Transcript J2788
Cristallisation industrielle
Aspects pratiques
par
Jean-Paul KLEIN
Docteur-Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy)
Professeur à l’Université Lyon I
Laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés, URA CNRS D 1328 – Villeurbanne
Roland BOISTELLE
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherches au CNRS – Marseille-Luminy
Centre de Recherches sur les Mécanismes de la Croissance Cristalline
et
Jacques DUGUA
J 2 788
6 - 1994
Docteur-Ingénieur CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers)
Ingénieur au Centre Technique de Lyon (CTL) d’Elf Atochem
1.
Avant-propos .............................................................................................
2.
2.1
2.2
2.3
2.4
2.5
Modes d’obtention de la sursaturation .............................................
Refroidissement direct ou par échange thermique ..................................
Refroidissement par évaporation du solvant ............................................
Concentration par évaporation...................................................................
Relargage par ajout de sels ou de tiers solvant ........................................
Précipitation .................................................................................................
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3
3
3
4
4
4
3.
3.1
3.2
Place du cristallisoir dans le procédé industriel.............................
Caractéristiques demandées aux cristaux fabriqués................................
Interactions des différentes opérations unitaires du procédé .................
—
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—
5
5
5
4.
4.1
4.2
4.3
4.4
Technologie et dimensionnement des cristallisoirs.......................
Introduction..................................................................................................
Cuves agitées ...............................................................................................
Cristallisoirs particuliers..............................................................................
Critères de choix du cristallisoir .................................................................
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6
6
6
10
15
5.
5.1
5.2
Bilans dans les cristallisoirs .................................................................
Bilans de matière et thermique dans un appareil parfaitement agité.....
Bilans de population....................................................................................
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16
16
17
6.
6.1
6.2
6.3
6.4
6.5
Conduite des cristallisoirs.....................................................................
Encroûtement des cristallisoirs ..................................................................
Effet des impuretés. Changements de faciès des cristaux.......................
Amorçage. Ensemencement.......................................................................
Paramètres de conduite d’une cristallisation discontinue .......................
Paramètres de conduite d’une cristallisation continue ............................
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21
21
23
24
26
26
7.
7.1
7.2
Cristallisation industrielle à partir de milieux fondus ..................
Principes .......................................................................................................
Procédés industriels ....................................................................................
—
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—
27
27
28
8.
Conclusion .................................................................................................
—
30
Pour en savoir plus...........................................................................................
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Doc. J 2 789
a cristallisation est une opération unitaire du génie chimique à la fois d’une
très grande complexité théorique et d’une importance économique vitale.
À l’heure actuelle, 25 à 30 % du chiffre d’affaires de la chimie est réalisé avec
des produits obtenus dans des procédés comportant au moins une étape de
L
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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cristallisation ou de précipitation. Ce pourcentage atteint 75 à 80 % pour les
procédés de chimie organique fine, principalement utilisés pour la fabrication
de principes actifs de l’industrie pharmaceutique ou agrochimique.
Les productions obtenues dans les cristallisoirs industriels varient en fonction
de la taille de l’installation. Elles peuvent atteindre :
— plusieurs centaines de tonnes par jour pour des produits dits de grande
commodité tels que l’hydrogénocarbonate de sodium, l’acide adipique ou le
sulfate d’ammonium dans des procédés continus ;
— quelques dizaines de tonnes par jour en discontinu pour des produits tels
que l’acide salicylique, l’aspirine ou le paracétamol ;
— voire moins d’une tonne par jour pour des produits à forte valeur ajoutée
(composés pharmaceutiques ou agrochimiques par exemple ainsi que certains
produits de chimie de spécialité).
Les aspects théoriques de la cristallisation ont été développés dans
l’article [J 1 500]. Ils sont mis en œuvre dans le présent article pour choisir et
dimensionner l’installation adéquate de cristallisation en solution pour un produit, un procédé et une production donnés. Ils permettent aussi, sous certaines
conditions, de prévoir la répartition granulométrique des cristaux à la sortie d’un
cristallisoir par l’intermédiaire de bilans de populations, dont l’utilisation est
développée ci-après (§ 5.2).
En fin d’article (§ 7) la cristallisation à partir de milieux fondus, qui a, en particulier en chimie organique, des applications industrielles d’une importance non
négligeable (purification du p-xylène, du naphtalène, du dichlorobenzène, etc.)
sera présentée avec les procédés industriels utilisés dans ce domaine.
1. Avant-propos
nement des appareils concernés devra non seulement prendre en
compte les contraintes de transfert thermique mais aussi celles liées
à la cristallisation.
La cristallisation est une opération de purification de produits
minéraux et organiques d’une importance économique considérable. Elle conduit à l’apparition d’une phase solide qu’il faut ensuite
séparer, sécher, conditionner, etc. et dont l’aspect physique ne laisse
plus l’utilisateur indifférent.
L’opération de cristallisation n’est pas toujours destinée à isoler
le produit final ; elle intervient également lors de la purification de
composés intermédiaires (précipitation de l’hydrogénocarbonate de
sodium pour fabriquer le carbonate, précipitation du sulfate de calcium dans les procédés de fabrication d’acide phosphorique, purification de composés intermédiaires dans les procédés de chimie
organique fine multiphase par exemple).
La cristallisation à partir d’une solution est une opération de purification mais devient de plus en plus une opération reconnue de mise
en forme, dans la mesure où le produit obtenu devra être filtrable,
séchable, manipulable, ne dégageant pas de poussière. La maîtrise
de la distribution des tailles des particules et des formes extérieures
des cristaux est à l’heure actuelle un argument commercial dont
l’importance se rapproche de celle des critères de pureté à maintenir
évidemment à un très haut niveau. L’ensemble de ces problèmes
sont traités lors du dimensionnement et de l’exploitation optimale
du cristallisoir industriel.
Il est donc indispensable de maîtriser l’opération de cristallisation à la fois en ce qui concerne :
— les bilans de matière et thermique des cristallisoirs ;
— les bilans de population, destinés à prédire la distribution des
tailles des particules ;
— son intégration dans l’ensemble du procédé, en raison des
effets des impuretés sur la forme des particules, qui nécessitent un
contrôle de la réaction et des recyclages, en raison également de
la très forte influence de la forme et de la taille des cristaux obtenus
sur le reste de la chaîne de traitement et de conditionnement du
solide (filtration, séchage, manipulation, stockage, ensachage, etc.).
De plus, les procédés faisant intervenir une phase solide cristallisée sont extrêmement diversifiés :
— la cristallisation à partir de la phase vapeur (désublimation),
d’une importance industrielle relativement restreinte en dehors de
quelques produits tels la mélamine, l’anhydride phtalique ou encore
les chlorures d’aluminium et de zirconium ;
— la cristallisation à partir de bains fondus, pour laquelle il
convient de distinguer la cristallisation à forts tonnages de produits
organiques (voir § 7) et deux applications non abordées dans cet
article, à savoir :
• la cristallisation des métaux et des alliages,
• la cristallisation des produits ultrapurs par fusion de zone
(silicium...) ,
— la cristallisation et la précipitation à partir de solutions sur
lesquelles l’essentiel de cet article sera centré ;
— la solidification, prise en masse destinée à une mise en forme
commercialisable (prilling, écaillage, pastillage...), qui ne sera pas
abordée ici, quoique d’une importance industrielle considérable,
mais fera l’objet de deux articles [J 3 380] [J 3 382]. Le dimension-
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La reconnaissance de la cristallisation comme opération unitaire
de génie chimique date du début des années 70 avec le développement des modélisations cinétiques phénoménologiques et des
équations de bilan de population [1] [2]. L’évolution des connaissances est constante et les recherches dans le domaine du génie
de la cristallisation sont loin d’être achevées. À l’heure actuelle, le
développement des procédés de cristallisation passe par une étude
de laboratoire poussée dans des appareils représentatifs en ce qui
concerne les appareils parfaitement agités qu’ils soient continus,
semi-continus ou discontinus et par des essais sur appareils pilotes
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dès que le cristallisoir est plus complexe (appareils à classification
en particulier) ou pour fabriquer des quantités de cristaux suffisantes
pour associer au cristallisoir les appareils annexes nécessaires
(pompes, séparateurs solide-liquide, séchoirs...).
2. Modes d’obtention
de la sursaturation
Pour obtenir un produit cristallisé à partir d’une solution, il est
nécessaire de créer une sursaturation, c’est-à-dire d’agir physiquement ou chimiquement sur la solution pour que la concentration
du soluté dans la solution dépasse la solubilité (ou concentration
à saturation).
Cela peut être réalisé de différentes manières en fonction de
l’allure de la courbe de solubilité :
— refroidissement par échange ou par évaporation d’un tiers
corps (refroidissement direct) ;
— refroidissement par évaporation sous vide (en réinjectant ou
non dans l’appareil le solvant vaporisé puis condensé) ;
— évaporation isotherme, au cours de laquelle c’est l’augmentation de la concentration qui crée la sursaturation ;
— relargage par ajout d’un sel (salting out ) ou d’un tiers solvant ;
— réaction chimique entre deux corps solubles pour créer un
produit insoluble, auquel cas on parlera de précipitation.
La figure 1 montre des courbes de solubilité extrêmement
diverses dans l’eau. Ainsi la solubilité du chlorate de potassium est
élevée à 100 oC et faible à 20 oC. Il pourra donc être cristallisé avec
un bon rendement par simple refroidissement. Par contre, la solubilité du chlorure de sodium est pratiquement indépendante de la
température et un simple refroidissement ne permettra pas de le
cristalliser avec un bon rendement. Il faudra évaporer de l’eau pour
cristalliser le sel.
Le choix entre les différents modes de refroidissement dépend
de la conduite du cristallisoir, de la durée de l’opération et de son
rendement économique.
Ces différents modes de génération de la sursaturation sont
appliqués aussi bien aux cristallisoirs continus dont les conditions
de fonctionnement sont constantes dans le temps (température,
pression, sursaturation, concentration du solide...) qu’aux cristallisoirs discontinus (batch ) pour lesquels les paramètres de fonctionnement varient au cours de l’opération.
2.1 Refroidissement direct
ou par échange thermique
Cette méthode est utilisée lorsque la variation de solubilité avec
la température est importante entre la température ambiante et la
température de vaporisation du solvant à pression atmosphérique.
Pour des raisons économiques, les industriels recherchent généralement un solvant de cristallisation ayant cette propriété, ce qui
explique que le refroidissement est très couramment utilisé.
La figure 2 montre l’évolution de la concentration du soluté dans
la phase liquide lors d’une opération de cristallisation discontinue
par refroidissement lorsque l’on n’ensemence pas le cristallisoir. La
solution initiale sous-saturée est représentée par le point M, à la température Ti et la concentration C i . Lors du refroidissement, lorsque
la limite de zone métastable est atteinte, il se produit une nucléation
primaire conduisant à l’apparition de cristaux qui ensuite grossissent. À partir de ce moment-là, le milieu est faiblement sursaturé
si le refroidissement est lent. L’arrêt de l’opération s’effectue à T f
où quelques minutes d’attente permettent généralement à la
concentration finale C f d’atteindre l’équilibre de solubilité C *f .
La sursaturation en cours d’opération est la résultante de deux
processus jouant en sens inverse, à savoir le refroidissement qui
tend à l’augmenter et la croissance des cristaux qui tend à l’abaisser. Si la vitesse de croissance est trop faible pour compenser le
refroidissement, la sursaturation augmentera avec risque de
nucléation primaire en cours de cristallisation.
En continu, dans un cristallisoir parfaitement agité, l’alimentation
est représentée par le point M et le point de fonctionnement du cristallisoir a pour coordonnées Tf et ( C *f + ∆C ), où ∆C est la sursaturation
dans le cristallisoir, qui est généralement faible, d’autant plus faible
que le temps de passage, rapport du volume de l’appareil au débit
volumique de soutirage (V /Q ), est plus élevé.
Le refroidissement est obtenu à l’aide d’un échangeur thermique
constitué le plus généralement par la paroi du cristallisoir, ou par
un serpentin servant également de tube de recirculation autour de
l’agitateur (voir § 4.2.2) ou à l’aide d’un échangeur sur une boucle
de recirculation externe. Ce dernier système doit être évité en raison des risques d’encroûtement des surfaces froides, phénomène
fatal en continu et qui nécessite le démontage de l’échangeur
externe, coûteux en temps et en main-d’œuvre. La capacité
d’échange thermique limitée aux seuls parois et serpentins est
souvent trop faible lorsque la productivité demandée est élevée. En
effet, la différence de température entre le milieu et la paroi
d’échange est limitée en raison des risques d’encroûtement déjà
évoqués et la différence de température limite utilisable entre la
paroi d’échange et le milieu devra être mesurée au cas par cas
dans une cellule adaptée (voir § 6.1.2). Cette limite détermine dans
de nombreux cas la productivité de l’appareil et le choix de ce procédé par échange, très simple d’utilisation par ailleurs, par rapport
au procédé de refroidissement par évaporation adiabatique sous
une pression de plus en plus faible décrit ci-après.
2.2 Refroidissement par évaporation
du solvant
Cette seconde possibilité, qui consiste à évaporer une partie du
solvant sous un vide de plus en plus poussé, provoque une descente
de température qu’il s’agit de contrôler. Le solvant évaporé est
condensé et peut être réinjecté dans le cristallisoir, auquel cas l’opération est équivalente à une opération par refroidissement par paroi
mais sans en présenter les inconvénients liés à l’encrassement des
surfaces froides. Il est ainsi possible de conduire un refroidissement
plus rapide, donc d’obtenir un gain de productivité.
Figure 1 – Courbes de solubilité de divers composés minéraux
dans l’eau
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Figure 2 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide
lors d’une opération de cristallisation discontinue par refroidissement
Le solvant condensé peut aussi être soutiré, ce qui se traduit non
seulement par un refroidissement mais également par une augmentation de la concentration en solution, donc un gain de rendement
sur l’opération. La figure 3 montre l’évolution de la concentration
en solution en fonction de la température lors d’une opération de
ce type (chemin MNF).
Dans certains cas, le refroidissement est assuré par la vaporisation d’un tiers solvant miscible mais plus volatil que le solvant
lui-même, voire par la vaporisation d’un fluide thermique insoluble
dans le milieu qui se détend dans le cristallisoir, est recomprimé
sur une boucle externe pour être détendu à nouveau dans le milieu
de cristallisation. Cette technique dite par refroidissement direct
utilise pour des cristallisations à partir de phases aqueuses du
Fréon ou des hydrocarbures (voir § 4.3.4).
Ce mode de refroidissement est utilisé en général lorsque le refroidissement par paroi ne convient pas, en particulier lorsque les phénomènes d’encroûtement sont trop importants pour la productivité
souhaitée. Mais d’autres problèmes, liés à la coexistence des trois
phases gaz-liquide-solide (moussage) dont nous parlerons plus loin,
peuvent également surgir. La méthode est généralement appliquée
lorsque les pressions à atteindre ne sont pas trop faibles ( 6 500 Pa
soit environ 50 mm Hg). En effet, pour des pressions inférieures, les
pompes à anneaux liquides simples ne suffisent plus et l’investissement ainsi que le coût d’exploitation deviennent lourds (éjecteurs
à vapeur...).
2.3 Concentration par évaporation
Dans ce cas, la solution est concentrée à température constante
par évaporation du solvant généralement sous pression réduite.
L’évaporation est assurée par apport de chaleur à travers un échangeur thermique placé soit dans l’appareil, soit sur une boucle de
recirculation. Ce procédé est utilisé lorsque la solubilité varie peu
avec la température (chlorure de sodium, sulfate de sodium anhydre,
sucre...) ou lorsque, à froid, la concentration dans la solution résiduelle est trop importante pour une bonne rentabilité de l’installation. Dans un cristallisoir fonctionnant selon ce principe, la
concentration en soluté suit le chemin MPS (figure 3).
Les installations utilisées, décrites plus loin, sont le plus souvent
des appareils continus étagés, à pression de plus en plus faible. Dans
ce cas, il est possible de mettre en œuvre le principe de l’évaporateur
à multiple effet pour lequel la vapeur produite dans l’étage n sert
de fluide caloporteur à l’étage suivant n + 1, ce qui diminue le coût
énergétique de l’évaporation qui serait bien trop élevé dans un appareil à simple effet, en particulier pour les solutions aqueuses.
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Figure 3 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide
lors d’opérations de cristallisation par évaporation
2.4 Relargage par ajout de sels
ou de tiers solvant
Par relargage, il faut comprendre cristallisation induite par
l’addition d’un tiers corps ne provoquant pas de réaction chimique
mais seulement une diminution importante de la solubilité. Il s’agit
donc d’un processus différent d’une précipitation qui sous-entend
presque toujours qu’une réaction chimique est à l’origine de la formation du solide.
Ainsi, par exemple, l’addition d’éthanol dans une solution
aqueuse de chlorure de sodium provoque sa cristallisation. Cette
procédure peut être appliquée à la cristallisation de nombreux
composés ioniques par ajout de solvants organiques solubles
(éthanol, méthanol, acétone...) dans leur solution aqueuse. De
même, l’ajout d’eau dans des solutions organiques de produits organiques peut provoquer la cristallisation de ces derniers (acide salicylique en solution acétonique, vanilline en solution éthanolique...).
Ce procédé nécessite le mélange de deux solvants avec deux
conséquences qui limitent son intérêt :
— l’introduction d’un solvant organique inflammable et polluant
dans un milieu aqueux ;
— la séparation ultérieure des solvants par une distillation
coûteuse.
De même, la solubilité d’un corps dissous peut également être
modifiée par ajout d’un autre soluté. Ainsi un sel pourra être cristallisé par ajout d’un autre sel agissant sur les activités des ions
donc sur le produit ionique qui devient supérieur au produit de
solubilité. Les savons peuvent ainsi être relargués par ajout de
chlorure de sodium.
Ces procédés, en particulier l’ajout d’un tiers solvant, sont largement utilisés en chimie organique de spécialité, ainsi que pour la
fabrication de produits pharmaceutiques à haute valeur ajoutée,
lorsqu’il n’existe pas d’autre solution.
2.5 Précipitation
La cristallisation par réaction chimique entre deux composés
solubles pour former un composé insoluble, appelée précipitation,
est, elle aussi, très répandue. Ainsi l’hydrogénocarbonate de sodium
précipité est obtenu dans le procédé Solvay par réaction entre le chlorure de sodium en solution aqueuse, l’ammoniac et le gaz
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carbonique. Le perborate de sodium est précipité après réaction de
l’eau oxygénée sur une solution de borate ; l’acide salicylique l’est
par réaction de l’acide sulfurique sur le salicylate de sodium en solution aqueuse.
La sursaturation ainsi obtenue peut être très importante et cela
d’autant plus que la solubilité du composé obtenu est plus faible.
En particulier au point d’alimentation, la sursaturation peut être suffisamment forte pour que l’on se situe dans la zone de nucléation
spontanée (cf. figure 2) au-delà de la limite de zone métastable. Il
se produit alors essentiellement une nucléation primaire au point
d’alimentation, ce qui se traduit par des cristaux très nombreux et
très petits. Le phénomène est très sensible à l’hydrodynamique donc
au mélange, de l’échelle macroscopique (macromélange) à l’échelle
moléculaire (micromélange), dont il est alors essentiel de se préoccuper pour contrôler la taille des particules. Comme exemples,
citons la précipitation des halogénures d’argent pour l’application
photographique, la précipitation du sulfate de baryum ou des pigments de peinture, tel l’oxyde de titane.
Du point de vue des mécanismes mis en jeu, une précipitation est
équivalente à une cristallisation. Ce qui les distingue donc essentiellement, c’est le niveau élevé de la sursaturation avec une vitesse
de nucléation énorme qui, lorsqu’elle s’ajoute à une solubilité faible,
empêche les cristaux d’atteindre des tailles supérieures à quelques
micromètres en général.
3. Place du cristallisoir
dans le procédé industriel
3.1 Caractéristiques demandées
aux cristaux fabriqués
La cristallisation est une opération de purification. Il est donc naturel que les cristaux fabriqués présentent une certaine pureté imposée
par l’utilisateur. Le chimiste est d’ailleurs conscient de ce problème
alors qu’il l’est souvent beaucoup moins de l’importance de la taille
et de la forme des particules, ces paramètres ayant non seulement
un impact commercial relatif à l’aspect du produit vendu (dans certains cas), mais aussi et surtout une importance fondamentale
vis-à-vis des opérations en aval dans le procédé.
