reproduisant
celles de l’habitat naturel de la
grenouille de Corroboree. Puis les
œufs sont réintroduits dans des
mares artificielles au parc national
Kosciuszko. « Elles sont légèrement
surélevées, ce qui permet d’exclure
la présence de Crinia signifera,
l’amphibien vecteur du chytride »,
explique David. Et ça marche : 60 %
des œufs éclosent et plusieurs
individus atteignent leur maturité
et réussissent à s’accoupler.
Le cuivré
de la bistorte
emmanuel boitier
Le phoque moine de Méditerranée
www.buglife.org.uk/uk-crayfish en
en danger
N°311 Terre Sauvage 81