Full-text PDF - Cardiologie access

Download Report

Transcript Full-text PDF - Cardiologie access

SÉRIE INHIBITION PLAQUETTAIRE ET SCA
Le prétraitement dans
le syndrome coronaire aigu
J.-Ph. Collet, A. Bellemain-Appaix2, M. Kerneis1, J. Silvain1, G. Montalescot1
Institut de cardiologie, INSERM U 1166, Groupe A.C.T.I.O.N., Groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Service de cardiologie, Hôpital La Fontonne, Antibes
[email protected]
1
2
L
e prétraitement fait référence à l’administration de traitements antithrombotiques alors que l’anatomie coronaire
n’est pas encore connue. Il diffère en fonction du type de syndrome coronaire aigu
(SCA) et de la nature des traitements antithrombotiques.
Dans le SCA ST+
La certitude diagnostique est immédiate car
le diagnostic est clinique. Le prétraitement
est recommandé dès que le choix de l’angioplastie primaire comme traitement de reperfusion est fait.
administrés dès le premier contact médical
en attendant l’étude ATLANTIC qui teste le
prétraitement par ticagrelor dans le STEMI
(ESC 2014 à Barcelone).
Les inhibiteurs de la GPIIb/IIIa
Il s’agit d’une option choisie au cas par cas
(IIb) et réservée aux infarctus étendus
(5 dérivations avec sus-décalage du ST) avec
une présentation précoce (inférieure à
3 heures) chez des patients de moins de
75 ans et sans risque hémorragique [2].
Les anticoagulants
Il existe trois options possibles.
Les traitements antiplaquettaires
L’aspirine
L’aspirine doit être administrée dès le premier
contact médical par voie intraveineuse ou
orale à une dose allant de 80 à 250 mg (IC).
Les inhibiteurs du récepteur P2Y12
Ils doivent être administrés dès le premier
contact médical (IA).
Pour le clopidogrel : les données sont en
faveur du prétraitement avec une dose de
600 mg ou plus avec une réduction de la
mortalité sans augmentation du risque
hémorragique [1].
Le prasugrel (60 mg) ou le ticagrelor
(180 mg) doivent rester le premier choix et
32
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La bivalirudine : son intérêt a été revisité
dans deux essais randomisés versus une
anticoagulation au choix (EUROMAX) [3]
ou l’HNF (HEAT-PPCI). L’administration
pré-hospitalière était systématique dans
EUROMAX (n = 2 218) et dès le premier
contact hospitalier dans HEAT-PPCI (n = 1 829)
(soit 60 minutes avant le passage du
guide). Les anti-GPIIb/IIIa ont été utilisés
chez 70 % du bras contrôle dans EUROMAX
et dans 10 % dans HEAT-PPCI (uniquement
en sauvetage et dans les deux groupes)
mais toujours laissés à la discrétion des
investigateurs. La voie radiale et les
nouveaux anti-P2Y12 étaient largement
utilisés (50 % ou plus). Ces deux études ne
retrouvent aucun bénéfice sur la mortalité
et un excès très significatif de thrombose
AMC pratique „ n°228 „ mai 2014
J.-Ph. Collet, A. Bellemain-Appaix, M. Kerneis, J. Silvain, G. Montalescot
de stent dans le groupe bivalirudine. Moins
d’hémorragies majeures ont été observées
dans EUROMAX (2,7 % vs 6,1 %, p < 0,001)
alors que dans HEAT-PPCI, davantage de
complications hémorragiques majeures était
observées avec la bivalirudine (3,5 % vs
3,1 %, p = 0,59).
L’enoxaparine a été testée versus l’HNF chez
des patients naïfs dans l’étude ATOLL où la
randomisation a été pré-hospitalière chez 1/3
des patients [4, 5]. L’analyse per-protocole
montre un avantage de l’enoxaparine
versus l’HNF sur la mortalité, les événements
ischémiques et les hémorragies majeures.
L’HNF reste le gold standard.
En résumé
Le prétraitement dans le STEMI doit être la
règle avec l’administration systématique dès
le premier contact médical d’une dose de
charge d’aspirine, d’un inhibiteur du P2Y12
(prasugrel ou ticagrelor en l’absence de
contrindication) et d’une anticoagulation
(enoxaparine comme premier choix ou l’HNF).
Dans le SCA sans sus-décalage
du ST (SCA ST-)
La certitude diagnostique lors du premier
contact médical est beaucoup moins élevée.
Seul un patient sur deux admis pour suspicion de SCA ST- sera revascularisé, 9 fois sur
10 par angioplastie et 1 fois sur 10 par
pontage. Le diagnostic de maladie coronaire
sera éliminé chez presqu’un tiers des
patients. Un prétraitement avec un anticoagulant administré par voie sous-cutanée ou
