Séance n° 10 - Sociologie CUF
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Transcript Séance n° 10 - Sociologie CUF
Cours 4
Introduction à la sociologie des
professions
Plan de la séance
Définitions de la profession: dans la
littérature anglo-saxonne et
francophone
Dieu, loi et médecine : les « vraies »
professions
La critique de l’école de Chicago :
l’exemple de l’étude d’Eliot Freidson sur
la profession médicale
Définition des « vraies » professions dans la sociologie
fonctionnaliste américaine des années 1930-50
(CoganM.L, 1953, « Toward a definition of profession », Harvard
Educational Review, XXIII, 33-50)
1. Les professions traitent d’opérations intellectuelles
associées à de grandes responsabilités individuelles
2. Leurs matériaux de base sont tirés de la science et
d’un savoir théorique
3. qui comportent des applications pratiques et utiles
4. et sont transmises par un enseignement formalisé
5. les professions tendent à l’auto-organisation dans les
associations
6. et leurs membres ont une motivation altruiste
Différences entre occupations (Occupational
group) et professions : frontière variable dans le
temps et selon les pays
Les experts-comptables n’ont été reconnus
juridiquement comme une profession que dans
l’après-guerre en Angleterre et plus récemment aux
EU.
Les sages-femmes sont reconnues en Angleterre
mais pas aux Etats-Unis
Les radiesthésistes étaient reconnus comme
profession (aux EU); ils ne le sont plus.
Aux EU, les « vraies » professions sont le droit, la
médecine et parfois le clergé et l’armée de métier :
Dieu, loi et médecine car elles réunissent tous les
traits (savoir pratique, formation longue théorique,
association et altruisme)
Définition de la profession dans les dictionnaires
français : extension et polysémie du terme
1. Professio ou « action de déclarer hautement ses
opinions ou croyances » (politico-religieuses)
2. « Occupation par laquelle on gagne sa vie »: tout
travail rémunéré. La mère de famille est « sans
profession », le chômeur aussi
3. Ensemble de personnes exerçant un même métier:
corporation, groupe professionnel : mineurs, chirurgiens,
enseignants, artistes
4. Branche professionnelle (transport routier, chimie…)
Forte diversité de déclaration : monteur de lignes à
Hydroquébec, professeur d’université…
Ambiguïté du terme : : on peut être un PRO et ne pas
être professionnel (exemple des sportifs, cavaliers ou
rugbyman)
Quatre sens et quatre points de vue
(Dubar et Tripier, Sociologie des professions, A. Colin, 1998)
Profession = déclaration
Identité professionnelle
Sens 1
Enseignant-chercheur
Profession = métier
Sens 3
Sociologue
Profession = fonction
Position professionnelle
Sens 4
Responsable d’équipe
Profession = emploi
Classification
professionnelle
Sens 2 professeur
titulaire
Le triple enjeu des professions
Dubar et Tripier, Sociologie des professions, A. Colin,
1998)
1. Enjeu politique : professions comme groupes
intermédiaires entre l’Etat et les individus
2. Enjeu éthique et culturel : professions comme
formes d’identification subjective, d’accomplissement de
soi
3. Enjeu économique : profession comme coalition
d’acteurs qui défendent leurs intérêts par la fermeture
de leur marché du travail, le monopole de leurs activités,
la stabilité de l’emploi, des rémunérations élevées, la
reconnaissance de leur expertise : quel avenir dans une
économie mondialisée ?
Les grands courants théoriques
1. Les approches fonctionnalistes (Durkheim, 1893; Carr Saunders et
Wilson, 1933; Parsons (1939), Merton (1957); Goode (1957). Les « vraies »
professions se distinguent des « occupations » ou semi-professions par leur
savoir spécialisé, leur autonomie, leur prestige, le contrôle des pairs, l’idéal
de service, Idéal-type du professionnel : médecin et homme de loi.
