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Quelques spécificités de
la professionnalisation
aux métiers de la
relation
Richard Wittorski / PU Sciences de l’éducation / Cnam
- Quelques préalables concernant
l’orientation de mes travaux
-Comprendre les rapports travail-formation et la professionnalisation dans des
secteurs variés AVEC UNE ENTREE DOUBLE :
-le fonctionnement des dispositifs (socio-analyse du travail et de la
formation, grille des voies)
-les effets identitaires des pratiques nouvelles initiées par les individus
-Articuler 3 mots du lexique social: compétence, identité et professionnalisation,
-Idée qu’il y a un “débat” entre environnements (socio-économiques et ses
enjeux de changement) organisations (projet de professionnalisation pour
autrui), groupes (professionnels) et individus (projet de développement
professionnel pour soi, trajectoire à temporalité longue).
-L’utilité de références multi-disciplinaires quand on travaille des objets qui
mobilisent différents niveaux (organisation, collectif, individus) et qui sont
d’abord des concepts sociaux. Les croiser permet de comprendre:
-les raisons sociales d’apparition de ces concepts (sociologie...)
-les pratiques de mise en oeuvre de ces concepts (analyse du travail...)
-les effets produits par ces pratiques...
-Proposer une grille de compréhension (parmi d’autres) et une
définition de type “lecture des pratiques sociales”
-mes travaux abondent 2 champs théoriques: la sociologie de la
formation (avec la grille des voies) et la psychosociologie de
l’identité professionnelle
-Adopter une posture théorique interactionniste (idée que la
professionnalisation est un débat entre des logiques
contradictoires) et une posture épistémologique constructiviste
(idée double que les individus, les collectifs et les organisations
se construisent mutuellement dans ce débat et que les mots
étudiés (professionnalisation, compétence...) sont des construits
sociaux). La recherche consiste moins à produire des définitions
sociales de plus qu’à proposer des définitions scientifiques
rendant intelligibles les pratiques sociales (la recherche est un
construit social qui rend compréhensible d’autres construits
sociaux)
- Les enjeux sociaux qui entourent la
professionnalisation
 une intention sociale (de développement des cptces) :
-ANI de 2003, loi de 2004 “formation tout au long de la
vie”, période et contrat de profession nalisation) et en
Europe (processus de Bologne,..)
-mutations socio-économiques (flexibilité et recherche
d’adaptabilité des individus mais aussi d’une
sécurisation des parcours...)
-des métiers en évolution (polyvalence fonctionnelle des
secrétaires) ou en émergence (médiation sociale,
services à la personne) avec un débat entre
militantisme et professionnalisation...
 vient du mot profession (connotation positive: organisation
autonome en groupe et associations professionnelles, formalisation de
l’activité et obtention d’autorisation d’exercer, reconnaissance de statuts,
universitarisation des savoirs et formation longue...),
 ce mot est polysémique (consensus lexical mais dissensus
sémantique):
-1er sens (groupes sociaux): professionnalisation-profession,
“fabrication d'une profession” et du groupe professionnel (entre “bonne
forme” du fonctionnalisme (Parsons), “lutte sociale” de l’interactionnisme (Hugues) et des approches
politiques (Maroy,..))
-2ème sens (organismes de formation) : professionnalisationformation, “fabrication d’un professionnel”, développement des
compétences des individus.
2 conceptions:
-”adéquationniste” (en lien avec le sens 1, ex des médecins):
1 formation pour 1 emploi, compétences spécifiques;
-”transversaliste” (en lien avec sens 3 et projet de
flexibilité): 1 formation pour plusieurs emplois; orientation
européenne, compétences transversales et transférables
-3ème sens (entreprises privées ou publiques, ministères publics sous
l’effet du NPM) (en lien avec le mot compétence, à partir 1970-1980):
professionnalisation- efficacité du travail:
-recherche de « flexibilisation » des personnes, développement d’”approches
(référentiel) métier” (en lien GPEC, métier comme “spectre
large”
avec
compétences transversales et transférables facilitant, flexibilité et mobilité)
-introduction de standards de mesure de performance en termes de résultats (NPM)
-reconfiguration des situations habituelles de travail et de la prescription notamment
sous la pression de normes
évaluatives nouvelles qui changent le travail
(Monchatre, restauration et hôtellerie: d’un “modèle militaire” à un “modèle
scolaire”))
Ex: la poste, professionnalisation entendue comme
“amélioration continue du service au client”, passe par :
-action sur le “travail”: réorganisation de l’accueil dans les agences (penser des
“espaces clients” où l’on vend à côté des timbres, des forfaits téléphoniques),
développement certification qualité
-action sur la “formation”: FEST (formations en situation de travail) des 320000
guichetiers (moniteurs-vendeurs formés pour intervenir auprès des
guichetiers dans les bureaux de poste à qui on propose des mises en situations
professionnelles répétées suivies de debriefings par l’encadrement...)
