Transcript J1500

Cristallisation
Aspects théoriques
par
Jean-Paul KLEIN
Docteur-Ingénieur ENSIC (École Nationale Supérieure des Industries Chimiques de Nancy)
Chef de Groupe Génie Chimique
Rhône-Poulenc Industrialisation. Décines
Roland BOISTELLE
Docteur ès Sciences
Directeur de Recherches au Centre de Recherche sur les Mécanismes
de la Croissance Cristalline. CNRS. Marseille-Luminy
et
Jacques DUGUA
Docteur-Ingénieur CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers)
Ingénieur de Recherches au Centre de Recherche Rhône-Alpes. ATOCHEM, Pierre-Bénite
1.
1.1
1.2
1.3
1.4
Concentration et sursaturation ...........................................................
Définitions et unités de concentration .......................................................
Activités en solution ....................................................................................
Définitions de la sursaturation ...................................................................
Introduction au phénomène de cristallisation ..........................................
2.
2.1
Nucléation..................................................................................................
Approche fondamentale .............................................................................
2.1.1 Généralités ..........................................................................................
2.1.2 Barrière énergétique...........................................................................
2.1.3 Cinétique de nucléation .....................................................................
Approche phénoménologique....................................................................
2.2.1 Nucléation primaire............................................................................
2.2.2 Nucléation secondaire........................................................................
—
—
—
—
—
—
—
—
5
5
5
5
6
8
8
9
Croissance..................................................................................................
Généralités ...................................................................................................
Croissance en milieu pur ............................................................................
3.2.1 Croissance par germination bidimensionnelle ................................
3.2.2 Croissance par spirale ........................................................................
Croissance en présence d’impuretés .........................................................
Transfert de matière et croissance .............................................................
Description globale de la croissance .........................................................
Phénomènes particuliers ............................................................................
3.6.1 Vitesse de croissance et taille des cristaux ......................................
3.6.2 Dispersion des vitesses de croissance..............................................
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
9
9
9
10
11
12
12
13
14
14
14
4.2
Évolution des systèmes..........................................................................
Agglomération .............................................................................................
4.1.1 Aspects théoriques .............................................................................
4.1.2 Agrégation au cours de la cristallisation ..........................................
Mûrissement d’Ostwald ..............................................................................
—
—
—
—
—
14
14
14
15
16
5.
Conclusion .................................................................................................
—
17
Références bibliographiques .........................................................................
—
19
2.2
3.
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
3.6
J 1 500
3 - 1989
4.
4.1
J 1 500 - 3
—
3
—
3
—
3
—
4
a cristallisation, au sens large du terme, est un changement d’état qui
conduit, à partir d’une phase gazeuse ou liquide, à un solide appelé cristal,
de structure régulière et organisée.
L
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 1
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
Les cristaux font partie intégrante de notre vie de tous les jours. Le sel et le
sucre, cristallisés à l’aide des procédés de l’industrie chimique, sont parmi les
matériaux les plus connus. Les halogénures d’argent à l’échelle du micron sont
présents dans les émulsions photographiques. L’industrie microélectronique
est fondée sur la production de cristaux à base de silicium ou d’arséniure de
gallium. In vivo même, la formation des calculs rénaux est due à la cristallisation de matériaux tels que les phosphates et oxalates de calcium.
Dans l’industrie, la cristallisation est une opération unitaire de génie chimique
très importante. Elle conduit à des solides de natures très diverses, aussi bien
minérales qu’organiques, à l’aide de procédés très variés. Globalement, on ne
distingue que trois types de cristallisation selon que celle-ci a lieu :
— en phases gazeuse ;
— en bain fondu ;
— en solution.
Dans ce qui suit, nous traiterons plus spécifiquement de la dernière citée bien
que les mécanismes fondamentaux des trois soient similaires, à savoir deux
étapes essentielles dans l’apparition du solide :
— la nucléation, au cours de laquelle les cristaux naissent ;
— la croissance, au cours de laquelle ils se développent.
Les mécanismes de ces deux processus sont à présent bien compris, même
si les théories sont encore perfectibles. Par rapport aux autres types de cristallisation, la cristallisation en solution présente quelques particularités. Ainsi, la
nucléation secondaire, quasi inconnue en phase vapeur et en bain fondu, peut
jouer un rôle prépondérant dans les cristallisoirs industriels. Sa mise en évidence
a fait prendre conscience du rôle majeur des phénomènes d’hydrodynamique.
De même, la notion de bilan de population et l’analyse de la distribution de taille
des cristaux ont fait beaucoup progresser ces dernières années la conduite et
la maîtrise des cristallisoirs.
Les cristaux produits industriellement doivent répondre à des spécifications
bien déterminées comme le faciès, la pureté, la solidité, la taille, etc. Il est donc
nécessaire d’avoir de bonnes bases théoriques sur les processus de nucléation
et de croissance, d’une part pour améliorer le produit final, d’autre part pour
intervenir au niveau de la conception des cristallisoirs. Pour chacun de ces
mécanismes, il nous a donc paru important de donner, et une approche fondamentale destinée au lecteur souhaitant approfondir ses connaissances, et une
approche phénoménologique directement utilisable. Comme dans ces
mécanismes, les paramètres de base sont la concentration et la sursaturation,
nous en rappellerons les rôles respectifs qui sont trop souvent méconnus. Enfin,
les derniers paragraphes seront consacrés à l’évolution ultérieure des cristaux
en suspension, que ce soit par agglomération, par transition de phase ou
par mûrissement d’Ostwald.
L’application de ces connaissances aux procédés fera l’objet d’un autre article
Cristallisation industrielle. Aspects pratiques [J 2 788], dans le présent traité.
Le lecteur pourra se reporter, dans la rubrique Physique du traité Sciences fondamentales des
Techniques de l’Ingénieur, aux articles :
— Cristallographie géométrique [A 1 305] ;
— Imperfections cristallines hors surface [A 243] ;
— Surface des solides. Physisorption. Chimisorption. Ségrégation [A 245] ;
— Surface des solides. Couche mince. Croissance cristalline [A 245].
J 1 500 − 2
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
1. Concentration
et sursaturation
concentrations (exprimées en moles par litre) multipliées par un
certain coefficient appelé facteur d’activité (f ), de sorte que pour
toute espèce i :
a i = fi C i
(5)
Quoique et peut-être surtout parce que les notions de concentration et de sursaturation sont particulièrement simples, on s’aperçoit
qu’il existe souvent un certain nombre d’ambiguïtés qu’il convient
de lever, sous peine de mal appréhender les phénomènes de cristallisation.
1.1 Définitions et unités de concentration
Une première approche des facteurs d’activité est donnée par la
théorie de Debye et Hückel, établie pour les solutions idéales :
2
lg f i = – α z i I 1/2
avec α fonction de la température et du rayon des espèces dissoutes,
zi nombre de charges de l’ion i,
I force ionique du milieu définie comme :
I = 1/2
(1)
mais également le titre (ou fraction) molaire :
N soluté
X = -----------------------------------------------------------------------------N soluté + N solvant + N impuretés
(2)
où M et N sont respectivement des masses et des nombres de moles.
On peut utiliser aussi les définitions classiques de la concentration
en se référant soit au volume (V ) soit à la masse (M ) de la solution.
N soluté
C = ---------------------V solution
(3)
N soluté
C ′ = -----------------------M solution
(4)
Enfin, lorsque l’on a affaire à un mélange binaire solvant-soluté,
on utilise aussi parfois pour la concentration la masse de soluté
rapportée à la masse du solvant ou bien encore la masse de soluté
rapportée au volume de solution.
Il convient donc de bien préciser les grandeurs choisies pour
décrire le système dans lequel s’effectue la cristallisation.
Les unités utilisées sont, de préférence, celles du système international (unités SI) :
w est adimensionnel [kg (de soluté)/ kg (de solution)] ;
X est adimensionnel [mol (de soluté)/mol (au total)] ;
C est en mol (de soluté)/m3 (de solution) ;
C’ est en mol (de soluté)/ kg (de solution).
On peut aussi rencontrer les concentrations exprimées :
en kg (de soluté)/ kg (de solvant) ;
ou en kg (de soluté)/m3 (de solution).
On utilise encore :
N soluté
— la molarité = ----------------------- en mol/L
V solution
N soluté
— la molalité = ----------------------- en mol/kg
M solvant
1.2 Activités en solution
Pour les solutions électrolytiques, il n’est pas toujours suffisant
d’utiliser les concentrations définies ci-avant, la thermodynamique
nécessitant l’usage des activités a i . Celles-ci sont en fait des
∑ Ci z i
2
(7)
i
Pour exprimer la teneur en soluté (substance dissoute) dans la
solution, on utilise fréquemment le titre (ou fraction) massique :
M soluté
w = --------------------------------------------------------------------------------M soluté + M solvant + M impuretés
(6)
1.3 Définitions de la sursaturation
Une fois que le solvant le plus approprié a été choisi, la concentration peut être ajustée ou imposée de différentes manières : évaporation, refroidissement, variation de pH, addition d’un précipitant
(mauvais solvant), mélange de solutions contenant des espèces très
solubles qui cristallisent en une phase peu soluble, etc.
Si C est la concentration de la solution avant que la cristallisation
n’ait lieu, ou qui se maintient tout au long de la cristallisation, et si
C s est la concentration à saturation c’est-à-dire la solubilité, alors
la force motrice de la cristallisation, par molécule, est la différence des potentiels chimiques µ d’une molécule du cristal dans les
phases mères sursaturée et saturée respectivement :
C
∆ µ = k T ln -------Cs
avec
k
(8)
= 1,38 × 10–23 J/K constante de Boltzmann,
T (K) température thermodynamique.
À partir de là, il est possible de définir la sursaturation de différentes manières. La façon la plus pertinente est peut-être d’utiliser
les quantités sans dimension :
ou
β = C/Cs
(9)
σ = (C – Cs )/Cs
(10)
β et σ présentent l’avantage d’être normées par rapport à la solubilité
C s et de permettre des comparaisons plus faciles entre différents
systèmes. Elles ne sont cependant pas tout à fait indépendantes des
expressions et unités choisies pour C et Cs (fractions molaires,
molarités, molalités, kg/m3, etc.), et les représentations graphiques
en fonction de ces variables en seront donc affectées.
On peut utiliser aussi comme définition de la sursaturation une
autre grandeur sans dimension :
ln β = ∆ µ /kT
(11)
Lorsque la sursaturation n’est pas trop grande, on remplace
d’ailleurs souvent ln β par sa valeur approchée :
ln β ≈ σ = β – 1
(12)
mais cette approximation est de plus en plus mauvaise à mesure
que la sursturation dépasse 15 %.
Par ailleurs, la définition de la sursaturation la plus communément
utilisée dans l’industrie est la différence :
C – Cs
Il est alors évident que la valeur de cette différence va dépendre
énormément des unités choisies. Ainsi, la variation de C – C s pour C
croissant n’est pas la même selon que l’on exprime les concentrations en kg/m3, en mol/m3 ou en fractions molaires ou massiques.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 3
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
Dans les lois en puissance du type K (C – Cs )n qui expriment les
cinétiques de nucléation et de croissance, cela se traduira par des
exposants n et des coefficients K différents.
Un point que l’on oublie cependant trop souvent est qu’une même
valeur de peut être obtenue dans des domaines de concentration
très différents si la solubilité varie beaucoup avec la température
(ou le pH, la composition, etc.).
Dans l’exemple donné sur la figure 1, on peut imaginer que la
solution initialement saturée à T1 est refroidie rapidement jusqu’à
T 2 . Prenant en compte les concentrations correspondantes, il
apparaît que β = 10 et C – Cs = 900 en unités arbitraires. On pourrait
cristalliser aussi en baissant la température de T 2 à T3 . Là aussi
β = 10, mais, cette fois, la différence des concentrations n’est que
de 90. On peut donc s’attendre à ce que les cinétiques de nucléation
et de croissance soient très différentes dans ces solutions où, par
unité de volume, les nombres de molécules de soluté diffèrent d’un
facteur 10, même si la force motrice de la cristallisation est la même.
Les cinétiques seront toujours plus rapides dans les milieux plus
concentrés.
■ Dans le cas des solutions électrolytiques où les molécules se
dissocient, le calcul de la sursaturation ne peut plus se faire de
manière précise à l’aide des seules concentrations, mais doit passer
par le calcul des activités des ions en solution. Il y a à cela plusieurs
raisons : la dissociation est plus ou moins complète ; il y a formation
de complexes solubles qui piègent l’un des constituants du cristal ;
il y a déplacement des équilibres chimiques avec le pH à cause d’un
apport excédentaire d’un constituant du cristal ou d’un apport
d’impuretés.