2. Les approches interactionnistes (école de Chicago) : Hughes (1961)
; Howard S. Becker (1964); : les professions sont des occupations qui ont
su préserver la propriété d’un titre honorifique. Analyse de la profession
comme acteur central dans le processus social de division du
travail. Monographies sur des groupes déviants (voleur, entraîneuse de
boîte de nuit, fumeur de marijuana… )
3. Les nouvelles approches (1980-2000)
Approches néo marxistes: place des professions dans le système de
classes : prolétarisées (Larson, 1977) ou rouages de transmission de
l’idéologie capitaliste d’Etat (Johnson, 1972)
Approches néo wéberiennes : prise en compte de l’action de l’’Etat dans
l’émergence des professions ; exemple des ingénieurs; bureaucratisation
des professions (de plus en plus de « professionnels » ou experts).
1. Les approches fonctionnalistes
« Une profession est une communauté relativement
homogène dont les membres partagent identité,
valeurs, définition des rôles et intérêts… »
Les valeurs selon Parsons (1939):
Valeur d’achievment ou d’accomplissement
Universalisme (critères scientifiques largement
reconnus)
Spécificité fonctionnelle
Neutralité affective (analogie avec la cure
psychanalytique)
Les professions types : l’avocat et
le médecin
Des barbiers au chirurgiens (le cas de l’Angleterre)
En 1420, les chirurgien sont regroupés dans la guilde
des barbiers ; refus pendant 4 siècles de les intégrer
dans les associations médicales car activité
« suspecte, pratiquée par des forgerons, tisseurs et
femmes utilisant la sorcellerie ».
En 1830, reconnaissance de la 1ère association de
chirurgie
Reconnaissance des dentistes en 1878
Reconnaissance moins établie des ingénieurs et des
enseignants
Propositions fonctionnalistes
Le développement des professions est au
cœur des sociétés modernes
Elles assurent une fonction essentielle : la
cohésion sociale et morale du système
social
Elles représentent une alternative à la
domination du monde des affaires, du
capitalisme concurrentiel et de la lutte des
classes
Processus de professionnalisation
Passage historique d’une occupation à une profession par le suivi
d’une formation académique qui transmet des savoirs spécialisés et
des règles, des valeurs, un idéal de service, par la création
d’associations professionnelles et d’un monopole d’activité reconnu
par l’Etat. Selon Wilenski (1964), ces critères ne sont pas
accessibles à n’importe quel type d’emploi, à « n’importe qui » (The
professionalization of Everyone ?, American Journal of Sociology, 2,
p. 137-158).
Selon W.J. Goode (1957, « Community within community : the
Professions », American Sociological Review, avril, p. 195-200), les
membres d’une profession sont largement soustraits au contrôle de
l’Etat et de la société et se soumettent à celui de leur communauté
professionnelle « il y a peu de lois concernant une profession
qui ne soit façonnée par la profession elle-même (p. 197)
La professionnalisation de la médecine
américaine (Merton, 1957)
Recherche collective sur les étudiants en
médecine
« La médecine constitue une des institutions
majeure de notre société parce que la faculté
de médecine est la gardienne de ses valeurs
et constitue l’organisation clé qui transmet sa
culture… Elle change la nature du savoir
médical (qui devient scientifique) et la
pratique médicale » (Merton, introduction)
Fonctions latentes et manifestes du
monde médical (Merton, 1957)
Fonction manifeste du cursus universitaire :
« socialiser tous les étudiants à des normes
cognitives et morales communes ».
Fonction latente : sélectionner des individus aptes à
exercer le rôle de médecin, orienter vers des
spécialités, des modes d’exercice différents,
transmettre des sous-cultures à des néophytes selon
des caractéristiques sociologiques et pas seulement
psychologiques
La médecine américaine accède au statut de
profession à la fin du XIXe
Du guérisseur au médecin : le processus
historique de professionnalisation de la
médecine (Freidson)
Le métier, chez les guérisseurs grecs, est une
activité dénuée de stabilité (itinérants),
contrainte à la défensive. Les praticiens se
répartissent en groupes formés par les élèves
autour d’un maître, qui cachent leurs secrets.
« Depuis le Moyen-Âge, la médecine est une
profession de savoir et de recherche mais en
tant que profession consultante, elle reste,
jusqu’à une date récente semblable à celle de
l’exorciste zandé » (Freidson, p. 32).
Les facteurs de professionnalisation de la
profession médicale (Freidson, 1984)
1. Le développement de la technologie médicale :
découverte par Pasteur en 1860 des causes de la
maladie; essor de l’anesthésie et aseptie renforcent les
succès thérapeutiques et la confiance du public.
