Aspergillosepulmonaire - Revue Médicale Suisse

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synthèse
Aspergillose pulmonaire
invasive et aspergillose pulmonaire
chronique
Les infections pulmonaires par Aspergillus causent un spectre
de pathologies variées selon le statut immunitaire de l’hôte.
Les deux formes principales sont l’aspergillose pulmonaire invasive (API) et l’aspergillose pulmonaire chronique (APC). Cette
dernière se subdivise en aspergillome, aspergillose chronique
cavitaire plus ou moins fibrosante et, finalement, en aspergillose chronique nécrosante ou semi-invasive. Le présent article
passe en revue cette classification complexe, rendue nécessaire
par les divers aspects cliniques de la maladie. L’aspergillose
bronchopulmonaire allergique (ABPA), qui relève davantage
d’un mécanisme d’hypersensibilité que d’un processus infectieux, ne sera pas abordée ici.
Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 2202-7
P. Gianella
P. Gasche-Soccal
C. van Delden
A. L. Hachulla
T. Rochat
Invasive pulmonary aspergillosis and
chronic pulmonary aspergillosis
Aspergillus pulmonary infection causes a spec­
trum of diverse diseases according to host
immunity. The two major entities are invasive
pulmonary aspergillosis and chronic pulmo­
nary aspergillosis. The later can be divided
into aspergilloma, then into chronic cavitary,
more or less fibrosing aspergillosis, and finally
into chronic necrotizing aspergillosis, or semiinvasive aspergillosis. The present article re­
views this complex classification, which is ne­
cessary to reflect the diverse clinical aspect
of the disease. Allergic broncho-pulmonary
aspergillosis (ABPA), which is more a hyper­
sensitivity reaction than an infectious process,
will not be discussed here.
introduction
Nous inhalons quotidiennement des spores aspergillaires. Ce­
pendant, les pathologies respiratoires liées à Aspergillus sont
rares, grâce à l’appareil mucociliaire et au système immunitaire
qui éliminent les moisissures inhalées et empêchent leur pé­
nétration dans les tissus. Il existe des centaines d’espèces d’Aspergillus. Celle qui
cause environ deux tiers des infections chez l’homme est Aspergillus fumigatus. Les
autres espèces qu’on retrouve le plus fréquemment dans la pratique clinique sont
A. niger, A. flavus et A. terreus.1
Les pathologies pulmonaires aspergillaires présentent un large spectre de mani­
festations cliniques qui dépend de l’intensité de la réponse immune. On dis­
tingue l’aspergillose pulmonaire invasive (API), qui touche en principe un hôte
sévèrement immunodéprimé, et l’aspergillose pulmonaire chronique (APC), qui
touche des sujets peu ou pas immunodéprimés. La deuxième catégorie (APC) se
divise elle-même en trois formes distinctes que nous discuterons plus loin. Dans
cette revue, nous ne traiterons pas des atteintes sinusiennes, ni trachéo-bronchi­
ques. De même, nous n’aborderons pas l’aspergillose bronchopulmonaire allergique
(ABPA), laquelle est une pathologie d’hypersensibilité.2
aspergillose pulmonaire invasive (api)
Facteurs de risque
Un dysfonctionnement du système immunitaire, soit au niveau de la réponse
innée (neutropénie prolongée ; défaut de la NADPH (nicotinamide adénine dinu­
cléotide phosphate) oxydase dans la maladie granulomateuse chronique), soit de
la réponse adaptative (corticostéroïdes au long cours, traitement immunosuppres­
seur), prédispose à une API, qui est l’infection fongique la plus fréquente chez les
patients sévèrement immunosupprimés.3 Ces dernières années toutefois, de
rares cas d’API ont été décrits chez des patients avec une BPCO sévère ou en état