-4ème sens (organisations): professionnalisation-organisation,
au sens de la volonté de développer une approche commune/
partagée, au niveau de l’ensemble des personnels, du travail et
des objectifs de l’organisation (démarche sde type projet ou
culture d’entreprise,...)
-Le mot professionnalisation renvoie à 4 usages
sociaux/ catégories sociales:
-une catégorie politique et administrative (diffusée à travers les
politiques publiques dans un contexte de raréfaction de
l’emploi: objectif de développement de nouvelles activités)
-une catégorie culturelle ou identitaire (se professionnaliser
c’est acquérir de l’expérience)
-une catégorie pédagogique ou cognitive
-une catégorie gestionnaire ou managériale (exigences
adressées aux travailleurs, désigne ici moins l’emploi que le
résultat de l’activité)
-C’est un processus par définition inachevé et à temporalités
complexes (temps biographique des parcours individuels, temps
des dispositifs, temps incertain des politiques de GRH…).
-La signification de la professionnalisation n’est pas substantielle
mais le produit de rapports sociaux et de jeux d’acteurs car elle
engage des normativités hétérogènes et contradictoires (entre
les prescrptions du groupe professionnel, celles de
l’organisation….)
- Une proposition de définition… (2)
-Professionnalisation (dispositif proposé aux sujets) et développement
professionnel (dynamique des sujets) correspondent à l’articulation de :
1-une intention (côté organisation) de « mise en mouvement » des
sujets par:
-la prescription de compétences via des référentiels (traduisant
une
conception que se fait l’organisation du “bon
professionnel”. Ex des référentiels soins infirmiers,
enseignants, travailleurs sociaux...)
-la proposition de dispositifs spécifiques (de travail et/ou de
formation) permettant de les développer,
le tout constituant une offre de professionnalisation valant
offre/injonction identitaire. Identité “prescrite”
2-un processus de développement d’activités (côté individu ou groupe),
et donc d’expérience “en actes”, dans ces dispositifs assorti souvent
d’une demande, émanant des sujets, de reconnaissance par
l’organisation. Identité “agie et vécue”
3-et un processus de transaction (au sens de Dubar et de la double transaction) de
nature identitaire souvent à 3 (individu, groupe professionnel et
organisation) en vue de l’attribution de compétences à l’individu à
partir
des
résultats
de
l’activité
développée,
valant
attribution/reconnaissance de place dans les systèmes de travail.
Identité “reconnue/ attribuée” (tout dépend de: l’individu donne-til la légitimité de reconnaissance à l’organisation ou au groupe
professionnel ou...?)
-La “RECONNAISSANCE” attendue et effective est donc l’enjeu:
les “sources” de reconnaissance peuvent être variées (pairs,
public/clients, hiérarchie...)
-DONC:
-la professionnalisation comme “itinéraire”
(le chemin tracé par les institutions)
-le développement professionnel comme “trajectoire”
(l’incertitude des événements qui composent
trajectoire)
la
Quelques spécificités de la professionnalisation
aux métiers de l’humain
-Par différence avec les métiers industriels, les métiers de l'humain ont
affaire à des "objets" qui:
-ne présentent pas tous les mêmes caractéristiques (pas de
standardisation des objets comme dans les milieux industriels= des
objets non standardisés et non standardisables!),
-réagissent à ce que fait le professionnel et ne sont donc pas inertes ,
-interagissent avec le professionnel et l'interpellent, dans une logique
de codétermination. La situation de travail étant alors COCONSTRUITE!
-...
-Ces particularités des « objets humains » ont des incidences sur la
formation des professionnels. Cela conduit à des objectifs :
-d'ADAPTATION de l'activité professionnelle en fonction des spécificités
des "objets humains" rencontrés. Cela passe probablement par un
outillage "ouvert" en vue de diversifier les pratiques, par le
développement d'une posture réflexive pour tirer des leçons des
ajustements spontanés (d'où le modèle du praticien réflexif dans les
métiers de l'humain)
-le développement d'une REFLEXION ETHIQUE indispensable dès lors
que l'objet de travail est une personne
-un travail particulier sur la CONCEPTION que le professionnel se fait
du client, patient, élève, usager... (puisque cette représentation va
déterminer bien des pratiques), ses « habitudes interprétatives du vécu
d’autrui » (Thiévenaz, la façon dont il comprend le vécu de l’autre)
-un travail particulier sur le POSITIONNEMENT professionnel (ex des
inspecteurs du travail en section)
-...
