Adénomes hypohysaires à prolactine

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SYNTHÈSE
LES PROLACTINOMES
Reste-t-il des indications
chirurgicales pour
l’adénome à prolactine ?
Mots clés : Chirurgie hypophysaire,
microprolactinome, macroprolactinome,
agoniste dopaminergique.
Françoise Galland, Pierre-Louis Hénaux, Gilles Brassier
L
es objectifs du traitement des prolactinomes à court terme sont de contrôler
rapidement l’hypersécrétion de prolactine
pour corriger l’insuffisance gonadotrope
afin de restaurer une fertilité et de contrôler le volume tumoral en cas de macroprolactinomes. Un objectif supplémentaire à
plus long terme est de prévenir le risque
d’ostéoporose secondaire.
Les alternatives thérapeutiques sont un
traitement médical par agonistes dopaminergiques (voir chapitre dédié) et/ou un
traitement chirurgical. La cabergoline a
entraîné un changement dans la prise en
charge des prolactinomes car cette molécule a fait la preuve de son efficacité avec
des effets secondaires immédiats bien
moindres que les molécules précédentes.
La difficulté est de savoir combien de
temps le traitement doit être maintenu,
quand l’arrêter et comment surveiller les
patients vis-à-vis du risque d’atteinte valvulaire cardiaque décrit dans l’indication de la maladie de Parkinson. De façon
parallèle à l’augmentation de l’utilisation
des agonistes dopaminergiques, les indications du traitement chirurgical des prolactinomes ont diminué. L’algorithme
thérapeutique proposé en 2006 par l’Endocrine Society [1] et actualisé en 2011 [2]
place les agonistes dopaminergiques en
première ligne du traitement des prolactinomes que ce soit pour les micro- ou les
macroprolactinomes. La chirurgie est placée en deuxième intention en cas d’inefficacité des agonistes dopaminergiques,
ou d’intolérance à ces traitements. De la
même façon, la Société Française d’Endocrinologie en 2007 [3], place le traitement
médical en première intention.
26
L’objectif de ce chapitre est de faire le
point sur les indications restantes de traitement chirurgical pour les prolactinomes
en argumentant préalablement les points
importants à prendre en compte.
Résultats immédiats et à long terme
des séries chirurgicales de
prolactinomes ; facteurs prédictifs
de récidive
Le traitement médical étant largement utilisé en première intention, peu de séries
chirurgicales ont réexaminé le devenir de
patients opérés d’un prolactinome par voie
transphénoïdale [4-12]. Les taux de rémission ou de récidive sont variables selon les
durées de suivi et les indications retenues
pour la chirurgie. Le caractère complet ou
pas de l’exérèse, et donc les chances de
guérison, sont fonction non seulement du
volume de l’adénome, du taux de la prolactinémie, mais surtout de la proximité,
voire de l’envahissement des structures
voisines (sinus caverneux, base du crâne,
dure-mère). Nous allons donc envisager
séparément les microprolactinomes et les
macroprolactinomes.
Microprolactinomes
Dans le cas d’un microprolactinome opéré
par un neurochirurgien « expérimenté »,
l’exérèse aura de très fortes chances d’être
complète et le contrôle sécrétoire sera
obtenu immédiatement après la chirurgie.
Le pourcentage de guérison immédiate
après une chirurgie pour un microprolactinome varie de 72 à 93 % selon les séries
[4-8, 13]. A plus long terme (à un an et
plus), une ré-ascension des concentrations
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de prolactine est observée dans 15 à 20 %
des cas par infiltration du parenchyme
antéhypophysaire ou de la dure-mère par
les îlots tumoraux [14, 15].