critique aux soins intensifs (tableau 1).3,4
Manifestations cliniques et critères diagnostiques
La clinique d’une API est peu spécifique (fièvre, toux, dyspnée, douleur thora­
cique pleurétique et hémoptysie) et souvent pauvre compte tenu de l’absence
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Tableau 1. Facteurs prédisposant à une aspergillose
pulmonaire invasive (API) et caractéristiques des
patients
Facteurs prédisposants
Caractéristiques des patients
Neutropénie prolongée • Suite à une chimiothérapie
(L 10 jours)
• Maladie hématologique
•Absolue (l 100/ml)
• Maladie granulomateuse chronique
•Fonctionnelle
Neutropénie et
• Immunosuppression suite à une
lymphopénie transplantation de cellules souches
hématopoïétiques (surtout allogénique)
• Traitement corticostéroïdien
Lymphopénie
•Absolue (l 100/ml)(L 20 mg/j) au long cours (L 21 jours)
•Fonctionnelle
• Immunosuppression suite à une
transplantation d’un organe solide
(surtout pulmonaire)
Nouvelle épidémiologie de l’aspergillose pulmonaire invasive
•Stéroïdes
• BPCO sévère
• Patients sévèrement malades des soins
•Antibiothérapie à large
spectreintensifs
•Insuffisance rénale ou
hépatique
•Malnutrition
•Comorbidités
oncologiques (autres
qu’hématologiques)
•Diabète
de réponse immunitaire due à l’immunosuppression de
l’hôte.3
Le diagnostic de certitude repose sur la mise en éviden­
ce des hyphes au niveau d’un prélèvement histologique avec
invasion tissulaire ou d’une culture positive d’un site habi­
tuellement stérile (par exemple, cavité pleurale ou hémocul­
tures). Pour faciliter les études cliniques, l’EORTC/MSG (Eu­
ropean Organization for Research and Treatment of Cancer/
Mycoses Study Group) a établi des critères qui définissent
l’API possible, probable et prouvée (tableau 2).5 On a pu
constater qu’une API possible ne se confirmait que dans
14% de cas, tandis qu’une API probable l’était dans 75%.6
Diagnostic microbiologique et CT thoracique
Le rendement de la microscopie avec culture dans le
diagnostic d’API est assez mauvais, avec une sensibilité
d’environ 50%.7
Galactomannanes
Les galactomannanes sont des polysaccharides de la
paroi aspergillaire, relâchés pendant la croissance du cham­
pignon et dosés par ELISA (enzyme-linked immunosorbent assay)
dans le sérum ou dans le lavage broncho-alvéolaire (LBA)
obtenu par bronchoscopie. Les sensibilité et spécificité du
test varient en fonction du seuil de positivité que l’on choisit.8
Selon une méta-analyse chez des patients hématologiques
(après greffe médullaire ou avec des hémopathies mali­
gnes), l’ELISA sérique montre une sensibilité et une spéci­
ficité de 79 et 86% avec un seuil à 0,5 mg/l et de 65 et 94% si
le seuil est fixé à 1 mg/l.9 Chez les patients avec une infection
aspergillaire pulmonaire invasive, les galactomannanes sé­
riques augmentent de l 0,5 mg/l à L 1 mg/l en 2-3 jours. Un
dépistage deux fois par semaine en situation à risque est
donc recommandé pour détecter précocement les nouveaux
cas.
Le dosage par ELISA au niveau du LBA est décrit comme
ayant une meilleure sensibilité que le dosage sérique. Selon
une méta-analyse, sa sensibilité et sa spécificité atteignent
respectivement 86 et 89% avec un seuil à 0,5 mg/l et 85 et
94% si le seuil est fixé à 1 mg/l.10 Cependant, une étude
­récente, conduite à Bâle sur un large collectif de patients,
remet ce résultat en cause avec des valeurs de sensibilité et
spécificité nettement plus bas­ses.11 Sur la base de ce dernier
travail, nous avons calculé les valeurs prédictives négative
et positive du dosage des galactomannanes dans le LBA
en prenant une probabilité prétest d’API à 14% (tableau 3).
