édito - France

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Transcript édito - France

rance
le lien précieux entre
tous les arméniens
Arménie
Créé en avril 1982
FONDATEURS:
Mihran Amtablian
Kévork Képénékian
Jules Mardirossian
Vahé Muradian
EDITION FRANCE ARMÉNIE:
17 Place de la Ferrandière
69003 – Lyon
Tél: 04 72 33 24 77
Fax: 04 72 34 59 05
Courriel: [email protected]
Site web: www.france-armenie.fr
DIRECTRICE DE LA PUBLICATION:
Mariette Gharapetian
COLLABORATEURS de ce NUMÉRO:
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Zmrouthe Aubozian
Ara Babanian
Saténig Batwagan-Toufanian
Ciftci Behcet
Meryl Curtat
Bérénice Delaye Aubozian
Krikor Djirdjirian
Florence Gopikian-Yérémian
Cécile Janicot
Sylvie Hanédanian
Bédros Hayrabédian
Houno TM
Jean-Noël Kouyoumdjian
Vilma Kouyoumdjian
Le Priol Mélinée
Varoujan Mardikian
Edouard Mardirossian
Jules Mardirossian
Chant Marjanian
Serge Obozian
Edouard Pehlivanian
Anna Spano Kirkorian
Krikor Tavitian
Anahide, Aram et
Vahé Ter Minassian
Tigrane Yégavian
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
INFOGRAPHISTE:
Véronique Sanchez-Chakérian
CONCEPTION GRAPHIQUE:
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RESPONSABLES RÉGIONAUX:
Paris: Varoujan Mardikian
Lyon: Zmrouthe Aubozian
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édito
Par Varoujan Mardikian
Grandeur et vicissitudes
de l'engagement
Il l’a fait, pour aller au bout de son engagement.
En réalisant The Cut, le cinéaste allemand
d’origine turque Fatih Akin n’a pas seulement
légué à l’Histoire le premier film d’un réalisateur turc ou d’ascendance turque sur le Génocide des Arméniens ; il a clairement inscrit cette
création cinématographique dans une démarche
qui associe, à l’aube de 2015, rédemption personnelle et ouverture en direction de la société
civile turque. L’aventure, pourtant, ne s’est pas
résumée – loin s’en faut – à une petite « promenade de santé », comme il le confie à France
Arménie. Lui qui voulait, au départ, faire un
long-métrage sur Hrant Dink, n’a trouvé aucun
acteur turc qui accepte d’incarner le rôle ; il a
reçu les menaces de mort que les milieux ultranationalistes ne manquent pas de proférer dès
que la ligne rouge est franchie sur les « événements de 1915 » ; à Deir Ez-Zor, enfin, où
il s’est imprégné du calvaire des déportés du
désert, il a attrapé la dysenterie !
Mais le désir profond qui animait Fatih Akin a
fini par vaincre tous les obstacles dressés sur ce
parcours semé d’embûches. Il raconte, dans un
cheminement personnel exemplaire, qu’il a fait
“ [sa] propre éducation ” sur le Génocide arménien, s’est documenté pendant des années avec
une assiduité quasi-ascétique et s’est rendu au
mémorial de Dzidzernagapert, en Arménie,
pour “ apaiser [sa] conscience et assumer [ses]
responsabilités face à [ses] enfants ”. Et face à
tous les citoyens de Turquie, sans doute ! Car
Fatih Akin ne s’en cache pas : la “ vraie victoire ”, au-delà de la reconnaissance officielle
qu’il exige d’Ankara, serait de “ parvenir à
atteindre la conscience collective des hommes
de la rue ”.
L’homme de la rue, et par extension la société
civile, c’est précisément l’interlocuteur
qu’Etyen Mahçupyan, le nouveau conseiller en chef du Premier ministre turc Ahmet
Davutoglu, demande aux Arméniens de cibler,
plutôt que l’Etat turc, dans la perspective de
2015. Vouloir mettre la Turquie à genoux ne
servira à rien d’autre qu’à entretenir une certaine forme d’activisme ; mieux vaut préparer
la société civile à affronter son Histoire, dit-il
en substance à France Arménie. On sait donc à
quoi s’en tenir, même s’il ne faut pas exclure, à
l’occasion du Centenaire, une nouvelle mise en
scène s’inscrivant dans le droit fil des « condoléances » présentées aux Arméniens le 23 avril
dernier.
Alors, comment accueillir cette nomination ?
Pour la première fois dans l’Histoire de la
République turque, un intellectuel arménien de
renom occupe un poste à haute responsabilité.
A l’époque kémaliste, un Arménien n’avait pas
l’ombre d’une chance d’accéder à un tel rang.
Aujourd’hui, sous l’ère islamiste, l’impossible
se réalise… mais pour produire un résultat probablement identique, à un epsilon près donnant
l’apparence d’un progrès, du point de vue des
Arméniens et des minorités en général.
Engagé de longue date auprès de l’AKP, Etyen
Mahçupyan sera vraisemblablement chargé de
« vendre » à l’opinion publique turque la politique du gouvernement sur les dossiers épineux
des minorités et de 2015. Cela signifie que sa
marge de manœuvre sera (quasi) nulle. Car
comment faire bouger les lignes dans cette
Turquie incapable, depuis des années, de substituer à la Constitution héritée du coup d’Etat
militaire de 1980, qui proclame la suprématie
de la “ race turque ”, une Loi fondamentale faisant souffler une légère « brise » démocratique
sur un pays dépourvu de tradition en matière
de dialogue ! Dans ce contexte, reste à savoir
ce qu’Etyen Mahçupyan va faire de son statut
d’intellectuel, a priori incompatible avec cette
nouvelle donne…
A l’orée de 2015, l’actualité nous invite à croiser deux engagements (celui de Fatih Akin et
d’Etyen Mahçupyan) dont la collision délivre
un parfum aux senteurs paradoxales. Et c'est
notre sensibilité arménienne qui nous donne la
chance de les humer.
France Arménie / décembre 2014
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