La catatonie maligne : un syndrome aigu de stress

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Annales Médico Psychologiques 161 (2003) 804–808
Communication
La catatonie maligne : un syndrome aigu de stress ?
À propos de cinq formes létales
Malignant catatonia: five lethal cases
O. Saladini a,*, V. Gelin a, C. Waterlot b, J.-P. Luauté a
a
b
Service de psychiatrie générale – CH Romans/Saint-Vallier, France
Service de médecine et d’endocrinologie – CH Romans/Saint-Vallier, France
Résumé
La catatonie est un syndrome transnosographique observé aussi bien au cours de troubles mentaux que lors d’affections médicales
générales. Sa physiopathologie reste discutée. Le caractère indiscernable, au niveau clinique, de la catatonie maligne et du syndrome malin aux
neuroleptiques suggère l’hypothèse d’un mécanisme univoque. Le travail que nous présentons, à partir de cinq cas cliniques, reprend
l’hypothèse d’un mécanisme de stress non spécifique déjà proposé par P. Lôo et al., et suggère la possibilité d’une hyperactivité du système
nerveux autonome comme cela a été décrit dans le syndrome malin aux neuroleptiques.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Summary
Catatonia is a syndrome which is found both in mental diseases as in other general medical diseases. His pathophysiology is unclear.
Clinically, Neuroleptic Malignant Syndrome is very close to lethal catatonia, suggesting a unique mecanism. We present an hypothesis of non
specific stress reaction and the possibility of a sympathoadrenal hyperactivity as described in the Neuroleptic Malignant Syndrome.
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Mots clés : Catatonie ; Catécholamines ; Stress ; Syndrome Malin aux Neuroleptiques ; Vulnérabilité
Keywords: Catatonia; Catecholamines; Neuroleptic Malignant Syndrome; Stress; Vulnerability
1. Introduction
En 1975, P. Lôo et al. publiaient dans les Annales MédicoPsychologiques un mémoire intitulé : « Contribution à
l’étude des concepts catatonie aiguë, encéphalite, délire
aigu » [8]. Les termes de délire aigu et d’encéphalite (du
moins psychosique) ont disparu des nomenclatures actuelles
et nous nous interrogerons d’abord sur la pertinence du seul
terme qui reste : celui de catatonie aiguë pour désigner
l’ensemble de ces états. Mais nous retiendrons surtout du
travail de P. Lôo et al. le rapprochement que les auteurs
faisaient entre ces états, surtout le délire aigu, considéré
comme un mode de réponse non spécifique à diverses agres* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (O. Saladini).
sions du système nerveux, et le stress, dont c’est précisément
la définition. Depuis 1975, plusieurs travaux importants,
anglo-saxons mais aussi français, ont modifié la perception
contemporaine de la catatonie. Ces modifications se situent
au plan de la nosologie, de la sémiologie et de la pathogénie
du syndrome. En 1976, Abrams et Taylor [2] constataient que
la majorité des cas de catatonie survenaient chez des patients
atteints de troubles de l’humeur (plus des 2/3), alors que la
schizophrénie était beaucoup moins représentée (moins de
10 %) et que nombre de catatonies typiques pouvaient être
rapportées à des affections médicales autres que psychiatriques. Ces constatations ont eu pour conséquence de faire
aujourd’hui considérer la catatonie comme spécifiant les
troubles de l’humeur [pour revue, voir 11]. C’est la position
du DSM-IV. Cette remise en place nosographique ne surprendrait pas la plupart des cliniciens français du siècle
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doi:10.1016/j.amp.2003.10.004
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passé, ainsi Henri Ey [5] qui réclamait « qu’on se libère une
fois pour toutes de ce préjugé qui fait de la catatonie sous tous
ces aspects, une forme appartenant exclusivement à la démence précoce », et nous ajouterons à la schizophrénie. En
revanche, nous demeurons dubitatifs quant à l’incorporation
dans la catatonie, et surtout dans ses formes aiguës, de patients uniquement agités car on ne voit pas quelle est alors la
justification du terme de catatonie dont on ose rappeler qu’il
est étymologiquement et classiquement défini comme un état
d’immobilité et de quasi-mutisme. Dans un travail commun
récent de deux équipes américaines et françaises qui s’intéressent depuis des années à la catatonie [9], les auteurs
distinguent la période pré-neuroleptique, où la majorité des
formes étaient dites « hyperactives », et la période actuelle où
l’on observe plutôt des formes primitivement stuporeuses.