En effet, nous avons vu plus haut que lorsqu’on est con­
fronté à un patient qui a une clinique et une image radio­
logique évocatrices d’API, la prévalence de la maladie est
d’environ 14% (définition d’une «API possible», tableau 2).
Ainsi, dans de telles conditions, un LBA positif aurait une
valeur prédictive positive de 36%, ce qui est très bas. En
Tableau 2. Critères diagnostiques de l’aspergillose pulmonaire invasive (API)
Selon l’European Organization for Research and Treatment of Cancer/Mycoses Study Group (EORTC/MSG) 2008.5
CGD : chronic granulomatous disease ; LBA : lavage broncho-alvéolaire ; LCR : liquide céphalorachidien.
API possible
API probable
API prouvée
Caractéristiques prédisposantes
•Neutropénie prolongée (l 500/mm3 pendant L 10 jours)
de l’hôte (M 1)•
Immunodéficience congénitale sévère (par exemple, CGD)
•Receveur d’une transplantation médullaire allogénique
•
Corticostéroïdes (M 0,3 mg/kg/j) au long cours (L 3 semaines)
•
Traitement immunosuppresseur au cours des derniers 3 mois (inhibiteurs de la calcineurine, anti-TNFa,
anticorps monoclonaux…)
Critères clinico-radiologiques
Fièvre, toux, douleur thoracique, hémoptysie, dyspnée
Et un infiltrat au CT thoracique
Ou
Nouvel infiltrat typique au CT thoracique : cavité, signe du halo ou signe du croissant gazeux
Critères microbiologiques (M 1)
• Examen direct ou cultures positives pour
•Preuve histologique
Aspergillus au niveau de : crachat, LBA ou aspirât (seule suffit)
de sinus
•Culture d’un site stérile
•
Galactomannanes au niveau de : LCR, LBA
ou plasma
b-D-glucane sérique
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Tableau 3. Sensibilité (SEN), spécificité (SPEC),
valeurs prédictives négative (VPN) et positive
(VPP) du dosage par ELISA des galactomannanes
(GM) du lavage broncho-alvéolaire (LBA) avec des
seuils de positivité différents
Prévalence à 14%
Patient avec une API possible
GM LBA (0,5 mg/l)
SEN 49% ; SPEC 73%
VPN 90% ; VPP 23%
GM LBA (1 mg/l)
SEN 41% ; SPEC 88%
VPN 90% ; VPP 36%
(Calculés d’après les données de Affolter K. et coll.11).
ELISA : enzyme-linked immunosorbent assay ; API : aspergillose pulmonaire
invasive.
cas de LBA négatif, la valeur prédictive négative serait de
90%, ce qui n’est pas bien rassurant pour se retenir de traiter,
si l’on considère qu’il s’agit d’une affection potentiellement
létale. En conclusion, le dosage des galactomannanes tant
dans le sérum que dans le LBA est d’une utilité limitée.
b-D-glucane
Le b-D-glucane est un polysaccharide de la paroi fongique
non spécifique pour Aspergillus. Il s’agit néanmoins d’un test
que l’on peut considérer pour dépister une infection inva­
sive fongique au sens large (à l’exception de zygomycètes
et basidiomycètes). La littérature clinique est toutefois beau­
coup moins abondante que pour les galactomannanes.
Polymerase chain reaction (PCR)
La PCR pour amplification de l’ADN aspergillaire pré­
sente de nombreux faux positifs au niveau du LBA en raison
de la contamination par des spores au niveau de l’arbre
bronchique. Au niveau plasmatique, les faux positifs sont
moins nombreux, mais l’examen reste peu standardisé et
donc peu utilisé.
CT thoracique
Le CT thoracique est la première étape diagnostique,
chez le patient immunosupprimé suspect d’une API. La
Figure 1. Signe du halo
Halo de verre dépoli (flèche) entourant un nodule dense du lobe supérieur
droit (étoile) chez un patient immunosupprimé avec une aspergillose pulmonaire invasive.