À titre d’exemple, on peut considérer la précipitation de l’acide
salicylique par action de H2SO4 sur son sel de sodium, réaction que
l’on peut écrire :
2 RNa + H2SO4 → 2 RH + Na2SO4
RH précipite, Na2SO4 restant en solution.
La sursaturation en acide salicylique est définie ici comme le
rapport :
β = a (R – ) a (H+ )/K ps
(13)
Le produit ionique au numérateur se réfère aux activités des ions
libres R – et H+, K ps étant le produit de solubilité de l’acide salicylique.
Si la température est constante, β va dépendre des concentrations
respectives en RNa et H2SO4 mais aussi du pH puisque a (H+) = 10–pH.
La figure 2 montre l’évolution de la sursaturation et du pH d’une solution
(70 × 10–3) M en salicylate de sodium, à laquelle on ajoute des quantités
croissantes d’acide sulfurique, le calcul étant fait à 20 oC. Il est évident
qu’il est difficile de prévoir cette évolution à l’aide des seules
concentrations.
Figure 1 – Représentation schématique d’une courbe de solubilité
en unités arbitraires (ua)
J 1 500 − 4
■ Pour illustrer l’influence des impuretés sur la sursaturation, on
peut considérer la cristallisation de l’ oxalate de calcium
CaC2O4 , H2O pour lequel :
β = a (Ca2+) a (C2O42–)/Kps
(14)
Ce sel est extrêmement peu soluble. Si la solution aqueuse est
(0,3 × 10–3) M en calcium et en oxalate, la valeur de β est de 20,6
et la cristallisation est immédiate. Si la solution était une saumure
à 10 mmol/L en chlorure de sodium, β ne serait que de 13,9 (effet
de l’augmentation de la force ionique de la solution). Si la saumure
contenait 1 mmol/L de chlorure de magnésium, β tomberait à 7,6
du fait que la force ionique croît encore un peu, mais surtout parce
que Mg réalise des complexes solubles avec l’ion oxalate. Enfin, si
cette solution contenait aussi 1 mmol/L d’acide citrique, alors la
valeur de β ne serait plus que de 2. La cristallisation de l’oxalate de
calcium devient de plus en plus difficile.
Ces deux exemples illustrent bien la difficulté rencontrée lorsque
l’on veut connaître de façon précise la valeur de la sursaturation.
Dans le second exemple, il serait même impossible de calculer β
à partir des seules concentrations. Il apparaît donc aussi que les
impuretés influencent la cristallisation d’abord en agissant sur la
sursaturation, et cela indépendamment des effets d’inhibition qui
peuvent survenir au moment de la nucléation et de la croissance.
1.4 Introduction au phénomène
de cristallisation
Après ces considérations générales sur les concentrations et sur
la sursaturation, on peut se placer dans une situation telle que la
formation des cristaux devienne possible par refroidissement de la
solution. Lorsque l’on refroidit la solution initialement caractérisée
par la température T i et la concentration C i (point M sur la figure 3),
on se déplace sur une horizontale et cela, aussi longtemps que les
cristaux n’apparaissent pas. Après franchissement de la courbe
d’équilibre (ou courbe de solubilité), les cristaux apparaissent très
brutalement, à une température Tc qui représente la limite de la zone
métastable et qui correspond à une sursaturation initiale parfois très
forte. Une différence entre température de cristallisation Tc et
température d’équilibre Ts de l’ordre de 10 oC n’est pas rare. Cette
apparition brutale de cristaux se fait par nucléation primaire. Une
fois les cristaux nés, ils vont grossir, générer éventuellement de
nouveaux germes par chocs entre eux ou avec une paroi du cristallisoir (nucléation secondaire), s’agglomérer, se briser, et éventuellement mûrir. C’est l’ensemble de ces processus que nous allons
décrire maintenant.
Figure 2 – Effets de la concentration d’acide sulfurique
sur le pH d’une solution à 70 mmol/L de salicylate de sodium
et augmentation correspondante de la sursaturation en acide salicylique
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Figure 3 – Évolution de la concentration en solution au cours d’une cristallisation obtenue par abaissement de la température
2. Nucléation
2.1 Approche fondamentale
2.1.1 Généralités
Lorsque le soluté est passé en solution, il convient d’établir une
certaine sursaturation pour obtenir une précipitation ou une cristallisation. Souvent le terme cristallisation est réservé à la formation
des cristaux par variation de température ou de pH, alors que le terme
précipitation concerne davantage la formation de cristaux par
mélange de solutions contenant les réactifs appropriés. Dans ce qui
suit, nous ne ferons pas cette distinction, les deux termes signifiant
indistinctement production de cristaux à partir de la solution.
Lorsque la sursaturation est établie, la solution laisse se déposer des
cristaux dans un laps de temps plus ou moins long, appelé temps
d’induction ou temps de latence. Ce temps est fonction non seulement de la valeur de la sursaturation mais aussi du type de
mécanisme mis en jeu pour former les germes cristallins, c’est-à-dire
du type du mécanisme de nucléation.
Dans le cas de la nucléation primaire, l’apparition des germes se
fait dans un milieu où n’existe encore aucun cristal de la phase qui
précipite. Si les germes se forment dans le volume de la solution,
la nucléation est dite primaire homogène. Si, au contraire, ils se
forment sur les parois des cristallisoirs, sur les agitateurs ou sur des
particules solides qui flottent dans la solution, la nucléation est dite
primaire hétérogène. Dans certains cas, la solution contient déjà un
grand nombre de cristaux quand se déclenche une nouvelle vague
de nucléation. Celle-ci peut être due soit à une remontée brutale de
la sursaturation, soit à l’attrition des cristaux. En effet, lorsque la suspension est dense, les chocs entre cristaux libèrent des particules
de tailles microscopiques qui peuvent se mettre à croître. Il y a alors
nucléation secondaire. À noter que ce type de nucléation n’existe
pas en phase vapeur et n’a pas été considéré par les théoriciens de
la phase vapeur. Par contre, la nucléation secondaire peut avoir une
importance considérable en solution ; on y reviendra au
paragraphe 2.2.2. On trouvera en [1] le détail des théories dont nous
ne donnons qu’un très bref aperçu ci-après.
2.1.2 Barrière énergétique
Dans une solution où les molécules de soluté diffusent au hasard,
certaines finissent par se rencontrer et cela d’autant plus facilement
que concentration et sursaturation sont plus élevées. Il existe donc
en solution, non seulement des monomères mais aussi des dimères,
des trimères, etc. Par addition de monomères, on arrive donc à des
agrégats qui ont une taille telle qu’on peut leur attribuer le qualificatif
de germes cristallins. Le processus de formation de tels germes met
en jeu une certaine énergie ∆G appelée énergie libre d’activation
de germination. Créer un germe implique de créer un volume et une
surface, ce qui met en jeu deux énergies antagonistes. La solution,
par la sursaturation, apporte l’énergie de volume mais, dans le même
temps, le germe offre une certaine résistance, tendant à diminuer
son énergie de surface. Si le germe contient n molécules, l’énergie
libre d’activation de germination s’écrit :
∆G = – n k T ( ln β ) + ∑ S i γ i
(15)
i
où la sommation est faite sur toutes les faces d’aires Si , d’énergies
libres de surface γ i . On reconnaît dans le 1er terme de volume la
différence des potentiels chimiques ∆ µ d’une molécule dans les
phases mères respectivement sursaturée et saturée, telle qu’on l’a
définie dans l’équation (8).
2.1.2.1 Nucléation primaire homogène
Pour simplifier la démonstration, on considère toujours que le
germe qui se forme est une sphère, ce qui revient à dire qu’il n’y
a qu’une seule surface d’aire S et d’énergie libre de surface (ou interfaciale) γ . Si le rayon du germe est r, alors on peut écrire :
– 4π r 3
∆G = ---------------------- k T ( ln β ) + 4 π r 2 γ
3V
(16)
où V est le volume d’une molécule dans le germe.
La figure 4 montre la compétition entre les termes de volume et de
surface. À l’équilibre, on obtient la taille du germe critique,
c’est-à-dire le rayon critique :
2V γ
r * = --------------------k T ln β
(17)
(équation dite de Gibbs-Thomson).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 5
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
Pour créer un germe ayant ce rayon critique, il faut fournir l’énergie
libre d’activation critique :
1
16 π V 2 γ 3
∆G * = ---------------------------------- = ----- ( 4π r * 2 γ )
3
3 ( k T ln β ) 2
(18)
Si l’on considère à nouveau que le germe a la forme d’une calotte
sphérique S , il réalise avec le substrat une interface d’aire Sa , aire
perdue par le substrat au moment de la nucléation. L’énergie libre
d’activation de nucléation hétérogène est donc le bilan du terme de
volume et de tous les termes de surface :
∆G hét = – n k T ln β + S γ + S a ( γ a – γ 0 )
(19)
L’énergie nécessaire à la formation du germe est égale au tiers
de l’énergie à fournir pour créer sa surface.
La figure 4 et l’équation (17) mettent en évidence un point crucial
pour la nucléation. Pour une solution, un soluté et une température
donnés (V, γ et T constants), le germe de taille critique r * n’est stable
qu’à une seule sursaturation. Si on lui ajoute une molécule, il croît
spontanément, mais si on lui retire une molécule, il se dissout
spontanément, puisque dans les deux cas il y a diminution d’énergie
du système (figure 4). Les équations (17) et (18) montrent bien aussi
que ∆G * et r * sont d’autant plus faibles que la sursaturation β est
plus grande, ce qui laisse présager que la nucléation va être d’autant
plus facile que la sursaturation est plus grande.
Si l’expérimentateur n’est pas obligé de s’en tenir à une température et à un solvant donné, la nucléation pourra être favorisée aussi
en travaillant à T plus élevée et à γ plus faible. On peut retenir que
γ est d’autant plus faible que le solvant est meilleur. En effet, l’énergie
interfaciale cristal-solution dépend de l’affinité qu’a le solvant pour
le cristal. Meilleure est cette affinité, plus grande est la solubilité,
et plus faible est γ .
α étant l’angle de contact du germe avec le substrat (figure 5).
La résolution des équations montre que le rayon du germe critique
dans la nucléation hétérogène est rigoureusement le même que celui
donné précédemment [équation (17)]. On peut remarquer cependant
que la sphère étant incomplète (figure 5), moins de molécules sont
nécessaires pour former le germe. L’énergie libre d’activation
critique est, quant à elle, une fonction de l’angle de contact, et sa
valeur pour r * est :
Notons enfin que dans l’équation (18), le terme 16π /3 résulte de
l’hypothèse d’un germe sphérique. Dans le cas d’un germe cubique
d’arête 2r, ce terme, appelé facteur de forme (f ) vaut 32. Pour des
applications numériques, on utilise une valeur intermédiaire f = 25
sans risque d’erreur grave.
Si α = 180o, le germe ne voit pas le substrat ; il n’a aucune affinité
pour lui et ∆G*
hét = ∆G* .
2.1.2.2 Nucléation primaire hétérogène
Lorsque le germe se forme sur un support, ou substrat, plusieurs
énergies interfaciales sont mises en jeu (figure 5) :
γ entre cristal et solution ;
γ 0 entre substrat et solution ;
γ a entre cristal et substrat.
les énergies interfaciales étant liées par la relation de Young :
γ 0 = γ a + γ cos α
∆G *
hét
(20)
1
1 3
= ∆G* ----- – ----- cos α + ----- cos 3 α
4
2 4
(21)
Le terme entre crochets étant au maximum égal à 1, ∆G *
hét est
donc dans la plupart des cas inférieur à l’énergie d’activation de
germination homogène ∆G *.
Si α = 90o, alors ∆G*hét ne vaut pas que ∆G*/2.
Enfin, si α & 0 , c’est-à-dire si le germe mouille de mieux en mieux
le substrat, alors ∆G*
hét & 0 .
Si l’énergie nécessaire à la formation des germes est très faible,
ceux-ci vont apparaître très facilement, même à sursaturation très
faible. Le substrat catalyse la nucléation. Cela peut être catastrophique si l’on pense à l’encroûtage des cristallisoirs. Inversement,
on peut en tirer avantage en ensemençant les solutions par des
particules solides. Celles-ci ne doivent donc pas obligatoirement être
des cristaux de la phase qui va précipiter. Dans l’atmosphère, on
utilise le mécanisme de nucléation hétérogène pour provoquer la
formation de pluie ou de neige en y envoyant des particules de micas
ou d’halogénures métalliques.