Certes, les auteurs citent le terme de délire aigu qui désignait,
autrefois en France, ces formes hyperactives, mais ils n’expliquent pas pourquoi ce terme a disparu. Nous supposons à
cela deux raisons. L’une est historique, c’est le fait signalé
par Henri Ey que la majorité des psychiatres anglo-saxons et
allemands étaient restés réfractaires au concept, surtout français, de délire aigu et préféraient utiliser celui de catatonie
aiguë. Une autre raison plus valable pourrait justifier cette
assimilation à la catatonie aiguë des formes primitivement
agitées, et l’utilisation d’un même terme, ce serait d’admettre
qu’au plan pathogénique, ces formes agitées et stuporeuses,
mais également confusionnelles représentent une même
réaction non spécifique du système nerveux à diverses agressions. Un argument en faveur d’une pathogénie commune
est, pour de nombreux auteurs [3,9,16], le caractère indiscernable sur le plan clinique de la catatonie aiguë et du Syndrome Malin des Neuroleptiques (SMN), considéré comme
une catatonie maligne induite, ce qui permet d’envisager une
physiopathologie commune. Enfin, nous signalons une découverte récente qui pourrait être majeure et qui paraît se
confirmer, c’est l’identification par Meyer et al. d’un gène
impliqué dans une forme familiale de schizophrénie catatonique [10]. Nous en reparlerons.
Notre étude recense la survenue, au fil de la carrière de
l’un d’entre nous (J.-P. L.), de quatre cas de catatonie létale et
d’une forme plus discutable car également létale mais secondairement après guérison de l’épisode catatonique. Dans ces
cinq cas, le terme de catatonie a été utilisé dans sa définition
classique et nous n’avons pas inclus, dans l’étude, deux
formes mortelles de délire aigu, ce que nous aurions dû faire
si nous avions utilisé les critères actuellement en cours. Ces
cinq cas seront résumés puis nous examinerons les arguments qui pourraient évoquer le rôle du stress, ainsi que les
épreuves qu’il faudrait réaliser dans cette hypothèse.
2. Cas cliniques
Cas clinique n° 1 : ce patient né en 1951, probablement
déficitaire sur le plan intellectuel, a présenté de 1972 à 1983
plusieurs accès de catatonie périodique pour lesquels toutes
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les thérapeutiques se sont avérées inefficaces et dont il guérissait a priori spontanément. L’issue fatale d’un épisode
accompagné de signes de malignité en 1977 a été évitée par
l’association d’ECT et de benzodiazépines (oxazepam). En
rupture de soins depuis plus de six mois, il est décédé en 1983
à son domicile.
Cas clinique n° 2 : femme née en 1950, limitée sur le plan
intellectuel, a présenté, après un épisode catatonique inaugural, une psychose schizophrénique qui a évolué sur un versant
déficitaire émaillé d’accès délirants régressifs sous neuroleptiques. Elle est décédée d’un épisode catatonique avec immobilisme et hyperthermie.
Cas clinique n° 3 : femme née en 1932, d’apparence fruste
qui, après un épisode de mélancolie délirante proche d’un
syndrome de Cotard en 1983, a fait un nouvel épisode
en 1986 avec présentation catatonique, apparition rapide de
signes de malignité dont une hypertension. Le décès est
survenu quelques jours après par surinfection pulmonaire.
Cas clinique n° 4 : femme née en 1962, débile légère,
présentant en 1982 une psychose du post-partum à forme
catatonique avec oppositionnisme et mutisme. Une série
d’ECT a été entreprise qui a permis de guérir l’épisode. Suite
à une phlébite du membre inférieur, elle a été traitée par
anticoagulants à dose thérapeutique et a présenté 15 jours
plus tard un hématome temporopariétal droit dont elle est
décédée.
Cas clinique n° 5 : homme de 34 ans, sans antécédents
psychiatriques personnels ni familiaux. Il est le dernier d’une
fratrie de six enfants. Célibataire, agriculteur, il vit avec sa
mère âgée de 82 ans depuis la mort de son père il y a deux
ans. Sa biographie ne trouve aucun élément particulier dans
l’enfance et l’adolescence. Son niveau scolaire se limite à la
classe de 5e de réadaptation. Il n’a jamais été traité par
psychotropes sauf à l’âge de 32 ans, lors de la période de
deuil qui a suivi le décès de son père, et où il a reçu un
traitement d’une semaine par alprazolam. Il se présente une
première fois aux Urgences du Centre Hospitalier où il est
reçu par l’un d’entre nous (O.S.), adressé par son médecin
traitant pour un état anxieux d’intensité modérée qui fait suite
à des difficultés professionnelles : il souhaite ardemment
reprendre l’exploitation familiale mais n’en a les moyens ni
financiers ni, selon son frère qui l’accompagne, intellectuels.