2. Le développement de l’organisation
professionnelle permet la reconnaissance des critères
de qualification et accroît le monopole d’exercice :
(guildes au Moyen-Âge, associations nationales
professionnelles au XIXe siècle)
3. « Le titre de docteur conféré par l’université
constitue le premier trait discriminant vraiment
solide. L’université médiévale crée pour la première fois
dans l’histoire un critère administratif défini et spécifique
grâce auquel l’identité singulière du métier se trouve
dégagée de l’ensemble confus des guérisseurs alors en
exercice » (p. 28).
« Les professions commencent quand les gens consacrent tout leur
temps à faire ce qu’ils désirent. Mais la nécessité de se former se
fait vite sentir, sous la poussée des recrues ou des clients. Des
écoles sont crées…s’affilient à l’université. Inévitablement, elles
imposent des exigences élevées, une longue formation, un
engagement précoce dans la formation et un groupe d’enseignants
à plein temps. Alors, les enseignants professionnels avec leurs
premiers diplômés créent une association professionnelle. La vie
professionnelle plus active, encouragée par l’association, conduit à
une réflexion sur soi, un possible changement de nom et une
séparation entre compétents et incompétents. La réflexion sur
l’activité principale conduit la profession à déléguer les tâches
secondaires à des para-professionnels. Cela conduit à des conflits
entre la jeune génération formée officiellement et les vieux formés
sur le tas aussi bien qu’à des confrontations violentes avec les
exclus. Cette période est marquée par des efforts de l’association
pour s’assurer la protection de l’Etat, ce qui n’est pas acquis dans
tous les cas et pour toutes les professions. Finalement, les règles
d’admission générées par ces évènements éliminent la compétition
interne ainsi que les charlatans et garantissent la protection du
client cristllisée dans un code éthique formalisé ». (Abott, 1988,
The System of Professions. An Essay on The Divison of Expert
Labor, Chicago and London, The Universitu of Chicago Press, p. 10)
Définition d’une profession consultante
(Freidson, 1984)
Monopole de l’exercice du travail
conféré par les associations
professionnelles et l’Etat
Technique pratique et sûre pour avoir
de bons résultats et attirer les clients
Différence entre profession consultante
et profession de recherche ou de savoir
Il doit résoudre des problèmes pratiques, rendre des services à
une clientèle profane et donc susciter leur confiance ; il n’est
pas le gardien d’un dogme qui sépare le vrai du faux, ni
dépositaire et créateur de savoirs. (Freidson reprend ici la
distinction d’Everett C. Hughes, “Psychology: Science and/or
Profession” in Men and their Work, The Free Press of Glencoe, pp. 139144).
1. Son but n’est pas le savoir mais l’action, il veut agir avec
succès, veut toujours « faire » quelque chose.
2. Il est porté à croire en ce qu’il fait, il réagit comme devant un
placebo, il est gagné par la foi dans ses remèdes ; le
détachement sceptique n’est pas son fort
3. Il est un pragmatiste, enclin au bricolage
4. Il est porté à croire qu’il peut se fier à l’accumulation de son
expérience directe (danger de l’intellectualisation)
5. Il met volontiers l’accent sur l’indétermination ou l’incertitude
sans s’attarder sur l’idée de régularité ou de comportement
scientifique conforme à des constantes. (p.176)
Métier ou profession : le médecin (Freidson,
1970; 1984)
La position d’un métier dans la division du travail est ce
qui permet de dire s’il s’agit ou non d’une profession.
Position structuraliste qui permet de faire la différence
entre la profession et les caractéristiques de ses
membres.
Le statut officiel d’une profession consiste dans
l’autorisation (licence) et le mandat que la société lui
confère pour contrôler son propre travail (Everett C.
Hugues) : Les critères tels que la formation théorique, le
code éthique ne sont pas suffisants : ils sont mis en
avant pour introduire la croyance dans la valeur de la
profession. Ce qui importe c’est que la société croit que
le métier présente ces qualités
Le trait pertinent pour la définition est le statut,
l’autonomie, le pouvoir, le prestige.
La profession médicale a le monopole officiellement
reconnu de dire ce que sont la santé et la maladie et de
soigner.