Les facteurs prédictifs de récidive des
microprolactinomes ne sont pas clairement définis. Le volume tumoral pour
un microprolactinome n’est pas un facteur prédictif. Si l’envahissement des
sinus caverneux est un facteur prédictif
de récidive classiquement rapporté pour
les macroadénomes, il n’est pas fréquemment présent dans le cas des microprolactinomes. Le facteur prédictif serait plutôt la proximité étroite du microadénome
avec une des artères carotides intracaverneuses, mais cela n’a pas été clairement
étudié dans la littérature, probablement
parce qu’il est difficile d’évaluer cela du
fait de la variabilité des imageries disponibles. Cependant, un microprolactinome est situé dans la majorité des cas
au contact de la paroi médiale d’un sinus
caverneux et par là-même à proximité
immédiate de l’artère carotide interne
qui y chemine, puisqu’il se développe à
partir d’une région latérale de la glande.
L’analyse attentive de l’IRM permet avec
une grande vraisemblance de savoir si un
microprolactinome possède une tendance
envahissante ou non. Un autre facteur prédictif rapporté est la normalisation de la
prolactine immédiatement après la chirurgie avec même un résultat de 100 % de
guérison à 5 ans lorsque la prolactinémie
post-opératoire, dosée dès le lendemain de
la chirurgie, est inférieure à 10 ng/ml [5].
Il n’existe pas d’étude (randomisée ou
pas) ayant comparé les résultats d’un traitement médical et d’un traitement chirur-
SYNTHÈSE
gical à court terme ou à long terme dans
une cohorte de microprolactinomes. Les
résultats du traitement médical par agonistes dopaminergiques pour les microprolactinomes sont détaillés dans le chapitre correspondant de ce numéro. Environ
90 % des microprolactinomes traités par
cabergoline ont une prolactinémie normalisée [13, 16]. Concernant la durée du
traitement par agoniste dopaminergique,
les résultats en terme de rémission sont
variables selon la taille (micro ou macroprolactinome), la durée de traitement
(durée minimum de 2 ans recommandée),
la réduction de volume tumorale obtenue
sous traitement, la posologie de cabergoline au moment d’arrêter, la présence d’un
envahissement [2, 13]. Ainsi, le pourcentage de non récidive est excellent dans certaines études allant jusqu’à 70 % pour les
microprolactinomes [17, 18]. Mais dans
une méta-analyse récente, le pourcentage
global de rémission n’est que de 25 %
pour les microprolactinomes [19].
Finalement, concernant les microprolactinomes enclos, la décision thérapeutique met en balance :
- Le traitement médical, le plus souvent efficace dans un délai rapide, mieux
toléré pour ce qui est de la cabergoline,
mais dont on ne peut prédire, dès l’initiation du traitement, la durée ou les possibilités d’arrêt ultérieurs. La durée recommandée actuellement est d’au moins 2 ans
[2].
- Le traitement chirurgical, également
le plus souvent efficace, probablement
même plus rapidement que le traitement
médical, pour lequel finalement le risque
de récidive à long terme (certes variable
selon les séries) reste faible.
Il est indispensable d’informer le (la)
patient(e) sur les différentes alternatives
thérapeutiques pour un microprolactinomes afin de l’impliquer dans le choix
thérapeutique.
Macroprolactinomes
Dans le cas des macroprolactinomes, on
peut différencier les macroadénomes invasifs qui envahissent les structures voisines (sinus caverneux, base du crâne,
dure-mère) et les macroadénomes extensifs mais enclos qui, donc, par définition,
n’envahissent pas les structures voisines.
Pour les macroprolactinomes, le pourcentage de rémission après une chirurgie va
de 30 à 50 % selon les études [5-8, 13].
Pour les adénomes invasifs, il n’existe
aucune chance que le traitement chirurgical soit curatif alors que dans 80-90 % des
cas une réponse est obtenue avec le traitement médical par agonistes dopaminergiques [13] (voir aussi le chapitre dédié
au traitement médical des prolactinomes
dans ce numéro). Ainsi même en présence
de troubles visuels, le traitement médical
peut être proposé en première intention.