Il ne souhaite pas être hospitalisé et devant l’absence de
signes de gravité, il rentre chez lui avec un rendez-vous de
consultation auquel il ne se rend pas. Il est réadressé deux
semaines plus tard en HDT à la suite de la survenue d’un état
d’agitation à son domicile. Il présente alors un état confusodélirant avec hallucinations visuelles, onirisme et un syndrome anxieux majeur. Il n’a aucun stigmate alcoolique. Il
est alors traité par clorazepate intra-musculaire et cet état va
céder au bout de deux jours pour laisser la place à un état
mélancolique délirant avec auto-accusations, culpabilité (il
se croit en particulier responsable des grandes famines de ce
monde), délire de prémonition (une catastrophe à l’échelle
planétaire va survenir : il en est responsable), pessimisme et
délire de négation. Il bénéficie alors d’un traitement par
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Tableau 1
Catatonie létale : cinq cas
Cas cliniques
Sexe
Diagnostic
ATCD familiaux
Durée d’évolution de la
maladie
Âge lors du décès
Causes du décès
Signes de malignité
Explorations paracliniques
Traitement avant
apparition du syndrome
Traitement de l’épisode
Cas n°1
masculin
psychose catatonique
périodique
frère schizophrène
11 ans
Cas n°2
féminin
schizophrénie
Cas n°3
féminin
mélancolie délirante
frère schizophrène
15 ans
aucune
3 ans
Cas n°4
féminin
psychose puerpérale à forme
catatonique
inconnue
1 mois
54 ans
surinfection pulmonaire
hyperthermie, sueurs, HTA
20 ans
hématome temporopariétal
hyperthermie, céphalées
EEG et PL normaux, CK à
807 UI/l sous cyamémazine
IM
EEG et PL normaux
cyamémazine
pipotiazine, clorazepate
cyamémazine
ECT
32 ans
déshydratation
hyperthermie, sueurs, HTA
47 ans
complications de décubitus
hyperthermie, sueurs,
polypnée
EEG, PL, FO normaux,
EEG, PL, scanner X
VMA, CK normales (80 UI/l) normaux, CK élevées (1405
UI/l) 6 jours après arrêt de la
clozapine
Aucun
cyamémazine, valpromide,
alprazolam
aucun (arrêt des
clozapine
neuroleptiques depuis plus de
6 mois)
clomipramine intraveineux associé à de l’halopéridol
(10 mg/j) et de la cyamémazine (75 mg/j) pendant huit jours.
Son état ne s’améliore pas et apparaît alors un tableau fait de
déambulations incessantes, d’une anxiété majeure, de sueurs
profuses sans fièvre, d’une catalepsie et d’un mutisme justifiant l’arrêt du traitement et l’indication d’ECT. Il va bénéficier de trois séances qui n’améliorent pas le tableau clinique
qui s’aggrave avec refus alimentaire et finalement défaillance
cardio-respiratoire justifiant une mutation en Réanimation.
Les examens paracliniques réalisés en psychiatrie n’ont
montré aucunes anomalies (bilan sanguin standard normal
dont CK normales, EEG et scanner sans particularités).
Après un bref passage en réanimation, le patient est admis en
août 2002 en service d’endocrinologie pour une hypokaliémie sévère et persistante aux alentours de 2 mmol/l. La
symptomatologie clinique n’a pas du tout été améliorée du
point de vue psychiatrique et se manifeste par un mutisme et
un état de régression massif avec cachexie. Le bilan de
l’hypokaliémie montre une élévation du Cortisol libre urinaire associé à une perturbation du cycle. La sécrétion
d’ACTH est aussi élevée, faisant évoquer un hypercorticisme
ACTH dépendant. Le test de freinage minute au Dectancyl
confirme l’absence totale d’abaissement du Cortisol et on
évoque un hypercorticisme paranéoplasique mais aucun examen complémentaire ne trouve d’étiologie (marqueurs tumoraux et scanner thoraco-abdominal normaux). Parallèlement,
une IRM hypophysaire est demandée mais son résultat est
négatif. Les explorations orienteront alors vers une tumeur
hypophysaire (test au Soludecadron : freinage partiel du
Cortisol et de l’ACTH à la 10e heure avec échappement à la
24e heure ; test au CRF montrant une réponse au Cortisol
explosive). Au plan neurologique, la symptomatologie clinique n’évoquait rien de spécifique (aucun déficit focalisé, pas
d’anomalies oculomotrices, pas de syndrome cérébelleux).