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manifes­tation radiologique la plus précoce est un macro­
nodule entouré d’une zone en verre dépoli, dit «signe du
halo» (figure 1), dû au caractère angio-invasif et hémorra­
gique de la lésion. Chez les patients avec une pathologie
hématologique maligne, une neutropénie et des symptô­
mes d’API, la valeur prédictive positive de ce signe est ex­
cellente (80 à 90% selon les études).12 Dans cette popula­
tion, le signe du halo est observé chez 96% des patients au
début de l’infection, avec une tendance à disparaître au fil
des jours. La persistance de ce signe n’est plus que de 20%
à quatorze jours. Par la suite, la rétraction du poumon né­
crotique donne une image en «signe du croissant aérique»
(figure 2) qui est visible dans environ 60% des cas à qua­
torze jours du début de l’infection.13 Le signe du halo n’est
spécifique pour une API que dans un contexte de neutro­
pénie profonde avec une clinique compatible. En effet, on
peut retrouver un signe du halo dans de nombreuses situa­
tions, tels d’autres pathogènes qui envahissent les vais­
seaux sanguins (Pseudomonas, zygomyces) ou alors dans des
pathologies néoplasi­ques ou systémiques (par exemple,
vasculites).12
Traitement, surveillance plasmatique
et prophylaxie
L’évolution d’une API peut être rapidement défavorable,
imposant un traitement empirique précoce en cas de sus­
picion. Chez le patient fortement immunosupprimé, il s’agit
d’une urgence thérapeutique. L’arsenal thérapeutique anti­
fongique s’est enrichi de manière importante au cours des
dernières années. Les médicaments actifs contre l’Aspergillus
se divisent en trois classes principales : les polyènes (am­
photéricine B et ses formes lipidiques) actives sur la mem­
brane fongique (action fongicide), les azolés (voriconazole,
itraconazole, posaconazole) qui inhibent la réplication du
champignon (action fongistatique) et les échinocandines (cas­
pofungine, anidulafungine et micafungine) capables d’en­
dommager la paroi fongique (action fongicide).
Le voriconazole a montré une supériorité par rapport à
l’amphotéricine liposomale dans le traitement de l’API. Un
taux de guérisons de 53% vs 32%, avec une survie à douze
Figure 2. Signe du croissant aérique
Masse du lobe supérieur droit (étoile) avec excavation en forme de crois­
sant (flèche). On note, par ailleurs, la présence d’emphysème.
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semaines de 71% vs 58%, a été mis en évidence dans un
collectif de patients avec pathologies hématologiques et une
API probable.14 Pour cette raison, le voriconazole est à ce
jour le traitement de choix de l’API tandis que l’amphotéri­
cine liposomale ne sera utilisée qu’en deuxième intention.
Le posaconazole et la caspofungine ont été admis comme
traitement de sauvetage en cas d’absence d’amélioration
après une semaine de voriconazole ou d’amphotéricine li­
posomale, ou en cas d’intolérance à l’un de ces produits.15-16
L’association de deux traitements avec activité antifongique
différente, tels que le voriconazole et la caspofungine, a
montré un certain bénéfice, mais ne fait actuellement pas
partie des recommandations de la Société américaine des
maladies infectieuses.17
La durée du traitement antifongique en cas d’API n’est
pas bien définie, mais les experts proposent un traitement
prolongé (6-12 semaines) et en tout cas jusqu’à la sortie de
l’immunosuppression. Les critères de guérison sont basés sur
la clinique et le CT thoracique. Pour éviter la toxicité hépa­
tique des azolés et s’assurer d’avoir une concentration effi­
cace, un dosage du taux plasmatique résiduel est recom­
mandé quatre à sept jours après le début du traitement.