Ainsi, une propriété essentielle demandée au produit cristallisé est
d’avoir une bonne filtrabilité pour assurer à la fois une séparation
satisfaisante et un lavage correct sur un appareil de séparation
solide-liquide. La répartition des tailles et la forme des cristaux obtenus spécifient le type d’appareil de séparation solide-liquide à installer (choix entre un filtre ou une essoreuse par exemple). Ensuite,
une fois séparé, le produit est séché, stocké, conditionné, tamisé,
etc. Il devra donc présenter une taille et une morphologie compatibles avec ces opérations. En particulier, ses propriétés devront lui
assurer une coulabilité convenable, c’est-à-dire une bonne aptitude
à s’écouler et une manipulation facile à l’état sec. Il lui sera également
demandé de ne pas s’agglomérer dans les installations de stockage
(mottage), ni d’être trop générateur de poussières pour des problèmes d’hygiène et de sécurité dans les ateliers. La densité apparente de la poudre a bien évidemment également une importance
capitale, en particulier à l’ensachage. Il existe à l’heure actuelle des
possibilités d’adapter ces propriétés à la demande bien que, dans
certains cas, cette démarche reste difficile voire impossible.
L’étude du procédé doit donc prendre en compte les aspects granulométriques et morphologiques, à la fois au niveau de l’opération
de cristallisation elle-même, mais aussi au niveau des opérations qui
la suivent. Il convient en tout cas de considérer la cristallisation
comme un procédé à étudier au même titre que la réaction chimique
et non comme une opération dont le résultat est fatalement non
conforme aux espérances, comme c’est encore trop souvent le cas.
3.2 Interactions des différentes
opérations unitaires du procédé
La figure 4 montre le schéma classique d’un procédé dans lequel
le produit est cristallisé par refroidissement du milieu réactionnel,
séparé, lavé, redissous puis recristallisé pour une meilleure pureté
et éventuellement pour une amélioration du faciès des cristaux et
une augmentation de leur taille. Le liquide séparé après recristallisation sert en partie à la redissolution, en partie au lavage (dans S1)
du produit cristallisé après réaction et en partie à compléter (dans R)
le solvant de réaction. Ce dernier est constitué lui-même en partie
par recyclage à partir du premier étage de séparation.
Les interactions de ces différentes étapes du procédé sont
énormes puisque, en particulier, les impuretés peuvent avoir une
influence sur le faciès des cristaux (voir § 6.2). Un recyclage sans
purge conduit à une augmentation de la teneur en impuretés donc
à une variation de la qualité chimique et surtout physique des cristaux. Ces variations sont difficilement tolérables puisque non seulement elles conduisent à une variation de la qualité du produit
vendu, mais également à des temps de filtration-séchage variables
donc à des consignes de fabrication en aval de la cristallisation nécessairement floues et bien souvent inapplicables. Il est absolument
nécessaire de fixer les concentrations en impuretés à des valeurs
constantes à l’alimentation du cristallisoir pour espérer avoir une
qualité des cristaux constante, sans pour autant que cette seule
condition soit suffisante. La purge devra être adaptée à cette nécessité. Les essais pilotes effectués pour choisir et dimensionner l’installation le seront obligatoirement dans un milieu contenant les
mêmes impuretés aux mêmes concentrations.
De plus, le choix du solvant réactionnel peut aussi avoir une
influence non négligeable sur la forme des cristaux (voir § 6.2). Il
doit donc résulter d’un compromis entre une chimie optimale (souvent privilégiée) et une cristallisation optimale à la fois sur le plan
du rendement et de la qualité physique des cristaux, sous peine de
subir des pertes importantes dans les purges et dans les lavages
sur filtre. Ces considérations qualitatives sont destinées à attirer
l’attention sur la nécessité d’une prise en compte complète de la
chaîne de traitement du solide lors de l’étude de la réaction chimique
sous peine de graves déboires. Chaque problème devra se régler
cas par cas.
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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Figure 4 – Schéma de principe d’un atelier à deux cristallisations
4. Technologie
et dimensionnement
des cristallisoirs
4.1 Introduction
Ce paragraphe 4 ne traite que des cristallisoirs produisant des
cristaux à partir de solutions. Les appareils spécifiques en particulier au milieu fondu seront décrits plus loin (voir § 7.2).
La cristallisation est une opération complexe au cours de laquelle,
sous l’influence de la sursaturation, des transferts de matière et de
chaleur, des facteurs mécaniques tels que ceux liés à l’agitation ou
aux pompes de recirculation extérieure, des phénomènes cinétiques
(nucléations, croissance, agglomération, brisure, cf. [J 1 500]) sont
en compétition pour assurer la production de cristaux répondant à
plusieurs critères :
— être purs ;
— avoir une granulométrie adaptée et des propriétés d’usage
convenables.
Le matériel de cristallisation est varié et son choix est dicté par
un compromis entre les qualités requises pour le produit (ou du
moins les plus importantes), la productivité souhaitée, l’investissement nécessaire et les facilités d’exploitation. Les cristallisoirs pour-
J 2 788 − 6
raient être classés selon la méthode d’obtention de la sursaturation
qu’ils mettent en œuvre, ce qui conduirait à des redites, nombre
d’entre eux pouvant être utilisés pour plusieurs configurations. Nous
avons choisi de les présenter selon leur principe de fonctionnement.
Les cristallisoirs raclés, très utilisés dans les années 50, le sont
beaucoup moins aujourd’hui pour la cristallisation à partir de solutions. De ce fait, nous nous contenterons de conseiller la consultation de l’ouvrage de Bamforth [4] qui les décrit de manière très
complète.
Les cristallisoirs les plus utilisés sont essentiellement des cuves
agitées, en particulier les appareils discontinus.
4.2 Cuves agitées
Le lecteur pourra utilement se reporter à l’article [A 5 901] dans
ce traité.
4.2.1 Rôles de l’agitation en cristallisation
La complexité de la compétition cinétique en jeu dans le cristallisoir fait de l’agitateur l’un des organes clés du contrôle de la répartition granulométrique finale [5] [6].
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Les fonctions de l’agitation dans le cristallisoir agité sont les
suivantes :
— maintien des cristaux en suspension homogène ;
— transfert thermique ;
— transfert de matière vers la particule en cours de croissance ;
— contrôle de la nucléation ;
— brisure des particules en suspension.
Le problème posé par le choix et le dimensionnement de l’agitateur du cristallisoir est complexe puisque, pour un mobile donné,
augmenter la vitesse d’agitation augmente certes le degré d’homogénéité de l’appareil ainsi que les transferts de chaleur et de matière,
mais également la nucléation secondaire et la brisure, ce qui réduit
évidemment la taille finale moyenne des particules et contribue à
l’étalement de la distribution granulométrique. Il s’agit donc avant
tout de trouver le bon compromis dans chaque cas.
4.2.1.1 Mise en suspension homogène des particules
Le maintien des particules en suspension homogène n’est pas spécifique de la cristallisation, mais intervient dans toute opération mettant en contact un solide avec un liquide. Toutefois, en cristallisation,
il prend une importance particulière. En effet, dans le cas d’un
cristallisoir mal agité, si des cristaux se déposent, la sursaturation
ambiante continue à les faire croître et les soude entre eux, et génère
un croûtage préjudiciable à l’échange thermique et au soutirage, ce
qui nécessite un nettoyage fréquent et difficile. De plus, si une zone
haute du cristallisoir ne contient pas de cristaux à cause de la décantation [cela est particulièrement important dans le cas d’un refroidissement par évaporation adiabatique pour lequel la sursaturation
est générée très localement au voisinage de la surface (voir § 6.4.1)],
cette zone sera fortement sursaturée et propice à une nucléation primaire hétérogène locale qui diminue la taille moyenne des cristaux
obtenus et élargit leur distribution de taille.
Classiquement, en agitation, la mise en suspension homogène est
caractérisée par une vitesse de rotation critique Nc (tr · s–1) de l’agitateur, que l’on calcule, à partir d’une géométrie et d’une suspension
données, à partir de la relation suivante :
Nc D 0,85 = Cte
(1)
D (m) étant le diamètre de l’agitateur.
Cette corrélation, clairement établie pour des turbines par
Zwietering et rapportée par Nagata [6] est admise pour les hélices
équipant les cristallisoirs, mais demanderait une vérification expérimentale sur maquette.
La constante dépend de la géométrie utilisée et du système solideliquide.
Figure 5 – Transfert thermique à travers une paroi d’échange,
cas d’un refroidissement
— par transfert externe entre la paroi et le fluide thermique, lié
à la vitesse d’écoulement du fluide, donc à son débit. Souvent, ce
mode de transfert est mal pris en compte, le débit de fluide thermique
n’étant pas mesuré. Dans beaucoup de cas, ce transfert externe,
caractérisé par un coefficient de transfert thermique externe he , est
limitant.
Toutefois, dans une opération aussi sensible aux différences de
température que la cristallisation, en raison en particulier des phénomènes de blindage (§ 6.1.2), il est nécessaire de dimensionner le
circuit de refroidissement de telle matière que le transfert externe
ne soit pas limitant.
Le flux de chaleur transféré, exprimé en watts (ou improprement
en kcal · h–1), s’écrit pour un refroidissement :
ΦT
4.2.1.2 Transfert thermique
Dans les opérations de cristallisation par refroidissement ou par
évaporation isotherme, il est nécessaire d’apporter ou d’enlever de
l’énergie thermique par un échange à travers une paroi (paroi de
la cuve, serpentin interne). Ce transfert thermique est bien souvent
l’élément limitant de la productivité de l’appareil. L’intensité de
l’agitation, ayant une influence directe sur le coefficient de transfert
thermique, contribue ainsi de manière prépondérante à assurer la
productivité envisagée.
En réalité, le transfert thermique se fait en trois étapes schématisées sur la figure 5 :
— par transfert interne entre la paroi d’échange et le milieu en
cours de cristallisation, caractérisé par un coefficient de transfert
thermique interne h i influencé par l’agitation ;
— par conduction à travers la paroi, caractérisée par le coefficient
de transfert thermique équivalent λ P /e avec λ P conductivité thermique de la paroi et e son épaisseur. Cette conductivité est non limitante si la paroi est conductrice (cas des métaux) et peu épaisse.
Dans le cas de matériaux comme l’acier émaillé ou recouvert de polyamide, d’ébonite ou encore de PTFE, elle peut devenir limitante,
auquel cas l’agitateur est impuissant à augmenter les performances
de l’appareil ;
= h i S ( T M – T Pi )
λP
= ------ S ( T Pi – T Pe )
e
(2)
= h e S ( T Pe – T F )
= HS ( T M – T F )
avec
où H
S
TM , TPi , TPe , TF
1/H = (1/hi) + (e/ λP) + (1/he)
(3)
est le coefficient d’échange global équivalent
(en W · m–2 · K–1),
la surface d’échange (en m2),
respectivement les températures caractéristiques définies sur la figure 5.
Le coefficient interne h i est lié à l’agitation par l’intermédiaire de
corrélations du type :
Nu = A Re a Pr b
(4)
avec généralement a ≈ 2/3 et
b ≈ 1/3 .
■ Nu est le nombre de Nüsselt et s’exprime par h i De / λ
où De(m) est une dimension caractéristique de l’échangeur (diamètre
de la cuve pour un échange par la paroi par exemple)
λ (W · m–1 · K–1) la conductivité thermique de la suspension ;
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J 2 788 − 7
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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■ Re est le nombre de Reynolds d’agitation et s’écrit ρ N D 2 / µ
où N (tr/s) est la vitesse de rotation de l’agitateur,
D (m) son diamètre,
Il suffira généralement, sauf en précipitation, d’assurer la mise en
suspension homogène des cristaux pour ne pas avoir de mauvaises
surprises lors de l’extrapolation.
ρ (kg · m–3) la masse volumique de la suspension,
µ (Pa · s) sa viscosité dynamique ;
■ Pr est le nombre de Prandtl et s’exprime par Cp µ/λ,
C p étant la capacité thermique massique de la suspension
(en J · kg–1 · K–1).
■ Le coefficient A dépend de l’agitateur et de la géométrie
d’ensemble du système.
L’expérience montre que, lorsque (TM – TPi) dépasse une certaine
valeur critique (0,5 à 8 oC pour les suspensions courantes, à mesurer
cas par cas par la méthode décrite § 6.1.2), dans le cas d’un refroidissement, la paroi se couvre d’une couche cristalline, ce qui ajoute
une résistance supplémentaire élevée au transfert thermique, abaissant la productivité de l’appareil et entraînant un encrassement plus
ou moins prononcé du cristallisoir. Ce phénomène est appelé blindage ou encroûtement.
4.2.1.3 Transfert de matière vers le cristal
La vitesse de croissance des cristaux est souvent limitée par le
transfert de matière du soluté de la solution vers le cristal (cf.
article [J 1 500]). L’augmentation de la vitesse d’agitation améliore
ce transfert de matière ainsi que le montrent les corrélations utilisées
pour calculer les coefficients de transfert de matière k D (m · s–1), en
particulier celle de Levins et Glastonbury :
Sh = 2,0 + 0,47 (L4/3 ε 1/3 / ν )0,62 (D /DC)0,17 Sc 0,36
avec
(5)
Sh
nombre de Sherwood (Sh = kD L / ),
L (m)
ε (W· kg–1)
taille caractéristique de la particule,
puissance d’agitation par unité de masse de suspension,
viscosité cinématique de la suspension,
diamètre de l’agitateur,
diamètre de la cuve,
ν (m2 · s–1)
D (m)
DC (m)
(m2 · s–1) coefficient de diffusion moléculaire du soluté,
Sc = ν / nombre de Schmidt.
Le dimensionnement des agitateurs des cristallisoirs doit donc
prendre en compte des phénomènes au niveau de la particule. Les
essais de laboratoire à transposer à l’échelle industrielle doivent être
effectués en connaissance de cause, avec des mobiles et des géométries homothétiques des configurations industrielles.
4.2.1.4 Degré d’homogénéité de la cuve
Le degré d’homogénéité d’une suspension agitée peut être caractérisé à l’échelle macroscopique, puis à l’échelle microscopique [8].
À l’échelle macroscopique, les paramètres mesurés permettant de
quantifier ce phénomène sont différents selon que l’on travaille en
continu ou en discontinu.
■ Le temps de mélange macroscopique dans un appareil discontinu
est mesuré par injection d’un traceur et suivi du retour à l’équilibre
de la cuve (traceur salin avec suivi conductimétrique, traceur thermique, coloration ou décoloration). Ce temps de mélange est inversement proportionnel à la vitesse d’agitation dans la plupart des cas
et sera donc toujours plus long dans le cristallisoir industriel qu’au
laboratoire puisque la vitesse d’agitation décroît lorsque la taille de
l’appareil augmente lors des procédures classiques d’extrapolation.
J 2 788 − 8
■ En continu ou en semi-continu, le problème se complique en raison de l’introduction d’un débit d’alimentation de composition et de
température très différentes de celles du milieu. De plus, le soutirage
en continu devra avoir la même composition que le milieu pour éviter
les accumulations de cristaux dans l’appareil. On utilise les techniques de mesure des distributions des temps de séjour [8], pour
caractériser l’état de mélange macroscopique et le cristallisoir est
modélisé suivant les méthodes du génie de la réaction chimique par
zones, chacune d’entre elles ayant ses cinétiques, sa composition et
sa température propres [9] [10].
De plus sont à prendre en compte les phénomènes de micromélange, c’est-à-dire de mélange à l’échelle moléculaire. Les vitesses
de cristallisation, en particulier de nucléation, étant fortement dépendantes des gradients de concentration [11], peuvent en effet en
dépendre. Les précipitations y sont particulièrement sensibles en
raison de fortes sursaturations locales. Là encore, ces phénomènes
doivent être étudiés au laboratoire en testant l’influence de la vitesse
d’agitation, du type de mobile et de la position du point d’injection
des solutions réactives sur la distribution granulométrique finale. Il
s’agit là d’un problème difficile qui n’a pas de solution générale à
l’heure actuelle et qui devra être soigneusement étudié cas par cas.
4.2.1.5 Nucléation, agglomération et brisure des particules
Les influences de l’agitation sur les phénomènes cinétiques
conduisant à une taille finale donnée sont souvent antagonistes :
— en favorisant le transfert de matière, l’agitation a pour effet
d’augmenter la vitesse de croissance des cristaux si celle-ci n’est
pas limitée par un mécanisme d’intégration du soluté sur le cristal
(cf. article [J 1 500]) ;
— en ce qui concerne la nucléation, l’augmentation de la vitesse
d’agitation augmente la vitesse de nucléation secondaire
J2 (m–3 · s–1), nombre de germes nés par unité de temps et de volume
par nucléation secondaire, donnée par la relation :
J2 = kJ σ i M T a ε b
(6)
σ
sursaturation relative (C – C*)/C*,
où C et C* sont respectivement la concentration réelle du soluté en solution et la
concentration du soluté en équilibre,
–3
M T (kg · m ) concentration du solide dans la suspension,
–1
ε (W · kg )
puissance dissipée par l’agitateur par unité de
masse de suspension,
i, a, b
constantes,
où a est généralement compris entre 1 et 2,
b est généralement compris entre 0 et 1,
constante de vitesse.
kJ
L’augmentation de ε conduit ainsi à un nombre de particules plus
important, donc à une taille finale moyenne plus faible. L’augmentation correspondante de la vitesse d’agitation augmente la brisure
des particules, surtout celle des particules organiques de formes
non compactes (aiguilles, plaquettes, bâtonnets) et diminue ainsi la
taille moyenne de la poudre finale.
avec
L’influence de ε sur l’agglomération est plus complexe. En effet,
l’augmentation de la vitesse d’agitation augmente le nombre de
chocs entre particules, nécessaires pour démarrer le processus, mais
une agitation trop violente ne permet pas un contact suffisamment
long pour permettre le collage des particules entre elles [12].
L’ensemble de ces considérations montre que l’agitation a un rôle
privilégié dans le cristallisoir et que le choix et le dimensionnement
des mobiles sont suffisamment complexes pour être traités avec
sérieux et compétence.
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4.2.2 Géométries et dimensionnement
des cristallisoirs agités
Les géométries utilisées sont relativement peu différentes selon
que l’appareil fonctionne par refroidissement par paroi ou par évaporation adiabatique ou encore par concentration par évaporation,
que ce soit en continu ou en discontinu.
4.2.2.1 Types d’agitateurs utilisés
Les agitateurs sont communément classés en turbines et en
hélices selon l’écoulement qu’ils génèrent dans la cuve [13].
Ainsi les turbines, dont la plus connue est celle de Rushton
(figure 6a ), provoquent un écoulement radial avec une zone de turbulence très intense au refoulement des pales, propice à un cisaillement du fluide très important. Ces agitateurs ne sont utilisés en
cristallisation que dans de très rares cas de précipitations pour lesquelles les particules à fabriquer doivent être très fines. Dans les
autres cas, ce fort cisaillement provoque nucléation et brisure qui
vont à l’encontre des tailles élevées espérées.
Les hélices provoquent un écoulement axial avec un cisaillement
faible lorsqu’elles tournent lentement. La plus populaire d’entre elles
est l’hélice marine (figure 6b ), de moins en moins utilisée dans les
cristallisoirs au profit des hélices à pales profilées, plus efficaces en
circulation (transfert de chaleur augmenté, suspension plus
homogène) et moins cisaillantes donc plus favorables à une taille
finale des particules élevée. Elles sont construites avec de grands
diamètres (rapport de leur diamètre au diamètre de cuve compris
entre 0,5 et 0,6) et elles tournent lentement (vitesse en bout de
pale π ND limitée à 4 à 5 m · s–1 généralement). Ces hélices, dont les
nombres de puissance et de débit sont proches de 1, sont fabriquées
en particulier par Mixel (type TT par exemple sur la figure 6c ), par
PMS (type CMB), par Robin Industries, etc.
Le lecteur pourra se reporter, dans ce traité, aux articles [J 3 800]
[J 3 802] [A 5 901].