En revanche, la ponction lombaire mettait en évidence un
taux fortement positif de protéine 14.3.3, suggérant une possible encéphalite d’origine infectieuse ou paranéoplasique. Il
n’y avait pas d’argument clinique en faveur d’une maladie de
Creutzfeld-Jacob. Le malade est décédé en décembre 2002
d’un choc septique et des complications de décubitus. Il n’y a
pas eu d’autopsie.
3. Commentaires
Le malade n° 1 qui ne recevait plus aucun traitement est
décédé de sa catatonie par manque de soins. Les malades
n° 2, 3 et 5 qui sont décédés de catatonie maligne avaient tous
reçu des neuroleptiques et pourraient avoir fait un SMN (la
CK étant élevée dans deux cas). La malade n° 4 qui présentait
sous neuroleptiques un épisode rapidement résolutif après
ECT est décédée d’une hémorragie cérébrale peut-être sans
rapport. Le malade n° 5 pose un problème diagnostique
complexe et l’on peut évoquer trois étiologies possibles au
syndrome catatonique : traitement neuroleptique, tumeur hypophysaire présumée, encéphalite possible. Enfin, on soulignera que la conduite thérapeutique s’est modifiée au fil des
ans. Dans les formes récentes (cas n° 4 et 5), les neuroleptiques ont été immédiatement arrêtés et un traitement par
benzodiazépines et ECT institué. Toutefois, on peut s’interroger aussi sur le rôle aggravant ou déterminant dans ces
formes de l’interruption concomitante des antiparkinsoniens
(cf. infra).
4. Discussion
Les discussions sur la pathogénie de la catatonie aiguë ont
été relancées depuis l’introduction des neuroleptiques par
l’analogie que l’on peut faire entre cette forme et le syn-
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drome malin des neuroleptiques (SMN) [3,9]. La multiplicité
des situations à l’origine de la catatonie (schizophrénie, troubles de l’humeur, traitement neuroleptique, affections médicales autres que psychiatriques, atteintes cérébrales diverses)
contraste avec le caractère fixe et parfaitement défini de la
symptomatologie catatonique. Cela a suggéré depuis longtemps l’hypothèse d’une physiopathologie commune. Certains auteurs [8,16] l’ont envisagée comme une réaction
adaptative non spécifique au stress, dont le mécanisme reste
toutefois mal connu. On soulignera à ce sujet l’efficacité des
anxiolytiques et notamment du lorazepam dans le traitement
du SMN et de la catatonie. Si l’on considère le SMN comme
une forme et un modèle de catatonie, on constate un certain
nombre d’arguments en faveur d’une hyperactivité du système nerveux autonome : c’est, d’une part, la présence de
signes végétatifs (tachycardie, sueurs profuses, hyperthermie, modifications de la pression artérielle), d’autre part, la
constatation déjà classique de la présence du point de vue
biologique d’une élévation des catécholamines périphériques [6], ce qui a aussi été décrit dans la catatonie périodique
[18]. Les recherches sur la physiopathologie du SMN ont
incriminé un mécanisme de blocage dopaminergique au niveau des noyaux gris centraux et de l’hypothalamus. Toutefois, le rôle de la dopamine comme mécanisme univoque
peut être critiqué non pas tellement parce que d’autres substances (des antidépresseurs) ont été mises en cause car elles
peuvent avoir également un rôle hypodopaminergique [1],
mais parce que l’on a décrit des catatonies de sevrage après
arrêt brutal de divers psychotropes : antiparkinsoniens [4],
benzodiazépines [13], anticonvulsivants [14]. Gurrera [6] a
proposé un modèle faisant jouer un rôle prépondérant à une
hyperactivité du système nerveux autonome dans le SMN.