Pour la caspofungine et l’amphotéricine liposomale, ce type
de dosage n’est probablement pas utile (tableau 4).18
Pour ce qui concerne la prophylaxie des infections fon­
giques et donc aussi aspergillaires, chez les patients sévè­
rement immunosupprimés (typiquement dans les suites
d’une transplantation de moelle ou en cas de leucémie), le
médicament de choix est le posaconazole. En effet, une
large étude multi­centrique, publiée en 2007, a montré une
amélioration de la survie chez un collectif de patients hé­
matologiques avec une prophylaxie de posaconazole ver­
sus itraconazole ou fluconazole.19
La mortalité d’une API à un an se situait à environ 80%
avant l’utilisation du voriconazole.1 Depuis l’introduction de
ce médicament, le pronostic s’est amélioré, mais on constate
toujours une mortalité globale de 30-50%.
manière plus sournoise, avec une symptomatologie qui se
caractérise par une perte pondérale, une toux productive
ou une hémoptysie. Les anomalies sous-jacentes les plus
fréquentes sont des séquelles de tuberculose (15%) ou d’in­
fection à mycobactérie atypique (14%), un asthme (15%), une
BPCO (12%), un pneumothorax (12%), une néoplasie pulmo­
naire, une sarcoïdose, une polyarthrite rhumatoïde, etc.20
Classification
Une nouvelle manière de classifier les différents types
d’APC a été récemment proposée.21 Se basant essentielle­
ment sur des critères radiologiques, trois catégories distinctes
ont été décrites : l’aspergillome, l’APC cavitaire et fibrosante,
et enfin l’APC nécrosante (ou semi-invasive).
Aspergillome
L’aspergillome est un mycétome, ou «boule fongique»,
à l’intérieur d’une cavité préexistante. Souvent asymptoma­
tique, il peut se manifester par des hémoptysies qui peu­
vent mettre la vie du patient en danger.
Aspergillose pulmonaire chronique cavitaire
L’APC cavitaire se caractérise par la présence de plusieurs
cavités qui peuvent être «habitées» par des mycétomes.
L’évolutivité des cavités ainsi qu’un infiltrat paracavitaire et
un état inflammatoire signent ce type d’atteinte. Dans une
phase d’évolution ultérieure, un certain degré de fibrose
peut être visible au CT thoracique et on parlera à ce mo­
ment d’APC fibrosante.
Aspergillose pulmonaire chronique nécrosante
ou semi-invasive
L’APC nécrosante ou semi-invasive implique une invasion
tissulaire avec une destruction du parenchyme pulmonaire.
Cette forme se rapproche de l’API tout en ayant une évolu­
tion beaucoup moins rapide. Elle est souvent associée à
une immunosuppression de faible intensité (cachexie, dia­
bète, etc.).
aspergillose pulmonaire chronique (apc)
Diagnostic
Chez des patients sans immunosuppression majeure,
mais le plus souvent avec des altérations du parenchyme
pulmonaire, l’infection aspergillaire peut se développer de
Les critères diagnostiques de l’APC sont présentés au
tableau 5. La présence d’immunoglobulines contre l’Aspergillus dans le sérum (IgG anti-aspergillaires appelées aussi
précipitines) est considérée comme suffisante pour remplir
le critère microbiologique. Toutefois, les précipitines ne sont
positives que chez environ 60% des patients qui remplis­
sent les autres critères proposés pour une APC.21 Les ga­
Tableau 4. Traitements de l’aspergillose pulmonaire
invasive (API) et concentrations cibles thérapeutiques
Traitements
Indications
Taux résiduels j 4-7
Voriconazole (Vfend)
1er choix API
•6 mg/kg/12 h IV (1er jour)
•4 mg/kg/12 h IV
•200-300 mg/12 h PO
1-2 mg/l (l 6 mg/l)
L-AMB (AmBisome)
3-6 mg/kg/j IV
•2e choix API
•Sauvetage
Probablement pas utile
Caspofungine (Cancidas) Sauvetage API
70 mg/j IV (1er jour) puis
50 mg/j IV
Probablement pas utile
Posaconazole (Noxafil)
400 mg 2x/j PO
0
(Selon réf.21).
CGD : chronic granulomatous disease.