2.1.3 Cinétique de nucléation
2.1.3.1 Cas général
La vitesse à laquelle apparaissent les germes, c’est-à-dire la
fréquence de nucléation, est le nombre de germes formés par unité
de temps et de volume. Cette fréquence J s’écrit dans le cas de la
germination homogène :
f V2γ3
J = N 0 j exp – ------------------------------( kT ) 3 ln 2 β
avec
j (s–1)
(22)
fréquence à laquelle les germes de taille critique
deviennent de taille surcritique, c’est-à-dire de
rayon r > r *,
N 0 (m–3) solubilité exprimée en nombre de molécules par
unité de volume.
ou plus schématiquement encore :
Figure 4 – Énergie libre d’activation de nucléation homogène
en fonction du rayon du germe
∆G*
J = K exp – --------------kT
le coefficient cinétique K est ici exprimé en m–3 · s–1.
J 1 500 − 6
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
(23)
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Figure 5 – Aires S et énergies libres interfaciales mises en jeu dans le cas de la germination hétérogène d’un germe
réalisant un angle de contact avec le substrat
Dans le cas d’une solution très visqueuse, on peut y ajouter un
terme prenant la viscosité en considération.
On retrouve donc bien ici que, toutes choses étant égales par
ailleurs, la fréquence de nucléation est toujours plus grande si la
nucléation a lieu dans un très bon solvant dans lequel la concentration est élevée. En particulier, pour une même valeur de β, on aura
des valeurs différentes des fréquences de nucléation selon le
domaine de concentration où l’on travaille (figure 1).
Un bon exemple de l’influence de la solubilité et de celle du solvant
est fourni par la cristallisation du 1,4-di (tert-butyl) benzène [2] si
l’on prend soin d’exprimer la sursaturation par rapport à la solubilité
( β ou β – 1) dans les différents solvants utilisés. Meilleur est le
solvant, plus faible est la sursaturation à laquelle la substance
cristallise.
L’équation (22) montre aussi que, pour favoriser la nucléation, il
faut augmenter T et β, mais diminuer γ . Pour cette raison aussi, on
choisit un bon solvant pour lequel γ est plus faible. L’allure de la
fonction J dépend drastiquement de β. Pour s’en convaincre on peut
faire une application numérique en prenant des valeurs typiques
pour les différents paramètres de l’équation (22) :
K = 1030 m–3 · s–1, f = 25 ; V = 2,5 · 10 –28 m3 (maille élémentaire de
dimension 0,5 × 0,5 × 10 nm3 contenant 1 molécule) ;
γ = 0,01 J · m–2, T = 298 K et, bien sûr, k = 1,38 × 10 –23 J · K–1.
On obtient, avec ces valeurs :
J
≈ 10 30 exp –
22,5
------------ln 2 β
(24)
Les fréquences de nucléation sont données dans le tableau 1 en
fonction des valeurs de β. De façon évidente, il y a une sursaturation
critique β * (ici β * ≈ 1,78) au-dessous de laquelle la nucléation est
quasiment nulle et au-dessus de laquelle elle devient incontrôlable.
La conduite d’un cristallisoir risque donc d’être délicate, puisque
jusqu’à β = 1,60, il faut attendre environ 4,5 · 10 6 années pour avoir
statistiquement un germe par mètre cube de solution. Inversement,
si β atteint 2, ce qui n’est qu’une légère dérive des conditions de
marche, le nombre de germes formés est tellement grand que la
dimension des cristaux en sera fortement affectée. Si au contraire,
l’objectif est de former des fines (cristaux de taille inférieure à 1 µm),
c’est à forte sursaturation qu’il convient de travailler, β = 2,50 dans
notre exemple.
(0)
La figure 6 montre l’allure de la fonction J. Elle permet aussi de
comprendre la signification de ce que l’on appelle zone métastable :
c’est la zone dans laquelle la nucléation est pratiquement nulle alors
que la solution est sursaturée. Dans le cas décrit ci-avant, c’est donc
la zone qui va jusqu’à β = 1,7 environ. En fait la notion de zone
métastable est un peu ambiguë, car il conviendrait de préciser quel
temps de latence est pris en compte pour dire qu’il n’y a pas de
nucléation. Par ailleurs, la largeur de cette zone dépend aussi de la
Figure 6 – Courbe de fréquence de nucléation J
en fonction de la sursaturation Tableau 1 – Fréquences de nucléation J
exprimées en nombre de germes par unités de volume
et de temps, et calculées à l’aide de l’équation (24)
β
J (m–3
1,60
·
s–1)
6×
10–15
1,70
2×
10–5
1,78
4
2,00
5×
2,50
109
2 × 1018
La sursaturation critique se situe aux alentours de 78 % (β = 1,78).
température et surtout de l’agitation. Des solutions peuvent rester
à l’état métastable pendant plusieurs jours si le milieu n’est pas agité,
mais déposer les cristaux en quelques secondes sous agitation
violente.
Si des impuretés se trouvent dans la solution, ou si des additifs
y sont mis, la fréquence de nucléation peut baisser de plusieurs
ordres de grandeur. Cela est vrai, même à des teneurs en impuretés
faibles. Ainsi, J décroît d’un facteur 10 9 si les solutions de sulfate
de strontium sont polluées par 2 · 10 –5 moles de tripolyphosphate
de sodium par litre [3]. De même, la nucléation du perborate de
sodium, constituant important des poudres lessivielles, est fortement affectée par de faibles concentrations d’un tensioactif, sel de
sodium de l’ester de l’acide oléique [4]. Les impuretés affectent
surtout le coefficient cinétique et très peu l’énergie interfaciale
cristal-solution quand elles sont à très faibles doses. Leur action à
très faible dose se comprend bien si l’on sait que le germe, comme
le cristal, n’a que très peu de sites de croissance par unité de surface.
Il suffit de bloquer ces quelques sites pour prévenir la nucléation.
Les impuretés peuvent avoir un effet indésirable ou un effet
bénéfique. C’est en tout cas un effet bénéfique (meilleur contrôle de
la nucléation) que l’on espère obtenir en introduisant des additifs
dans la solution. Le choix de l’additif le meilleur n’est pas chose
simple. Alors que l’on a longtemps utilisé des petites molécules, on
s’oriente à l’heure actuelle vers des molécules plus complexes :
tensioactifs, polymères, copolymères, polyélectrolytes. Les
molécules à longues chaînes sur lesquelles sont greffés des groupes
actifs peuvent être extrêmement intéressantes. On peut y ajuster
longueur, nature et nombre de groupes actifs en fonction des
besoins. Il convient cependant de prendre garde à ce que ces
molécules spéciales ne servent pas de support de nucléation car elles
sont souvent très peu solubles et peuvent reprécipiter en
microparticules.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 7
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
2.1.3.2 Cas des polymorphes
Certaines substances ont la possibilité de cristalliser sous forme
de plusieurs variétés polymorphiques à partir d’une même solution.
On peut expliquer le processus de leur formation sur la base de la
cinétique de nucléation. Puisque ces polymorphes (qui ont
rigoureusement même composition chimique) ont des structures
cristallines différentes, ils ont aussi des énergies de réseau et en
conséquence des solubilités différentes.
Remarque : l’énergie de réseau d’un cristal est simplement le
double de son enthalpie de sublimation.
Envisageons le cas de deux polymorphes dont les courbes de
solubilités sont données sur la figure 7. Avant toute cristallisation,
la concentration de la solution est C i . Si l’on amène cette solution
à la température de cristallisation Tc , son point représentatif est
au-dessus des deux courbes de solubilité et la solution est sursaturée
par rapport aux polymorphes 1 et 2. Si la sursaturation était le seul
paramètre à prendre en considération, il se formerait toujours le
polymorphe 1, puisque β 1 = C i /C 1 est supérieur à β 2 = C i /C 2 . En fait,
il arrive très souvent que 2 se forme avant 1. Pour expliquer cela,
on peut se reporter aux équations (22) et (23). En affectant aux polymorphes les indices 2 et 1, on pourrait supposer J 2 > J 1 du fait que
K 2 serait supérieur à K 1 . Cela est très improbable car le rapport K 2 /K 1
devrait être très grand pour compenser l’effet d’une petite différence
de sursaturation (tableau 1 ). En fait, toutes choses égales par
ailleurs, il suffit que γ 2 soit légèrement inférieur à γ 1 pour que l’on
ait J 2 ! J 1 . Imaginons que, dans le cas de la figure 7, l’on ait :
Figure 7 – Représentation schématique des courbes de solubilités
de deux polymorphes : la variété 2 peut se former pour des raisons
cinétiques, mais doit disparaître au profit de la variété 1
pour des raisons thermodynamiques
Enfin, comme le polymorphisme fait appel aux mêmes processus
de nucléation, croissance et dissolution que les autres cristaux, les
effets des impuretés et des additifs sont rigoureusement les mêmes.
À noter que l’on peut stabiliser des variétés polymorphiques
instables pendant un temps indéfini si l’on trouve des additifs très
puissants, s’adsorbant fortement sur les cristaux dont ils bloquent
la dissolution. Dans le même temps, ils inhibent souvent aussi la
nucléation des phases plus stables.
β 1 = 1,78 et β 2 = 1,60
et reprenons les valeurs qui ont servi au calcul de J dans l’équation
(24). Si ces valeurs correspondent au polymorphe 1, alors :
J 1 = 4 m–3 · s–1 à β 1 = 1,78
Si γ 2 vaut 0,008 J ·
m–2,
soit à peine 20 % de moins que γ 1 , alors :
J 2 = 2,4 · 107 m–3 · s–1 à β 2 = 1,60
Malgré la sursaturation plus faible, la fréquence de nucléation du
polymorphe 2 est tellement supérieure à celle de 1 que ce dernier
n’a aucune chance de se former le premier. Le polymorphe 2 se forme
donc pour des raisons cinétiques . Il peut rester pendant très
longtemps dans un état métastable sans jamais se transformer en 1.
Cette métastabilité peut durer des années. Comme les transitions
de phase à l’état solide sont rares à température ambiante, la
métastabilité durera aussi longtemps qu’aucun germe du polymorphe 1 n’apparaîtra en solution. En effet, lorsque le polymorphe 2
croît, la concentration C du soluté diminue jusqu’à rejoindre C 2 : la
solution est alors en équilibre avec 2 mais reste sursaturée par
rapport à 1 (figure 7). Dès qu’un germe de 1 se forme, alors C devient
inférieur à C 2 et le polymorphe 2 devenu instable est condamné à
se dissoudre, le soluté ainsi fourni servant alors aussi à nourrir les
cristaux de la phase stable 1. Toute la quantité précipitable (C i – C 1)
se retrouve sous la forme 1. La cinétique de la transformation peut
être suivie par toute méthode détectant une quantité liée à la
concentration (pH ou conductivité électrolytique, par exemple).
Après la cristallisation de la phase métastable, on obtient en général
un plateau de concentration plus ou moins long qui correspond à
la croissance de la phase stable compensée par la dissolution de
la phase instable si le processus de transformation a commencé.
Quand la phase instable a entièrement disparu, la concentration
chute jusqu’à la valeur de la solubilité de la phase stable. Des courbes
montrant l’évolution de la concentration de la solution en fonction
du temps ont souvent été données dans le cas des phtalocyanines
de cuivre qui sont des pigments colorés et qui présentent cinq
variétés polymorphiques. On en trouvera un exemple en [5].
J 1 500 − 8
2.2 Approche phénoménologique
En cristallisation industrielle et plus spécialement en solution, la
nucléation est l’étape générant les cristaux de faible taille qu’il
conviendra de bien maîtriser si l’on souhaite prévoir et contrôler la
granulométrie du produit cristallisé. Il est donc essentiel de bien
connaître les différents types de mécanismes rencontrés, à savoir
les nucléations primaires homogène et hétérogène et la nucléation
secondaire, cette dernière étant, comme nous le verrons, d’une
importance capitale dans les cristallisoirs de l’industrie. Enfin, les
phénomènes rencontrés, s’ils obéissent aux lois de base déjà
énoncées, ne peuvent pas être classés de manière stricte selon l’un
ou l’autre des mécanismes. Il est donc difficile de tenter une approche
par trop fondamentale et le praticien préfère utiliser des équations
globales décrivant les effets sur un large domaine de conditions
expérimentales (équations phénoménologiques ).
2.2.1 Nucléation primaire
La nucléation primaire découle, dans les cristallisoirs industriels
travaillant en solution, de deux mécanismes, l’un se produisant de
manière spontanée en l’absence de particules étrangères et correspondant à la nucléation primaire homogène, l’autre étant provoqué
par des particules étrangères et constituant la nucléation primaire
hétérogène. Dans les appareils discontinus, la première peut être
considérée comme inexistante, l’apparition spontanée des tout
premiers cristaux se faisant plus probablement par la seconde. En
effet il est relativement difficile d’éviter la présence de poussières
ou de particules résiduelles de l’opération de cristallisation précédente et l’agitation elle-même introduit ces effets externes par
rotation ou par incorporation de bulles de gaz. Pour un ensemble
de conditions données, il existe un domaine de sursaturation au-delà
et en deçà duquel la nucléation est soit homogène, soit
hétérogène [6].