Dans les cristallisoirs plus anciens, l’ancre (figure 6d ) était relativement répandue. Or ce mobile provoque un mouvement essentiellement tangentiel, avec un échange vertical très faible [14]. Il en
découle une homogénéité de la cuve très réduite avec une décantation interne des particules. C’est donc un agitateur à éviter en cristallisation, de même, si possible, que les mobiles classiques en acier
émaillé (impeller, ancre).
Il ressort de l’analyse précédente que l’agitateur à notre avis le
plus universel, donc celui qui est à standardiser si nécessaire, est
l’hélice à pales profilées. Nous verrons dans ce qui suit que ces
hélices sont utilisées selon les cas avec ou sans puits de recirculation
interne et qu’il est nécessaire d’installer des contre-pales sur les
parois, soit de l’appareil, soit du tube de recirculation.
4.2.2.2 Cas du refroidissement par parois
La figure 7a donne une configuration classique de cristallisoir
utilisable en continu ou en discontinu. L’échange thermique est
habituellement effectué à travers les parois de l’appareil. Le refroidissement par recirculation et passage dans un échangeur à l’extérieur de l’appareil est à éviter en raison de l’encroûtement des parois
froides et donc des risques de bouchage complet des échangeurs.
Figure 7 – Schémas de principe de deux cristallisoirs agités refroidis
par échange thermique
Figure 6 – Différents types d’agitateurs
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J 2 788 − 9
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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La figure 7b indique une possibilité d’augmenter la surface
d’échange en utilisant un tube de recirculation à double enveloppe
autour de l’agitateur. Les serpentins sont moins intéressants que
cette dernière configuration car ils favorisent les dépôts entre tubes,
ces dépôts étant soudés par la sursaturation ambiante et conduisant
à l’encrassement complet de la surface du serpentin.
4.2.2.3 Cas de l’évaporation adiabatique
Dans ce cas, il est primordial d’avoir une excellente agitation car
l’homogénéisation des particules en suspension est indispensable.
En effet, un rapide calcul de statique des fluides montre que si la
surface est en cours d’ébullition, la pression statique augmente
lorsque l’on descend dans la cuve et que cette évaporation est ainsi
très localisée (jusqu’à environ 50 cm de la surface). La sursaturation
est donc créée à la surface, ce qui nécessite la présence de cristaux
dans cette zone pour éviter les nucléations primaires hétérogènes
locales.
La figure 8 montre un cristallisoir continu à évaporation adiabatique. Il est nécessaire d’installer sur ces appareils des rampes de
lavage sur toutes les parties traversant la surface liquide (paroi, arbre
d’agitation, sondes de mesure) car l’accrochage au niveau de la surface où la sursaturation est maximale en cours d’ébullition est très
intense. Le cristallisoir continu à évaporation adiabatique à alimentation par le fond est le seul exemple pour lequel l’hélice est orientée
de manière à aspirer vers le haut au centre de la cuve. Dans les autres
cas, elle souffle vers le bas.
L’alimentation située au fond du cristallisoir est constituée de solution chaude et peut conduire à une ébullition locale au point d’injection. Ce phénomène conduit à de forts brassages locaux avec
d’éventuels entraînements vers la surface et les condenseurs, ainsi
qu’à des nucléations locales générant des particules très fines et des
phénomènes de moussage.
La hauteur de l’appareil est alors dimensionnée de manière à éviter
ces ébullitions locales et donc à avoir au point d’alimentation une
pression statique suffisante, supérieure à la pression de vapeur de
la solution à la température d’alimentation. La différence de niveau H
minimale entre la surface du cristallisoir et le point d’injection est
donnée par :
H = (Pvap – Pcrist) / ρ g
(7)
avec
Pvap (Pa)
pression de vapeur saturante de la solution alimentée,
Pcrist (Pa)
pression de fonctionnement du cristallisoir,
ρ (kg · m–3) masse volumique de la suspension,
g (m · s–2) accélération due à la pesanteur.
Cette condition, ajoutée à la condition D C < H < 1,2 D C (où DC est
le diamètre de la cuve), impose en général le volume du cristallisoir. Une hauteur H trop importante nécessite de passer à plusieurs
appareils en série ou à un appareil différent à jambe barométrique
décrit dans ce qui suit (§ 4.3.2 et 4.3.3).
En discontinu, la géométrie avec ou sans puits donnée sur la
figure 7 est utilisable.
La vitesse des vapeurs dans la tête d’évaporation est généralement maintenue au-dessous de 1m /s pour éviter les entraînements
vésiculaires.
4.2.2.4 Cas de l’évaporation
L’appareil parfaitement agité simple est à éviter dans ce cas au
profit d’un système plus approprié (DTB, Oslo, etc.) décrit dans le
paragraphe 4.3. Il est, de plus, peu aisé de procéder par évaporation
isotherme en discontinu, car la variation du volume réactionnel liée
à l’évaporation rend l’agitation très difficile.
Les industries sucrières qui sont confrontées à ce problème ont
imaginé des cristallisoirs particuliers agités par des hélices et
comportant des serpentins entourant l’agitateur, au fond de la cuve
et servant de tube de recirculation sur une très faible hauteur.
Enfin, dans certains cas, il convient d’utiliser un mode d’alimentation semi-continu, le débit massique d’alimentation étant maintenu
égal au débit massique évaporé, de manière à conserver environ
constant le niveau de suspension dans l’appareil. Ce procédé doit
permettre de remplacer le relargage du matériau à cristalliser par
ajout d’un tiers solvant. Imaginons par exemple de la vanilline
cristallisée à partir d’une solution éthanolique par ajout d’eau. Ce
procédé permet de récupérer la vanilline avec un excellent rendement, mais pose des problèmes de séparation des solvants résiduels
par distillation. Il sera alors plus judicieux de travailler avec la
solution éthanolique sous vide dans un procédé isotherme tel celui
représenté sur la figure 9.
4.3 Cristallisoirs particuliers
4.3.1 Association de cristallisoirs agités en série
Figure 8 – Cristallisoir agité continu refroidi par évaporation
du solvant
J 2 788 − 10
Dans le cas de cristallisoirs continus par refroidissement, avec des
tonnages élevés et nécessitant un abaissement de température
important, un seul cristallisoir parfaitement agité continu est généralement insuffisant. Il convient alors d’associer, en série, plusieurs
de ces appareils, le plus généralement de volumes égaux et de
construction identique. Le refroidissement se fait progressivement
d’un appareil à l’autre, la température appareil par appareil étant
optimisée pour :
— une production optimale ;
— une taille et une forme des cristaux convenables ;
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Figure 10 – Cristallisoir horizontal étagé
(Standard Messo, Mannesmann AG)
Figure 9 – Schéma de principe d’une installation de cristallisation
comportant un cristallisoir discontinu fonctionnant par évaporation
isotherme avec alimentation de solution
— un étagement correct des pressions appareil par appareil dans
le cas du refroidissement par évaporation adiabatique. On devra, en
effet, s’assurer que, pour chacun des cristallisoirs, le point d’injection
est à une pression statique suffisante pour qu’il n’y ait pas d’évaporation en ce point.
Le principal problème de ces associations de cristallisoirs vient
du transfert de la bouillie d’un appareil à l’autre, qui nécessite des
tuyauteries faisant un angle de plus de 30o avec l’horizontale, des
pompes à écoulement axial pour éviter la brisure des cristaux et des
tuyauteries à double enveloppe légèrement surchauffées par rapport
au cristallisoir amont pour éviter les dépôts et blindages. Dans le
cas du passage d’un cristallisoir à l’autre par écoulement gravitaire,
l’utilisation de vannes tout ou rien à passage total, installées sur des
parties de tuyauteries verticales, est recommandée.
Cette solution n’est pas réaliste si le nombre d’appareils en série
doit dépasser 4 à 5. Dans ce cas, le cristallisoir horizontal multi-étagé
de Standard Messo (commercialisé par Mannesmann AG) est mieux
adapté (figure 10). Il s’agit en fait d’un long cylindre partagé en
secteurs égaux (de 6 à 12) agités. La pression diminue d’un étage
à l’autre, ainsi évidemment que la température. Le transfert de la
bouillie s’effectue par effet siphon. Ces cristallisoirs, en raison de
leur forte productivité, sont utilisés pour des produits de gros
tonnage (FeSO4 , Na2SO4 , acide adipique, etc.). Des productions
jusqu’à 30 à 40 t/h avec des tailles de cristaux élevées (400 à 800 µm)
sont possibles, dans des appareils de plus de 100 m3. Ces appareils
posent toutefois quelques problèmes, en particulier :
— d’encrassement, à savoir blindage sur les parois de séparation
inter-étages, ou encore dépôts dans les tuyauteries de transfert de
bouillie ;
— de régulation des pressions étage par étage, les étages n’étant
pas reliés individuellement à leur propre système de vide pour des
raisons évidentes de coût. La régulation se fait par des vannes ou
des diaphragmes, l’ensemble des étages étant relié au même système d’éjecteurs à vapeur.
Sur le plan théorique, si le nombre d’étages est grand, cette configuration permet d’obtenir pour de gros tonnages un produit équivalent à celui obtenu en discontinu (granulométrie plus resserrée,
cristaux chimiquement plus purs qu’avec un seul étage).
4.3.2 Cristallisoir évaporateur agité
à classification de type DTB
La répartition granulométrique d’un produit à la sortie d’un cristallisoir parfaitement agité continu est relativement dispersée
comme nous le verrons plus loin (§ 5.2.6). Dans certains cas, il
importe de resserrer cette répartition pour des tonnages élevés
Figure 11 – Cristallisoir évaporateur DTB de Swenson
(supérieurs à 15 000 t/an) pour lesquels un cristallisoir continu
agité est bien adapté et facile à exploiter. Il est alors possible d’utiliser un cristallisoir évaporateur agité à classification des fines particules. Plusieurs types de ces appareils sont proposés par les
fabricants, en particulier le cristallisoir DTB de Swenson
(figure 11). Le cœur du cristallisoir est parfaitement agité, comme
l’appareil représenté sur la figure 8. Une zone de décantation
annulaire externe permet de soutirer un débit connu de suspension, imposant ainsi une vitesse Um de remontée dans la zone
annulaire. Les grosses particules dont la vitesse de sédimentation
est supérieure à Um ne sont pas entraînées et restent dans le cristallisoir où elles continuent à grossir. Les petites particules sont
entraînées et passent dans un échangeur thermique élevant la température de ce flux de 2 à 3 oC. Les fines particules sont alors dissoutes et le liquide retournant au cristallisoir, mélangé à
l’alimentation, est exempt de particules solides.
Par cette méthode, les fines particules sont donc éliminées du cristallisoir. Il convient toutefois de ne pas en éliminer trop car le fait
de viser une taille trop élevée réduit évidemment, à concentration
massique de solide constante, le nombre de particules par unité de
volume de cristallisoir. De ce fait, la matière consommée pour la
croissance diminue et la sursaturation dans l’appareil augmente. Il
peut en résulter une nucléation primaire hétérogène importante et
un comportement cyclique de l’appareil, avec une taille moyenne
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des cristaux faible après nucléation primaire, puis qui augmente avec
l’élimination des particules fines par classification-redissolution,
jusqu’à apparition d’une nouvelle vague de nucléus.
Le dimensionnement de ces appareils et la définition de leurs
conditions d’exploitation nécessitent donc un pilotage dans un
appareil pilote similaire et sur des durées assez longues en raison
de leur fonctionnement complexe et pour être sûr d’avoir atteint le
régime permanent de fonctionnement. L’appareil pilote aura une
taille suffisante de l’ordre de 200 L.
D’autres fabricants en proposent des variantes avec des spécificités propres à chaque appareil. Ainsi le cristallisoir DP de
Tsukishima commercialisé en Europe par Escher Wyss (figure 12a )
a comme particularité une hélice double flux, qui fait monter la suspension dans le tube de recirculation et la fait redescendre à l’extérieur, ce qui accroît de manière sensible l’efficacité de l’agitation.
Le cristallisoir Turbulence (Mannesmann AG) de Messo
(figure 12b ) utilise un écoulement secondaire qui permet de maintenir les cristaux dans une zone fluidisée en partie basse de la zone
annulaire. Les cristaux qui y séjournent grossissent alors de
manière homogène tout en épuisant la sursaturation du flux soutiré avec les particules fines vers la redissolution. Les cristaux fragiles peuvent ainsi croître sans passer par l’agitateur et la
granulométrie du produit est resserrée par cette classification
interne.
Pour tous ces appareils, l’alimentation est effectuée dans la boucle
de recirculation, généralement au point le plus bas juste avant la
pompe de recirculation. Il est donc aisé de positionner ce point
suffisamment bas pour que la pression statique qui y règne soit suffisante pour éviter une vaporisation flash à l’alimentation.
Le soutirage de la suspension se fait au bas de l’appareil. Si une
taille de cristaux importante est requise, il est parfois intéressant
d’effectuer ce prélèvement à travers une jambe d’élutriation (C sur
la figure 11).
Ces cristallisoirs sont adaptés au refroidissement adiabatique sous
vide avec redissolution externe des particules fines. Le débit de recirculation externe n’a aucune influence sur l’agitation de l’appareil et
peut être faible. Il est donc aisé d’élever la température de 2 à 3 oC
pour favoriser la redissolution sans surcharger thermiquement
l’installation.
4.3.3 Cristallisoirs à lit fluidisé
Le cristallisoir de type Oslo ou Krystal est le modèle le plus ancien
de cristallisoir à lit fluidisé continu (figure 13). Une recirculation
externe réalisée par un circulateur ou une pompe peu brisante
(à roue ouverte ou à vortex) permet de générer un lit fluidisé dans
la partie basse de l’appareil. Les particules croissent alors de manière
homogène dans le lit, les fines étant quant à elles recirculées, éventuellement redissoutes lors du passage dans un échangeur, ou réalimentées dans la zone d’évaporation jusqu’à ce qu’elles atteignent
une taille suffisante.
Le débit de recirculation est bien plus élevé que pour les appareils DTB puisqu’il assure également l’agitation de l’appareil de
manière à éviter les bouchages liés à des dépôts en partie basse
du cristallisoir. Il peut être suffisamment élevé pour que le cristallisoir ne fonctionne plus en classification des fines et que la suspension recirculée ait la même composition que dans la cuve. On
parle alors de cristallisoir à recirculation de magma et l’appareil
peut être considéré comme un appareil parfaitement agité.
L’alimentation est assurée dans le circuit de recirculation en
amont du circulateur. L’évaporation se fait généralement sous vide
contrôlé dans la partie haute de l’appareil.
La construction de ces cristallisoirs peut être compacte comme
pour ceux de la figure 13, mais la tête d’évaporation peut
également être surélevée, ce qui permet de générer une pression
statique en pied de cristallisoir suffisante pour éviter tout problème
de flash à l’alimentation. Une pression suffisante en pied de cristallisoir permet aussi un prélèvement de la suspension par
écoulement gravitaire, évitant ainsi l’utilisation d’une pompe de
prélèvement.
Ces appareils sont parfaitement adaptés à la cristallisation de
produits minéraux refroidis par évaporation ou concentrés par évaporation isotherme (courbe de solubilité plate). Il est, dans ce cas,
en effet aisé de générer un lit fluidisé en n’augmentant pas trop le
diamètre de l’appareil en raison de la forte différence de masse
volumique entre les cristaux et la solution.
Figure 12 – Autres types de cristallisoirs
à classification
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4.3.4 Quelques systèmes d’utilisation
moins courante
4.3.4.1 Cristallisoir à circulation forcée
Ce cristallisoir représenté par la figure 14 est en fait une version
simplifiée du système Oslo, la zone fluidisée n’existant pas. Il est
très utilisé industriellement [2] [4] [17] [18] [19] pour la cristallisation
de produits minéraux. La recirculation assurée par un circulateur provoque l’agitation du cristallisoir et permet de fournir une quantité
importante de chaleur par l’échangeur, ce qui rend l’appareil bien
adapté pour les évaporations dans le cas de courbes de solubilité
plates.
Il s’agit d’un cristallisoir parfaitement agité continu avec une
zone de brisure importante lors du passage dans le circulateur, si
les cristaux sont fragiles. Il est donc encore peu ou pas adapté à la
cristallisation de cristaux organiques fragiles. Il est également à
déconseiller pour les cristallisations par refroidissement en raison
du risque d’encrassement des tuyauteries et des échangeurs, difficiles à nettoyer.
4.3.4.2 Cristallisoir à échangeur interne
Figure 13 – Cristallisoir compact à lit fluidisé continu
à recirculation externe type Oslo ou Krystal
Le principe de ce cristallisoir par évaporation Swenson est décrit
sur la figure 15. Il possède des faisceaux tubulaires verticaux et la
circulation générant l’agitation est assurée soit par convection naturelle (thermosiphon) soit par un agitateur. Ce type d’appareil est très
utilisé dans sa version discontinue dans l’industrie du sucre, avec,
dans ce cas, un échangeur placé plus bas dans la cuve.
4.3.4.3 Cristallisoir à refroidissement par contact direct
Leur mise en œuvre pour la cristallisation des produits organiques, pour lesquels cette différence de densité est bien plus faible,
est plus difficile : la nécessité d’un débit de circulation important pour
assurer l’agitation de l’appareil se traduit par une recirculation importante des cristaux qui, bien plus fragiles que les cristaux minéraux,
se brisent dans le circulateur. Dans ce cas, le cristallisoir à lit fluidisé
se transforme rapidement en un cristallisoir parfaitement agité avec
un fort taux de brisure, ce qui est évidemment à l’inverse du résultat
escompté, à savoir des cristaux de taille élevée à granulométrie
resserrée.
De manière tout à fait générale, il convient d’éviter les cristallisoirs à recirculation externe pour les produits organiques car, sauf
exception, tout circulateur les brisera de manière non négligeable,
en tout cas bien plus qu’un agitateur bien dimensionné.
Si l’on veut opérer une classification des fines sur ces produits,
il faut se tourner vers les appareils DTB pour lesquels les fonctions
agitation et classification sont indépendantes.
Le cristallisoir Oslo est particulièrement bien adapté à
l’évaporation isotherme puisque le débit élevé à travers l’échangeur
permet un transfert thermique très important, donc une évaporation
rapide. De plus, la dimension de la tête d’évaporation peut être adaptée car sa construction est indépendante du corps du cristallisoir.
De ce fait, le débit de vapeur peut être très élevé.
Dans le système Oslo représenté sur la figure 13a, le flux de recirculation est alimenté directement au niveau de la surface d’évaporation, ce qui dans certains cas (NaCl, KCl...) entraîne un
encroûtement important de la paroi de la tête d’évaporation. Les
croûtes formées peuvent se détacher puis obstruer le tube de recirculation interne. Ces inconvénients ont pu être évités ou retardés
dans la configuration de la figure 13b dans laquelle le flux de recirculation réchauffé traverse la partie conique de l’évaporateur avant
d’atteindre la surface d’évaporation. Pour NaCl, cette modification
a permis d’augmenter la durée de fonctionnement sans nettoyage
de 3 jours à plusieurs semaines [16].
Il s’agit d’un cristallisoir continu à refroidissement sans paroi
d’échange.
Le refroidissement de la solution à cristalliser s’effectue soit :
— par injection d’un liquide non miscible moins dense que la solution, séparé par décantation et hydrocyclonage et refroidi par une
boucle externe (système utilisé par Cerny [20] pour la production de
nitrate de calcium tétrahydrate par circulation de pétrole ; figure 16 ;
— de manière plus avantageuse, par la chaleur sensible et l’enthalpie de vaporisation d’un liquide miscible ou non. Il est ainsi possible
d’utiliser la chaleur latente de vaporisation d’un fluide frigorigène
non inflammable comme les Fréon ou les Forane, ou encore celle
d’un alcane léger type butane. La vaporisation du fluide auxiliaire
permet d’envisager une agitation très efficace tout simplement par
gas lift (entraînement du liquide par le gaz par effet de densité). La
vapeur est reprise par une boucle de circulation et recondensée par
refroidissement et/ou par compression mécanique.