L’autonomie professionnelle et l’autonomie
socio-économique (Freidson, suite)
La caractéristique la plus décisive et la plus précieuse
de la profession, son autonomie, est due à ses
rapports avec l’Etat souverain.
Quels que soient les pays et la force de l’autonomie
socio-économique (EU, France, GB, URSS), l’Etat
laisse toujours à la profession le contrôle de
l’aspect technologique de son travail.
L’important est l’indépendance d’une profession par
rapport aux métiers avec laquelle elle est en contact
dans la division du travail quand il s’agit d’évaluer et
de contrôler l’aspect technique de son propre travail
Le point de vue interactionniste
sur les professions
1. Groupes professionnels : processus
d’interaction entre des membres qui
défendent leur autonomie et territoire
2. La vie professionnelle est un processus
biographique avec des « tournants »
3. Interdépendance de la biographie et des
interactions
4. Désir de reconnaissance à travers des
rhétoriques et la recherche de protections
légales
Les approches interactionnistes : métiers
modestes et professions prétentieuses
(E.C Hughes; 1970, 1996)
Les concepts : la licence (autorisation d’exercer), le
mandat (mission), career (cycle de vie), segments
professionnels, mondes sociaux et ordre négocié
Critique d’Everett C. Hughes : « les problèmes
fondamentaux que les hommes rencontrent dans leur
travail sont les mêmes qu’ils travaillent dans un
laboratoire ou dans la cuve d’une conserverie »
(égalitarisme)
Biographie et interaction
Postulats méthodologiques : observation
ethnographique du « drame du travail » ;
comparaison des métiers : problèmes communs
(sanctions, secret, hiérarchies et préférences pour
des tâches, des patients, clients etc.)
L’exemple de la profession médicale
La fabrication d’un médecin (Hughes, 195558) : enquête auprès d’étudiants (Boys in
White, 1961 et Making The Grade, 1968)
Construction de l’identité par la socialisation
professionnelle et conversion identitaire
(séparation des visions du monde profane,
« voir le monde à l’envers »; dédoublement
de Soi; crises et dilemmes : sale boulot,
conflits)
Hiérarchie des tâches et délégation du sale
boulot (Everett C. Hughes, Division du travail et rôle
social; 1956 ; 1996, in Chapoulie dir.Le regard
sociologique, Paris, EHESS)
La place des fonctions dans la hiérarchie
médicale est liée à leur degré d’impureté. A
mesure que leur statut professionnel s’élève,
les infirmières délèguent les plus humbles de
leurs taches aux aides-soignantes et aux
femmes de service. Nul n’est inférieur, dans
la hiérarchie de l’hôpital à ceux qui sont
chargés du linge sale et à l’hôpital
psychiatrique au garçon de salle dont le
travail combine certaines tâches malpropres
et l’usage de la force. (p. 64)
Everett C. Hughes, Division du travail et rôle social
(1956 ; 1996, Le regard sociologique, p. 61-68)
Le travail comme interaction sociale est le thème
central de l’étude sociologique et psycho-sociologique
du travail.
Ambivalence du rôle social des activités de services :
faire quelque chose pour quelqu’un (service) ou sur
quelqu’un : exemple du traitement des tuberculeux
ou malades psy dans les hôpitaux.
Altération possible des fonctions et des rôles, liées au
pouvoir de coercition : ex. de l’instituteur, des
garçons de salle des hôpitaux psy, des gardiens de
prisons ou du prêtre dans le confessionnal.
Ambiguïté des alliances entre métiers prestigieux et
méprisés: ex des avocats avec les huissiers, les
espions, les voyous.
Carrières (Hughes, 1967; Le regard sociologique,
1996, p. 175)
« Le mot carrière a lui-même une carrière. Terme employé jadis
pour désigner un terrain de course, il a pris le sens figuré d’un
bref galop mené bride abattue, voire d’une charge de cavalerie ;
il désigne aussi le vol vif d’un oiseau fondant sur sa proie, et la
course du soleil et des étoiles dans le ciel ; de là aussi le sens
de grande vitesse ou d’élan. Ces sens, qui sont tous obsolètes,
ont laissé place à celui-ci : « parcours ou progression d’une
personne au cours de la vie (ou d’une partie donnée de celleci) ». En un sens plus spécifique, le terme désigne « une
profession offrant des possibilités de promotion » et, en un sens
encore plus étroit, employé sans adjectif, le terme désigne en
anglais comme en français, le fait d’entrer dans la diplomatie et
d’en faire sa profession permanente ».