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Il est donc clair que l’équation (22) ne pourra pas représenter le
processus de manière rigoureuse, des phénomènes plus ou moins
aléatoires d’une opération sur l’autre pouvant avoir une influence
capitale. Elle décrit toutefois correctement l’influence des paramètres essentiels que sont la sursaturation et la température. On
emploie donc indifféremment cette équation ou une formulation plus
empirique du type :
(25)
Jp = k p ∆C n
avec
Jp
nombre de germes par mètre cube et par
seconde formés par nucléation primaire,
∆C = C – Cs sursaturation, exprimée en kg/m3 par exemple.
L’exposant n pourra être très largement supérieur à 1 et variable
avec la température, ce qui est plus gênant sur le principe. Quant
à la constante cinétique k p , elle dépend bien entendu de la température.
La nucléation primaire est absente des procédés continus, sauf
cas exceptionnels où l’on aurait des augmentations locales importantes de la sursaturation. Ces cas seront traités dans l’article
Cristallisation industrielle : aspects pratiques [J 2 788], ainsi que
l’ensemencement (ou amorçage) que l’on met en œuvre dans les
appareils discontinus et qui permet d’y contrôler, voire d’y éviter,
la nucléation primaire.
2.2.2 Nucléation secondaire
La nucléation secondaire, qui n’existe qu’en solution, peut se
produire à très faible sursaturation, puisque ce sont les cristaux
déjà formés qui en génèrent de nouveaux. Dans les suspensions à
forte densité de cristaux, c’est de loin le mécanisme de nucléation
le plus répandu. Plusieurs causes en sont l’origine.
2.2.2.1 Nucléation secondaire apparente
Elle peut se produire :
— lorsqu’il y a ensemencement : les cristaux introduits peuvent
avoir des microcristaux collés à leur surface ;
— lorsqu’il y a brisure des cristaux au cours de l’agitation de la
pulpe (macroattrition ).
2.2.2.2 Nucléation secondaire vraie
Les faces des cristaux présentent parfois une croissance dendritique ou une certaine rugosité, d’autant plus importante que la valeur
de la sursaturation est plus élevée. Dans la couche de diffusion
cristal-solution se trouvent des embryons ou agrégats de molécules
ordonnées. Sous l’effet des forces de cisaillement du liquide et des
heurts entre cristaux et parois, ou entre cristaux, les dendrites et
agrégats de molécules se détachent pour donner naissance à de
nouveaux cristaux. Ce mécanisme dépend cependant beaucoup de
la sursaturation. En effet, ce n’est que si les agrégats ont une taille
surcritique (§ 2.1.3.1) qu’ils donnent naissance à des cristaux. Dans
le cas contraire, ils se dissolvent comme cela a été discuté sur la
base de l’équation (17). Ce mécanisme, appelé collision breeding
dans la littérature internationale, est le plus important dans les
cristallisoirs industriels.
Plusieurs auteurs [7] expriment la cinétique de nucléation secondaire par l’équation :
J s = k s ε h (∆ C ) i ( M T ) j
(26)
où Js (en m–3 · s–1) est la fréquence de nucléation secondaire,
ε (en W/ kg)
l’énergie transmise, par unité de masse de
suspension, par l’agitateur,
MT (en kg/m3)
concentration des cristaux en suspension
dans la solution.
Les exposants i et j sont compris respectivement entre 0,5 et 3
d’une part, et 0,5 et 2 d’autre part. L’exposant h est généralement
compris entre 0 et 1. En fait, les 3 exposants dépendent énormément
des matériaux cristallisés et surtout des conditions hydrodynamiques.
Enfin, k s est une constante dépendant de la température.
L’agitation joue un rôle primordial sur la cinétique de nucléation
secondaire mais également sur la valeur de la sursaturation, la façon
de l’obtenir, la concentration de la pulpe, la concentration et la nature
des impuretés. À titre d’exemple, l’exposant h est de 0,66 pour NaCl
obtenu par évaporation dans un cristallisoir de 50 L et est proche
de zéro pour (NH4)2SO4 obtenu aussi par évaporation mais dans un
cristallisoir de 30 L. De même, la constante k s varie fortement selon
le type d’agitateur, un facteur 4 étant rapporté dans la littérature [7],
toutes conditions égales par ailleurs.
3. Croissance
3.1 Généralités
Lorsque le germe a dépassé la taille critique, il se met à croître
et cette croissance durera tant que le milieu restera sursaturé. Sauf
cas exceptionnel, le cristal est toujours limité par des faces planes F,
les faces rugueuses en escaliers S ou en crans K (figure 8) disparaissant très rapidement, à cause de leur vitesse de croissance trop
grande. On ne considère donc ici que les théories développées pour
les faces F, qui comme le montre la figure poussent par extension
latérale de couches, soit par un mécanisme de croissance par
germination bidimensionnelle (face Fa), soit par un mécanisme de
croissance par dislocation et la face exhibe alors une spirale de croissance (face Fb). Le premier cas concerne les cristaux parfaits, le
second celui des cristaux qui présentent une dislocation vis.
Les dislocations vis sont générées par un cisaillement dans une
partie limitée du cristal. Ce cisaillement s’effectue le long d’une ligne
de dislocation L (figure 9). On dit que la dislocation émerge sur la
face du cristal. Du point d’émergence part un gradin appelé arête
exposée. Une face où émerge une dislocation vis n’est donc plus
tout à fait plane, c’est en fait une surface hélicoïdale. Les molécules
de soluté qui s’adsorbent sur cette face sont piégées le long du gradin
où elles trouvent des sites de croissance. Le gradin va avancer en
tournant autour du point d’émergence de la dislocation. Après une
rotation complète, on retrouve la situation initiale mais le cristal à
crû d’une couche atomique ou moléculaire. Il y a en fait formation
d’une spirale de croissance qui s’enroule autour du point d’émergence. La figure 10 donne une représentation schématique d’une
telle spirale. Pour passer du point A au point B, il faut descendre
des marches d’épaisseur généralement monoatomique ou monomoléculaire. De telles spirales de croissance s’observent sur de
nombreux cristaux qu’ils soient inorganiques ou organiques et
peuvent être simples ou complexes, circulaires ou polygonales.
Plusieurs ouvrages ou articles ont été consacrés à la discussion
détaillée des mécanismes et cinétiques de croissance des faces [8]
[9] [10]. L’essentiel en est résumé ci-après.
3.2 Croissance en milieu pur
Par milieu pur, il faut comprendre système ne contenant que le
soluté et le solvant avec le meilleur degré de pureté possible. Cette
notion est cependant ambiguë car de nombreux solvants peuvent
être utilisés pour une même substance. A priori donc, le solvant est
lui-même une impureté pour le cristal.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 9
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
3.2.1 Croissance par germination bidimensionnelle
Lorsqu’une face est parfaitement plane et ne présente aucun point
d’émergence de dislocation vis, les molécules de soluté adsorbées
ne trouvent aucun site préférentiel où elles peuvent se fixer. Il faut
donc, qu’après avoir migré par diffusion superficielle, un certain
nombre de ces molécules se rencontrent et coalescent en un
complexe appelé germe bidimensionnel ou germe 2D.
La création du germe 2D demande la mise en œuvre d’une énergie
libre d’activation dont le principe du calcul est le suivant. Si le germe
est un carré, comportant 4 lisières à n molécules, le nombre total
de molécules dans le germe est n 2. Pour créer ce germe, la solution
sursaturée apporte une certaine énergie, qui doit surmonter l’énergie
de lisière nécessaire à la création de la périphérie du germe. Si λ
est l’énergie de lisière par molécule, l’énergie libre d’activation de
germination 2D s’écrit :
∆G2D = – n 2 k T ln β + 4 n λ
Figure 8 – Représentation schématique d’un cristal
exhibant des faces planes (F), en escaliers (S) ou en crans (K)
(27)
Cette équation est similaire à celle de la nucléation tridimensionnelle [équation (15)], mais ici on a un terme de surface et un terme
de longueur, au lieu d’un terme de volume et d’un terme de surface.
À l’équilibre, le germe est stable pour la valeur n * :
2λ
n* = ---------------------k T ln β
(28)
qui correspond à la valeur critique de l’énergie :
4 λ2
∆G*2D = ---------------------k T ln β
(29)
Comme dans le cas de la nucléation tridimensionnelle, la formation du germe 2D est d’autant plus facile (n * et ∆G * plus petits) que
la sursaturation est plus grande. Il en est de même, si λ est plus petit,
ce qui est réalisé avec les bons solvants, mieux adsorbés sur les
surfaces et les gradins.
La vitesse de croissance d’une face qui croît par ce type de mécanisme dépend de la fréquence à laquelle les germes 2D sont créés.
Cette fréquence s’écrit :
∆ G *2D
J 2D = n 0 j 2D exp – -----------------kT
Figure 9 – Dislocation vis générée par un cisaillement du cristal
le long de la ligne de dislocation L
avec
(30)
n0
nombre de molécules de soluté adsorbées par unité
d’aire de la face considérée,
j 2D fréquence à laquelle les germes de taille sous-critique
deviennent de taille surcritique.
Deux situations peuvent alors se présenter.
■ Si la vitesse d’étalement des germes est grande ; on peut supposer
que chaque germe recouvre entièrement la surface avant que
n’apparaisse le suivant. La vitesse de croissance v de la face s’écrit
alors :
v = J 2D d S
(31)
où d est l’épaisseur du germe et S l’aire de la face. C’est le mécanisme
de germination mononucléaire.
■ Si plusieurs germes se développent simultanément sur la face,
les équations sont plus compliquées. Dans ce mécanisme de germination polynucléaire, v s’écrit :
∆ G *2D
v = K 2D f ( β ) exp – -----------------kT
Figure 10 – Spirale de croissance polygonale
fréquemment observée sur les cristaux organiques
tels que les n -alcanes (paraffines linéaires)
J 1 500 − 10
(32)
où K2D est un coefficient cinétique contenant J2D et f (β ) une fonction
de la sursaturation : β1/6 ou β1/3 ( β – 1)2/3, etc., selon les hypothèses
faites.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Quel que soit le mécanisme de croissance par germination 2D,
la vitesse v est nulle (du moins pour l’expérimentateur et non pas
au sens mathématique) dans un domaine de sursaturation allant
jusqu’à 50 %. Par contre, au-delà d’une valeur critique β *, la vitesse
augmente très vite (figure 11). Ici encore, le contrôle de la cinétique
est assez délicat.
3.2.2 Croissance par spirale
Comme les cristaux exempts de défauts sont rares, la croissance
par dislocation vis, ou spirale de croissance, est de loin la plus
fréquemment rencontrée.
La théorie du mécanisme de croissance par dislocation a été
particulièrement élaborée, mais elle est aussi extrêmement
complexe car elle met en jeu un grand nombre de processus
élémentaires à l’échelle microscopique : diffusions volumique et
superficielle, désolvatation, adsorption, échanges moléculaires
entre gradins et surface ou solution, etc. La théorie BCF, du nom
de ses auteurs [11], fut la première à rendre compte de ce type de
mécanisme de croissance. Elle fut développée ultérieurement [8]
[12], afin de tenir compte d’un plus grand nombre de processus et
de cas possibles. L’équation la plus générale, qui englobe l’ensemble
des phénomènes, est de peu d’intérêt pour l’ingénieur compte tenu
du nombre important de paramètres qu’elle contient, paramètres
d’ailleurs très difficiles à évaluer. Pour la résoudre, on ne considère
souvent que les cas limites où la vitesse de croissance de la face
ne dépend que d’un seul mécanisme élémentaire supposé être le
plus lent. Un seul exemple est donné ci-après pour mettre en
évidence le rôle essentiel de la sursaturation [équations (35), (36) et
(37)].
Sur la figure 12, on voit que la vitesse normale de croissance de
la face peut s’écrire :
uh
(33)
v = ---------Y
où les seuls termes non encore définis sont DS et xS respectivement
coefficient de diffusion superficielle et libre parcours moyen des
molécules adsorbées. Puisqu’en solution, la sursaturation est
souvent faible, on a remplacé ln β dans Y et dans u par sa valeur
approchée (β – 1) = σ. La littérature parle d’ailleurs souvent des
courbes vitesses de croissance en termes de courbes v (σ ). Dans le
cas décrit ci-avant v est une fonction parabolique de la sursaturation.