Ce système permet un refroidissement très efficace sur le plan
énergétique tout en évitant les encrassements sur les parois
d’échange. Il faut par contre éviter les pertes de fluide frigorigène
par solubilité ou fuite, qui entraîneraient des coûts d’exploitation prohibitifs. C’est un procédé très performant pour refroidir des solutions
aqueuses, surtout lorsque la température de fonctionnement est trop
basse pour permettre l’évaporation du solvant lui-même dans de
bonnes conditions économiques (pour des pressions de vaporisation
inférieures à 6 500 Pa (soit environ 50 mm Hg) entraînant des montages complexes et coûteux d’éjecteurs à vapeur, par exemple). Il
est également utilisé pour la cristallisation continue de milieux
fondus (p-xylène...).
4.3.4.4 Appareils particuliers
Un certain nombre d’appareils existent pour des utilisations spécifiques. Nous citerons par exemple le cristallisoir réacteur Krystal
dont le principe est décrit sur la figure 17. Il s’agit d’une installation
destinée à la précipitation de composés pas trop insolubles. Les réactifs sont introduits directement dans l’agitateur et donc mélangés
le mieux possible et le plus rapidement possible. La sursaturation
ainsi créée fait croître les cristaux dans un lit fluidisé.
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J 2 788 − 13
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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Figure 14 – Cristallisoir à circulation externe forcée
Figure 16 – Cristallisoir à refroidissement par contact direct,
modèle Cerny
Figure 15 – Cristallisoir à faisceau tubulaire d’échange interne
Dans le cas de précipitations de composés très insolubles, tels que
sulfate de baryum, halogénures d’argent ou hydroxydes métalliques,
les effets locaux prendraient le pas et se traduiraient par une nucléation primaire, la croissance et la sédimentation des particules obtenues étant alors faibles.
Les appareils à auge raclée de type Swenson-Walker ou Gouda
ou encore les cristallisoirs à tubes raclés Votator et Armstrong [4],
très utilisés autrefois, sont à l’heure actuelle tombés en disgrâce pour
la cristallisation en solution en raison de leur faible efficacité et des
encrassements importants nécessitant des arrêts fréquents pour
nettoyage.
4.3.4.5 Cristallisoir multi-étagé à multiple effet
Dans le cas d’une cristallisation par évaporation d’une solution
aqueuse, l’utilisation d’une tonne de vapeur pour évaporer une tonne
d’eau représente une solution économiquement peu rentable.
La mise en série de cristallisoirs sous vide progressif, ainsi que
le montre la figure 18 dans le cas du dessalement de l’eau de mer,
permet d’utiliser comme fluide chauffant à chaque étage la vapeur
produite à l’étage précédent.
J 2 788 − 14
Figure 17 – Cristallisoir réacteur Krystal
La tonne de vapeur introduite au premier étage est donc en
quelque sorte utilisée plusieurs fois. En première approximation, il
est admis que le débit massique de vapeur Q m vap pour évaporer
un débit massique Qm eau dans un multiple effet à n étages identiques
est donné en première approximation par :
Q m vap = 1,25 Q m eau /n
(8)
Les cristallisoirs utilisés sont du type parfaitement agité, ou mieux
de type Oslo. Il reste alors à faire le bilan économique entre l’investissement et le coût de vapeur sur un procédé donné. De manière
générale, travailler sous vide dans un cristallisoir évaporateur réduit
le niveau thermique de la vapeur utile et permet ainsi de valoriser
de l’énergie de bas niveau thermique.
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■ L’influence de la courbe de solubilité sur le choix du procédé a déjà
été évoquée (voir § 1 et figure 1). Une variation de solubilité importante en fonction de la température avec une solubilité faible à
température ambiante conduit à préférer un procédé par refroidissement. Il s’agit de la solution consommant le moins d’énergie puisque
faisant intervenir uniquement la chaleur sensible du milieu. Ce refroidissement peut être effectué par échange sur une paroi, procédure
la plus simple à mettre en œuvre mais qui peut être peu productive
en cas de blindage de la paroi. Il peut aussi être effectué par mise sous
vide progressif à condition que le solvant ou un cosolvant soit suffisamment volatil. Ce procédé est très productif mais nécessite des
systèmes complexes de régulation du profil de température en
discontinu [36]. Par contre, en continu, ces difficultés n’existent pas.
Figure 18 – Cristallisoir étagé par évaporation à multiple effet
4.4 Critères de choix du cristallisoir
4.4.1 Choix du procédé de cristallisation
Le choix du procédé de cristallisation est essentiellement
dicté par :
— le tonnage souhaité, qui conditionne en grande partie le choix
d’un fonctionnement continu ou discontinu ;
— la courbe de solubilité dont l’une des conséquences est le choix
du mode de génération de la sursaturation (refroidissement ou évaporation, éventuellement précipitation), mais également l’ensemble
des opérations de recyclage et de traitement de récupération ;
— l’importance de l’encrassement des parois d’échange, pouvant
conduire à préférer un refroidissement par évaporation à un refroidissement par paroi d’échange ;
— les qualités souhaitées pour les cristaux, qui orienteront le
choix du procédé mais également celui du type de cristallisoir à
mettre en œuvre ;
— l’investissement nécessaire et éventuellement les problèmes
de sécurité, si les produits sont toxiques ou si le solvant est non
aqueux et éventuellement inflammable.
Nous ne pourrons donner ici que quelques idées générales,
chaque cas restant un cas d’espèce car les modèles prédictifs sont
à peu près inexistants pour la cristallisation.
■ Ainsi des productions inférieures à 10 t par jour ne paraissent pas
adaptées à des opérations continues car la petite taille des installations est un facteur de mauvais fonctionnement des cristallisoirs
continus (problèmes de bouchages, d’encrassement, de sédimentation des cristaux dans les tuyauteries, etc.). Il vaut mieux mettre en
œuvre dans ce cas des opérations discontinues programmées,
certes plus difficiles à maîtriser et nécessitant plus de personnel. Il en
résulte par contre une plus grande souplesse d’exploitation car l’installation continue nécessite à chaque arrêt un nettoyage complet
pour éviter les dépôts par sédimentation qui entraîneraient inévitablement des bouchages. Les arrêts sont donc à proscrire et un fonctionnement à temps plein sur de longues périodes est indispensable
pour la rentabilité d’un tel procédé continu. Signalons toutefois qu’en
raison d’autres considérations certains procédés fonctionnent en
continu à moins de 10 t par jour et que d’autres, au contraire, fonctionnent en discontinu à des productions plus importantes.
■ Quand la solubilité ne varie pas suffisamment, il faut procéder à
l’évaporation du solvant en jouant alors sur la concentration du
soluté pour le faire cristalliser. Le cristallisoir fonctionne alors de
façon isotherme, éventuellement sous vide pour abaisser le niveau
thermique de l’énergie consommée. Ce procédé est très énergivore
en particulier si le solvant est l’eau. Une variante consiste à effectuer
un relargage par ajout d’un solvant miscible à la solution, de manière
à ce que le soluté soit moins soluble dans le mélange. Bien que très
utilisé en chimie fine, en particulier dans l’industrie pharmaceutique,
ce procédé n’est guère satisfaisant car il nécessite des installations
de traitement du solvant (distillation...) qui le rendent encore plus
consommateur d’énergie. On utilise toujours en pratique des
mélanges eau – solvant organique posant en fin d’opération, même
après récupération du solvant, un gros problème de traitement
d’eaux résiduelles.
■ Les procédés de précipitation consistant à faire apparaître un
composé peu soluble à partir du mélange de deux réactifs solubles
présentent souvent le défaut de générer des particules fines difficiles
à séparer avec de très mauvaises propriétés de coulabilité.
■ En conclusion, il convient dans chaque cas de ne pas séparer le
cristallisoir de son contexte et d’inclure dans le choix du procédé
l’opération de filtration ainsi que les opérations de traitement en aval
(séchage, traitement des solvants, etc.). Le choix optimal est toujours
un choix global sur l’ensemble des appareils composant la chaîne de
traitement du solide.
4.4.2 Choix du cristallisoir
Le cristallisoir le plus simple, et donc le plus utilisé en discontinu
ou en continu, est le cristallisoir parfaitement agité. Dans les ateliers
polyvalents, les appareils émaillés sont les plus répandus car ils permettent de répondre aux problèmes de corrosion. Toutefois, comme
les agitateurs émaillés sont très peu efficaces, il vaut mieux réserver
cette technologie à l’heure actuelle aux produits corrosifs la rendant
incontournable et monter pour les autres procédés des appareils tout
aussi polyvalents, métalliques et bien agités. En effet, une agitation
peu efficace (§ 4.2.1.4) explique bien souvent les mauvaises qualités
physiques des cristaux obtenus. De plus, l’acier émaillé, par sa mauvaise conductivité thermique, limite les transferts de chaleur donc
les performances de l’appareil.
En ce qui concerne les procédés continus, le choix du cristallisoir
est essentiellement dicté par la qualité des cristaux visés. Ainsi le
cristallisoir parfaitement agité continu, technologiquement simple,
conduit à une répartition granulométrique étalée. De plus, il ne permet généralement pas d’assurer une température de cristallisation
très inférieure à la température d’alimentation (surface d’échange
insuffisante, hauteur insuffisante pour un refroidissement par évaporation). Une cascade de cristallisoirs en série permettra de
resserrer la granulométrie, d’améliorer les performances de refroidissement, voire d’améliorer la qualité chimique des cristaux. Sa
conduite est toutefois difficile et ne se justifie que par de très grosses
productions.
Les évaporateurs à recirculation externe (type Krystal ) remplacent
l’appareil agité simple et permettent, grâce à une hauteur importante
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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entre la surface d’évaporation et le point d’alimentation, des températures de cristallisation faibles. Ils sont à éviter pour les cristaux
fragiles et, si leur utilisation en chimie minérale est intéressante, en
chimie organique la résistance mécanique des cristaux est souvent
insuffisante pour permettre leur emploi. Leur utilisation est recommandée pour les cristallisations pour lesquelles l’évaporation d’une
grande quantité de solvant est nécessaire (courbe de solubilité
plate). Par contre, dans le cas d’un refroidissement par évaporation
avec classification, ils ne sont pas adaptés et il faut recourir aux cristallisoirs agités à classification type DTB.
Ces quelques règles de bon sens montrent que le choix du
cristallisoir, même s’il est large dans certains cas, doit être le fruit
d’une réflexion cas par cas. Si l’utilisateur ignore ces règles, il peut
faire d’énormes erreurs portant sur des investissements non
négligeables.
5. Bilans dans les cristallisoirs
Le choix optimal, le dimensionnement ainsi que la compréhension
du fonctionnement des cristallisoirs nécessitent l’écriture des bilans :
— bilan de matière, pour estimer la productivité et le rendement
de l’opération, envisager ou non des recyclages, dimensionner les
appareils à partir des productions souhaitées ;
— bilan thermique, pour évaluer le coût énergétique de l’opération, choisir le procédé le mieux adapté et dimensionner les surfaces d’échange nécessaires.
Ces deux bilans sont classiques mais insuffisants pour prendre
en compte les propriétés physiques des particules obtenues. Pour
ce faire, il faut introduire le comptage des particules en fonction de
leur taille, en s’appuyant sur la méthodologie générale des bilans
de population.
Il convient donc de décrire les méthodes d’approche pour ces
trois types de bilans.
5.1 Bilans de matière et thermique
dans un appareil parfaitement agité
Figure 19 – Bilan thermique et de matière pour un cristallisoir
parfaitement agité continu en régime permanent
Le bilan global en masse conduit à :
Q me = Q ms + Q mv
Le bilan de soluté s’écrit avec nos hypothèses :
Q me C e = Q mc + ( Q me – Q mc – Q mv ) C *s
Soit Q mv (kg · s–1) le débit massique de solvant évaporé, supposé non réintroduit dans l’appareil.
Soit Q mc (kg · s–1) le débit massique de cristaux fabriqués dans
l’appareil. On supposera dans notre exemple que le solide formé
est pur, ce qui est habituellement le cas sauf pour les « composés
définis » (hydrates, solvates en particulier) et les « solutions
solides », pour lesquels il faudra tenir compte de la concentration
du soluté en phase solide pour écrire les bilans.
J 2 788 − 16
(10)
où C *s est la solubilité à la température Ts de soutirage.
Il est aisé d’en déduire le débit massique de cristaux produits :
5.1.1 Bilans dans un cristallisoir continu
en régime permanent
La figure 19 montre les différents flux classiquement alimentés
et soutirés pour un appareil continu en régime permanent, configuration que nous traitons pour illustrer la méthode utilisée.
Soit Q me (kg · s–1) le débit massique d’alimentation de l’appareil,
constitué de solution claire avec une concentration massique du
soluté en solution Ce (kg de soluté/kg de solution).
Soit Q ms (kg · s–1) le débit de soutirage de la suspension. Ce
débit est supposé en première approximation à l’équilibre à la température de sortie, la sursaturation étant généralement faible à la
sortie des appareils parfaitement agités continus. Si elle ne l’était
pas, le bilan devrait tenir compte des cinétiques de cristallisation et
serait plus complexe.
(9)
Q me ( C e – C *s ) + Q mv C *s
Q mc = ------------------------------------------------------------------1 – C *s
(11)
Le bilan thermique se présente sous forme d’un bilan enthalpique.
L’application directe du premier principe de la thermodynamique au
cristallisoir conduit à :
o
o
o
o
Hs – He = q + w
o
où
H e et H s ( W )
o
q(W)
w (W)
o
(12)
o
sont les enthalpies véhiculées par les flux massiques respectivement d’entrée et de sortie de
l’appareil,
le flux thermique échangé par l’appareil avec
l’extérieur, à travers une surface d’échange par
exemple (négatif dans le cas d’un refroidissement de la suspension, positif pour le chauffage,
selon les conventions habituelles des thermodynamiciens),
le flux d’énergie mécanique
échangé. Dans le
o
cas d’un appareil agité, w est la puissance dissipée par l’agitateur, généralement négligeable.
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o
o
En détaillant H s et H e , on arrive finalement à l’équation de bilan
globale :
o
q = Q me C p e ( T s – T e ) + Q mv ∆H vap + Q mc ∆H c
avec
capacité thermique massique de la solution alimentée
(en J · kg–1 · K–1), supposée constante entre Ts et Te
respectivement températures du soutirage et de l’alimentation du cristallisoir,
∆H vap enthalpie de vaporisation du solvant à la température de soutirage (en J · kg–1),
∆Hc
enthalpie de cristallisation par unité de masse
de solide formé à la température de soutirage
(en J · kg–1).
De manière générale, selon les conventions des thermodynamiciens, ∆Hvap est positif alors que ∆Hc est négatif. Dans certains cas
particuliers, l’équation (13) se simplifie.
Ainsi, pour l’évaporation isotherme, Ts = Te , elle devient :
o
(14)
Comme Qmc ∆o Hc est généralement faible devant Qmv ∆Hvap en
valeur absolue, q est positif. Il faudra donc logiquement fournir de
l’énergie pour évaporer le solvant.
Dans le cas d’un refroidissement isotherme sans évaporation
(Qmv = 0), l’équation (13) devient :
o
q = Q me C pe ( T s – T e ) + Q mc ∆H c
(15)
Enfin, lorso d’un refroidissement par évaporation sans échange
thermique, q = 0 et l’équation (13) devient :
Q me Cpe (Ts – Te) + Q mc ∆Hc + Q mv ∆H vap = 0
(16)
5.1.2 Bilans dans un cristallisoir discontinu
parfaitement agité
L’équation du bilan matière global est tout à fait analogue à celle
obtenue pour le cristallisoir continu (11) avec les mêmes hypothèses
simplificatrices (solution à l’équilibre à la fin de l’opération et cristaux
constitués de soluté pur) en remplaçant les flux massiques par des
masses.
Soit M e la masse totale de solution chargée dans l’appareil à la
température Te ,
et
M v la masse totale de solvant évaporé
M c la masse de cristaux secs, supposés purs, fabriqués.
M e ( C e – C *s ) + M v C *s
M c = ------------------------------------------------------------1 – C *s
(17)
Le bilan thermique global peut, lui aussi, être obtenu par analogie avec l’équation (13), à condition de supposer que les capacités
thermiques massiques Cp soient indépendantes de la température
entre Te et Ts , qui sont respectivement les températures initiale et
finale de la suspension.
La quantité totale de chaleur q (en joules) échangée au cours de
l’opération est par analogie avec l’équation (13) :
q = Me Cpe (Ts – Te) + M v ∆H vap + Mc ∆Hc
o
dT
q = MC p ------- + Q mv ∆H vap
dt
(13)
Cp e
q = Q mv ∆H vap + Q mc ∆H c
tique en appliquant l’équation (18) à chaque instant et en négligeant
l’enthalpie de cristallisation. L’équation (18) s’écrit alors :
(18)
Dans les cas pratiques, le calcul des flux thermiques instantanés en fonction du temps est nécessaire pour dimensionner les
échangeurs. Il est alors indispensable d’écrire le bilan thermique instantané sur l’installation, bien plus complexe car nécessitant la
connaissance de la cinétique de cristallisation instantanée. Cette
cinétique étant souvent inconnue, ce calcul est effectué dans la pra-
avec
o
(19)
q
flux thermique instantané échangé à la paroi à l’instant t,
M
T
Cp
masse de suspension au temps t,
température de la suspension à l’instant t,
capacité thermique massique de la suspension
à l’instant t,
débit massique instantané de solvant vaporisé
à l’instant t,
Q mv
∆H vap e n t h a l p i e m a s s i q u e d e v a p o r i s a t i o n à l a
température T.
5.2 Bilans de population
Pour plus de détails, se reporter aux références bibliographiques
[21] [22] [8] en [Doc. J 2 789].
5.2.1 Caractérisation des particules : taille, forme
Il est aisé de décrire la taille d’une particule sphérique ou cubique
car, dans ce cas, une seule grandeur suffit. Les cristaux industriels
ne sont ni sphériques ni cubiques, la plupart d’entre eux pour des
raisons à la fois cristallographiques, thermodynamiques et cinétiques. Leur description complète est donc plus délicate et conduit
à des mesures complexes et à des approches théoriques difficiles.
À l’heure actuelle, la quasi-totalité de la littérature en cristallisation
industrielle fait référence, pour décrire ces particules complexes, à
une taille caractéristique directement reliée à la méthode de mesure
utilisée.
Cette taille caractéristique est souvent le diamètre d’une sphère
équivalente du point de vue de la mesure (de même volume, de
même surface, de même résistance à un écoulement donné, ou
encore de même vitesse terminale de chute...). La seule possibilité
d’obtenir les dimensions réelles de la particule est l’observation
directe au microscope, assortie d’une analyse d’images performante, pour pouvoir caractériser rapidement un échantillon de
particules.
Ces mesures restent, à l’heure actuelle, d’exploitation difficile et
il faut encore se contenter bien souvent d’une taille caractéristique
L obtenue par une méthode de mesure classique. Il est toutefois
important de bien comprendre le principe de l’appareil de mesure
utilisé pour avoir la signification physique exacte de L. La
comparaison des résultats obtenus par deux appareils différents en
dépend.
Parmi ces appareils de mesure, le plus utilisé reste le tamis qui
conduit, dans des conditions normalisées d’utilisation, pour des particules cylindriques, par exemple, à obtenir le diamètre du cylindre ;
pour une particule parallélépipédique, il donnera la taille de l’arête
intermédiaire de la particule.
Le compteur Coulter, quant à lui, exploite la variation de la résistance d’un liquide conducteur dans un orifice au passage d’une particule, variation de résistance qui est proportionnelle au volume de
la particule. La taille caractéristique issue de cette mesure est donc
le diamètre de la sphère de même volume que la particule.
Les méthodes optiques à rayon laser utilisent d’une part la lumière
diffusée pour caractériser les très petites particules, d’autre part la
diffraction (effet Fraunhofer ) pour obtenir les surfaces projetées de
particules plus grosses perpendiculairement au rayon, et donc un
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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diamètre de sphère de même surface projetée, ou encore la réflexion
pour caractériser la surface réfléchissante (système Lasentec). Ce
dernier, en cours de développement, est prometteur car il permet
une mesure directe en ligne, ou dans le cristallisoir.
