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JOHANN PUPPETTO
PROGRESSER PLUS VITE
AU PIANO
Guide complet de l'efficacité
du travail pianistique
Textes additionnels
2014
Héliantia Éditions
Vitesse de rotation oculaire et positionnement :
une aide précieuse pour le déchiffrage
L
a lecture d’une partition appelle un nombre considérable
de mouvements oculaires. En observant attentivement le
comportement de vos yeux lors d’un déchiffrage, vous
constaterez aisément que la vue n’observe pas un déplacement
fluide et linéaire, mais plutôt qu’elle se concentre par saccades.
L’œil navigue sans cesse d’un point de focalisation à un autre.
Ces centres d’attention sont constitués de zones
d’informations différentes ; ainsi la vision porte-t-elle sur un
groupe de notes avant d’aborder le suivant en un éclair. L’œil
doit sans cesse viser des points distants, basculer d’une portée à
une autre, retourner à la ligne après la fin d’un système.
Par nature, les yeux observent des mouvements désordonnés
qui n’obéissent pas à une progression intelligente et optimale.
Cette problématique a été traitée ailleurs. Ici, nous apprendrons
à optimiser la vitesse de déplacement oculaire, grâce à l’étude
de son mécanisme physique et biologique.
Qu’advient-il lorsque le regard change de cible ? Les yeux
doivent effectuer une rotation dans leur orbite. Ce mouvement
est obtenu grâce à six muscles appelés oculomoteurs, euxmêmes attachés sur le pourtour de chaque globe.
Nous utiliserons ce schéma pour y voir plus clair : à gauche se
trouve l’œil ; à droite,, le plan vertical représente la partition.
Cette figure nous permettra de saisir ce qu’il
qu
se passe
réellement lorsque l’œil
œil doit transiter du point 1 au point 2.
La direction du regard figure en pointillés, d’abord
abord en clair sur
sa position d’origine, enfin en noir sur la ligne d’arrivée.
Observez le globe oculaire en position A. Comme vous pouvez
le constater, il devra tourner sur son axe d’environ
environ 30 degrés
pour effectuer la migration attendue.
Considérons maintenant l’œil à l’emplacement
emplacement Z :
Ce nouveau schéma utilise la même échelle ; la distance entre
les points 1 et 2 reste donc identique. Cette fois-ci, l’œil se
trouve beaucoup plus près de la page. À l’observation, un
phénomène se dégage, et mérite d’attirer toute notre attention.
Si nécessaire, prenez un peu de temps pour bien comprendre les
schémas, et n’hésitez pas à relire les dernières phrases avant de
poursuivre la lecture.
Pour effectuer le même transfert visuel, la rotation du globe
oculaire devra se montrer beaucoup plus importante. En
position Z, l’œil doit tourner dans son orbite d’environ 90
degrés, soit près de trois fois plus qu’au point A !
Bien qu’extrêmement rapides, les rotations des yeux ne sont
pas instantanées pour autant. Toutes exigent, sans exception,
un temps pour être réalisées entièrement. Plus l’angle de
rotation s’accroit, et plus le temps nécessaire au cheminement
de l’œil augmente.
De ces multiples constats, tirons profit pour obtenir un meilleur
positionnement ! Nous pouvons accélérer notablement le
confort et la vitesse de lecture. Si vous avez bien suivi nos
explications jusqu’à présent, vous devriez être parvenu à cette
conclusion : plus le lecteur se tient éloigné de la partition,
moins il faut de temps à l’œil pour effectuer son parcours.
(Puisque le même déplacement nécessitera un mouvement plus
faible des yeux.)
Ainsi, profitez au quotidien d’une position suffisamment
éloignée du pupitre : ce recul vous concèdera de précieux
bénéfices. De loin, les yeux balayent leurs pages sans effort… La
célérité du regard n’exige plus que très peu d’énergie… Elle
s’obtient dorénavant sans difficulté !
Comme rien ne surpasse l’expérience, nous vous conseillons de
réaliser quelques séances d’essai, afin de bien appréhender
l’impact de la distance de lecture. Choisissez une œuvre
nouvelle, qui ne soit ni trop simple, ni trop complexe en regard
de vos capacités, puis déchiffrez-la sans aucune préparation.
Exagérez tout d’abord votre positionnement, en éprouvant un
placement sensiblement rapproché. Puis, au contraire, assez
éloigné du texte. Vous amplifierez ainsi les effets de la distance.
Le contraste obtenu vous permettra de saisir tous les bienfaits
de la position éloignée, et le grand désavantage du placement
initial.