Si la sursaturation est grande, il y a interférence des zones de
diffusion autour des gradins car Y est petit. Dans ce cas, on a :
n0 DS V
- σ
v = --------------------2
xS
(36)
La vitesse de croissance augmente linéairement avec la
sursaturation.
Lois parabolique et linéaire sont souvent limitées à un domaine
étroit de sursaturation, mais il existe des cas où la loi linéaire prend
le relais de la loi parabolique (figure 11) pour une valeur de β pas
trop élevée, encore utilisable sans nucléation de nouveaux cristaux
venant fausser l’expérience. Pour l’expérimentateur, qu’il soit au
laboratoire ou en fabrication, ces lois de croissance se limitent
souvent à leur plus simple expression :
v = b σ 2 ou v = b ’ σ
(37)
b et b ’ étant des coefficients cinétiques dépendant de la température,
cette dépendance pouvant être très forte, par exemple dans le cas
des paraffines [13].
Deux points méritent encore d’être soulignés. Quel que soit le
mécanisme de croissance, la cinétique est une fonction de n 0 ,
nombre de molécules de soluté adsorbées sur la face du cristal,
nombre qui est lui-même une fonction de la solubilité. Pour la croissance des cristaux également, la cinétique est d’autant plus grande
(à même β ) que la solubilité est plus grande.
En effet, la dislocation vis génère une spirale de croissance dont
les gradins de hauteur h se déplacent tous à la même vitesse latérale
u, tout en restant équidistants. L’équidistance Y qui les sépare est
une fonction de la sursaturation β et de l’énergie de lisière λ.
Si a est la longueur d’une molécule dans la lisière, alors :
f λa
Y = ---------------------k T ln β
(34)
Toutes choses égales par ailleurs, les gradins seront d’autant plus
serrés que β est plus grand, et quoique la face soit dite plane, la
différence de niveau entre les points A et B (figures 10 et 12)
augmente très vite si β augmente. Dans l’équation (34), f est le facteur
de forme de la spirale :
f = 19 pour une spirale circulaire ;
f = 4 pour une spirale polygonale en carré.
Le calcul du facteur de forme de la spirale circulaire est
particulièrement ardu [10].
La vitesse d’avancement du gradin va dépendre des processus mis
en jeu. Si l’on suppose que la diffusion volumique des molécules
de soluté est grande, alors la cinétique de croissance ne dépend que
de la cinétique d’ intégration de surface , qui regroupe tous les
processus mis en jeu pour qu’une molécule adsorbée soit incorporée
dans le cristal. Si parmi tous les cas possibles, on suppose que c’est
la diffusion superficielle des molécules vers les gradins qui limite
la croissance, alors la loi de croissance sera régie par la sursaturation.
À faible sursaturation, il n’y a pas d’interférence entre les zones de
diffusion autour des gradins car Y est grand. La vitesse s’écrit :
2 n0 DS V k T
v = --------------------------- ------------- σ 2
f λa
xS
Figure 11 – Courbes vitesses de croissance – sursaturation
pour différents mécanismes de croissance
(35)
Figure 12 – Section perpendiculaire à la grande face du cristal
représenté sur les figures 9 et 10
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 11
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
3.3 Croissance en présence d’impuretés
Comme dans le processus de nucléation, les impuretés jouent très
souvent le rôle d’inhibiteurs de croissance. Leur influence sur la sursaturation a déjà été discutée (§ 1), mais diminuer la sursaturation
par formation de complexes avec le soluté n’est pas tout à fait
assimilable à une action d’inhibition. Inhiber la croissance implique
un mécanisme d’adsorption de l’impureté sur le cristal. Cette adsorption peut avoir lieu sur la surface libre entre les gradins, sur les
gradins eux-mêmes ou directement sur les sites de croissance [10]
[14] [15]. Les modèles sont donc sensiblement différents, mais tous
sont difficiles à intégrer dans les équations cinétiques.
L’adsorption est, dans la plupart des cas, temporaire et réversible.
Si l’énergie d’adsorption est faible, l’impureté quitte très facilement
la surface et le cristal croît à peu près normalement. Au contraire,
si l’énergie d’adsorption est grande, les sites de surface sont
constamment pollués. L’intégration des molécules au cristal est
fortement ralentie à cause de la faible cinétique de désorption de
l’impureté.
Supposons, par exemple, que le temps de séjour de deux
impuretés adsorbées, et séparées par la distance d i , soit grand.
Alors, inévitablement, les gradins qui se propagent sur la face du
cristal finissent par venir buter sur ces impuretés. Deux cas peuvent
alors se présenter selon que la distance d i est inférieure ou supérieure au diamètre d c du germe critique bidimensionnel qui existerait
dans les mêmes conditions de croissance. Ce diamètre est tout
simplement la valeur de Y calculée à l’aide de l’équation (34) avec
f = 19 pour une spirale circulaire. Si d i < d c le gradin arrête immédiatement sa progression sur la face. Il reste fixé par les impuretés.
Pour qu’il puisse avancer, il doit s’incurver et s’infiltrer au travers
des impuretés, ce qu’il ne peut faire que si d i > d c . Quand il a franchi
le barrage des impuretés, il reprend sa forme linéaire. Les publications [14] [15] passent en revue les principaux modèles d’adsorption.
À noter que, dans l’exemple qui vient d’être décrit, les molécules
d’impuretés ont été piégées dans la couche qui s’étale sur la face.
Le matériau cristallisé est donc impur. Cela n’arrive cependant pas
trop fréquemment car le cristal refoule les impuretés devant lui.
À une échelle macroscopique, l’effet des impuretés se traduit par
une diminution des coefficients cinétiques. Dans la plupart des cas,
mais ce n’est pas une règle, tout se passe comme si les lois de croissance n’étaient pas affectées. Elles restent exponentielles, paraboliques ou linéaires, mais avec des pentes différentes de celles
qu’elles auraient en milieu pur. Les courbes v (β ) sont translatées
vers les sursaturations élevées et, pour retrouver la même vitesse
de croissance qu’en milieu pur, il suffit d’augmenter la sursaturation.
Cette translation des courbes est évidemment d’autant plus importante que la concentration en impureté est plus grande.
Il convient aussi de rappeler que de très faibles teneurs en
impuretés peuvent diminuer la vitesse de croissance de plusieurs
ordres de grandeurs, cela parce qu’il suffit aux impuretés de bloquer
les sites de croissance qui, comme on l’a vu, sont relativement peu
nombreux. Il n’est donc pas nécessaire de polluer le cristal par une
couche complète d’impuretés pour avoir un effet catastrophique de
blocage de la croissance.
Lorsque les impuretés sont des molécules un peu spéciales (polyélectrolytes, molécules à très longues chaînes, copolymères), la
croissance est encore beaucoup plus perturbée. Il est d’ailleurs très
difficile alors de tracer des courbes v (β ) ayant une signification
précise. Cela est d’autant plus vrai que les impuretés concernées ont
des cinétiques de désorption quasi nulles, ce qui est le cas des
impuretés qui ont un grand nombre de groupes actifs greffés sur
leurs molécules. Si leur taille est grande, elles peuvent s’adsorber
lentement ; mais une fois fixées, elles ne quittent jamais totalement
la surface du cristal. Il va y avoir un empoisonnement progressif au
cours de la croissance. Lorsque la sursaturation est faible, le cristal
croît lentement et ses faces sont immédiatement bloquées par
l’impureté. Il existe alors des zones mortes (figure 13) où la croissance est nulle. Plus la concentration en impureté est grande, plus
la zone morte s’étend vers les grandes sursaturations.
J 1 500 − 12
Figure 13 – Zones mortes induites par des impuretés adsorbées
très énergiquement sur une face de cristal
Pour chaque concentration en impureté, il faut dépasser une sursaturation critique pour que les faces du cristal puissent croître.
Lorsque la croissance a lieu, elle commence d’ailleurs à une vitesse
nettement différente de zéro, parce que la compétition entre l’incorporation des molécules de soluté dans le cristal et l’adsorption des
impuretés est favorable à la première quand la sursaturation est
grande. Progressivement cependant, le cristal peut être entièrement
pollué et la croissance s’arrêter. C’est l’un des rares cas où des
vitesses de croissance très grandes en milieu fortement sursaturé
donnent de meilleurs cristaux (en forme, taille et pureté) que ceux
obtenus en croissance lente.
3.4 Transfert de matière et croissance
Nous avons décrit précédemment les mécanismes de croissance
dont la cinétique est limitée par la cinétique d’incorporation des
unités de croissance dans les faces du cristal, ce qui implique que
la diffusion volumique du soluté à travers la solution est suffisamment rapide pour avoir une influence négligeable. En fait, cela n’est
pas toujours le cas, en particulier dans les cristallisoirs mal agités.
Dans ce cas, c’est la cinétique de transfert du soluté qui joue le rôle
essentiel dans la croissance. Comme la théorie de tous ces processus
est très complexe, la recherche et l’application industrielles se
contentent de modèles et d’équations phénoménologiques. Ces
équations, descriptives par rapport à tous les paramètres ayant une
influence dans un large domaine, doivent être suffisamment simples
pour figurer dans des équations de bilan sans y introduire une
complexité mathématique trop importante.
Le modèle couramment utilisé pour décrire le transfert de matière
d’un liquide vers un solide est le modèle du film [16] [17] [18], dont
le principe est décrit dans la figure 14. La vitesse de transfert à
travers un liquide stationnaire, lorsque la diffusion moléculaire est
seule active, est donnée par la loi de Fick :
∂C ∂C ∂C
M˙ = – D --------- + --------- + --------∂x
∂y
∂z
avec
M˙ (kg · m–2 · s–1) flux massique de transfert,
D (m2/s)
coefficient de diffusion moléculaire,
x, y et z
coordonnées spatiales.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
(38)
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
■ Selon Herndl et Mersmann :
Sh = 2,0 + 0,6 Re1/2 Sc1/3
où
Re = 0,139
avec
( ε L 4 / ν 3 ) 4/9
(42)
2
0,133
( Na d a / ν )
(43)
Na (tr/s) vitesse de rotation de l’agitateur.
Bien d’autres corrélations existent encore, mais les deux
proposées ci-dessus montrent clairement l’influence relative des
paramètres et sont utilisables dans un large domaine et pour une
gamme importante de systèmes solide-liquide.
Dans le cas, par exemple, d’un lit fluide où la vitesse relative entre
particule et liquide a un sens, on peut préférer l’ équation de
Froessling :
1/2
Sh = 2,0 + 0,6 Re p Sc 1/3
avec
où ur (m/s)
Les concentrations C sont exprimées en kilogrammes de soluté
par mètre cube de solution. Pour une diffusion unidirectionnelle
(figure 14) et pour un gradient de concentration constant, la loi de
Fick devient :
D
M˙ = ------ ( C – C i )
(39)
δ
C (kg/m3)
concentration moyenne en solution loin du
cristal,
C i (kg/m3) concentration à l’interface cristal-solution,
δ (m)
épaisseur de la couche limite.
Toutefois, le transfert de matière se fait aussi par convection en
plus de la diffusion pure, et l’équation utilisée dans le modèle
devient :
M˙ = k ( C – C )
(40)
D
i
où k D (m/s) est un coefficient de transfert globalisant ces deux phénomènes, dépendant, comme nous allons le voir, de l’agitation, des
caractéristiques physiques du liquide et des dimensions de l’appareil
et du cristal.
Pour expliciter les corrélations permettant de calculer k D on utilise
des nombres adimensionnels, à savoir :
Sh = k D L /D (nombre de Sherwood) rapport de la masse transférée
globalement (par convection et conduction) à celle transférée par
conduction seule, L étant la taille du cristal ;
Sc = ν/D (nombre de Schmidt), ν (m2/s) étant la viscosité cinématique de la solution.
On peut aussi utiliser le nombre de Reynolds des particules (Rep )
qui est toutefois très difficile à évaluer dans une suspension agitée
puisqu’il fait intervenir la vitesse relative entre particule et liquide,
dont la valeur est variable dans le cristallisoir et quasiment impossible à mesurer. Les corrélations proposées pour calculer k D utilisent
donc plutôt des grandeurs parfaitement mesurables. Nous en
citerons deux dont l’utilisation est facile.
■ Selon Levins et Glastonbury :
Sh = 2,0 + 0,47 (L4/3ε1/3/ν )0,62 (d a /d )0,17Sc 0,36
avec
Rep = ur L /ν
est la vitesse relative de la particule par rapport au
liquide,
ν (m2/s) viscosité cinématique du liquide,
L (m)
taille de la particule.
Figure 14 – Profil de concentration autour d’un cristal
dans le modèle du film
avec
(44)
(41)
L (m)
ε (W/ kg)
taille de la particule,
puissance d’agitation par unité de masse de suspension,
ν (m2/s)
d a (m)
d (m)
viscosité cinématique,
diamètre de l’agitateur,
diamètre de la cuve.