Pour plus de détails sur les méthodes de mesure de tailles de particules, on se reportera aux références bibliographiques [23] [3] [7]
en [Doc. J 2 789].
La caractérisation de la forme des particules est un problème
ardu et résolu seulement par observation microscopique et analyse d’images. On introduit généralement des facteurs de forme
volumique Φ V et surfacique ΦS (mais bien d’autres peuvent être
imaginés) :
Φ V = V p / L3
(20)
Φ S = S p / L2
où Vp et Sp
L
(21)
sont respectivement le volume et la surface externe
de la particule,
la dimension caractéristique retenue.
Ces granulométries dépendent évidemment du découpage en
classes utilisé et l’information sera d’autant plus précise que le
nombre de classes sera plus élevé, à condition de garder dans
chaque classe un nombre suffisant de particules pour que cette information garde un sens physique.
Considérons une classe i entre 2 bornes Li – 1 et Li pour laquelle
xi est la fraction en nombre dans la classe i. On définit la fonction
de distribution en nombre par :
xi
f ( L ) = lim ---------------------- lorsque L i – L i – 1 tend vers 0,
Li – Li – 1
en posant dans ce cas L = Li – 1 .
D’après cette définition, la grandeur f (L) dL représente la fraction
en nombre des particules de taille comprise entre L et (L + dL).
xi peut être redéfinie à partir de cette fonction :
Li
Un échantillon de solide n’est jamais constitué de particules de
mêmes dimensions à la sortie d’une opération de cristallisation,
puisque l’histoire individuelle des particules au cours de la cristallisation n’est pas la même : elles sont nées à des instants différents,
ont crû dans des conditions différentes, se sont agglomérées,
brisées...
Il est donc nécessaire de procéder à une mesure de tailles sur un
échantillon représentatif, dont le résultat sera une fonction de répartition granulométrique. La première difficulté de cette procédure, qui
est la prise d’un échantillon représentatif, est facile à résoudre si le
solide est en suspension, plus problématique s’il s’agit d’une poudre
séchée en vrac (silo, sac, fût...), en raison de la classification des
particules.
Considérons un échantillon représentatif et supposons que l’on
détermine la taille caractéristique de chaque particule. Les appareils de mesure utilisent des classes de taille pour représenter la
granulométrie de l’échantillon, définies d’une part par le nombre
de classes N et d’autre part par la suite croissante de leurs bornes
exprimées en tailles (L0 , L1 ,..., LN).
Pour une représentation correcte, il faudra que L0 soit plus petit
que la plus petite taille de particules et que LN soit plus élevé que
la plus grosse taille de particules. Dans chaque classe i définie par
les bornes [Li – 1, Li ], l’appareil de mesure propose une quantité de
particules définie soit par un nombre (comptage), soit par une
masse (pesée).
Les différentes granulométries obtenues sont alors les suivantes :
— granulométrie en nombre : elle donne le nombre de particules ni dans chaque classe i ;
— granulométrie en masse : elle donne la masse mi des particules
de chaque classe i ;
— granulométrie en fraction en nombre : elle donne la fraction xi
du nombre total des particules contenue dans la classe i ;
— granulométrie en fraction massique : elle donne la fraction wi
de la masse totale des particules contenue dans la classe i.
Les deux dernières sont des représentations normées des deux
premières. En effet :
(22)
xi = ni /n T
avec
nT =
wi = mi /mT
∑ ni
∑
(23)
On peut définir de la même manière la fonction de distribution
en masse par :
wi
g ( L ) = lim ---------------------- lorsque L i – L i – 1 tend vers 0
Li – Li – 1
g(L )dL est alors la fraction massique des particules ayant une
taille comprise entre L et (L + dL ).
Dans le cas de particules dont la forme est indépendante de la
taille, il est aisé de passer de l’une à l’autre de ces fonctions par :
3
L f (L)
g ( L ) = -------------------------------∞
L f ( L ) dL
(25)
3
0
On peut également, dans ce cas, utiliser une formule du même
type pour passer de xi à wi :
N
3
wi = d i xi
⁄ ∑ d 3i xi
(26)
i=1
où di
est la taille caractéristique de la classe i prise généralement comme la moyenne arithmétique entre ses bornes.
La relation (26) est alors une approximation d’autant plus exacte
que les bornes Li et Li – 1 sont plus proches.
Les granulométries et les distributions sont deux aspects d’un
même outil de description.
La distribution est une fonction continue alors que la granulométrie est une distribution déjà intégrée sur un découpage et qui
contient donc moins d’informations que la distribution correspondante.
La connaissance de la granulométrie mesurée avec un appareil
adéquat ne permet que l’estimation de la distribution en autant de
points qu’il y a de classes, et ce de manière d’autant plus précise
que le nombre de classes de mesures est plus élevé, par les
relations :
xi
(27)
f ( d i ) = --------------------Li – Li – 1
m i masse totale de l’échantillon.
wi
g ( d i ) = --------------------Li – Li – 1
i=1
J 2 788 − 18
(24)
nombre total de particules de l’échantillon,
i=1
N
mT =
f ( L ) dL
Li – 1
5.2.2 Granulométries et distributions
N
xi =
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(28)
_________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
5.2.3 Propriétés des granulométries
et des distributions
5.2.4 Fonction de densité de population
Les fonctions de distribution de population décrites ci-dessus sont
d’un emploi relativement difficile dans l’écriture des bilans dans les
cristallisoirs. On préfère pour ce faire les remplacer par la fonction
de densité de population notée n (L) ou ψ (L) telle que n (L) dL représente le nombre de cristaux de taille comprise entre L et (L + dL)
par unité de volume de suspension.
Cette fonction permet par intégration sur le volume de l’appareil
d’accéder directement à un nombre de particules. En considérant
le nombre total de cristaux N T par unité de volume, on peut la
relier à f (L) par :
(34)
n (L) = N T f (L)
Il est possible, à partir des courbes granulométriques ou de
distribution, de calculer des grandeurs utiles dont l’essentiel est
rapporté dans le tableau 1.
On peut par ailleurs définir des grandeurs plus pratiques, à
savoir :
L50 , L84 et L16 qui sont respectivement définis sur les distributions
en masse par :
L 50
0
L 16
0
L 84
0
g ( L ) dL = 0,5
(29)
g ( L ) dL = 0,16
(30)
g ( L ) dL = 0,84
(31)
Cette définition est précieuse pour l’écriture des bilans de population dans un appareil donné.
5.2.5 Bilans de population
dans un cristallisoir quelconque
Le praticien tire de ces informations le coefficient de variation :
C.V. = 100 (L84 – L16) / (2 L50)
(32)
La notion de bilan de population est extrêmement générale et peut
être appliquée à la description de tout échantillon d’individus ayant
une propriété variable de l’un à l’autre. Ce bilan est ainsi utilisé pour
les cristaux de taille variable d’un individu à l’autre, mais aussi pour
les polymères de masse moléculaire variable, ou encore pour les
molécules à la sortie d’un réacteur en fonction de leur temps de
séjour dans l’appareil [8].
(0)
Pour une distribution symétrique gaussienne, le coefficient de
variation est donné par :
C.V. = 100 σ w Lw
(33)
avec les définitions du tableau 1.
Des définitions équivalentes peuvent être proposées pour les
distributions en nombre, mais sont moins utilisées.
Tableau 1 – Principales grandeurs caractérisant les répartitions de taille des particules
Grandeur
Notation (unité)
Taille moyenne en nombre
L n (m)
Calcul à partir des granulométries
1
-----nT
i=N
∑ di ni
i=1
2
σ n (m )
Moment d’ordre n
de la distribution
en nombre
µ nn (mn)
Masse totale des particules
m T (kg)
∑ di xi
∑ ( di – L n )
2
∑ di
2
i=1
i=N
n
∞
∞
∞
0
i=N
xi =
i=1
∑ di
xi
2
xi – L n
0
0
i=1
mi
i=N
L w (m)
∑ di wi
i=N
2
2
σ w (m )
Variance en masse
∑ ( di – L w )
i=1
i=N
Moment d’ordre n
de la distribution en masse
µn w (mn)
∑ di
n
i=1
wi
2
wi
∞
L g ( L ) dL
∞
∞
0
0
∞
0
2
2
L f ( L ) dL – L n
n
0
i=1
L f ( L ) dL
i=1
Taille moyenne en masse
2
( L – L n ) f ( L ) dL =
nT
i=N
∑
L f ( L ) dL
i=1
i=N
2
Variance en nombre
(ou carré de l’écart-type)
i=N
=
Calcul à partir des distributions
∞
0
3
ρ c Φ V L f ( L ) dL
2
( L w – L ) g ( L ) dL
n
L g ( L ) dL
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J 2 788 − 19
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
_________________________________________________________________________________________________________
En ce qui concerne les cristaux, la méthode consiste à compter
les particules de taille comprise entre L et (L + dL) dans le volume
V du cristallisoir, ou dans le flux de sortie de l’appareil en fonction
du temps. Ces cristaux proviennent des différents mécanismes de
cristallisation, à savoir :
— la nucléation d’origine primaire ou secondaire, dont la vitesse
est notée J (nombre de germes générés par m3 et par seconde) et
qui peut être représentée également par une distribution des vitesses
de nucléation rN (nombre de germes · m–4 · s–1) telle que r N dL représente le nombre de germes de tailles comprises entre L et (L + dL)
produits par unité de temps et de volume ;
— la croissance, dont la vitesse dL/dt est notée G (m · s–1) ;
— l’agglomération, dont l’intensité peut être évaluée par la
distribution r A des vitesses d’agglomération (nombre de
particules · m–4 · s–1). Par cette définition r A dL représente le nombre
net de particules produites par agglomération par unité de temps
et de volume, de taille comprise entre L et (L + dL) ;
— la brisure dont l’intensité est décrite par la distribution rB des
vitesses de brisure (nombre de particules · m–4 · s–1) de manière analogue à l’agglomération.
La description générale du bilan de population microscopique est
donnée par ailleurs [8] [22]. Nous nous contenterons d’écrire ici le
bilan des cristaux de tailles comprises entre L et (L + dL), pour une
zone parfaitement agitée, donc homogène, de volume V, par unité
de temps [21]:
=
cristaux entrant dans
le volumeV
par l'alimentation
+
cristaux produits
par nucléation
+
flux net de cristaux
détruits par brisure
+
(35)
∂n ( L )G
= Q s n ( L ) dL dt + ------------------------- dL dt
∂L
∂n ( L ) V + r B ( L ) V dL dt + --------------------------- dL dt
∂t
Q s le débit volumique de soutirage.
L’équation (35) se transforme aisément :
J 2 788 − 20
(40)
Pour les tailles L différentes de L*, cette équation devient :
dn
n
------- + --------- = 0
dL G τ
(42)
n(L) = n0 exp (– L /G τ )
(43)
et s’intègre facilement :
Le nombre total de cristaux par unité de volume s’écrit alors :
∞
NT =
(37)
n ( L ) dL = n
0
Gτ
(44)
0
— pour un cristallisoir parfaitement agité continu en régime
permanent :
d ( nG ) Q s n – Q e n e
----------------- + ------------------------------------- = r N + r A – r B
dL
V
d ( nG ) Q s n
----------------- + ------------- = r N + r A – r B
V
dL
(36)
Cette équation constitue l’équation macroscopique de bilan de
population pour un cristallisoir parfaitement agité quelconque.
Cette équation devient :
— pour un cristallisoir fermé de volume V constant au cours du
temps sans alimentation ni soutirage :
∂n ∂ ( nG )
------- + ----------------- = r N + r A – r B
∂t
∂L
5.2.6 Application au cristallisoir MSMPR
où τ est le temps de passage V /Q s dans le cristallisoir.
La distribution des vitesses de nucléation r N est égale à 0 pour L
différent de la taille critiques L*, et égale à J pour L = L*. Généralement L* pourra être pris égal à 0 sauf en précipitation de composés
très insolubles.
est la densité de population de l’alimentation,
le débit volumique d’alimentation,
1 ∂ ( nV ) ∂ ( nG ) Q s n – Q e n e
----- ---------------- + ----------------- + ----------------------------------- = rN + rA – rB
V
∂t
V
∂L
Ces équations de bilans peuvent être étendues à des cristallisoirs
mal agités en décomposant ceux-ci en zones idéales selon les
principes du génie de la réaction [8] [22] [24]. L’intégration de ces
équations en y introduisant des lois cinétiques de croissance,
d’agglomération, de nucléation et de brisure nécessite, dans le cas
général, de puissants moyens informatiques. Elle n’est pas toujours
indispensable et le calcul des moments de la fonction n(L) est parfois
suffisant [14]. Lorsque l’intégration s’impose, il convient de discrétiser l’équation (36) en fonction de la taille, en utilisant la méthode
dite des classes [10] [12] [21] [27] revenant à calculer le contenu d’une
classe granulométrique finie, ou encore en utilisant la méthode des
différences finies, plus sophistiquée et plus avide en temps de calcul,
mais plus fiable [11]. Ces intégrations numériques peuvent être utilisées soit pour simuler un appareil quelconque en connaissant les
cinétiques de cristallisation, soit pour obtenir des données cinétiques
à partir d’essais dans des appareils parfaitement agités discontinus
ou semi-continus de laboratoire.
Le cas le plus utile reste toutefois celui du cristallisoir MSMPR
(mixed suspension mixed product removal ), parfaitement agité
continu, en régime permanent, examiné ci-après.
De plus, si le produit cristallisé ne s’agglomère pas et ne se brise
pas, et si sa vitesse de croissance est indépendante de la taille des
cristaux (hypothèse de McCabe), l’équation (40) se simplifie pour
devenir :
rN
dn
n
(41)
------- + --------- = -----dL G τ
G
ce qui se traduit mathématiquement par :
où ne
Qe
(39)
Le cristallisoir MSMPR est un appareil continu parfaitement agité
pour le liquide et le solide, avec un prélèvement homogène du
contenu du cristallisoir. On admet également que son alimentation
ne contient pas de cristaux et que l’appareil fonctionne en régime
permanent.
L’équation de bilan de population pour ce cristallisoir s’écrit,
d’après l’équation (38):
cristaux s' accumulant
dans le volume V
Q e n e ( L ) dL dt + r N ( L ) V dL dt + r A ( L ) V dL dt
Q e ne
1 ∂ ( nV ) ∂ ( nG )
------ ---------------- + ----------------- = ---------------- + rN + rA – rB
V
∂t
V
∂L
flux net de
cristaux produits
par agglomération
cristaux de taille L – dL
cristaux sortant
cristaux de taille L qui
qui croissent et
+ croissent et dépassent –
le volumeV
dépassent la taille L
par soutirage
la taille L + dL
+
— pour un cristallisoir semi-fermé sans soutirage :
d’où
n0 = N T /Gτ
(38)
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(45)
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Le bilan sur le cristallisoir dicte que le nombre de cristaux soutirés par unité de temps est égal au nombre de cristaux obtenus par
nucléation par unité de temps, soit :
Or M T peut se calculer grâce à la fonction de densité de
population :
N T Q s = JV
MT =
N T = Jτ
et
∞
0
3
ρ c Φ V L n ( L ) dL = 6 ρ c Φ V n 0 ( G τ )
ρc masse volumique des cristaux,
Φ V facteur de forme.
En tenant compte de l’équation (54) et de l’expression de n0
[relation (45)], on obtient :
n (L ) = (J /G ) exp (– L /Gτ )
(46)
et la fonction de distribution en nombre :
f (L ) = (1/Gτ ) exp (– L /Gτ )
1–m
(47)
La représentation semi-logarithmique de n (L ) conduit alors à une
droite de pente – 1 / G τ et d’ordonnée à l’origine J /G, permettant
l’accès à la vitesse de nucléation J et à la vitesse de croissance G.
Pour cette raison, le cristallisoir MSMPR est largement utilisé pour
la mesure de cinétiques de cristallisation [25] [26]. Les écarts à la
droite dans cette représentation permettent de diagnostiquer les
mauvais fonctionnements du cristallisoir ou les écarts aux hypothèses concernant la croissance, l’agglomération ou la brisure [22].
À partir de la fonction de densité de population définie par
l’équation (46), les données suivantes peuvent être obtenues :
— la fonction de distribution en masse, à condition que la forme
des particules soit indépendante de leur taille :
–L
4
3
g ( L ) = L exp --------- ⁄ 6 ( G τ )
Gτ
(48)
— la taille moyenne en masse :
L w = 4G τ
(49)
— le coefficient de variation de la distribution en masse, indépendant de G et de τ :
C.V. = 100 (L84 – L16)/(2L50) = 52
De plus, il est possible de prévoir l’influence des principaux paramètres sur L w avec l’expression de la vitesse J de nucléation secondaire classique [3] et l’expression de la vitesse G de croissance des
cristaux :
J = kJ ε h σ i M T m
(52)
G = kG σ j
σ
ε
MT
= 6 K ρc ΦV G
i ⁄ (j ) + 3
h
ε τ
4
(56)
Considérons dans un premier temps deux temps de passage τ1
et τ 2 différents, toutes autres conditions égales par ailleurs.
L’expression (49) combinée à l’équation (56) donne :
τ1
G1 τ1
L w1
---------- = ------------- =
G2 τ2
L w2
----τ - (i ⁄ j) – 1
---------------------i ⁄ (j) + 3
(57)
2
Dans le cas classique où i est supérieur à j , une augmentation
du temps de passage conduit donc à une augmentation de la taille
moyenne en masse des cristaux.
De même, en ne faisant varier que M T et en maintenant τ et ε
constants, il vient :
G1 τ 1
L w1
- =
---------- = -------------G2 τ 2
L w2
M T1
----------M T2
1–m
--------------------(i ⁄ j) + 3
(58)
m étant généralement compris entre 1 et 2, l’exposant est négatif
et une augmentation de M T conduit à une baisse de la taille moyenne
en masse.
Enfin, en maintenant τ et M T constants et en faisant varier ε, on
obtient :
(50)
— le maximum, ou mode, de la fonction de distribution en
masse :
(51)
Lm = 3 Gτ
où
(55)
avec
Dès lors, l’équation (43) devient :
et
4
G1 τ1
L w1
---------- = -------------- =
G2 τ2
L w2
ε1
----ε2
–h
---------------------(i ⁄ j ) + 3
(59)
Une augmentation de ε conduit donc à une baisse de la taille
moyenne.
Cela explique encore la nécessité d’utiliser des agitateurs qui ne
dispersent que peu d’énergie pour un maximum d’efficacité pour
l’homogénéisation du système.
(53)
est la sursaturation relative (C – C*)/C*
(cf.§ 4.2.1.5),
la puissance d’agitation par unité de masse de suspension (W · kg–1),
la concentration des cristaux dans la suspension
(kg · m–3),
kJ et kG les constantes de vitesse respectivement de nucléation et de croissance.
h est en général compris entre 0 et 1.
MT
6. Conduite des cristallisoirs
Dans cette partie, nous évoquons les principaux problèmes rencontrés lors de l’exploitation des installations de cristallisation et les
solutions qu’il convient d’y apporter. Ainsi, la description des
phénomènes d’encrassement des parois de refroidissement, les
techniques d’amorçage et les effets des impuretés sur les faciès
cristallins, les principaux paramètres ayant une influence sur l’opération sont examinés, leurs effets analysés et des règles générales
proposées.
i et j sont des constantes dépendant des mécanismes impliqués
dans la nucléation et la croissance.
m est généralement compris entre 1 et 2, des valeurs inférieures
ayant été très rarement rapportées dans la littérature.
Dans les cristallisoirs MSMPR, la sursaturation est généralement
faible et difficile à mesurer et il est plus simple de l’éliminer des
équations (52) et (53) pour obtenir :
J=K
avec K = kJ /k Gi /j.
G i /j ε h
MT
m
(54)
6.1 Encroûtement des cristallisoirs
6.1.1 Types d’encroûtement
L’encrassement des parois et des autres éléments d’un cristallisoir par dépôt d’une couche cristalline conduit à un certain nombre
de conséquences néfastes pour le procédé, en particulier :
— nécessité d’un nettoyage avec arrêt de l’installation, ce qui est
surtout très pénalisant pour les installations continues ;
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J 2 788 − 21
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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— perte de productivité par diminution des performances de
transfert thermique de l’appareil si la couche recouvre la surface
d’échange ;
— difficultés de soutirage et bouchages si le dépôt intervient au
niveau des éléments de soutirage (en fond de cuve par exemple)
ou dans les tuyauteries de transfert.