Pour les macroprolactinomes « non invasifs », la difficulté réside dans le diagnostic de l’absence d’envahissement. Même si
des arguments radiologiques quant à l’envahissement ou non des sinus caverneux
en IRM sont décrits dans la littérature
[20], une discussion en réunion pluridisciplinaire avec un neurochirurgien, un neuroradiologue et un endocrinologue spécialisés en pathologie hypophysaire permet
d’analyser plus finement l’IRM et de discuter l’indication thérapeutique. Ainsi, la
discussion de l’indication chirurgicale,
donc les chances de guérison, est centrée
sur le volume tumoral et la notion d’envahissement des structures voisines.
Discussion de l’indication
chirurgicale selon l’efficacité
des agonistes dopaminergiques
et la notion de résistance aux
agonistes dopaminergiques
L’inefficacité des agonistes dopaminergiques dans certains cas de prolactinomes
a fait émerger la notion de résistance aux
agonistes dopaminergiques. Cette résistance peut être définie de la façon suivante : absence de normalisation de la
prolactine et persistance d’une infertilité
ou d’une aménorrhée avec une posologie maximale tolérée et/ou réduction du
volume tumoral inférieure à 50 % [2, 21].
Le seuil de posologie « maximum toléré»
à partir duquel on parle d’échec ou de
résistance n’est pas très consensuel ; une
publication récente sur le sujet a utilisé
le seuil de 2mg/semaine de cabergoline
pendant au moins 6 mois [22]. Certains
auteurs rapportent que la résistance aux
agonistes dopaminergiques, y compris à
la cabergoline, n’existe pas dès lors qu’on
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poursuit la titration et qu’on augmente la
posologie, sans définir de posologie maximum [23]. Ainsi, dans cette série de 150
patients, l’hyperprolactinémie est normalisée chez tous les patients sauf un, avec
une posologie supérieure à 3mg/semaine,
arrivant même à plus de 12 mg/semaine.
Néanmoins, depuis 2007, les publications
rapportant le risque de valvulopathie cardiaque selon la dose cumulée d’agoniste
dopaminergique [24-28], chez des patients
parkinsoniens, laissent de moins en moins
de place à un traitement prolongé, d’autant
plus si la posologie est importante. Ainsi,
les patient(e)s doivent être informé(e)s de
ce risque possible de valvulopathie surtout
si le traitement doit être prolongé et/ou à
posologie importante. Il est même recommandé de vérifier l’absence de valvulopathie avec une échographie cardiaque avant
d’initier le traitement, puis de surveiller
l’absence d’apparition pendant la durée du
traitement s’il est prolongé. D’autres effets
secondaires décrits plus récemment pour
le traitement chronique par agoniste dopaminergique sont des troubles du comportement à type de boulimie, d’hypersexualité
ou d’addiction aux jeux [29, 30].
Dans ce contexte, la chirurgie pourrait alors être envisagée après discussion
en concertation multidisciplinaire (endocrinologue, neurochirurgien, neuroradiologue), plus particulièrement s’il s’agit
de micro ou macroprolactinome enclos.
Lorsque l’adénome est volumineux et/
ou s’il existe un envahissement des sinus
caverneux, ou une proximité étroite avec
une artère carotide, la chirurgie aura pour
objectif de réduire au maximum le volume
tumoral, permettant ensuite d’espérer
améliorer la réponse hormonale au traitement médical par agoniste dopaminergique, avec des posologies moindres [12].
La résistance aux agonistes dopaminergiques est rare dans le cas des microprolactinomes et est plus importante dans
le cas des macroprolactinomes, de 3 à 6 %
[13, 31]. Elle est également observée plus
fréquemment chez les hommes que chez
les femmes [32] en accord avec l’évolutivité plus grande des prolactinomes décrite
dans le sexe masculin [33]. Cette résistance aux agonistes est également plus fréquente dans les formes génétiques, notamment dans le cadre de la NEM1 (gène
27
SYNTHÈSE
MEN1), des familles FIPA ou Familial
isolated Pituitary Adenoma (gène AIP), du
complexe de Carney (gène PRKAR1A), du
syndrome de McCune-Albright (mutation
somatique Gsα).