3.5 Description globale de la croissance
Le processus d’intégration des molécules dans le cristal dépend
de la sursaturation à l’interface (figure 14), sursaturation exprimée
soit en valeur relative ( β i = C i /C s ), soit en valeur absolue (C i – C s).
La cinétique de ce processus dépend du mécanisme mis en jeu
et sa description est faite soit à l’aide d’une équation fondamentale
(voir § 3.2), soit plus simplement à l’aide d’une équation phénoménologique [17].
Si l’on appelle G la vitesse de croissance d’une face du cristal
(en m/s), on écrit :
G = kr (C i – C s )n
(45)
où n est souvent compris entre 1 et 2, mais peut être aussi supérieur
à 2 compte tenu de la précision des mesures.
kr est une constante cinétique que l’on peut mettre sous forme d’une
équation d’Arrhenius :
EG
k r = k r o exp – ---------RT
(46)
avec EG énergie d’activation de la croissance.
Cette constante est exprimée soit en m/s si C est exprimé en kg/ kg
(fraction massique) soit en kg–n · m3n + 1 · s–1 si C est exprimé en
kg/m3 de solution.
En cristallisation industrielle où l’on ne mesure pas la croissance
face par face, on va encore plus loin dans la simplification puisque
l’on considère que G est l’augmentation de la dimension caractéristique de la particule mesurée par un dispositif granulométrique
approprié. Dans ce cas, la valeur expérimentale obtenue dépend de
la dimension mesurée et de l’appareil de mesure. Si l’on veut
rejoindre une démarche plus universelle, il convient d’introduire des
facteurs de forme Φ V ou Φ S ramenant le cristal réel (aiguille,
plaquette, etc.) à une sphère de même volume ou de même surface.
Il est nécessaire de relier le flux massique de transfert de matière
M˙ à G. En effet, ce flux est égal au flux d’intégration de surface en
régime permanent. On obtient :
ΦS
G = -------------------- M˙
3 ρs ΦV
(47)
où ρs est la masse volumique du solide (en kg/m3).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 13
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
La grandeur ΦS est définie à partir de l’aire de la particule S = ΦS L 2
calculée à partir de la taille caractéristique L de ces particules. De
même ΦV est défini par V = ΦV L 3 où V est le volume de la particule.
L’équation globale traduisant l’égalité entre le flux diffusionnel et
le flux d’intégration s’écrit donc :
ΦS
------------------- k ( C – Ci ) = kr ( Ci – Cs ) n
3 ρs ΦV D
(48)
La concentration C i à l’interface étant inconnue, on peut l’éliminer
de cette équation pour introduire une équation globale :
G = kG ( C – Cs )
(49)
Lorsque le processus d’intégration est lui-même d’ordre 1,
l’élimination de C i conduit à = 1 et
3 ρs ΦV
1
1
-------- = ------ + ------------------kG
kr
ΦS kD
(50)
Par contre, lorsque n est supérieur à 1, l’équation obtenue n’est
plus aussi simple et l’on utilise alors l’équation phénoménologique
globale. Il est possible aussi, d’après [18], d’introduire un facteur
d’efficacité η qui est le rapport entre la vitesse de croissance effective
rapportée à ce qu’elle serait si les conditions à l’interface étaient les
mêmes que dans le liquide. En clair, si η = 1, le transfert de matière
serait suffisamment rapide pour que C i = C (régime chimique). De
même η = 0 entraîne C i = C s et, dans ce cas, un transfert de matière
trop lent par rapport à la vitesse d’intégration (régime diffusionnel).
Le processus normal est toujours intermédiaire entre ces deux
extrêmes. Ce concept est très largement utilisé en génie chimique
lorsqu’il y a compétition entre diffusion et réaction chimique.
L’équation (48) devient alors :
η = (1 – η Da )n
(51)
où Da est le nombre adimensionnel de Damköhler donné par :
3 kr ρs ΦV
Da = ---------------------------- ( C – C s ) n – 1
ΦS kD
(52)
Cette démarche est intéressante car elle généralise à la cristallisation l’approche classique du génie chimique, c’est-à-dire une
approche descriptive des phénomènes de compétition réaction –
diffusion aux interfaces.
3.6 Phénomènes particuliers
En première approximation, on postule souvent que les cristaux
d’une même espèce croissent à la même vitesse, quelle que soit leur
taille (hypothèse de Mac Cabe). Pour de nombreux systèmes, cette
loi s’est révélée parfaitement applicable et elle est largement utilisée
pour les calculs prédictifs. On remarque toutefois que cette hypothèse n’est pas vérifiée dans le cas où la cristallisation est contrôlée
par la diffusion, du fait que la taille des cristaux intervient dans k D .
Dans la pratique, on observe d’ailleurs deux phénomènes :
— d’abord la vitesse de croissance peut dépendre de la taille ;
— ensuite, les cristaux de même taille peuvent croître à des
vitesses différentes, ces phénomènes entraînent une dispersion des
vitesses de croissance.
3.6.1 Vitesse de croissance et taille des cristaux
Il est admis que la variation de la vitesse de croissance en fonction
de la taille des cristaux est le reflet de phénomènes physiques
latents : contrôle diffusionnel de la croissance ou régime intermédiaire, effets d’impuretés, etc. Toutefois, lors de l’utilisation d’équations phénoménologiques, on n’a pas toujours besoin du détail des
J 1 500 − 14
phénomènes physiques mis en jeu, une description globale étant
suffisante. On trouve ainsi des équations de description des cinétiques de croissance, dont les plus connues sont :
— l’équation de Abegg, Stevens et Larson :
G = G0 (1 + γ L )b
(53)
avec b < 1 et γ 0
— l’équation de Canning et Randolph :
G = G0 (1 +a 1L + a 2L2 + ... + a n Ln )
(54)
L’approche qui paraît toutefois la plus prometteuse [18] a été
décrite au paragraphe précédent. Elle a été adaptée avec succès au
cas de la précipitation de l’acide salicylique [19]. Elle consiste à
décomposer la croissance en deux étapes, l’une diffusionnelle,
l’autre d’intégration de surface.
3.6.2 Dispersion des vitesses de croissance
Il s’agit là d’un fait expérimental qui peut avoir de multiples
origines. La dispersion peut être le résultat d’effets de pollution par
des impuretés, de non-uniformité des surfaces liée à la brisure ou
à l’érosion, de défauts internes, etc. Lorsque la dispersion est importante, il convient d’introduire dans les modèles une fonction de
distribution des vitesses de croissance décrivant les probabilités
qu’aura un cristal de taille donnée de croître à une vitesse donnée.
4. Évolution des systèmes
Par système, il faut comprendre ici l’entité formée d’une part par
la solution, d’autre part par les cristaux. L’évolution des solutions
au cours de la cristallisation se résume le plus souvent à une variation
de concentration, accompagnée éventuellement d’une variation de
température ou de pH, et ce sont ces variations qui vont faire évoluer
les cristaux. En fait, il existe plusieurs types d’évolution des cristaux.
Nous avons déjà évoqué au paragraphe 2.1.3.2 le cas des variétés
polymorphiques dont la transformation peut être le résultat d’un
changement de température ou de concentration. En dehors de cet
aspect qui met en cause des phases différentes, l’évolution du
système ne concerne dans la plupart des cas qu’une seule variété
cristalline. Si le processus de nucléation augmente le nombre de
cristaux en solution, l’agrégation, ou agglomération (§ 4.1) et le
mûrissement (§ 4.2) tendent à le diminuer. L’agrégation a surtout lieu
pendant la croissance, quand la sursaturation est encore relativement grande. Le mûrissement, au contraire, a lieu lorsque l’équilibre
entre cristaux et solution est globalement atteint.
4.1 Agglomération
En cristallisation industrielle, l’agglomération des cristaux
constitue un phénomène très important, surtout dans les réactions
de précipitation. Dans les travaux théoriques, les cinétiques de croissance et de nucléation sont en général très bien étudiées, mais les
phénomènes d’agglomération sont souvent sous-estimés. Cela peut
conduire à des erreurs importantes dans les déterminations cinétiques lors de la conception et du fonctionnement des cristallisoirs
industriels.
4.1.1 Aspects théoriques
On distingue deux types d’agglomération, classiquement
désignés par primaire et secondaire.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
4.1.1.1 Agglomération primaire
4.1.2.2 Cristallisation
Elle concerne les microparticules de taille en général inférieure à
1 µm. Comme dans le cas des colloïdes, elle est dépendante de
trois types d’interactions particulaires :
— forces d’attraction de London-Van der Waals, qui sont dues aux
dipôles permanents des particules polaires ou aux dipôles induits
des particules polarisables (cette interaction est toujours attractive
et dépend de la solution, de la taille des particules et de leur
distance) ;
— forces coulombiennes de répulsion, qui concernent les particules possédant une double couche électrique ;
— forces d’interaction répulsives ou attractives, dont l’origine est
liée à l’existence de couches adsorbées à la surface des particules.
Quatre mécanismes sont invoqués pour expliquer l’agglomération
primaire des cristaux :
— collage des cristaux par rapprochement des deux couches de
diffusion semi-ordonnées autour des cristaux en cours de
croissance : ce processus est prédominant à sursaturation élevée ;
— nucléation spontanée sur les faces en croissance ;
— nucléation primaire simultanée de plusieurs germes au même
endroit ;
— croissance anormale des cristaux sous forme de dendrites,
agrégats, macles (*), ou bien croissance parallèle (superposition de
germes).
L’agglomération se produit, en général, à de plus faibles sursaturations que la précipitation et les cristaux concernés ont une
taille plus grande que ceux issus d’une précipitation. L’agglomération dépend de plusieurs paramètres. Elle augmente :
— avec la sursaturation ;
— avec la densité de la pulpe ;
— avec la taille des cristaux jusqu’à une taille maximale où elle
commence à décroître.
L’influence de ces trois paramètres a été confirmée, par exemple
dans le cas de K2SO4 obtenu dans un cristallisoir continu parfaitement agité (MSMPR : mixed suspension mixed product removal )
[21]. Selon cette étude, on peut définir un paramètre d’agglomération P tel que :
na
(55)
P = -------------------na + nc
(*) macle : association mutuelle et régulière de cristaux de la même variété cristalline
selon des lois cristallographiques bien déterminées.
où n a et n c sont les nombres d’agglomérats et de cristaux
respectivement.
Si L est la taille des cristaux, on peut tracer une fonction P = f (L)
d’après la relation :
L
P ( L ) = P 0 exp – A lg 2 ------(56)
L0
avec, dans le cas de K2SO4 (figure 16) :
La figure 15 montre schématiquement le processus général
d’agglomération dans un cristallisoir.
A = 1,7 ; L 0 = 930 σ 0,64 µm
P0 = 0,34 (MT σ )0,36
4.1.1.2 Agglomération secondaire
Elle est provoquée soit par le mouvement brownien des particules
(agrégation péricinétique), soit par les forces de cisaillement de la
suspension dues aux conditions d’agitation (agrégation
orthocinétique ). Le premier mécanisme s’adresse à des particules
de taille très faible (taille des colloïdes), alors que le second affecte
les cristaux de taille plus grande, supérieure à 1 µm.
où MT
est la concentration de la pulpe en kg/m3.
4.1.2 Agrégation au cours de la cristallisation
Bien que d’un point de vue fondamental, la précipitation et la
cristallisation soient identiques, il y a lieu de les distinguer quand
on parle de processus d’agglomération.
Figure 15 – Représentation schématique des différents stades
de l’agglomération des particules
4.1.2.1 Précipitation
L’agglomération se produit avec des cristaux de faible taille
(< 1 à 10 µm) et l’on ne trouve donc pas de monocristaux bien
développés dans le cristallisoir. La cinétique d’agglomération est
d’autant plus grande :
— que les cinétiques de cristallisation sont grandes ;
— que les concentrations de réactifs sont élevées, ce qui peut
entraîner une sursaturation élevée ;
— que le milieu est fortement agité.
Le pH du milieu peut aussi avoir une grande importance car il influe
sur les charges superficielles des particules, la double couche électrique et le potentiel zêta (ou potentiel électrocinétique). Enfin, la
présence d’impuretés minérales, mais surtout organiques, peut
favoriser l’agglomération : cas de l’HEDP (hydroxy-1 éthylidène
diphosphonate-1,1 de sodium) pour la cristallisation du gypse [20].