Cette hypothèse suppose l’existence d’un dysfonctionnement du lobe frontal (lié à la pathologie psychiatrique ou
organique, voire à un retard mental) aggravé par les neuroleptiques et l’impact de ceux-ci au niveau hypothalamique
bloquant l’action normalement inhibitrice de cette structure
sur le système autonome, déclenchant son hyperactivité et le
cortège de symptômes végétatifs. Gurrera souligne le caractère dissocié et fragmenté de ces derniers symptômes, témoin
des capacités de fonctionnement autonome du système nerveux sympathique. Toutes les grandes fonctions physiologiques peuvent être atteintes (principalement granulopoïèse,
régulation de la glycémie, de l’activité sudoripare, de l’activité vasomotrice et de l’activité du muscle lisse). L’auteur de
cette hypothèse suggère aussi qu’il pourrait exister une prédisposition génétique dans le sens d’un marqueur, trait de
vulnérabilité favorisant dans certaines circonstances le développement d’un syndrome malin aux neuroleptiques ou d’un
syndrome catatonique. Cela se trouve renforcé par des travaux actuels mettant en évidence l’existence d’une mutation
sur le chromosome 15, dans la région du gène codant pour la
sous-unité alpha7 du récepteur nicotinique à l’acétylcholine
qui co-ségrège avec le phénotype catatonie dans certaines
familles atteintes de catatonie périodique [10]. Toutefois,
dans le cadre de l’hypothèse de Gurrera, le mécanisme d’ac-
807
tivation et d’autonomisation du système nerveux sympathique reste pourtant obscur si l’on considère les catatonies de
novo. Aucune étude post mortem n’a montré d’anomalie
neuropathologique spécifique en dehors des lésions secondaires aux complications de la catatonie [9,12]. Le rôle du
lobe frontal a souvent été souligné, en particulier par l’analogie que l’on a pu faire entre la clinique des pathologies
neurologiques de cette structure (mutisme akinétique) et certains signes de la catatonie [7]. Taylor [15] suggère l’hypothèse d’un dysfonctionnement d’un circuit comprenant le
lobe frontal, le système limbique et les noyaux gris centraux,
l’ensemble étant sous-tendu par le système dopaminergique.
À partir de l’ensemble de ces données, l’hypothèse que
l’on se risque à faire serait celle d’un dépassement des capacités de traitement de l’information en cas de stress, au
niveau cortical (et plus spécialement au niveau du lobe frontal), obligeant à un traitement de ces données au niveau
sous-cortical : on sait, en effet, que ce mécanisme général,
mis en jeu lors des réactions d’alerte, est médié par les
catécholamines [17]. Un certain nombre de données manquent pour valider plus avant cette hypothèse, en particulier
l’identification des structures cérébrales mises en jeu dans le
processus catatonique par l’intermédiaire d’études en imagerie cérébrale, de même que l’exploration de l’axe
hypotahalamo-hypophyso-surrénalien et le dosage plus systématique des catécholamines et de leurs dérivés.
Références
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Discussion
Pr Henri Lôo – Il convient de féliciter l’équipe de Monsieur
Luauté des observations de catatonie rapportée et en particulier de
leur prudence quant à l’interprétation physiopathogénique des troubles.
L’échec de l’électronarcose dans le dernier cas rapporté ne
peut-il être attribué à la prescription concomitante de benzodiazépines ? Certes, l’association des deux thérapeutiques est parfaitement
légitime et dans ce type de pathologie, nous la pratiquons mais les
benzodiazépines sont anticonvulsivantes, augmentent le seuil critique et, par là même, peuvent rendre inefficace l’action de l’électronarcose.
En effet, pour être efficace, l’électrochocthérapie doit entraîner
une crise électrique qui doit durer au moins 20 secondes.
Les benzodiazépines peuvent diminuer la durée de la crise, voire
la supprimer, et la seule manière d’éviter cet écueil serait d’enregistrer la crise électrique déterminée par le choc électrique mais tout le
monde ne peut pas réaliser une telle surveillance.
Réponse du Rapporteur – Le cas n° 5 n’a eu que trois séances
d’ECT car il a inhalé à la troisième séance, rendant impératifs son
passage en réanimation et l’arrêt des ECT. Les cas n° 2, 3, 5 ont fait
un syndrome malin aux neuroleptiques et nous avons posé le diagnostic sur des arguments cliniques. Tous nos patients ont été
hospitalisés en réanimation et il n’a jamais été évoqué de pathologie
cardiaque en lien avec les neuroleptiques.
Les crises au cours des trois séances d’ECT n’ont pas été enregistrées et effectivement, il existe ici un biais du fait de la présence
de benzodiazépines dans le traitement du patient n° 5.
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