Discussion de l’indication chirurgicale
selon la tolérance des agonistes
dopaminergiques
La molécule la plus utilisée actuellement
est la cabergoline (dostinex®) pour son
efficacité à la fois antisécrétoire et antitumorale et sa meilleure tolérance par rapport aux molécules plus anciennes (voir
chapitre correspondant de ce numéro de
MCED). Les effets secondaires les plus
fréquents sont d’ordre digestif (nausées,
vomissements); somnolence ou hypotension orthostatique sont aussi signalées.
En cas d’intolérance, et après avoir
essayé une autre molécule de la même
classe, la chirurgie sera alors la seule alternative thérapeutique à envisager.
Discussion de l’indication
chirurgicale selon la durée
du traitement médical
Lorsque le choix thérapeutique est celui
du traitement médical par agoniste dopaminergique, la question sous-jacente est
de savoir combien de temps durera le traitement et quand pourra t’on l’arrêter ?
En effet, les prolactinomes étant plus fréquents dans une population jeune, la perspective d’un traitement prolongé doit
être envisagée avec les patients. Certains
patients pourront alors choisir une solution chirurgicale si elle peut leur éviter de
prendre un traitement médical prolongé,
d’autant plus si ce traitement a des effets
secondaires à long terme.
Pour un traitement à long terme
(aucune définition de « long terme » n’est
mentionnée), il est en effet indiqué de faire
une échographie cardiaque préalable au
traitement car une atteinte valvulaire cardiaque est une contre-indication au traitement par agoniste dopaminergique et donc
une indication au traitement chirurgical.
Si le traitement chirurgical ne permet pas
d’obtenir une normalisation de la prolactinémie et si la lésion est évolutive, une
radiothérapie pourra être envisagée [2] en
28
concertation multidisciplinaire du fait de
ses effets secondaires à long terme notamment chez un sujet jeune.
Discussion selon le type de sécrétion
hormonale prolactinique pure ou mixte,
selon la présence d’une composante
kystique, ou en cas de complication
aiguë
Les adénomes mixtes sécrétant l’hormone
de croissance (Growth Hormone, GH) et
la prolactine sont bien connus; en général ces patients ont le tableau clinique de
l’acromégalie et de l’hyperprolactinémie.
La possibilité d’une cosécrétion d’hormone de croissance par un prolactinome
doit être évaluée au moindre doute avant
mise en route d’un traitement médical.
Cette possibilité d’adénome mixte doit en
particulier être évoquée lors du diagnostic d’un macroprolactinome. La chirurgie aura une place en première ligne pour
contrôler cette double sécrétion hormonale et le volume tumoral.
Les prolactinomes kystiques sont également plus volontiers proposés à une
chirurgie du fait de l’efficacité rapide de la
chirurgie sur le kyste [4].
En cas de rares cas d’apoplexie d’un
prolactinome au cours d’un traitement
médical par agoniste dopaminergique, une
chirurgie pourra être discutée, notamment
s’il existe des céphalées persistantes et
invalidantes.
Cas particulier du prolactinome
dans un contexte de grossesse
Au cours de la grossesse normale, les oestrogènes exercent un effet stimulant sur
la synthèse et la sécrétion de prolactine et
favorisent la prolifération des cellules lactotropes. Chez la femme enceinte, l’hyperplasie hypophysaire est physiologique
[34].
Dans le cas des microprolactinomes,
les traitements par agonistes dopaminergiques rétablissent la fertilité dans plus de
90 % des cas. Un traitement chirurgical sera
envisagé avant une grossesse notamment en
cas de résistance, intolérance, ou de souhait
de la patiente. La bromocriptine est l’agoniste dopaminergique pour lequel on dispose du plus grand recul quant à l’utilisaMai-Juin 2013 VOL 64 MCED www.mced.fr
tion pendant la grossesse. Ce médicament
n’entraîne pas de risque foetal ou maternel
connu. Il n’a pas été observé d’effet tératogène sur un nombre plus limité de cas rapportés dans la littérature avec les autres agonistes dopaminergiques. Le quinagolide ou
surtout la cabergoline, souvent mieux tolérés et plus efficaces, tendent à devenir le
traitement médical de première intention
malgré un recul moindre justifiant les précautions d’emploi de principe figurant dans
les « mentions légales » de ces médicaments en France. Ces traitements pourront
être utilisés en cas de désir de grossesse si
le bénéfice en termes d’efficacité et de tolérance est jugé important [3]. Le risque de
complications liées à l’augmentation de
volume d’un microprolactinome en cours
de grossesse est rarissime (0,5 à 2 %); aussi
dès le diagnostic de grossesse, le traitement
par agoniste peut-il être interrompu, sauf
cas particuliers. Aucune surveillance paraclinique n’est recommandée.