Figure 16 – Paramètre d’agglomération P des cristaux de sulfate
de potassium à deux sursaturations et deux concentrations
de la pulpe MT en fonction de la taille des cristaux (d’après [21])
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 15
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
Mais l’agglomération dépend également :
— de l’agitation du milieu : une agitation trop forte peut gêner
l’agglomération alors qu’une agitation moyenne la favorise ;
— de la présence d’impuretés (ions, tensioactifs, polymères, etc.)
dont les effets sont souvent difficiles à prévoir. Toutefois, on a
observé que la présence d’agents tensioactifs ou de polymères
favorise en général l’agglomération des cristaux et facilite ainsi la
séparation solide-liquide.
ainsi généré va être récupéré par les plus gros cristaux qui vont
croître. Théoriquement, ce processus ne s’arrête que si tous les
cristaux ont rigoureusement la même taille ou s’il ne reste qu’un
seul cristal en solution.
Pour expliquer ce phénomène, on considère le cas de deux cristaux
sphériques de rayons r et r 1 avec r > r 1 (figure 18), plongés dans
une solution de concentration C s . Leur stabilité n’est réalisée que
s’ils sont entourés d’une atmosphère de soluté, supposée ici de
symétrie sphérique, de concentration Cr 1 > Cr . Il y a alors un gradient
de concentration entre les cristaux puisqu’il existe une différence :
4.2 Mûrissement d’Ostwald
2 M γ Cs
C r 1 – C r = -----------------------ρRT
Pour mieux comprendre le phénomène de mûrissement, on peut
discuter l’évolution de la sursaturation dans une opération de
cristallisation où le soluté consommé par les cristaux n’est pas
compensé par un apport extérieur. Pour que la cristallisation ait lieu,
il faut d’abord que la sursaturation atteigne un niveau suffisant, ce
qui est réalisé au point A de la figure 17. Si la nucléation n’est pas
trop importante, la sursaturation peut encore augmenter un peu,
passer par un maximum, puis chuter très rapidement. La nucléation
peut donc se poursuivre jusqu’en B, alors que la croissance qui
commence immédiatement après A va continuer de façon appréciable jusqu’en C. Le mûrissement peut débuter en D, avant même
que la croissance ne soit entièrement terminée. Sa durée peut aller
bien au-delà du point C selon les conditions du milieu. Tout cela peut
se passer à température constante.
Comme les mécanismes de nucléation et de croissance ont déjà
été discutés, l’essentiel de la théorie du mûrissement isotherme
d’Ostwald [22] [23], sera résumée ci-après, mûrissement dont la cinétique peut être accélérée par des fluctuations de température [24].
Lorsque la croissance est terminée, du moins en apparence, la
concentration de la solution est revenue à C s c’est-à-dire à la valeur
de la solubilité. Mais, dans le système, se trouvent de très nombreux
cristaux formés à des moments différents, ayant donc des tailles très
différentes. Or, l’équation de Gibbs-Thomson [équation (17)] n’est
vérifiée que pour une seule taille de cristaux. Si r * est le rayon
critique du cristal, il faut que la concentration de la solution soit égale
à une concentration critique C*r telle que :
C*
2 Mγ 1
r
ln --------- = ---------------- --------Cs
ρRT r*
(57)
1
1
------ – ----r1 r
Si l’on appelle Z la distance de diffusion entre les cristaux
(figure 18) et A l’aire d’intersection des sphères de concentration
C r 1 et C r , la vitesse de transfert du soluté de la petite particule vers
la grande particule est :
A
dm
(60)
----------- = D ------- ( C r 1 – C r )
Z
dt
où D
est le coefficient de diffusion volumique.
Figure 17 – Évolution de la sursaturation
au cours d’une opération de cristallisation
= 8,314 J · mol–1 · K–1 constante molaire des gaz (si l’on
calcule par mole au lieu de calculer par molécule),
M/ρ (masse molaire/masse volumique) volume d’une mole
de cristal.
Cette équation peut s’écrire aussi, si r * n’est pas trop petit :
avec
R
2 Mγ
C*r = C s 1 + -----------------------ρRTr*
(58)
ce qui est une autre manière de montrer que la solubilité d’un cristal
de taille r * est supérieure à la solubilité d’un cristal de taille infinie.
En effet, la valeur C s de la solubilité que l’on mesure doit toujours
correspondre à un équilibre entre une solution et des cristaux de
très grande taille. Dans la pratique, on peut considérer que des
cristaux de 0,1 à 1 mm ont une taille infinie. Pour la particule de rayon
r *, il y aura donc une concentration Cr * > C s pour laquelle cette
particule est stable. Une particule de rayon r > r * va croître puisque,
pour elle, la solution est sursaturée. Inversement, si r < r *, la
particule va se dissoudre puisqu’elle aurait besoin d’une solution de
concentration C r C r * pour être stable ou grossir. Il y a donc une
sursolubilité des petits cristaux dans une solution qui est globalement à l’équilibre de concentration C s . Dans une même solution,
les plus petits cristaux sont condamnés à se dissoudre. Le soluté
J 1 500 − 16
(59)
Figure 18 – Représentation schématique de deux cristaux
de taille différente en cours de mûrissement d’Ostwald
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Après substitution de la masse m par le rayon r, on obtient la
vitesse de croissance de la grande particule :
D M γ Cs 1 A
dr
- -------- ------------- = -------------------------dt
2π σ 2 RT r 2 Z
1
1
------ – ----r1 r
(61)
Il s’agit d’une vitesse de croissance exacte. Mais le problème est
autrement compliqué si l’on considère un cristallisoir où se trouvent
de très nombreux cristaux : il y a alors quasiment une infinité de
valeurs A, Z, r et C qui sont, de plus, en évolution permanente.
Pour décrire ce qui se passe dans un tel cristallisoir, on va comparer
l’évolution du rayon critique r * qui satisfait l’équation (57) avec les
rayons r 1 , r 2 ,..., r 3 des cristaux qui se sont formés aux temps t 1 ,
t 2 , et t 3 de la figure 17. Lorsque la sursaturation augmente, le rayon
critique r * diminue (figure 19) comme l’impose l’équation (17) de
Gibbs-Thomson. À t 1 se forme une particule de rayon r 1 qui va
croître. Entre t 1 et t 2 la sursaturation augmente encore et de
nouvelles particules, dont l’une de rayon r 2 , apparaissent et
croissent. Mais dès que l’on a t > t 2 , r * augmente très vite car β
diminue et la dernière particule formée en t 3 ne va pouvoir
augmenter son rayon r 3 que de très peu car très vite on a : r * = r 3 .
Pendant un instant, la particule va être stable, puis comme r * va
dépasser r 3 (car les autres cristaux croissent et diminuent la sursaturation), la particule devient de taille sous-critique et se dissout.
Il en va ainsi successivement de toutes les particules et, à la fin du
mûrissement, il ne subsiste qu’une seule particule qui a récupéré
toute la masse précipitable : il s’agit de la particule de rayon initial
r 1 qui s’est formée la première et qui a toujours été un peu plus
grosse que toutes les autres.
Si l’on considère à présent la cinétique du mûrissement dans un
cristallisoir, il est nécessaire d’introduire un grand nombre d’hypothèses [22] [23] pour résoudre les équations du type (61). On va
supposer, par exemple, que les halos de concentration de soluté
autour des cristaux (figure 18) gardent une symétrie sphérique.
Comme il est très difficile de connaître à tout instant la valeur de
r *, on fera aussi l’hypothèse r* = r (rayon moyen des particules).
A
πr 2
Avec d’autres approximations sur A, Z, telles que ------ = ----------- etc.,
r
Z
il devient possible de résoudre les équations cinétiques. En ne
considérant que le cas particulier de la particule qui évolue le plus
vite, celle dont le rayon est r = 2 r , on a :
D M γ Cs 1
dr
- ---------------- = -----------------------dt
2ρ 2 R T r 2
(62)
3D M γ C s
- (t – t 0)
( r ) 3 – ( r 0 ) 3 = ---------------------------2 ρ2 R T
(63)
soit après intégration :
Comme r 0 , rayon au temps t 0 du mûrissement, est assez négligeable, on conclut que le rayon du cristal varie selon la racine
cubique du temps de mûrissement.
On peut illustrer cela à l’aide d’un exemple en prenant des
valeurs habituelles pour les paramètres de l’équation (63) :
D = 1 × 10–10 m2 · s–1, M = 0,2 kg ; γ = 0,01 J · m–2 ; Cs = 200 kg · m–3 ;
ρ = 1,5 × 103 kg · m–3 ; T = 298 K et R = 8,314 J · mol –1 · K –1
Dans ces conditions, l’équation (63) s’écrit :
( r ) 3 – ( r 0 ) 3 = 5,36 × 10 –21 ( t – t 0 )
(64)
Si r 0 vaut 10 –8 m, après 10 s de mûrissement, r est égal à
3,7 × 10 –7 m et il vaut :
1,6 × 10–6 m
7,7 × 10–6 m
2,4 × 10–5 m
5,5 × 10–5 m
à
à
à
à
15 min ;
24 h ;
30 jours ;
1 an.
Figure 19 – Évolution du rayon critique r * en fonction du temps,
dans une solution où la sursaturation passe par un maximum
Le rayon du cristal est multiplié par 21 entre 10 s et un jour, puis
seulement par 7 entre un jour et un an. Le mûrissement concerne
donc essentiellement les petits cristaux.
Tout ce qui vient d’être décrit se passe de façon parfaitement isotherme , mais la cinétique du processus peut être grandement
accélérée par variation de la température. Cela se conçoit bien
puisque l’augmentation de température va accélérer la dissolution,
et en particulier celle des fines. La descente en température va
accélérer la croissance. Amplitude et fréquence des fluctuations de
température sont des cas d’espèce, fonction essentiellement de la
solubilité de la substance. Bien sûr, comme pour la nucléation et la
croissance, la cinétique du mûrissement va aussi dépendre des
impuretés du milieu, de la température, de l’agitation, etc.
5. Conclusion
La cristallisation est une opération unitaire de génie chimique
complexe qui met en jeu un certain nombre de mécanismes et de
processus élémentaires à l’échelle atomique. Il ne faudrait pas croire
cependant que les différentes étapes de la cristallisation soient
entièrement déconnectées les unes des autres. La nucléation, ou
germination, se poursuit tant que la sursaturation se maintient à un
niveau suffisant. Pendant ce temps, les cristaux croissent, ce qui
contribue à diminuer la sursaturation. Il peut en résulter des changements de phases et des transformations polymorphiques bien avant
que la solution ne soit entièrement revenue à l’équilibre. À ce dernier
stade, le système peut encore évoluer par mûrissement, processus
qui aboutit à une diminution considérable du nombre de cristaux
par dissolution des plus petits et croissance des plus gros. Le
mûrissement est donc essentiellement différent de l’agglomération
où le nombre de cristaux ne diminue qu’en apparence, du fait qu’ils
se rassemblent en entités de plusieurs individus.
Au cours de la formation et du développement des cristaux, ceux-ci
changent non seulement de taille mais aussi de forme et d’aspect
extérieur. Par rapport à la morphologie théorique que l’on peut
déduire de la structure cristalline, il y a des variations induites par
le milieu de croissance et en particulier par la sursaturation. Ce sont
les changements de faciès dont on tire avantage pour améliorer la
qualité du produit fini. Les différents moyens dont on dispose pour
les obtenir sont décrits dans l’article Cristallisation industrielle :
aspects pratiques [J 2 788] du présent traité. Signalons simplement
ici qu’une sursaturation élevée a presque toujours pour effet
d’exacerber l’influence de la structure cristalline. Si celle-ci a
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 17
CRISTALLISATION ______________________________________________________________________________________________________________________
tendance à imposer un faciès en plaquettes ou en aiguilles, une
cinétique rapide de croissance à sursaturation élevée, va rendre ces
plaquettes encore plus minces et ces aiguilles encore plus fines et
allongées. Il convient de rappeler aussi qu’un cristal est en principe
un édifice parfait qui se forme selon des règles précises. Chaque
cristal possède un certain degré de symétrie et il est limité par des
faces planes dont la nature et la structure superficielle peuvent être
très différentes. La réactivité de ces faces par rapport au milieu
extérieur, leur affinité pour certaines molécules de solvant ou
d’impureté conditionnent pour une large part les cinétiques de
cristallisation et le faciès des cristaux.
La complexité de la cristallisation provient de la nature même du
processus qui implique la transformation d’une phase, désorganisée
et dispersée dans un solvant, en une phase solide bien organisée.
Un certain nombre de paramètres peuvent, sans toucher à l’organisation interne fondamentale du cristal, en affecter l’organisation
externe apparente de manière très importante. Dans les cas
défavorables, il en résulte à la sortie des cristallisoirs des problèmes
de filtrabilité, de séchage et de manipulation du produit sec obtenu.