parentérale associé à de l’aspirine reste le
socle de la prise en charge.
Les anti-GPIIb/IIIa
Ils doivent être proscrits comme prétraitements car ils augmentent le risque hémorragique majeur sans aucun bénéfice et ont
été évalués avec des délais de cathétérisme longs (48 heures ou plus) qui ne
AMC pratique „ n°228 „ mai 2014
SÉRIE INHIBITION PLAQUETTAIRE ET SCA
correspondent pas à la pratique contemporaine [6].
Avec les inhibiteurs oraux du P2Y12
Les recommandations préconisent leur utilisation dès que possible (IA). Mais les données
récentes remettent en cause cette pratique.
• Avec le clopidogrel, il existe une réduction
significative des événements cardiovasculaires (OR 0,78, 95 % CI 0,6-0,91, p = 0,002)
essentiellement liée à la réduction d’infarctus du myocarde et une tendance pour une
augmentation des événements hémorragiques majeurs (OR 1,28, 95 % CI 0,98-1,67,
p = 0,07) [1].
• Avec le prasugrel, l’étude ACCOAST a
démontré une augmentation significative
des hémorragies majeures dans le groupe
prétraité (HR 1,90, 95 % CI 1,19-3,02,
p = 0,006) sans aucun bénéfice clinique
(HR avec prétraitement, 1,02, 95 % CI 0,841,25, p = 0,81) [7]. De façon importante, ces
résultats sont retrouvés identiques dans le
sous-groupe pré-spécifié des patients traités par angioplastie (soit 69 % de la population totale). En particulier, les patients
ayant une anatomie coronaire complexe
avec notamment un thrombus intra-coronaire n’ont tiré aucun bénéfice du prétraitement avec un risque hémorragique
majeur triplé.
• Aucune donnée n’existe avec le ticagrelor
dans la mesure où tous les patients sont
prétraités dans l’étude PLATO.
En résumé
• Le prétraitement par les inhibiteurs du
P2Y12 dans le SCA ST- à risque et relevant
d’une prise en charge invasive précoce n’apporte aucun bénéfice. Attendre l’angiographie coronaire permet de mieux stratifier
le risque de ces patients qui seront traités
par bithérapie après stenting sans prendre
de risque ischémique tout en évitant un
risque hémorragique accru.
• Lorsque la prise en charge de ces patients
est différée, le prétraitement se discute en
sachant qu’avec le clopidogrel, le risque
d’infarctus avant l’angioplastie sera exactement compensé par le risque hémorragique majeur.
33
SÉRIE INHIBITION PLAQUETTAIRE ET SCA
Le prétraitement dans le syndrome coronaire aigu
• Le rapport bénéfice/risque du prétraitement avant l’angiographie coronaire avec
le ticagrelor est inconnu. Le principe de
précaution pourrait s’appliquer compte
tenu d’un profil pharmacodynamique
superposable à celui du prasugrel.
Conflits d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas
avoir de conflit d’intérêt en relation avec cet
article.
Cet article a été réalisé avec le soutien institutionnel d‘Astra Zeneca.
Références
[1] Bellemain-Appaix A, O’Connor SA, Silvain J, et al.
Association of clopidogrel pretreatment with mortality, cardiovascular events, and major bleeding among
patients undergoing percutaneous coronary intervention:
A systematic review and meta-analysis. JAMA J Am Med
Assoc 2012;308:2507-16.
34
[2] Van’t Hof AWJ, Ten Berg J, Heestermans T, et al. Prehospital
initiation of tirofiban in patients with ST-elevation myocardial
infarction undergoing primary angioplasty (On-TIME 2): a
multicentre, double-blind, randomised controlled trial. Lancet
2008;372:537-46.
[3] Steg PG, van ’t Hof A, Hamm CW, et al. Bivalirudin started
during emergency transport for primary PCI. N Engl J Med
2013;369:2207-17.
[4] Collet JP, Huber K, Cohen M, et al. A direct comparison of
intravenous enoxaparin with unfractionated heparin in primary percutaneous coronary intervention (from the ATOLL
Trial). Am J Cardiol 2013;112-1367-72.
[5] Montalescot G, Zeymer U, Silvain J, et al. Intravenous
Enoxaparin or unfractionated heparin in primary percutaneous coronary intervention for ST-elevation myocardial infarction. Lancet 2011;378:693-703.
[6] Giugliano RP, White JA, Bode C, et al. Early versus delayed,
provisional eptifibatide in acute coronary syndromes. N Engl
J Med 2009;360:2176-90.
[7] Montalescot G, Bolognese L, Dudek D, et al. Pretreatment
with prasugrel in non-ST-segment elevation acute coronary
syndromes. N Engl J Med 2013;369:999-1010.
AMC pratique „ n°228 „ mai 2014