-La formation à des métiers de l'humain passe alors par une
COMBINAISON de plusieurs voies de professionnalisation:
-privilégier la voie de l'alternance qui combine la voie de
l'apprentissage sur le tas (conduisant à des compétences
incorporées) et de la réflexivité par rapport à l'activité
(développement d'une expérience sue) et l'accompagnement
(favorisant le travail sur le positionnement professionnel)
-ET la nécessité de disposer de lieux d'échanges entre
professionnels permettant via des ressources en ligne et des
possibilités de forum d'accéder à des outils d'échange et de
décentration par rapport à ses pratiques (wiki…)
Quelques enjeux de professionnalisation
concernant les métiers de la formation des
adultes
-Quelques tendances d’évolution des métiers de la FA
(liées les unes aux autres):
-une diversification croissante des activités;
-des dispositifs plus partenariaux : logiques de coconstruction avec le commanditaire,
-des dispositifs davantage “sur mesure” et “flexibles”
(modularisation...) : vers l’ingénierie et le conseil,
-une demande d’articulation plus forte travail-formation :
entre orchestration de l’alternance, utilisation des
situations de travail à des fins de formation (FEST, FIT)...
Conduit à penser la dimension formative de l’activité (c’est
nouveau!)
Cette demande est liée aussi à une crise de confiance à l’égard
de la formation (à quoi ca sert? Donc valorisation de FEST)
-des dispositifs ouverts et à distance qui déplacent l’activité
traditionnelle du formateur. La révolution internet (forums
internes, communautés de pratiques virtuelles...)
-de nouvelles missions confiées à la formation: employabilité et
insertion, personnalisation de parcours...
-vers le développement d’une fonction d’architecte et de
gestionnaire de projet de FEST dans les grandes entreprises
(qui se substitue aux activités habituelles du formateur)
-une injonction de formalisation plus grande de l’ensemble de
l’activité du formateur: apparition de démarches qualité
(labels, certifications et normes)...
-...
Au final, des évolutions contrastées :
-dans un contexte de dépendance plus forte vis-à-vis
des politiques publiques et sociales nationales,
européennes et internationales,
-on constate à la fois :
-une industrialisation de la formation
(s’accompagnant d’un renforcement de la
division du travail) et
-le développement d’activités nouvelles de type
prise en compte de l’activité de travail, « pensée
en amont » (démarches de projet, conception..),
travail à plusieurs, accompagnement individuel,
évaluation de dispositifs,…
-Dès lors, 2 enjeux de professionnalisation
fortement articulés apparaissent:
1-un enjeu de « professionnalisation- formation » à ces
nouvelles activités :
-méthodologies d’analyse de l’activité d’autrui (besoins et
apprentissages) qui nécessite de se doter de théories de
l’activité (clinique de l’activité, didactique professionnelle,…),
-posture d’analyse de sa propre activité (« réflexivité »),
-démarches et postures d’accompagnement,…
-renforcement de la réflexion éthique (adultes en formation) et
déontologique (commanditaires et leurs enjeux: faut-il répondre à
toutes les commandes?),
-travail sur la conception que le formateur se fait de l’adulte
en formation,
-…
2-un enjeu de « professionnalisation-profession
catégorielle plutôt que générique » (pas 1 métier mais des métiers
différents selon les contextes et les publics (illétrisme, conseil en entreprise…) comme
les AS) =
-construire une identité collective fondée sur un minimum de repères
communs (concernant la conception de l’adulte en formation, une
approche d’ingénierie de formation commune,…) pour que chaque
formateur puisse penser sa pratique et agir,
-formaliser les activités, développer une rhétorique de « mise en
reconnaissance » pour obtenir et/ou asseoir des statuts… faire face
à la tendance à l’institutionnalisation de l’activité ou sa seule
prescription par l’externe
-défendre une appellation différente (« développement des
compétences »?) permettant de tenir compte de la diversité des
pratiques (FEST, analyse de pratiques,…) et de s’affranchir de la
connotation négative du mot « formation » (associée au seul cours
hors situation de travail)?
Exemple de la demande formulée par le syndicat
professionnel SICFOR (syndicat Français indépendant des
consultants-formateurs) dans un contexte de fusion avec la FCF
(fédération des consultants-formateurs): une double stratégie de
« professionnalisation formation et profession »=
-faire (re)connaître Sicfor et les consultantsformateurs auprès des acteurs institutionnels et
économiques,
-structurer le groupe professionnel= mieux connaître
la diversité des activités du conseil et organiser cette
diversité
-identifier les stratégies pour consolider les
compétences des consultants, les voies de formation