Il s’agit donc d’un problème technologique grave qu’il convient
de dominer.
On distingue généralement quatre types principaux d’encrassements :
— l’encroûtement sur paroi froide, lié à une nucléation de type
primaire hétérogène et à la croissance des nucléus sur la paroi de
refroidissement ;
— le dépôt de cristaux dans des zones mal agitées, cimenté par
la sursaturation. Ce problème est lié à une mauvaise agitation et se
règle en améliorant le degré d’homogénéité du cristallisoir ;
— les projections de gouttelettes dont le solvant s’évapore, en
déposant à la fois le solide en suspension et le soluté dissous, dans
les cristallisoirs à évaporation. Ce phénomène conduit à l’encrassement des parois au-dessus des surfaces d’évaporation et le problème sera résolu en installant des rampes de lavage séquentiel,
destinées à nettoyer toutes les parties solides traversant la surface
d’évaporation (parois, arbre d’agitateur, contre-pales, gaines thermomériques, etc.) ;
— le grimpage le long des parois, par vaporisation et condensation locales entraînant et déposant des particules solides
au-dessus de la surface de la suspension. Ce phénomène est particulièrement observé pour les solutions organiques dans des solvants à faible température d’ébullition (alcools, cétones, alcanes...).
Là encore, un lavage préventif par rampe permet de résoudre le
problème.
6.1.2 Encrassement des parois d’échange
C’est le phénomène à la fois le plus répandu et le plus difficile à
éviter.
Lors d’une cristallisation par échange thermique à travers une
paroi d’échange, celle-ci se trouve à une température inférieure à
celle du milieu (voir § 4.2.1.2). Si cette température est suffisamment
basse, il peut y avoir nucléation primaire hétérogène sur la paroi,
avec formation d’une couche de nucléus qui se mettent aussitôt à
croître, formant une couche cristalline. Ce processus est donc à
chaque instant lié à la température de la paroi au contact du milieu
et commence dès que cette température devient inférieure à une
température critique, elle-même fonction des paramètres de fonctionnement ainsi que de la nature et du polissage de la paroi.
L’encrassement a de nombreuses conséquences, en particulier :
— l’ajout d’une forte résistance au transfert thermique, qui se traduit par une baisse de la vitesse de ce transfert et donc, en discontinu
par exemple, par une baisse de la vitesse de refroidissement et une
perte de productivité ;
— la nécessité d’un nettoyage de l’appareil entraînant des pertes
de temps et de produit.
Ce phénomène de nucléation sur la paroi de refroidissement
pourra être évité en cristallisation discontinue et retardé sur les cristallisoirs continus à condition de réguler la température de la paroi
à tout moment au-dessus de la température critique de blindage
et d’adapter la méthode de régulation des températures à cette
contrainte. Il faut en effet réguler la température du fluide de refroidissement qui doit circuler dans l’échangeur avec un débit suffisant
pour que l’échange thermique ne soit pas limité du côté du fluide
de refroidissement. Une température du fluide de refroidissement
régulée alors au-dessus de la température critique permettra d’avoir
une paroi également à une température supérieure à cette température critique et donc d’éviter le blindage tout en étant à l’optimum
de productivité.
Il est indispensable, pour mener à bien une telle régulation, de
connaître la température critique de la paroi pour laquelle apparaît
J 2 788 − 22
la nucléation primaire hétérogène qu’il s’agit d’éviter. Pour ce faire,
on peut utiliser le montage de laboratoire représenté sur la figure 20,
constitué de 2 tubes cylindriques concentriques, le tube extérieur
étant en verre, le tube intérieur en matériau représentatif de la paroi
d’échange à étudier. La suspension circule à température régulée
et débit donné dans la zone annulaire. Dans le tube interne circule
le fluide de refroidissement, dont la température régulée est progressivement abaissée jusqu’à ce que le phénomène de nucléation
sur la paroi apparaisse. Le fluide de refroidissement et la suspension
circulent en régime turbulent et de manière à ce que la température
du tube étudié soit proche de la température de l’eau de refroidissement. La température effective de la paroi est, dans chaque cas,
recalculée à partir de celle du fluide de refroidissement, connaissant
le coefficient de transfert thermique dans ce fluide, obtenu par les
corrélations classiques du transfert de chaleur en écoulement
tubulaire.
Les variables à étudier qui ont de l’influence sur l’écart de température critique ∆Tc entre la paroi froide et la suspension, pour
lequel le blindage apparaît, sont :
— la température de la suspension dont l’augmentation réduit
généralement ∆Tc ;
— la vitesse moyenne d’écoulement de la suspension dont l’augmentation permet d’élever ∆Tc ;
— la rugosité ou, en tout cas, le degré de polissage de la paroi,
∆Tc étant d’autant plus faible que la rugosité de la paroi est plus
élevée.
Pour les produits organiques, les valeurs classiques de ∆Tc sont
de l’ordre de 4 à 8 oC. Des valeurs bien plus élevées peuvent être
observées pour des cristallisations ayant des nucléations primaires
très lentes et donc des zones métastables larges. Par contre, des
cas extrêmes pour lesquels ∆Tc est inférieur à 1 oC ont été observés. Il est alors très difficile d’obtenir une bonne productivité pour
ces cristallisations par échange thermique.
Exemple
On charge 10 t de solution aqueuse à 60 oC dans un cristallisoir parfaitement agité discontinu, de surface d’échange thermique 15 m2.
On souhaite refroidir cette solution jusqu’à 20 oC en cristallisant le
soluté et on sait que ∆Tc = 1 oC.
Quel temps faut-il pour procéder à ce refroidissement en négligeant
l’enthalpie de cristallisation ?
Le bilan thermique global conduit à l’équation (18) du § 5.1.2, simplifiée puisque l’enthalpie de cristallisation est supposée négligeable et
qu’il n’y a pas d’évaporation :
q = M C p (T s – T e )
q est la quantité de chaleur totale à échanger et, en supposant Cp
constant et égal à 4,18 kJ · kg–1 · K–1 [soit 1 cal/(g · K)], on obtient :
q = 10 4 × 4,18 × (60 – 20) kJ = 1,67 × 10 9 J.
On peut appliquer la relation (2) du § 4.2.1.2 :
Φ T = hi S (TM – TPi)
et, dans le cas où l’on souhaite un refroidissement à allure constante,
on a évidemment Φ T = q /t où t est le temps nécessaire au refroidissement.
Avec, pour une excellente agitation, une valeur classique de h i égale
à 1 700 W · m–2 · K–1 et une valeur de (TM – TPi) maximale égale à ∆Tc ,
le flux horaire maximal de chaleur échangée est :
Φ T = 1 700 × 15 × 1 J/s = 25,5 kJ/s
et le temps de cristallisation est :
1,67 × 10 6 : 26,1 = 65 500 s = 18,2 h
ce qui est évidemment très long.
Dans ces conditions, il convient d’envisager une cristallisation par
refroidissement sous évaporation adiabatique sous vide progressif,
pour diminuer le temps d’occupation de l’appareil.
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Au sens le plus large du terme, une impureté est une substance
qui se trouve dans le milieu de croissance et dont la nature chimique
est différente de celle du cristal. Il ressort immédiatement de cette
définition que même le solvant doit être considéré comme une
impureté.
Figure 20 – Installation de laboratoire permettant la mesure
de la température critique de blindage
Le phénomène d’encroûtement des parois froides est donc régi
par une différence de température critique ∆Tc , caractéristique
d’une nucléation primaire hétérogène. Cette valeur est a priori inférieure à la largeur de zone métastable à la température de la suspension (figure 2). Il apparaît donc que, dans un cristallisoir dans
lequel on attend que la nucléation primaire ait lieu pour avoir des
cristaux, le phénomène de nucléation sur paroi va se manifester
avant la nucléation primaire globale et un phénomène d’encroûtement initial des parois est probable. Celui-ci pourra être éventuellement évité si les nucléus formés ne réussissent pas à s’accrocher,
c’est-à-dire pour un état de surface parfaitement lisse. La nucléation primaire dans un cristallisoir refroidi par échange s’accompagne donc le plus généralement de phénomènes d’encroûtement.
Il s’agit là d’une raison supplémentaire pour devancer la nucléation
en procédant à un amorçage (voir § 6.3). En particulier, il est extrêmement risqué de démarrer une cristallisation continue par une
opération discontinue sans amorçage, car il risque de se produire
alors un encroûtement initial qui conduirait à des perturbations de
fonctionnement et à des arrêts fréquents pour des nettoyages très
coûteux.
6.2 Effet des impuretés.
Changements de faciès des cristaux
6.2.1 Influence des impuretés
sur la croissance cristalline (rappels)
L’effet des impuretés sur les cinétiques de nucléation et de croissance est discuté dans l’article [J 1 500]. Nous ne résumons donc
ici que les faits qui peuvent contribuer à une meilleure compréhension des phénomènes de changement de faciès des cristaux, qui
sont le résultat des différences de vitesse de croissance de chacune
des faces d’un cristal.
Au sens le plus restrictif du terme, une impureté est une substance
étrangère au cristal et au solvant, qui affecte un ou plusieurs stades
de la cristallisation. Il convient ici de faire une distinction entre impuretés solides et impuretés dissoutes.
À l’état dissous, l’action d’une impureté peut se situer à deux
niveaux :
— en premier lieu, l’impureté peut avoir un effet thermodynamique si elle augmente la force ionique de la solution et/ou si elle
forme des complexes solubles avec les molécules ou les ions de
soluté, ce qui entraîne une diminution de la sursaturation de la phase
qui cristallise ;
— en second lieu, l’impureté peut avoir un effet cinétique en
s’adsorbant sur les cristaux dont elle bloque plus ou moins la
croissance : il s’agit là d’inhibition au sens propre du terme.
Inversement, à l’état solide, l’impureté peut servir de support de
nucléation à la phase qui se forme. La nucléation est facilitée et la
croissance a lieu à sursaturation plus faible. On verra que cela peut
entraîner des faciès différents.
Pour aborder le problème de la modification du faciès des cristaux,
il convient de rappeler que, sur un cristal, ce sont toujours les faces
les plus lentes qui sont les plus développées. Cela se démontre facilement si l’on représente les vitesses d’avancement des faces d’un
cristal par des vecteurs dont la longueur est proportionnelle à la
vitesse. Supposons qu’au temps t0 le cristal ait un certain faciès et
que, par l’intermédiaire du milieu extérieur, on obtienne les différentes vitesses d’avancement des faces représentées sur la
figure 21. Il en résulte qu’au temps t > t0 la face la plus rapide (I)
a entièrement disparu, alors que les faces les plus lentes (II par
exemple) se sont développées.
La notion de changement de faciès peut donc impliquer soit une
simple modification du développement relatif des faces allant
jusqu’à la disparition de certaines d’entre elles, soit l’apparition de
faces nouvelles. Si l’on tient compte du fait que la structure du cristal, l’arrangement interne des atomes ou des molécules imposent
une certaine morphologie, il est évident que le problème de l’expérimentateur est d’ajuster les différents paramètres du milieu de
croissance de telle sorte qu’il obtienne le faciès souhaité.
Nous résumons ci-après ce qui nous paraît primordial pour
résoudre certains problèmes de changement de faciès. Les références liées aux exemples cités, ainsi que beaucoup d’autres,
peuvent être trouvées dans deux articles de synthèse [28] [29].
6.2.2 Sursaturation, solvant, soluté
Le paramètre fondamental à la base de tous les processus cinétiques est la sursaturation, mais augmenter ou diminuer la sursaturation ne signifie pas seulement que les cristaux vont croître plus
ou moins vite, cela implique aussi une certaine modification des
vitesses relatives d’avancement des faces. Ainsi, le changement de
faciès décrit par la figure 21 peut résulter aussi bien d’une variation
de la sursaturation que d’un effet d’impureté.
En règle générale d’ailleurs, une augmentation de la sursaturation
exacerbe presque toujours le faciès qui découle de la structure
cristalline. Ainsi, les cristaux des paraffines normales (n-alcanes) à
longue chaîne sont des plaquettes en forme de losanges relativement minces. À faible sursaturation, le rapport longueur/épaisseur
est de l’ordre de 10 à 20. À forte sursaturation, ce rapport peut être
de 100. De même, les cristaux qui ont tendance à cristalliser en
aiguilles sont de plus en plus effilés à mesure que la sursaturation
augmente. Cette anisotropie en dimension est d’autant plus marquée
que la symétrie du cristal est plus faible.
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J 2 788 − 23
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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Figure 21 – Évolution du faciès d’un cristal lors de sa croissance
entre les temps t0 et t
Dans certains cas, il existe des sursaturations critiques au-delà
desquelles de nouvelles faces apparaissent sur les cristaux. Ainsi,
le chlorure de sodium cristallise en cubes à faible sursaturation et
en octaèdres à très forte sursaturation. La sursaturation critique à
atteindre est de 23 % en solution aqueuse mais seulement de 0,4 %
dans une solution de formamide, ce qui met bien en lumière également le rôle du solvant. Dans le cas évoqué ici, on peut noter que
les deux solvants sont différents non seulement par leur nature
chimique, mais aussi par leur permittivité relative (ou constante
diélectrique) : 80 pour l’eau et 109 pour le formamide. L’adsorption
de ces solvants sur les cristaux de chlorure de sodium est donc
certainement très différente d’un point de vue énergétique. Comme
eau et formamide sont miscibles en toute proportion, chaque
composition du mélange impose la sursaturation critique à laquelle
le changement de faciès a lieu. Un système de ce type permet aussi
de bien comprendre pourquoi la première impureté pour le cristal
est le solvant.
Plus rarement en effet, ce sont les constituants du cristal
eux-mêmes qui sont à l’origine des changements de faciès. La calcite
(carbonate de calcium) en est un exemple. Elle se développe en cristaux prismatiques si la solution est équimolaire en ions calcium et
carbonate. Par contre, les cristaux s’allongent s’il y a un excès de
calcium ou deviennent tabulaires s’il y a un excès de carbonate.
Le choix du solvant doit donc être effectué en fonction du faciès
souhaité et des propriétés d’usage des cristaux qui en résultent, en
plus des préoccupations habituelles de rendement.
6.2.3 Impuretés, sursaturation
Une fois le solvant choisi, la sursaturation à elle seule ne permet
que très rarement d’obtenir le faciès souhaité. Cela est d’autant plus
vrai dans les procédés industriels où, pour des besoins de productivité, on travaille avec la cinétique de croissance la plus rapide
possible, ce qui a souvent pour conséquence de favoriser des cristaux en forme de plaquettes ou d’aiguilles comme on l’a dit plus
haut. De plus, les impuretés liées au procédé ont souvent une
influence non négligeable sur le faciès obtenu dans la mesure où
elles sont chimiquement voisines du soluté et que souvent, en raison
de recyclages nécessités par des gains de rendement, elles sont
présentes à des concentrations non négligeables dans le milieu de
cristallisation. Ces effets sont alors inévitables et devront être
contrecarrés dans le cas où ils sont néfastes.
C’est l’une des raisons pour lesquelles on introduit souvent
d’autres impuretés (ou additifs ). La concentration de celles-ci est
alors ajustée à la dose optimale, fonction de la sursaturation à
laquelle on veut travailler. Il est connu en effet que l’efficacité des
impuretés augmente avec leur concentration alors qu’elle diminue
à mesure que la sursaturation augmente, ce qui se comprend bien
puisque, à vitesse élevée de croissance du cristal, les molécules
étrangères n’ont pas le temps de s’adsorber suffisamment vite ni
suffisamment longtemps. Les cinétiques sont alors peu affectées, de
même que le faciès. Il y a cependant une exception à cette règle :
elle concerne les rares cas où l’augmentation de la sursaturation
produit le même faciès que l’impureté utilisée. Le cas le plus simple
est celui du chlorure de sodium en solution aqueuse ; l’addition de
J 2 788 − 24
chlorure de cadmium comme impureté permet l’obtention d’octaèdres et cela d’autant plus facilement que la sursaturation augmente,
cela parce que le changement de faciès normal pour le chlorure de
sodium est la transformation cube-octaèdre à sursaturation élevée.
Dans le cas des solutions électrolytiques, l’efficacité des impuretés ne dépend pas seulement de leur concentration, mais aussi du
pH de la solution. En fait, l’effet du pH se situe essentiellement au
niveau du degré d’ionisation des molécules d’impureté. Une molécule aussi simple que NH2 — CH2 — COOH peut se trouver aussi
bien à l’état d’ions dipolaires +H3N — CH 2 — COO– que monopolaires + H3N — CH2 — COOH et NH2 — CH2 — COO–. Adsorption
et aptitude à changer le faciès de certains cristaux vont donc grandement dépendre de la polarité de la molécule. L’effet favorable ou
défavorable de l’ionisation des molécules se trouve évidemment
renforcé lorsque l’on utilise des molécules plus complexes que
celles dont il vient d’être question. On peut citer par exemple
le NTMPA (acide nitrilotriméthylènephosphonique) ou le DTPAA
(acide diéthylènetriaminepentaacétique), utilisés comme modificateurs de faciès du gypse.
6.2.4 Choix d’un additif
La question qui vient naturellement à l’esprit peut se résumer de
la manière suivante : comment choisir le meilleur additif possible ?
La réponse à cette question ne peut pas être simple surtout si l’on
ne répond pas préalablement à une autre question : un additif,
pour quoi faire ? S’il ne faut qu’affecter les cinétiques de nucléation
et de croissance, il suffira en général de choisir une substance qui,
a priori, possède une bonne affinité chimique pour le cristal. On est
alors à peu près sûr que l’adsorption aura lieu et que la cinétique
de cristallisation sera moins rapide. Un choix qui repose sur ce
seul critère implique cependant que l’on est relativement indifférent au faciès obtenu.
Répondre à la question : quel additif choisir pour obtenir un faciès
convenable ? est encore plus difficile. Si l’on élimine l’empirisme
complet, la sélection d’un bon additif doit reposer sur quelques
considérations cristallochimiques. On pourra en premier lieu travailler par extrapolation de certaines données de la littérature. Il
existe suffisamment d’exemples très divers pour que cette méthode
aboutisse parfois très rapidement. Si l’on souhaite aller plus loin
dans la recherche d’un bon additif, il faut alors connaître les états
de surface des cristaux et en particulier l’état de surface de la face
que l’on veut voir se développer par inhibition (§ 6.2.1). Cela nécessite cependant de connaître la structure tridimensionnelle du cristal
à partir de laquelle il est possible d’établir sa morphologie théorique
à l’aide de la théorie des PBC [37]. Une fois que la nature des atomes
les plus superficiels est connue, de même que leur disposition sur
les différentes faces, il devient possible de proposer des additifs, ou
du moins des familles d’additifs susceptibles de s’adsorber fortement sur une face donnée. Dès qu’un ou plusieurs additifs favorables
sont trouvés, il est relativement facile de rechercher des molécules
analogues encore plus performantes ou de les faire fabriquer « sur
mesure » (taylor made additives dans la terminologie anglosaxonne). Cette méthode qui nécessite quelques connaissances en
cristallographie peut paraître trop ardue et trop longue. L’expérience
montre qu’elle aboutit parfois à la découverte de bons modificateurs
de faciès des cristaux, beaucoup plus rapidement que des essais
purement empiriques.
6.3 Amorçage. Ensemencement
6.3.1 Nucléation primaire lors d’une opération
de cristallisation discontinue
La nucléation primaire fait apparaître les cristaux lorsque la
concentration du soluté en solution atteint la limite de la zone métastable (figure 22). Une fois ces cristaux formés, ils croissent en se
nourrissant du soluté libéré par la poursuite du refroidissement. Si
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_________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
cette vitesse de croissance est élevée, la concentration du soluté en
solution est, après la nucléation, pratiquement égale à la solubilité
(figure 22a ). Si, par contre, cette vitesse de croissance est faible,
ou si la vitesse de refroidissement est trop rapide, alors le soluté
disponible n’est plus entièrement consommé par la croissance, la
concentration du soluté en solution évolue jusqu’à toucher à
nouveau la limite de zone métastable pour une autre nucléation primaire, ce phénomène pouvant se reproduire plusieurs fois
(figure 22b ). Il est évident que, dans ce cas, les cristaux obtenus à
la fin de l’opération sont extrêmement fins.