•Sauvetage API L 1-1,5 mg/l
•Prophylaxie API (prophylaxie L 0,5 mg/l)
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Tableau 5. Critères diagnostiques de l’aspergillose
pulmonaire chronique (APC)
1. M 1 symptôme (toux productive, hémoptysie, perte pondérale)
pendant L 3 mois
2. Lésion radiologique cavitaire évolutive avec infiltrat paracavitaire
3. Précipitines aspergillaires (IgG) sériques ou Aspergillus dans la cavité
4. Etat inflammatoire (CRP, VS)
5. Exclusion d’autres pathogènes (mycobactéries ou champignons
endémiques tels que Coccidioides immitis et Histoplasma capsulatum)
6. Absence d’immunosuppression majeure (sida, leucémie, CGD…)
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lactomannanes sériques ou dans le LBA ne constituent pas
un bon outil diagnostique en cas de suspicion d’APC.22,23
Enfin, une bronchoscopie est recommandée dans tous les
cas afin d’exclure une infection par un autre pathogène.21
Traitement
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec
cet article.
Implications pratiques
> Pour un même pathogène (Aspergillus), la maladie est diffé-
L’aspergillome pulmonaire asymptomatique ne nécessite
en principe aucun traitement. Cependant, un traitement chi­
rurgical devra être considéré en cas d’hémoptysie massive
ou persistante. Les complications chirurgicales les plus re­
doutées sont l’épanchement pleural aspergillaire et la fistule
bronchopleurale, tout comme les hémorragies peropératoi­
res. L’embolisation des artères bronchiques peut être une
option thérapeutique en cas d’hémoptysie massive. Cepen­
dant, il ne devrait s’agir que d’un pont vers la chirurgie, car
les récidives sont fréquentes en raison de la néovasculari­
sation.17 La littérature concernant le traitement de l’APC
cavitaire et de l’APC nécrosante est assez pauvre. Sur la
base de quel­ques études rétrospectives, on peut affirmer
que le voriconazole permet une amélioration clinique et
radiologique dans environ 60% des cas et constitue à ce
jour le traitement de choix.24 Bien que d’évolution plus
lente que l’API, l’APC cavitaire et l’APC nécrosante sont as­
sociées à une mortalité globale de 50% à cinq ans, raison
pour laquelle un traitement optimal de l’infection tout
comme un suivi médical rap­proché des comorbidités sont
indispensables.25
conclusion
Les infections aspergillaires pulmonaires constituent un
large éventail de formes cliniques, reconnaissables par leur
aspect radiologique et le contexte immunitaire du patient.
Il convient de savoir les distinguer car la valeur des tests
de laboratoire (galactomannanes, précipitines) varie d’une
forme à l’autre, de même que la nécessité ou non d’un trai­
tement.
rente en fonction du statut immunitaire et anatomique de
l’hôte : on distingue l’aspergillose pulmonaire invasive (API)
de l’aspergillose pulmonaire chronique (APC)
> Le CT thoracique doit être réalisé sans attendre en cas de
suspicion d’API, car le «signe du halo» est transitoire et
l’évolution rapidement fatale en l’absence de traitement spé­
cifique
> Le dosage de l’antigène galactomannane de l’Aspergillus (sé-
rum et lavage broncho-alvéolaire (LBA)) peut être un appoint
utile pour le diagnostic de l’API, alors que c’est le dosage
des IgG anti-aspergillaires (précipitines) qui peut aider au
diagnostic d’APC. Toutefois, les valeurs de sensibilité et spé­
cificité de ces deux tests sont faibles et limitent leur utilité
> Le voriconazole est le traitement de choix pour l’API
Adresse
Dr Pietro Gianella
Prs Paola Gasche-Soccal et Thierry Rochat
Service de pneumologie
Service de chirurgie thoracique (PGS)
Département de chirurgie
Pr Christian van Delden
Service des maladies Infectieuses
Département des spécialités de médecine
Dr Anne-Lise Hachulla
Service de radiologie
Département d’imagerie et des sciences
de l’information médicale
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
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Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 19 novembre 2014
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