Dans le cas des macroprolactinomes,
une augmentation de volume pendant
la grossesse est observée dans 15 à 30 %
des cas, mais ne justifie pas une chirurgie, mais plutôt la poursuite du traitement
agoniste dopaminergique pendant la grossesse. Un arrêt du traitement ne sera proposé qu’en l’absence de risque tumoral
(absence de développement suprasellaire
menaçant les voies optiques). Tous les
deux à trois mois, un champ visuel sera
réalisé et une IRM sans injection en cas de
signes tumoraux (à éviter au premier trimestre). Une surveillance spécialisée est
souhaitable.
Il n’y a donc aucune place à la chirurgie pendant une grossesse chez une
patiente ayant un prolactinome. Si une
chirurgie est souhaitée, elle sera anticipée
et réalisée avant une grossesse.
Les indications finalement restantes
de la chirurgie hypophysaire pour les
prolactinomes
La chirurgie n’est pas le traitement de
choix des prolactinomes envahissants. Elle
peut néanmoins y trouver une indication
dans deux circonstances : la résistance aux
agonistes dopaminergiques (mais la radiochirurgie ou radiothérapie stéréotaxique
doit au même titre aussi être discutée) ou
SYNTHÈSE
Hyperprolactinémie + image évoquant un adénome à l’IRM
Microprolactinome
- Envahissement du ou
des sinus caverneux
- Proximité d’une artère
carotide interne
Macroprolactinome
Intrasellaire à distance
des sinus caverneux et
des artères carotides
internes
- Envahissement du ou des sinus
caverneux
- Proximité d’une ou des artère (s)
carotide(s) interne(s)
Troubles visuels
(compression du chiasma
optique)
1ère ligne
Traitement médical :
agonistes
dopaminergiques
Traitement médical ou
chirurgical/choix du
ou de la patient(e)
Traitement médical :
agonistes
dopaminergiques
Intolérance, échec
Intolérance, échec/choix
du (de la) patient(e)
Intolérance, échec
Traitement médical ou
chirurgical
Traitement chirurgical
2ème ligne
Traitement chirurgical
Figure 1 . Proposition d'arbre décisionnel plaçant les indications du traitement chirurgical pour les prolactinomes.
la survenue d’une fistule de liquide cérébro-spinal lors de la fonte d’un macroprolactinome envahissant sous traitement
médical [35]. Le but de la chirurgie est
dans ce deuxième cas d’assurer une étanchéité.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’un
microprolactinome chez une femme jeune
ayant un souhait de grossesse dans l’immédiat ou à l’avenir, ou d’un macroprolactinome enclos, bien limité, la chirurgie
mérite d’être proposée à la patiente (ou au
patient) en alternative au même titre que
le traitement médical. Il convient également de ne pas méconnaître une situation
moins rare que d’aucuns ne le pensent, à
savoir les femmes qui refusent un traitement médical prolongé. Enfin la tolérance imparfaite du traitement médical
peut aussi être à l’origine d’une discussion
chirurgicale.