Une fois le phénomène bien compris, il vous sera relativement
facile de mettre ce savoir en pratique. Veillez simplement à
maintenir suffisamment d’attention sur le placement de votre
tête, afin de corriger de mauvaises habitudes passées, ou
d’inadéquats réflexes.
En cas de difficultés de lecture, certaines personnes approchent
instinctivement leur visage du pupitre : un passage impossible
survient, et illico, la tête bondit pour se placer plus près du
texte !
C’est un réflexe naturel, compréhensible, mais en définitive
préjudiciable au déploiement de nos capacités. (Nous nous
rapprochons naturellement d’un objet pour en apprécier les
détails lorsque ceux-ci apparaissent trop petits.)
Si le texte de votre partition est minuscule, autant le remplacer
immédiatement sans état d’âme. Vous pouvez à profit
considérer cette caractéristique dès l’achat. Les textes trop
petits vous abîmeront la vue ; ils sont désagréables et fatigants à
utiliser. Comme vous l’aurez compris, ils ne permettent pas de
pratiquer la lecture à vue dans des conditions optimales, puisque
vous devrez vous placer plus près d’eux... Et donc réduire
sensiblement la vitesse à laquelle vos yeux pourraient prétendre.
Si vous ne disposez malgré tout que de visuels microscopiques,
vous pouvez sans hésiter utiliser les fonctions
d’agrandissement d’une photocopieuse, ou effectuer un zoom
informatique, au besoin par l’intermédiaire d’une
numérisation. C’est aussi une bonne astuce si vous disposez de
peu de temps pour préparer un concert. Car n’oublions pas :
une personne qui déchiffre rapidement accumule au fil des
semaines des gains de temps considérables. Mieux lire, c’est
réduire d’autant la durée de mise en place d’une composition.
Les personnes dyslexiques seront davantage pénalisées par un
graphisme de petite taille. Les enseignants doivent se montrer
particulièrement consciencieux à leur égard, en leur fournissant
des pages adaptées. S’il ne dispose pas de partitions ajustées, un
enfant dyslexique éprouvera énormément de difficultés en
apprenant la lecture de notes, malgré des capacités
intellectuelles tout à fait normales et un investissement
suffisant. Les documents gagneront beaucoup à être clairs et
aérés, avec des portées et des signes plus larges que la normale.
Ajoutons à ce chapitre une dernière remarque : en mettant à
profit l’action de la distance de vue, le bon sens exige que votre
posture générale reste correcte. Vous ne devriez donc pas
perturber l’équilibre général de votre positionnement.
-
Le défaut de conscience digitale :
un écueil terriblement chronophage
C
e titre évoque une
ne confusion aussi fréquente que
redoutable… qui devrait mériter journalièrement toute
notre attention. Étudions-la
la à travers un exemple simple. Nous
utiliserons ce fragment, extrait de la fameuse toccata en ré
mineur de Jean Sébastien Bach :
Imaginons que vous soyez un pianiste maîtrisant
convenablement les gammes.. Malgré votre acquis technique, le
premier fa de la main gauche ne sonne pas correctement, ou
devient presque inaudible. Émises correctement,
correctement les notes
voisines ne présentent pas de difficulté. Vous avez beau répéter
le trait inlassablement, rien n’yy fait, et le travail à différentes
vitesses n’améliore pas la situation : le fa joué par l’index
l
reste bien capricieux !
Confrontées à ce cas de figure, nombre de personnes émettront
l’idée que leur technique de gammes s’avère insuffisante.
Cette analyse éclot bien souvent de manière systématique,
réflexe, sans aucun raisonnement pour la justifier pleinement.
Ce type de déduction présente néanmoins un grave danger,
pouvant entraîner des pertes de temps parfaitement
substantielles.
Si une insuffisance technique n’était pas en cause, quelle
explication alternative pourrait éclairer notre question ? Tout
simplement un manque de conscience digitale. Jouez à nouveau
le fragment, cette fois-ci en portant toute votre attention sur
l’action de votre main gauche, et plus précisément sur celle de
votre majeur. Peut-être découvrirez-vous avec surprise que ce
troisième doigt demeure excessivement suspendu, que vous ne
l’aviez pas suffisamment mis en action pour qu’il remplisse la
tâche attendue. Vous n’aviez pas assez entrainé ce majeur vers
le fond du clavier. Une articulation faible ou indécise, il n’en
fallait pas davantage pour escamoter notre fa !
Voilà donc l’énigme résolue en un éclair, puisque quelques
minutes suffiront à clore la digression. Généralement, un faible
nombre de répétitions permet de s’approprier le geste adéquat.