De plus, la limite de zone métastable est caractéristique d’effets
cinétiques influencés par les paramètres de conduite, en particulier
l’agitation, la température et, surtout, la nature et la quantité des
impuretés. Ainsi, une cristallisation discontinue pour laquelle ces
paramètres de conduite ne sont pas constants d’une opération à
l’autre conduit à une zone métastable de largeur variable, donc à
une cinétique de nucléation primaire variable et à des cristaux de
taille variable d’une opération à l’autre. Enfin, nous avons vu qu’il
est très probable que l’encrassement des parois froides démarre
lors de la nucléation primaire.
Tous ces points négatifs conduisent à ce qu’un amorçage ou un
ensemencement soit nécessaire.
6.3.2 Amorçage ou ensemencement
Amorcer une cristallisation consiste à introduire dans le cristallisoir, lorsque la solution se situe en zone métastable, une quantité
connue, appelée semence, de cristaux du produit à cristalliser de
taille connue, avec deux conséquences possibles :
— si cette introduction est faite à une température légèrement
supérieure à celle de la limite de zone métastable, le rôle de ces
cristaux sera de provoquer une nucléation primaire hétérogène à
leur contact, et cela, toujours à la même température si la température d’introduction est constante. Il en résulte une régulation de
la nucléation primaire avec, comme conséquence complémentaire,
une limitation des phénomènes d’encroûtement de paroi ;
— si cette introduction est faite à une température légèrement
inférieure à l’équilibre de solubilité, et en quantité suffisante, et si
la vitesse de croissance est élevée, alors cette semence se mettra
à croître et la nucléation primaire pourra être évitée (figure 22c ).
C’est généralement cette deuxième méthode qui doit être privilégiée car elle permet à coup sûr d’éviter l’encroûtement et aussi
d’assurer un meilleur contrôle de la taille finale des cristaux. En
admettant l’absence de nucléation dans une opération de ce type
et en écrivant alors l’égalité du nombre de particules entre le début
(amorce) et la fin de l’opération, on obtient aisément :
df 3
M
--------c = ------
dS
MS
(60)
où M c est la masse finale de cristaux obtenus,
M S la masse de semence introduite,
df
la taille finale des particules,
d S la taille de la semence.
Cette expression montre que la taille finale des cristaux, qui n’est
évidemment pas illimitée, diminue lorsque la quantité de semence
introduite augmente. Si M S est trop faible, cette expression conduit
à des tailles finales prédites non réalistes et le comportement du
cristallisoir est alors celui de la figure 22d. N’ayant pas assez de
surface d’accueil pour cristalliser, la solution est de plus en plus sursaturée, ce qui conduit à une nucléation primaire tardive, dont le
résultat est une répartition granulométrique bimodale, mélange de
grosses et de fines particules. Dans certains cas, le solide obtenu
est alors plus difficile à filtrer que si l’amorçage n’avait pas eu lieu.
Un compromis expérimental intéressant peut être trouvé en se limitant à d f /d S = 5, ce qui entraîne M S /M c = 0,8 %. Ainsi, en cristallisation organique, la quantité de semence à introduire, lorsque
celle-ci est calibrée, est de l’ordre de 0,5 à 2 % de la masse finale
de cristaux dans le cristallisoir. En en mettant moins, on risque
d’être confronté au problème de la figure 22d.
6.3.3 Solution industrielle pour l’amorçage
Figure 22 – Évolution de la concentration du soluté en phase liquide
lors d’une opération de cristallisation discontinue
Cette procédure d’amorçage consistant à introduire de grandes
quantités de cristaux calibrés est industriellement très difficile. Il est
plus facile de ne pas introduire de cristaux calibrés et d’utiliser du
tout-venant de l’opération précédente. Il est ainsi possible, à condition de disposer d’une cuve agitée de volume suffisant au-dessus
du cristallisoir, de prélever une partie de la suspension finale obtenue
afin de s’en servir pour l’amorçage de l’opération suivante. Pour que
cette procédure fonctionne, il est indispensable, une fois la semence
introduite, qu’une nucléation secondaire se produise pour, d’une
opération à l’autre, obtenir des cristaux de granulométrie reproductible. Une quantité plus importante de semence doit alors être utilisée, de l’ordre de 2 à 6 % de la masse à cristalliser.
Ces procédures sont évidemment à préciser soigneusement par
des essais de laboratoire. Un bon ensemencement reproductible
n’est possible que si la composition de la solution est à peu près
constante, afin que la température d’introduction soit toujours correcte. Dans les autres cas, un contrôle de l’efficacité de la semence
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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(par mesure de turbidité par exemple) est indispensable et l’ensemencement devra être répété plusieurs fois lors de la descente en
température jusqu’à ce qu’il soit efficace. La connaissance de la
courbe de solubilité est un préalable indispensable à un ensemencement efficace.
6.4 Paramètres de conduite
d’une cristallisation discontinue
6.4.1 Cristallisation par refroidissement
ou par évaporation isotherme
Les paramètres à étudier soigneusement au laboratoire pour
dimensionner le cristallisoir et prévoir ses performances sont :
— la nature du solvant ;
— la nature et la concentration des impuretés ;
— la concentration du soluté ;
— la sursaturation liée à la compétition entre la vitesse de refroidissement libérant le soluté et la vitesse de croissance des cristaux
le consommant, donc essentiellement commandée par le profil de
température en fonction du temps. Dans le cas d’une évaporation
isotherme, la sursaturation dépend de la vitesse d’évaporation qu’il
convient donc d’étudier puis de contrôler ;
— l’agitation ;
— l’ensemencement du cristallisoir.
Les profils de refroidissement dans le cas d’une cristallisation
ensemencée pourront être semblables à celui de la figure 23. Une
vitesse de descente rapide, compatible avec les possibilités de
l’appareil, peut être mise en œuvre jusqu’à la température de solubilité, ensuite le refroidissement est ralenti (de l’ordre de 5 oC/h),
l’ensemencement effectué puis la température maintenue pratiquement constante pendant un certain temps, pour laisser aux cristaux
le temps de démarrer leur croissance (environ 15 à 30 min) ; enfin
un refroidissement plus rapide peut être mis en œuvre (10 à 30 oC/h
selon les cas). Un maintien du cristallisoir à la température finale
pendant environ 15 min permet la récupération de la sursaturation
résiduelle.
6.4.2 Cas d’une précipitation ou d’un relargage
La cristallisation résulte soit d’une réaction chimique faisant apparaître un composé insoluble, soit de l’insolubilisation du soluté par
ajout d’un tiers solvant ou d’un tiers corps. Dans les deux cas, elle
découle du mélange de deux flux, le flux de circulation de l’agitateur
et le flux d’alimentation, et peut se traduire localement par des sursaturations très élevées, souvent au-delà de la limite de zone métastable. Ce phénomène de mélange de deux flux devient un problème
prépondérant. Les choix du débit d’alimentation, de sa composition,
du point d’alimentation dans le cristallisoir, du type de mobile d’agitation ainsi que de sa vitesse de rotation voire de la géométrie même
du cristallisoir doivent être considérés comme des paramètres clés
de ces opérations. Cela est particulièrement vrai lors de la précipitation de composés très insolubles (BaSO4 , halogénures d’argent,
SiO2 ...), pour lesquels la vitesse de croissance est faible et le processus dominé par la nucléation primaire au point d’alimentation.
Les paramètres principaux sont alors :
— le type de réacteur, la cuve agitée pouvant être remplacée par
des capacités de géométrie plus adéquate ;
— la position du point d’alimentation ;
— la composition et le débit du flux alimenté ;
— l’agitation, en particulier au point d’alimentation ;
— la composition du contenu du réacteur (pH, concentration,
impuretés...) ;
— la température.
Dans le cas de la précipitation de composés moyennement
solubles ou solubles, le problème se ramène à une cristallisation
J 2 788 − 26
Figure 23 – Exemple de profil de température
lors d’une cristallisation discontinue par refroidissement
avec ensemencement
classique. Il convient alors de procéder à la réaction chimique (ou
au mélange de solvants) dans les conditions de solubilité maximale,
donc généralement à la température maximale admissible pour le
procédé, puis de terminer par une procédure de cristallisation vraie
par refroidissement favorable à la croissance des cristaux.
Pour l’ensemble des procédés de ce type pour lesquels les
conditions du mélange ont une importance particulière, le cristallisoir doit être traité comme un réacteur chimique et il convient de
lui appliquer la méthodologie du génie de la réaction chimique [24].
6.5 Paramètres de conduite
d’une cristallisation continue
Le cristallisoir continu fonctionne normalement en régime permanent. Les cristaux sont formés par nucléation secondaire. Les
paramètres de conduite à prendre en compte pour un cristallisoir
continu refroidi par paroi d’échange sont :
— la température dont dépendent les vitesses de nucléation
secondaire, de croissance ainsi que d’agglomération ;
— l’agitation qui agit sur les mêmes phénomènes ainsi que sur
la brisure ;
— le temps de passage τ, défini comme le rapport du volume de
suspension au débit volumique de soutirage, qui détermine la sursaturation qui règne dans l’appareil ;
— la teneur de la suspension en solide, appelée aussi densité du
magma, qui agit sur la nucléation secondaire.
Le blindage des parois conduit à l’arrêt de l’installation pour nettoyage et doit donc être évité. En particulier le démarrage d’une cristallisation par une opération discontinue doit se faire sans nucléation
primaire donc avec ensemencement. Les pompes de recirculation
extérieure sont à éviter, surtout si les cristaux sont fragiles, ce qui
est particulièrement vrai pour les cristaux organiques.
Dans le cas des cristallisoirs à évaporation s’ajoute à ces paramètres le flux évaporé, pour lequel il convient de maintenir une
vitesse de dégagement des vapeurs raisonnable, prise généralement
inférieure à 1 m/s pour diminuer le risque d’entraînements vésiculaires qui auraient pour conséquence l’encrassement des condenseurs. La température de l’alimentation est alors à surveiller tout
particulièrement pour éviter les flashes au point d’alimentation.
Pour les cristallisoirs à classification du type DTB ou éventuellement du type Oslo ou Krystal, la recirculation extérieure permet
d’entraîner les fines particules et de les redissoudre par réchauffage
de la recirculation. L’élimination de trop de fines particules peut avoir
une conséquence importante, à savoir l’élévation de la sursaturation
suivie d’une nucléation primaire. Le fonctionnement de l’appareil est
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_________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
alors cyclique avec une taille cristalline évoluant au cours du temps
et des dérèglements sur tout l’aval du procédé. Le taux optimal de
destruction des fines doit donc être testé au cours d’un pilotage.
De manière générale, l’utilisation de cristallisoirs continus parfaitement agités peut être simulée sur des appareils de laboratoire
homothétiques de petite taille. Par contre, un fonctionnement plus
complexe (évaporation, pompe de recirculation, destruction de
fines...) doit être testé sur un appareil pilote (une à plusieurs centaines de litres), sur une durée qui sera préférentiellement longue.
7. Cristallisation industrielle
à partir de milieux fondus
Nous ne traiterons ici que les procédés de cristallisation purifiante
(ou fractionnée) conduisant à des productivités élevées, à l’exclusion
des procédés :
— de production de monocristaux ultrapurs ;
— de solidification sans purification, qui restent malgré tout des
procédés de cristallisation et doivent être conçus en tant que tels.
Figure 24 – Diagramme d’équilibre liquide-solide du mélange binaire
1,3,5-trichlorobenzène et 1,2,4-trichlorobenzène
7.1.2 Principe des procédés de cristallisation
Les procédés industriels de cristallisation à partir de milieux
fondus avec des productions à gros tonnages reposent soit sur la
cristallisation en couche sur paroi froide, soit sur la cristallisation
en suspension.
7.1 Principes
7.1.1 Introduction
La purification d’un produit impur est souvent réalisée par
cristallisation en solution ou par distillation. Ces deux procédés sont
connus. Par contre, ils présentent un certain nombre d’inconvénients :
— pour la cristallisation en solution, le coût de traitement du
solvant doit être ajouté au coût d’exploitation de la cristallisation
proprement dite et la manipulation des solides cristallisés dans la
partie finale du procédé pose bien souvent des problèmes technologiques en raison de leur faible taille granulométrique ou de leur
faible coulabilité ;
— pour la distillation, d’une part la vaporisation a un coût énergétique élevé, d’autre part la manipulation des produits à
température élevée peut être pénalisante pour les produits thermosensibles.
De plus, il est souvent difficile de séparer des isomères avec une
bonne pureté.
Dans certains cas, il sera donc intéressant de faire cristalliser directement l’un des composés à partir du milieu fondu impur. En effet,
si le mélange peut être assimilé à un mélange binaire pour lequel
l’équilibre liquide-solide est décrit par une courbe à eutectique
(figure 24), en partant du point M, représentant le milieu fondu
(fraction molaire en 1,3,5-trichlorobenzène xi , température Ti pour
notre exemple), et en refroidissant ce milieu, le 1,3,5-trichlorobenzène cristallise pur, en présence d’une phase liquide dont la
composition est donnée par la courbe d’équilibre à la même température. La séparation des cristaux obtenus et leur lavage
conduisent à un produit d’excellente pureté chimique, comme les
cristaux obtenus à partir d’une solution.
■ Cristallisation en couche sur paroi froide : le milieu fondu est
mis au contact d’une surface froide sur laquelle on amorce la cristallisation qu’on laisse ensuite se poursuivre de façon que soit progressivement constituée une couche cristalline de plus en plus impure.
La sursaturation de la solution doit être parfaitement contrôlée pour
permettre une bonne purification ultérieure de la couche.
■ Cristallisation en suspension : on opère généralement dans un
cristallisoir continu avec une productivité pouvant être élevée, mais
avec la nécessité de véhiculer des suspensions en particulier du cristallisoir vers les installations de séparation solide-liquide et de
lavage. La différence essentielle avec la cristallisation en solution
vient de la technologie des cristallisoirs qui sont des appareils raclés,
les cristaux étant obtenus par nucléation primaire hétérogène sur des
parois froides. La nucléation secondaire n’a, semble-t-il, pas été mise
en évidence dans ces milieux fondus lorsque la concentration du
composé à cristalliser est élevée.
Le produit cristallin lavé est généralement fondu puis soutiré
liquide de l’installation et, comme après une distillation, il nécessite
un procédé de mise en forme (écaillage, prilling, pastillage...).
La cristallisation à partir de milieux fondus s’applique à deux types
de mélanges :
— les mélanges impurs contenant moins de 90 % de produit
noble peuvent être considérés en partie comme des solutions dans
la ou les impuretés : les considérations évoquées pour la cristallisation en solution s’appliquent ; les rendements en produit très pur
sont faibles et plusieurs étages de purification peuvent être
nécessaires ;
— les mélanges déjà purs à plus de 90 voire 95 % que l’on souhaite
ultrapurifier (au-delà de 99,9 %). Dans ces conditions, des difficultés
technologiques apparaissent mais les rendements en produit ultrapur pourront être très élevés.
Cette opération est conduite à température proche de l’ambiante
avec une consommation d’énergie faible puisque les enthalpies de
fusion des composés sont bien inférieures à leurs enthalpies de
vaporisation, et avec une excellente purification sur un étage. Par
contre surgissent des problèmes de rendement ainsi que des difficultés technologiques dont nous discuterons plus loin, en
particulier pour le lavage des cristaux.
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CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
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Exemple
Considérons un mélange contenant 2 % d’impuretés et 98 % de
produit à purifier, et calculons la concentration en impuretés du liquide
résiduel après avoir cristallisé 50 % de la masse impure chargée, ce qui
est une valeur maximale pour la cristallisation en suspension et une
valeur moyenne pour la cristallisation en couche.
Soit M la masse initiale de mélange chargée dans le cristallisoir, un
bilan matière donne :
M Ci = Mc + (M – Mc) CF
où
Ci
est la fraction massique initiale du composé à cristalliser dans la phase liquide (0,98),
Mc
représente la masse cristallisée supposée pure (égale
ici à 0,5 M ),
M – M c est alors la masse de liquide résiduel supposé à l’équilibre (égale ici à 0,5 M ),
CF
est la fraction massique en phase liquide résiduelle du
composé noble à calculer.
Avec les données envisagées, il est aisé d’obtenir C F = 0,96.
Or sur la plupart des diagrammes d’équilibre, le passage de 98 %
à 96 % se fait par une variation de température de quelques degrés au
maximum.
En inversant le raisonnement, un refroidissement de quelques
degrés provoque la cristallisation de 50 % ou plus de la masse chargée. Une régulation parfaite ainsi qu’une homogénéité totale de la
température dans le cristallisoir sont donc indispensables, d’où
des difficultés technologiques importantes, que les constructeurs
d’appareillage maîtrisent actuellement mais qui expliquent en partie
le développement industriel relativement faible de ces méthodes
d’ultrapurification. Pourtant celles-ci sont économiquement nettement plus intéressantes que les trains de colonnes à distiller habituellement utilisés.
7.1.3 Rétention et lavage des impuretés
— les inclusions dans les cristaux sous forme de poches liquides,
liées aux imperfections du cristal et importantes en cas de croissances trop rapides résultant de sursaturations trop élevées. Pour
cette raison, la cristallisation à partir de milieux fondus est conduite
habituellement à des sursaturations très faibles, sachant de plus que
la vitesse de croissance est plus élevée qu’en solution en raison de
l’absence de limitation diffusionnelle.
■ La rétention surfacique est constituée de liquide d’imprégnation à la surface des cristaux. Dans le cas des suspensions, le
problème est le même que celui rencontré en solution et sera résolu
par lavage effectué dans des colonnes à contre-courant de produit
pur fondu, en l’absence de solvant. Dans le cas de la cristallisation
d’une couche formée d’agglomérats de monocristaux, le liquide
impur est retenu à la surface des monocristaux dans la couche. La
couche sera d’autant plus impure que les cristaux agglomérés sont
plus petits ou que le liquide retenu est plus impur. La couche est cristallisée au contact de liquide de plus en plus impur au fur et à mesure
qu’elle se développe. Une cristallisation à faible sursaturation permet donc d’obtenir une couche de plus en plus impure au fur et à
mesure que l’on s’éloigne de la paroi froide, à condition d’avoir
démarré la cristallisation par un amorçage permettant d’éviter la
nucléation primaire. En effet, cette dernière se ferait à sursaturation
élevée, conduisant à de petites particules nombreuses et à une rétention liquide importante, ce qui empêcherait de procéder à la purification de la couche. La purification des couches bien cristallisées est
réalisée par ressuage, obtenu par réchauffage lent de la couche à
partir de la surface d’échange.
7.2 Procédés industriels
Le tableau 2, inspiré de la référence [31], rassemble les principaux
procédés industriels à partir de milieux fondus.
7.2.1 Procédés discontinus
La rétention des impuretés par des cristaux formés est essentiellement de type volumique ou surfacique.
■ La rétention volumique des impuretés est la plus difficile à
éliminer par lavage, il sera donc nécessaire de l’éviter. On distingue
généralement :
— les cocristallisations, soit parce que la cristallisation a été effectuée trop près du point eutectique, soit en raison de l’existence d’une
solution solide ou d’un composé défini, soit par piégeage d’espèces
fortement adsorbées. Une bonne connaissance des courbes d’équilibre et le maintien de la sursaturation à des valeurs faibles permettent, du moins en grande partie, d’éviter ces causes de mauvaise
purification ;
7.2.1.1 Procédés discontinus à fluide stagnant
■ Le procédé Kobe Steel sous haute pression [33] utilise la faible
variation des courbes d’équilibre liquide-solide en fonction de la
pression pour faire cristalliser un produit pur par variation adiabatique de la pression à quelques dizaines voire quelques centaines de
méga-pascals (1 MPa ≈ 10 bar). Ses applications industrielles,
encore réduites en raison du coût élevé de l’investissement,
devraient concerner les produits organiques à hautes valeurs ajoutées pour des faibles productions.