Les indications chirurgicales en
matière de prolactinome doivent prendre
en compte plusieurs aspects :
– Il est plus délicat d’opérer un
microadénome hypophysaire qu’un
macroadénome enclos et bien limité ; en
effet dans le deuxième cas, le plancher sellaire est distendu, la dure-mère antérieure
de la selle n’est ainsi pas le siège de veines
anastomotiques entre les deux sinus caverneux et l’accès en est rendu plus aisé à
tous égards ; par corollaire, les micro-adénomes de taille vraiment petite, inférieure
à 5 mm, a fortiori encore intra-hypophysaires, s’avèrent peu propices à une chirurgie, car le rapport bénéfice-risques ne
plaide pas en sa faveur ; enfin ces aspects
viennent confirmer le fait qu’un jeune
neurochirurgien orienté vers la chirurgie
hypophysaire ne débutera pas sa pratique
dans les micro-adénomes.
– L’époque actuelle et la nécessaire
mais éprouvante information du ou de la
patiente sur les risques d’une chirurgie
peuvent engendrer pour lui ou elle une
grande inquiétude quant à prendre la décision d’une intervention chirurgicale ; c’est
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là une différence majeure par comparaison
avec un patient atteint d’une acromégalie
ou d’une maladie de Cushing, dont il perçoit rapidement le retentissement et la gravité. Face à cela, doit être pris en compte
par le patient le fait que le taux de guérison
post-opératoire est important (cf. infra) et
que celui des complications est faible en
incidence…mais peut certes être grave
en conséquences ; il est bien sûr essentiel que lors de la discussion toujours singulière entre le patient et le chirurgien, ce
dernier explicite l’IRM, et insiste sur les
structures anatomiques en relation directe
avec l’adénome (hypophyse, artères carotides internes, liquide cérébro-spinal). En
pratique, le taux de complications s’avère
très bas et concerne surtout une non-guérison, un déficit hormonal anté-hypophysaire persistant (1 à 4 %), un diabète insipide transitoire (4 à 4, 6 %) ou persistant
(0, 4 %), une fistule secondaire de liquide
cérébro-spinal (0, 3 % à 1, 3 %), un inconfort rhinologique (1, 3 %) [9, 36, 37].
29
SYNTHÈSE
– Une question très ancienne et controversée concerne la chirurgie après traitement par agoniste dopaminergique et son
caractère plus difficile de par une évolution fibreuse de l’adénome [11], ou à l’inverse obtenant de meilleurs résultats ; cette
situation concerne plus les cas d’intolérance ou de rejet de l’agoniste que ceux
où survient une résistance ; dès lors et
habituellement, la discussion chirurgicale
intervient moins d’un an après l’instauration du traitement médical, que la patiente
a souvent d’elle-même arrêté ; en pratique, si un délai de 3 mois d’arrêt avant la
chirurgie est respecté, les conditions opératoires et le pronostic ne sont pas modifiés par comparaison avec la chirurgie de
première intention.
Conclusion
L’excellente efficacité antisécrétoire et
antitumorale des agonistes dopaminergiques, notamment des molécules les plus
récentes comme la cabergoline, font du
traitement médicamenteux le traitement
de première intention des prolactinomes.
La chirurgie, pratiquée par un neurochirurgien «expérimenté», a néanmoins
sa place dans le cas du microprolactinome
30
enclos situé à distance des artères carotides internes, dans la perspective d’un
traitement prolongé chez des sujets jeunes,
dans les cas d’inefficacité/résistance ou
d’intolérance aux agonistes dopaminergiques, dans le cas d’adénome à sécrétion
mixte et d’adénomes kystiques ou de rares
cas d’apoplexie hypophysaire.
Un arbre décisionnel plaçant les indications du traitement chirurgical pour les
prolactinomes est proposé (Figure 1).
Françoise Galland
Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition
CHU Rennes, Hôpital sud
16, boulevard de Bulgarie
BP 90347
35203 Rennes Cedex 2
Pierre-Louis Hénaux, Gilles Brassier
Service de Neurochirurgie
CHU Pontchaillou
2, rue Henri Le Guilloux
35033 Rennes cedex 9
Correspondance :
Dr Françoise Galland
Service d’endocrinologie, diabétologie, nutrition
CHU Rennes, Hôpital sud
16, boulevard de Bulgarie
BP 90347
35203 RENNES Cedex 2
Téléphone : 02 99 26 71 42
Télécopie : 02 99 26 71 49
[email protected]
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