(Quand bien entendu, le défaut de conscience s’avère la
véritable source du problème.)
Si nous retournons à notre exemple, il suffira d’appliquer au
geste toute la conscience possible, en observant une meilleure
propulsion individuelle du majeur.
Cette confusion ne manque jamais de piéger les musiciens
expérimentés, puisque pour eux, la technique ne se décompose
pas en une succession de mouvements.
La gamme de ré mineur ci-dessus se considère et se restitue en
un geste unique ; avec l’habitude, l’action des cinq doigts ne
s’appréhende plus de manière indépendante. Elle forme un
tout indivisible avec l’ensemble des sections corporelles qui
doivent entrer en jeu pour composer le mouvement exact.
(Bras, poignets, épaules, etc.)
C’est pourquoi les pianistes ayant acquis de correctes notions
techniques peuvent aisément perdre de vue le détail, l’infime
qui ne transparaît plus dans la globalité, devenue familière et
généralement fonctionnelle.
Mais qu’importe votre niveau !
Inquiétez-vous !
Car ce vil traquenard ne manque pas d’affliger les pianistes
moins chevronnés. La confusion est réellement terrible,
puisqu’elle vous entraine généralement vers la programmation
de nouveaux exercices. Vous voilà maintenant accablé d’un
fardeau supplémentaire, composé de deux heures de gammes
quotidiennes et d’inextricables études ! Bien pire encore, vous
vous heurterez à la même incapacité en reprenant votre pièce
quelques mois plus tard… Que votre technique se soit
globalement améliorée n’y changera rien. C’est dire le
gaspillage de ressources que le défaut de conscience corporelle
occasionne… Et combien il importe de choisir le chemin
approprié dès le commencement !
« Ce qui reste inconscient demeure imperfectible. »
Marie Jaëll *
Cette sentence vous aidera sans doute à jeter davantage de
lumière sur notre question. Méditez-la sérieusement, et vous en
tirerez de beaux profits. Elle ne signifie pas que vous deviez
accroître votre kinesthésie à tout va. Le but de tout un chacun
reste de jouer du piano, et non de développer une attention
corporelle sans limites. Atteindre un palier de conscience
supérieure devient nécessaire seulement lorsqu’un problème
spécifique l’exige.
* Pianiste et compositrice française, Marie Jaëll (1846-1925) a
beaucoup contribué au développement de la pédagogie du piano. Elle
fut une amie particulièrement proche de Franz Liszt et de Camille
Saint-Saëns.
Certains lecteurs nous demanderont comment distinguer un
manque technique d’un défaut d’esthésie. C’est souvent au
travers de minimes détails que se révèlent les imperfections
natives d’une forme de non-conscience. Ce peut être une ou
deux notes, comme dans notre exemple, mais beaucoup plus
rarement tout un ensemble. Lorsque vous doutez de la réponse à
adopter, vérifiez systématiquement le souci de conscience. Cela
demande un temps infime, et en cas de succès, vous ne
stagnerez pas indéfiniment devant l’obstacle. Si le problème ne
se résout pas de cette manière, vous saurez que la clé est ailleurs.
Parce que les racines d’un obstacle insoluble demeurent
intemporellement hors de son champ de perception, une
personne abandonnera souvent une œuvre, peut-être même
pour quelques mesures inintégrables, au milieu d’un texte
parfaitement su. Aucun pianiste ne peut contourner cette
problématique.
Un petit défaut d’attention, et voilà six mois de travail
gaspillés ! Nous avons connu un nombre important d’élèves
pour qui les pertes avaient atteint une année entière
d’approfondissement superflu, pour quelques passages fautifs
contractés çà et là.
L’acuité de conscience constitue un outil de premier ordre
en matière d’efficacité. Conservez toujours ceci à l’esprit, et
vous recueillerez par application un temps considérable. Vous
éviterez de vous perdre dans des dédales obscurs, où les erreurs
s’imbriquent sournoisement les unes dans les autres… Une
mauvaise décision en entraîne facilement une autre. Avec
l’expérience, vous saurez toujours diriger votre attention
correctement : à l’endroit voulu, et au bon moment.
Ainsi, le développement d’une conscience digitale et corporelle
juste facilite toute notre vie pianistique. Par ailleurs, il constitue
l’antipode de l’attitude mécanique de travail.
Le comportement automatique fonde son essence sur la
répétition… et se trouve entretenu par les germes invisibles de
l’incompréhension. Loin de cela, le regard sur soi-même
illumine magistralement les problèmes, en révélant toutes les
dynamiques inconscientes… Quand de surcroit, il limite
toujours les répétitions à leur strict minimum.
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