(0)
Tableau 2 – Principaux procédés de cristallisation à partir des milieux fondus (d’après [31])
Cristallisation en couche
discontinue
en milieu
fondu
stagnant
Procédé
Proabd (1)
continue
en milieu
en
fondu en milieu fondu
écoulement
stagnant
Procédé
MWB
de Sulzer
Tambour
(écailleuse)
(1) commercialisé par BEFS.
(2) commercialisé par Sulzer et Sandvik.
J 2 788 − 28
Cristallisation en suspension
discontinue
en milieu
fondu en
écoulement
en
milieu fondu
stagnant
Procédé
Bremband (2)
Procédés
sous haute
pression
Kobe Steel
continue
avec colonne non garnie
avec
colonne de lavage garnie
Procédé
TNO
Procédé
Phillips
de décantation
Procédé
Brodie
Procédé
4 C (3)
(3) commercialisé par Tsukishima Kikai.
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à circulation
ascendante
des cristaux
Procédé
Kureha
_________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
■ Le procédé Proabd, commercialisé par BEFS [34], est d’une
importance industrielle bien plus grande, puisqu’en 1985 la capacité
globale de production par ce procédé était de 300 000 t/an [30]
avec, comme principaux produits raffinés, le p-dichlorobenzène, le
p-nitrochlorobenzène, le dichloronitrobenzène, l’acide monochloroacétique, le naphtalène...
Le raffineur Proabd est constitué essentiellement d’un échangeur
sous forme d’un faisceau tubulaire dans une calandre, d’une station
thermique alimentant l’intérieur des tubes avec soit du liquide froid,
soit du liquide chaud, les deux à température parfaitement régulée.
Le produit cristallise à l’extérieur des tubes. Le déroulement classique d’un cycle est le suivant :
— remplissage de l’appareil par du produit fondu à purifier ;
— cristallisation par refroidissement selon un profil de température généralement linéaire pour le fluide thermique de refroidissement. Un amorçage de la cristallisation est souvent nécessaire et
le refroidissement est lent pour limiter la sursaturation. Un calorifugeage externe parfait est indispensable et des plaques métalliques
servant de répartiteurs de chaleur sont installées dans l’appareil pour
que la cristallisation s’y effectue lentement et de manière homogène.
La température de fin de cristallisation est déterminée au laboratoire.
La durée de cette phase de cristallisation est classiquement de l’ordre
de 10 à 15 h ;
— phase de ressuage par réchauffage lent de la couche par le
fluide thermique progressivement réchauffé à température régulée,
alimenté maintenant dans les tubes. Cela permet de refondre les
zones les plus impures, le produit fondu impur migrant vers la
surface de la couche et y apparaissant sous forme de gouttelettes.
Le liquide résultant est recueilli en fractions de plus en plus pures.
Lorsque la pureté souhaitée pour le produit final est atteinte, le ressuage est arrêté. La durée du ressuage est également de 10 à 15 h
en fonctionnement classique ;
— fusion du produit cristallisé résiduel qui constitue le raffinat pur.
Des recyclages, fonctionnant en plusieurs étages, voire par
traitement des résidus par distillation puis recyclage, sont évidemment destinés à augmenter le rendement de l’installation.
Le principal avantage de cette technologie réside dans sa simplicité, son automatisation facile et sa grande souplesse permettant
de passer d’un produit à l’autre. La lenteur du cycle est à la fois un
avantage et le principal inconvénient du procédé :
— avantage, parce que la température des fluides thermiques est
à tout moment peu différente de celle du milieu, ce qui, pour des
composés à purifier de température de fusion comprise entre 20
et 60 oC, est particulièrement économique sur le plan énergétique ;
— inconvénient, parce que le volume des appareils devient rapidement important pour des productions élevées (> 100 t par jour).
7.2.1.2 Procédés discontinus à fluide en mouvement
Ces procédés permettent de purifier par cristallisation en couche
sur paroi froide à partir d’un milieu fondu en écoulement. Le plus
important d’entre eux est sans conteste le procédé MWB de Sulzer.
L’installation représentée schématiquement sur la figure 25 en est
le pilote monotube et le cristallisoir se compose d’un grand nombre
de ces tubes (fonction de la productivité visée) placés dans une cuve.
Le produit fondu circule à l’intérieur des tubes sous forme d’un film
ruisselant sur la couche cristalline déjà formée, obtenu par recyclage
à l’aide d’une recette.
Le cycle est de même nature que pour le cristallisoir Proabd, avec
quelques avantages :
— une meilleure organisation de la couche cristalline : le liquide
étant de plus en plus impur, la couche sera de plus en plus impure
et, de plus, la formation de structures en aiguilles favorisant la rétention de liquide est minimisée ;
— un meilleur transfert de chaleur, ce qui permet de raccourcir
les cycles, donc d’augmenter la productivité des installations.
Les inconvénients viennent essentiellement d’une technologie
plus complexe que pour le procédé Proabd. Les références industrielles sont les mêmes, avec quelques produits supplémentaires :
hydrazine, acides gras et une unité de 150 000 t/an de bisphénol A.
Figure 25 – Schéma de principe du cristallisoir MWB de Sulzer
(monotube) (selon [30])
7.2.2 Procédés continus
Les procédés continus industriels comportent généralement un
cristallisoir raclé et une colonne de lavage qui est alimentée par la
suspension cristalline éventuellement préconcentrée par hydrocyclonage. Les cristaux sont fondus à l’autre bout de la colonne et
le débit massique de produit fondu pur soutiré est inférieur au débit
massique de cristaux arrivant au fondoir. Il en résulte un flux de
liquide pur à contre-courant des cristaux servant à les laver. Le liquide
de lavage est généralement filtré à travers un filtre placé dans la paroi
de la colonne du côté de l’arrivée de la suspension puis il est recyclé
au cristallisoir. Le réglage de cette colonne de lavage nécessitant un
gradient de température entre le point d’alimentation de la suspension et le fondoir est donc délicat. Le liquide de lavage à contrecourant est progressivement refroidi et recristallisé en partie sur les
cristaux tandis que les zones les plus impures des cristaux sont
lavées. Le fonctionnement et l’équilibrage de cette colonne sont très
délicats et ne permettent que peu de souplesse sur les débits d’alimentation ou de soutirage. Il s’agit donc d’installations prévues pour
un seul produit, avec une grande productivité et un fonctionnement
le plus constant possible.
■ Ainsi, le procédé Phillips permet la purification du p-xylène à partir
d’un mélange d’isomères. La colonne de lavage est une colonne sous
pression pulsée. La suspension est alimentée en partie haute de
colonne et le fondoir est placé en fond de colonne. Le principe du raffineur Phillips est donné par la figure 26.
■ Le raffineur Brodie (figure 27) est constitué par trois refroidisseurs raclés horizontaux en cascade et d’une colonne de lavage verticale. L’alimentation est introduite sous forme liquide et s’écoule
vers les sections de récupération (RE) où elle est progressivement
refroidie en formant des cristaux transportés à contre-courant du
liquide par des vis hélicoïdales. Le résidu quitte l’appareil en tête et
les cristaux en sont séparés par décantation dans les sections de
récupération. Amenés vers la section de raffinage (RA) par les vis, ils
rencontrent une température de plus en plus élevée, ce qui provoque leur fusion progressive en commençant par les zones les plus
impures. Ils aboutissent finalement à la colonne de lavage au pied
de laquelle ils sont fondus, une partie étant soutirée, l’autre servant
de reflux destiné à laver puis à raffiner. Très séduisant dans son principe, cet appareil représente, pour le mélange solide-liquide, ce que
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J 2 788 − 29
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
_________________________________________________________________________________________________________
■ Le procédé Bremband qui utilise la cristallisation en couche sur
une bande refroidie Sandvik est encore, à l’heure actuelle, en cours
de développement.
7.2.3 Potentialités de ces procédés
Les procédés discontinus sont d’ores et déjà bien implantés dans
l’industrie chimique et les avantages économiques qui les caractérisent favorisent leur développement par rapport aux autres
opérations de séparation. Les constructeurs disposent d’appareils
pilotes dont l’extrapolation est parfaitement fiable vu la simplicité
technologique des procédés.
Les appareils continus, quant à eux, se développeront pour les
fortes capacités de production (plus de 100 000 t/an) mais leur
dimensionnement précis reste à l’heure actuelle peu fiable. Le pilotage nécessaire à cette extrapolation est lourd et des approches de
modélisation comparables à celles déjà disponibles pour les cristallisations en solution sont nécessaires pour l’avenir. Un effort de
recherche important doit être mené dans ce domaine.
8. Conclusion
Figure 26 – Schéma de principe du raffineur continu Phillips
Figure 27 – Schéma de principe du raffineur continu Brodie
la colonne à distiller est au mélange liquide-vapeur. Il est toutefois
sujet à des problèmes mécaniques importants qui empêchent son
utilisation pour certains produits et ont conduit à des échecs graves
en Europe.
■ Le raffineur 4C de Tsukishima Kikai [35] est constitué d’un ou plusieurs cristallisoirs raclés de type parfaitement agité et d’une colonne
de lavage par décantation. Cet appareil breveté en 1984 a déjà de
nombreuses applications industrielles.
■ Le raffineur TNO est essentiellement utilisé par Grenco pour
concentrer des solutions aqueuses en cristallisant de l’eau (jus de
fruits...).
J 2 788 − 30
L’opération de cristallisation, que ce soit en solution ou en milieu
fondu, malgré le développement de la modélisation lors des trente
dernières années, est loin d’avoir atteint la maturité, en ce qui
concerne le dimensionnement et l’extrapolation, de la distillation par
exemple. En effet, les modèles permettant la simulation des appareillages de cristallisation sont loin d’être suffisamment développés
pour que cette opération unitaire cesse de relever des sciences expérimentales du jour au lendemain. Elle nécessitera encore pendant
de longues années un développement fondé sur l’expérimentation.
Le passage à l’état solide, avec encore de nombreuses inconnues
dans ses mécanismes, avec des effets mal contrôlés liés à l’interface
solide/liquide, aux impuretés en solution, aux phénomènes de
nucléation bien souvent aléatoires, conduit à des composés cristallisés de qualités chimique mais surtout physique très variables. Le
contrôle de ces qualités physiques, en particulier de la forme et de
la taille des particules, devient de plus en plus une nécessité
commerciale. La conduite des cristallisoirs, ainsi d’ailleurs que leur
choix initial et leur dimensionnement, deviennent ainsi de plus en
plus importants pour le procédé. Malheureusement, dans beaucoup
de cas, ils sont considérés encore à tort bien souvent comme secondaires vis-à-vis de la réaction.
La modélisation et la compréhension des cristallisoirs en sont
encore à leurs débuts, mais représentent un challenge important
pour l’industrie de demain, avec un effort de recherche important
à la clé de la réussite. En attendant, le dimensionnement et le choix
des installations de cristallisation passent par l’expérimentation, vu
l’absence de modèles prédictifs tels que ceux utilisés par exemple
en distillation.
Ainsi, les appareils de type parfaitement agité, qu’ils soient
continus, semi-continus ou discontinus, seront reproduits au laboratoire par des appareils homothétiques de taille modeste (de l’ordre
de 2 litres) équipés des mêmes agitateurs. L’expérimentation
conduite sur ces appareils en faisant varier tous les paramètres
importants cités au paragraphe 6 permet une extrapolation relativement fiable à condition d’ensemencer les appareils discontinus.
En ce qui concerne les précipitations extrêmement sensibles à l’agitation, en particulier au point d’alimentation, cette extrapolation
reste problématique et la cuve agitée classique n’est souvent pas
la configuration optimale.
Les appareils à fonctionnement plus complexe (évaporateurs,
appareils à classification et à dissolution de fines, appareils à
classification interne, appareils nécessitant des recirculations extérieures par pompes...) requièrent des essais à l’échelle pilote dans
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des appareils homothétiques d’un volume de l’ordre de 200 litres.
Ces opérations pilotes sont destinées à l’étude des paramètres non
accessibles au laboratoire (encrassement, vitesse de dégagement
des vapeurs, stabilité de fonctionnement, influence des pompes sur
la granulométrie). Il faut toutefois rappeler que la conduite d’une installation pilote est souvent plus difficile que celle de l’installation
industrielle correspondante (encrassements et bouchages accrus,
pompes pilotes peu représentatives des pompes industrielles, calorifugeage plus difficile). La principale difficulté de ces pilotages vient
de leur coût, en particulier s’il s’agit d’un nouveau procédé. En effet,
les essais doivent être effectués avec une solution représentative,
tant l’influence des impuretés sur les propriétés des cristaux obtenus
est primordiale. Un pilotage intégré réaction-cristallisation s’impose
alors pour pouvoir disposer d’une quantité suffisante de solution à
cristalliser. C’est pour ces raisons que des efforts de recherche importants pour arriver à terme à des modèles prédictifs restent d’actualité.
Des développements importants sont attendus dans les domaines
suivants (liste non exhaustive) :
— contrôle et automatisation des cristallisoirs ;
— mise au point et dimensionnement des cristallisoirs polyvalents fiables et automatisés ;
— contrôle et fiabilisation de la forme et de la taille des cristaux ;
— dimensionnement des précipiteurs industriels ;
— développement des procédés de cristallisation à partir des
milieux fondus.
Étudiées à l’heure actuelle de manière encore très empirique, ces
opérations de cristallisation sont complexes dès lors que l’on attache
de l’importance à la taille et à la forme des cristaux. Il ne fait aucun
doute que les propriétés d’usage des particules, liées à ces deux
paramètres, sont déjà et seront encore plus dans l’avenir des critères
de choix d’un fournisseur au même titre que la pureté chimique des
produits.
Principaux symboles et notations
Symbole
Unité
Nom de la grandeur
C
mol · m–3 ou kg · kg–1
Concentration du soluté
en solution
C*
mol · m–3 ou kg · kg–1
Concentration du soluté
en solution à l’équilibre
Cp
J · kg–1 · K–1
C.V.
...............................
Capacité thermique
massique de la suspension
Coefficient de variation
D
m
Diamètre de l’agitateur
DC
m
Diamètre du cristallisoir
m2 · s–1
Coefficient de diffusion
moléculaire du soluté
dS
m
Taille de la semence
e
m
Épaisseur de la paroi
d’échange thermique
f (L)
m–1
g
m · s–2
Accélération due
à la pesanteur
G
m · s–1
Vitesse de croissance
des cristaux dL / dt
g (L)
m–1
Fonction de distribution
en nombre des tailles
des particules
Fonction de distribution
en masse des tailles
des particules
Principaux symboles et notations
Symbole
Unité
Nom de la grandeur
o
W
Flux enthalpique à l’entrée
du cristallisoir
Hs
W
Flux enthalpique à la sortie
du cristallisoir
∆H vap
J · kg–1
Enthalpie de vaporisation
du solvant
∆Hc
J · kg–1
Enthalpie de cristallisation
h, H
W · m–2 · K–1
J1 , J 2
nombre
de germes · m–3 · s–1
Vitesses de nucléation
kD
m · s–1
Coefficient de transfert
de matière
kJ
variable
Constante de vitesse
de nucléation
kG
variable
Constante de vitesse
de croissance
L
m
Taille caractéristique
de la particule
L
m
Taille caractéristique
moyenne des cristaux
mT
kg
Masse totale des particules
Me
kg
Masse de solution chargée
dans le cristallisoir
Mv
kg
Masse de solvant évaporée
He
o
Coefficients de transfert
thermique sur une paroi
Mc
kg
Masse de cristaux produite
MS
kg
Masse de semence
introduite dans l’appareil
MT
kg · m–3
n (L)
m–4
nT
................................
Concentration des cristaux
dans la suspension
Fonction de densité
de population
Nombre total de particules
N
tr · s–1
Vitesse d’agitation
Nc
tr · s–1
Vitesse d’agitation critique
de mise en suspension
homogène des cristaux
Nu
................................
Nombre de Nüsselt
NT
m–3
Pcrist
Pa
Pression de fonctionnement
du cristallisoir
Pvap
Pa
Pression de vapeur
saturante de la solution
Pr
Q
................................
m3
·
s–1
Nombre total de cristaux
par unité de volume
de suspension
Nombre de Prandtl
Débit volumique
Qm
kg · s–1
Débit massique
Qmc
kg · s–1
Débit massique de cristaux
produits
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J 2 788 − 31
CRISTALLISATION INDUSTRIELLE
_________________________________________________________________________________________________________
Principaux symboles et notations
Principaux symboles et notations
Symbole
Unité
Nom de la grandeur
Symbole
Unité
Qme
kg · s–1
Débit massique de solution
alimentée
µn
mn
Qms
kg · s–1
Débit massique
de suspension soutirée
ν
m2 · s–1
Qmv
kg · s–1
Débit massique de solvant
évaporé
ΦT
W
Flux thermique échangé
entre le cristallisoir
et l’extérieur
ΦV
................................
Facteur de forme volumique
ΦS
................................
Facteur de forme surfacique
W
o
q
Nom de la grandeur
Moment d’ordre n
de la distribution de taille
Viscosité cinématique
de la suspension
Flux de chaleur échangé
à la paroi
Nombre de Reynolds
ρ
rA
particules ·
s–1
Distribution des vitesses
d’agglomération
ρc
rB
particules · m–4 · s–1
Distribution des vitesses
de brisure
σ
Distribution des vitesses
de nucléation
σn
m
Écart-type de la fonction
de distribution
Surface d’échange
thermique du cristallisoir
τ
s
Temps de passage
dans le cristallisoir
Re
rN
...............................
germes ·
·
s–1
...............................
m2
Sp
Sh
m–4
·
m2
S
Sc
m–4
kg · m–3
Masse volumique
de la suspension
kg · m–3
Masse volumique du solide
cristallisé
................................
Nombre de Schmidt
Surface de la particule
...............................
Nombre de Sherwood
Indices
Température
c
cristal
e
externe ou à l’entrée
T
K
Um
m · s–1
V
m3
Vp
m3
Volume de la particule
f
final
w
W
Flux d’énergie mécanique
échangé entre le cristallisoir
et l’extérieur
i
initial ou interne
ε
W · kg–1
p
particule
s
en sortie
o
λ
λP
µ
J 2 788 − 32
W·m
–1
W·m
–1
Sursaturation relative
(C – C*)/C*
Vitesse
Volume utile du cristallisoir
Puissance dissipée
par l’agitateur par unité
de masse de suspension
·
K–1
Conductivité thermique
de la suspension
C
cristallisoir
·
K–1
Conductivité thermique
de la paroi du cristallisoir
F
fluide thermique
Viscosité dynamique
de la suspension
P
paroi
S
semence
Pa · s
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
P
O
U
R
Cristallisation industrielle
Aspects pratiques
par
E
N
Jean-Paul KLEIN
Docteur-Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy)
Professeur à l’Université Lyon I
Laboratoire d’Automatique et de Génie des Procédés, URA CNRS D 1328 – Villeurbanne
Roland BOISTELLE
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherches au CNRS – Marseille-Luminy
Centre de Recherches sur les Mécanismes de la Croissance Cristalline
et
Jacques DUGUA
Docteur-Ingénieur CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers)
Ingénieur au Centre Technique de Lyon (CTL) d’Elf Atochem
Références bibliographiques
étude théorique de la question
étude technologique de la question
comporte des résultats d’essais de laboratoire
description d’appareillages ou d’installations
S
A
V
O
I
R
▲ comporte des résultats pratiques ou industriels
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6 - 1994
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Constructeurs. Fournisseurs
(listes non exhaustives)
Agitateurs pour cristallisoirs
Mixel.
PMS, Pompes et Mélangeurs Michel Sarrazin.
Robin Industries.
Cristallisoirs
Agrochem (Struthers).
Sulzer-Escher Wyss.
Sulzer Industries France.
Mannesmann Anlagenbau AG.
Swenson Division of Whiting Corp.
Swenson Process.
SGN, Sté Générale pour les Techniques Nouvelles.
GEA Wiegand Kestner.
FCB, Fives Cail Babcock.
Cristallisation à partir de milieux fondus
BEFS Technologies.
Sulzer MWB.
TNO Department of chemical engineering.
Goudsche Machinefabriek BV.
Kureha Chemical Industry Co Ltd.
Tsukishima Kikai Co Ltd.
Kobe Steel Ltd.
Sandvik Process Systems S.A.
Doc. J 2 789 − 2
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