Ces points sont développés dans l’article traitant des aspects
pratiques de la cristallisation.
Notations et Symboles
Notations et Symboles
La cristallisation est un changement de phase régi par des lois
thermodynamiques, des équilibres et des cinétiques. La description
que nous en avons faite ici inclut, d’une part, l’approche théorique
destinée au lecteur souhaitant approfondir ses connaissances et,
d’autre part, l’approche phénoménologique propre à l’ingénieur de
génie chimique. Cette dernière s’appuie sur la description globale
des phénomènes en simplifiant au maximum les équations, tout en
leur conservant un sens physique.
Il n’en reste pas moins vrai que la modélisation en cristallisation
n’est pas suffisamment élaborée pour remplacer entièrement
l’expérimentation car beaucoup de phénomènes sont tributaires des
processus d’interfaces, mal connus. La modélisation est par contre
suffisante pour jouer un rôle prédictif, orientateur des recherches.
Symbole
Unité
Définition de la grandeur
Symbole
Unité
Définition de la grandeur
a
a
mol/L
m
Rep
..................................
A
m2
C
C’
Ci
Cs
d
D
mol · m–3
mol/ kg
variable
variable
m
m2/s
r
Sc
Sh
Si
t
T
m
..................................
..................................
m2
s
K
DS
m2/s
Tc
Ts
V
K
K
m3
fi
f
G
..................................
..................................
m/s
v
m/s
h
I
j
m
mol/ kg
s–1
w
xS
X
Y
zi
Z
α
kg/ kg
m
mol/mol
m
..................................
m
J
kD
k
K
Kps
L
M˙
M
MT
m–3/s
m/s
1,38 × 10–23 J/K
variable
moln · L–3n
m
kg · m–2 · s–1
kg/mol
kg · m–3
β
γ
..................................
J · m–2
δ
ε
m
W/ kg
λ
ν
ρc
J/m
m2/s
kg · m–3
n
..................................
na
nc
N0
Na
..................................
..................................
molécules · m–3
tr/s
σ
ΦS
ΦV
∆C
∆G
..................................
..................................
..................................
variable
J/mol
P
R
..................................
8,314 J · mol –1 · K –1
Activité
Longueur d’une molécule
dans la lisière
Aire d’intersection des
sphères de concentration
Concentration
Concentration
Concentration à l’interface
Concentration à saturation
Épaisseur d’un germe
Coefficient de diffusion
moléculaire
Coefficient de diffusion
superficielle
Facteur d’activité de l’ion i
Facteur de forme
Vitesse de croissance
d’une face du cristal
Hauteur d’un gradin de cristal
Force ionique
Fréquence à laquelle
les germes critiques
deviennent surcritiques
Fréquence de nucléation
Coefficient de transfert global
Constante de Boltzmann
Coefficient cinétique
Produit de solubilité
Taille du cristal
Flux massique de transfert
Masse molaire
Concentration des cristaux
en suspension
Nombre de molécules
dans un germe
Nombre d’agglomérats
Nombre de cristaux
Solubilité
Vitesse de rotation
de l’agitateur
Paramètre d’agglomération
Constante molaire des gaz
∆µ
J/mol
Nombre de Reynolds
des particules
Rayon d’un germe
Nombre de Schmidt
Nombre de Sherwood
Aire de la face i du cristal
Temps
Température
thermodynamique
Température de cristallisation
Température d’équilibre
Volume d’une molécule
dans un germe
Vitesse de croissance
d’un germe
Titre ou fraction massique
Libre parcours moyen
Titre ou fraction molaire
Équidistance entre gradins
Nombre de charge de l’ion i
Distance de diffusion
Angle de contact du germe
et du substrat
Sursaturation
Énergie libre de surface
(ou interfaciale)
Épaisseur de la couche limite
Énergie transmise
par l’agitateur
Énergie de lisière
Viscosité cinématique
Masse volumique
des cristaux
Sursaturation
Facteur de forme de surface
Facteur de forme de volume
Sursaturation
Énergie libre d’activation
de germination
Différence des potentiels
chimiques dans les phases
sursaturée et saturée
J 1 500 − 18
o
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
_____________________________________________________________________________________________________________________ CRISTALLISATION
Indices
a
c
f
i
s
s
S
V
agitateur
cristallisation
final
initial
solide
saturation ou solubilité
de surface
de volume
Exposant
*
critique
Références bibliographiques
[1]
[2]
[3]
[4]
[5]
[6]
[7]
[8]
[9]
ZETTLEMOYER (A.C.). – Nucleation (Nucléation). 606 p., 50 fig., bibl. (500 réf.), New York,
Marcel Dekker (1969) (* ▲).
LECI (C.L.), GARTI (N.) et SARIG (S.). – The maximum attainable undercooling and solubility in
solutions of 1,4-di-t-butylbenzene (Sursaturation maximale et solubilité de solutions de
1,4-di-t-butylbenzène). J. Crystal Growth (NL)
no 51, p. 85-8, 1 tabl., 2 fig., bibl. (3 réf.) (1981)
(* ▲).
NAONO (H.). – The effect of triphosphate on
the crystallization of strontium sulfate (Effet du
tripolyphosphate sur la cristallisation du
sulfate de strontium). Bull. Chem. Soc. Japan
no 40, p. 1 104-109 fig., bibl. (16 réf.) (1967)
(* ▲).
DUGUA (J.) et SIMON (B.). – Crystallization of
sodium perborate from aqueous solutions
(Cristallisation du perborate de sodium en
solution aqueuse). J. Crystal Growth (NL)
no 44, p. 265-79, 13 fig., bibl. (14 réf.) (1978)
(* ●).
HONIGMANN (B.) et HORN (D.). – α-β transformation of copper phtalocyanine in organic
suspensions (Transformation α-β de la phtalocyanine de cuivre dans des suspensions organiques). Dans : SMITH (A. L.). – Particle
growth in suspensions. P. 283-94, 8 fig., bibl.
(16 réf.) New York, Academic Press. (1973)
(* ●).
MULLIN (J.W.) et ZACEK (S.). – The precipitation of potassium aluminium sulfate from
aqueous solutions (La précipitation de l’alun
de potassium en solution aqueuse). J. Crystal
Growth (NL) no 53, p. 515-8, 4 fig., bibl. (5 réf.)
(1981) (* ● ▲).
DE JONG (E.J.). – The one or the other (L’un ou
l’autre). Dans : JANCIC (S.J.) et DE JONG (E. J.).
– Proceedings 9th Symposium on Industrial
Crystallization. Den Hague, p. 177-84, 14 fig.,
bibl. (6 réf) Amsterdam Elsevier sept. 25-28
1984 (* ❑).
BENNEMA (P.) et GILMER (G.H.). – Kinetics of
crystal growth (Cinétiques de croissance).
Dans HARTMAN (P.). – Crystal growth ; an
introduction. p. 263-327, 21 fig., bibl. (65 réf)
Amsterdam, Elservier (1973) (*).
BOISTELLE (R.). – Crystal growth from non
aqueous solutions (Croissance des cristaux
en solutions non aqueuses). Dans :
MUTAFTSCHIEV (B.). – Interfacial aspects of
phase transformations. p. 531-57, bibl.
(64 réf.) Dordrecht, D. Reidel Publishing Co.
(1982) (*).
[10]
[11]
[12]
[13]
[14]
[15]
[16]
[17]
[18]
OHARA (M.) et REID (R.C.). – Modeling crystal
growth rates from solution (Modélisation des
cinétiques de croissance des cristaux en solution). Vol. 1, 272 p., 30 fig., bibl. (50 réf.)
Prentice Hall, Englewood Cliffs (1973) (*).
BURTON (W.K.), CABRERA (N.) et FRANK (F.C.).
– The growth of crystals and the equilibrium
structure of their surfaces (La croissance des
cristaux et la structure d’équilibre de leurs
surfaces). Phil Trans. Roy. Soc. n o 243,
p. 299-358, 30 fig., bibl. (33 réf.) Londres (1951)
(*).
GILMER (G.H.), GHEZ (R.) et CABRERA (N.). –
An analysis of combined surface and volume
diffusion processes in crystal growth (Analyse
des processus combinés de diffusion volumique et de surface dans la croissance des
cristaux). J. Crystal Growth (NL) no 8, p. 79-93,
6 fig., bibl. (32 réf.) (1971) (*).
BOISTELLE (R.). – Defect structures and
growth mechanisms of long chain normal
alkanes (Défauts de structure et mécanisme de
croissance des alcanes normaux à longues
chaînes). Dans : KALDIS (E.). – Current Topics
in Materials Sciences. Vol. n o 4, chap. 8,
p. 413-80, 43 fig., bibl. (101 réf.) Amsterdam
North Holland (1980) (* ●).
PARKER (R.L.). – Crystal growth mechanisms :
Energetics, kinetics and transport
(Mécanismes de croissance des cristaux :
énergies, cinétiques, transport). Dans : Solid
state physics. P. 151-299, 45 fig., bibl. (219 réf.),
New York Academic Press (1970) (*).
DAVEY (R.J.). – The effect of impurity adsorption on the kinetics of crystal growth from
solution (Effet de l’adsorption des impuretés
sur les cinétiques de croissance des cristaux
en solution). J. Crystal Growth (NL) no 34,
p. 109-19, 7 fig., bibl. (25 réf.) (1976) (* ▲).
JANCIC (S.J.) et GROOTSCHOLTEN (P.A.M.). –
Industrial crystallization (Cristallisation industrielle) 434 p., 186 fig., bibl. (103 réf.) Delft
University Press Dordrecht D. Reidel
Publishing Co (1984) (* ▲ ❑ ❍).
NYVLT (J.), SÖHNEL (O.), MATUCHOVA (M.) et
BROUL (M.). – The kinetics of industrial
crystallization (Les cinétiques en cristallisation
industrielle). 350 p., 100 fig., bibl. (600 réf.),
Amsterdam, Elsevier (1985) (* ▲).
GARSIDE (J.). – Industrial crystallization from
solution (Cristallisation industrielle à partir de
solutions). Chem. Eng. Sci. (USA), no 40(1),
p. 3-26, bibl. (238 réf.) (1985) (*).
[19]
[20]
[21]
[22]
[23]
[24]
FRANCK (R.), DAVID (R.), VILLERMAUX (J.) et
KLEIN (J.P.). – Crystallization and precipitation
engineering : A chemical reaction engineering
approach of salicylic acid precipitation ;
modelling of batch kinetics and application to
continuous operation. (Génie de la cristallisation et de la précipitation : approche du génie
chimique de la réaction de précipitation de
l’acide salicylique ; modélisation de cinétiques
en réacteur fermé et application à l’opération
continue). Chem. Eng. Sci. (USA), no 43(1),
p. 69-77, 10 fig., bibl. (13 réf.) (1988) (* ●).
Van ROSMALEN (G.M.). – The roles of
additives and impurities in the crystallization
of gypsum (Les rôles des additifs et des impuretés lors de la cristallisation du gypse). Dans :
JANCIC (S.J.) et DE JONG (E.J.). – Proceedings
9th Symposium on Industrial Crystallization,
Den Haag, p. 61-6, bibl. (4 réf.) Amsterdam,
Elsevier sept. 25-28 1984 (* ▲).
BUDZ (J.), JONES (A.G.) et MULLIN (J.W.). –
Agglomeration of potassium sulfate in an
MSMPR crystallizer. (Agglomération de
sulfate de potassium en cristallisoir MSMPR).
AlChE Symposium Series, no 253, vol. 83,
p. 78-84, bibl. (18 réf.) (1987) (* ●).
GREENWOOD (G.W.). – The growth of disperse precipitates in solution (La croissance
des précipités dispersés en solution). Acta
Met. (USA), no 4, p. 243-85, fig., bibl. (13 réf.)
(1956) (*).
KAHLWEIT (M.). – Ostwald ripening of precipitates (Mûrissement d’Ostwald des précipités).
Advances in Colloid and Interface Sciences
(NL), no 5, p. 1-35, 17 fig., bibl. (11 réf.) (1975)
(*).
HOHMANN (H.H.) et KAHLWEIT (M.). – Ostwald
ripening of crystalline precipitates in aqueous
solutions at constant temperature and periodic
temperature changes (Mûrissement d’Ostwald
de précipités cristallins en solution aqueuse, à
température constante et avec fluctuations
périodiques de température). Ber. Buns. Gesell.
no 76, p. 933-88, fig., bibl. (9 réf.) (1972) (* ▲).
* étude théorique de la question
● comporte des résultats d’essais de laboratoire
▲ comporte des résultats pratiques ou industriels
❍ étude technologique de la question
❑ description d’appareillages ou d’installations
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés
J 1 500 − 19