Hughes parle de la carrière « au sens moderne et large du
parcours suivi par une personne au cours de sa vie, et plus
précisément au cours de la période de sa vie pendant laquelle
elle travaille. Cependant cette période, pour être comprise, ne
doit pas être dissociée de l’ensemble »
L’analyse des carrières
Il s’agit de mettre au jour les régularités, de trouver
l’ordre quel qu’il soit, que peut suivre la vie des
personnes à mesure qu’elles se consacrent à leur
travail et qu’elles s’y attachent plus profondément,
ou, à l’inverse qu’elles s’y ennuient, s’y sentent
frustrées et, peut-être, qu’elles abandonnent un type
de travail pour un autre, ou bien fuient tout travail
(ce qui dans notre société est défini comme une
psychose) (p. 176).
Les dimensions ou variables
La première est l’âge biologique (cycle de
vie)
Exemple des carrières brèves du sportif et de
l’actrice « un bref galop mené bride abattue,
une étoile qui traverse le ciel » (p. 178)…
C’est surtout ce qui se passe après ce bref
galop qui détermine le sens théorique de ces
carrières.
Activités centrales et accessoires ; possibilités
de délégation au fil de la progression dans la
carrière.
Les diverses activités d’un métier
L’exemple du professeur d’université
« Tout métier comporte plusieurs activités. Les gens
qui sont employés par les universités mettent parfois
l’accent sur l’enseignement, parfois sur la prise en
charge des jeunes, parfois sur la recherche. Je n’ai
jamais entendu un professeur d’université dire
qu’il était correcteur de copies, bien que
certains d’entre eux en corrigent autant qu’ils
peuvent (une des manières de limiter la production
dans l’activité principale consiste à détourner les
efforts vers les activités de routine) » (Hughes, 1967,
Le regard sociologique, 1996).
Après le galop…
Reconversion (dirigeants syndicalistes noirs,
anciens prédicateurs protestants ou la chute
dans le « tombeau des hommes oubliés »)
La promotion vers les hautes sphères en
abandonnant l’activité centrale (professeur
qui devient doyen).
« L’institutrice, l’infirmière, le vendeur
derrière son comptoir et l’ingénieur qui
devient et reste expert en dessin industriel
n’obtiendront pas les gratifications
suprêmes ». (p. 183)
Le travail du chirurgien ressemble à celui du plombier
(Peneff, 1997, « Le travail du chirurgien : les opérations à cœur
ouvert », Sociologie du travail, XXXIX, n° 3, 1997, p. 265-296
L’ouverture du thorax s’effectue d’abord à l’aide d’outils d’artisan
(scie, ciseaux, chignole) dont le maniement impose le recours à la
force, sans quoi il est impossible d’ouvrir la poitrine, d’écarter les
côtes et de placer cette sorte de cric que l’on nomme écarteur.
Quand il s’agit d’effectuer un pontage, c’est-à-dire de remplacer
des morceaux d’artères hors d’usage par des greffons veineux ou
artériels empruntés à une autre partie du corps, la minutie
s’impose. L’objectif est de relier entre eux des vaisseaux de
quelques millimètres de diamètres d’une taille comparable à celle
des spaghettis. La coordination, souvent muette, avec le reste de
l’équipe chirurgicale (anesthésistes, infirmières et techniciens,
contrôleurs et manipulateurs d’instruments) est aussi décisive que
la force et l’habileté dont fait preuve le chirurgien à ce moment
précis de l’intervention.. L’assistant anticipe et ajuste son action à
celle du chef d’orchestre de la salle d’opération, les gestes
médicaux s’enchaînent et se complètent sans hésitations ni
concertation.
Peneff (suite)
A de nombreux endroits, le travail chirurgien ne se
distingue guère de l’ouvrage ouvrier. Nombreux sont
les points communs : l’exposition à la salissure, la
mise en scène du corps, le recours à la force et à la
dextérité manuelle, la rivalité entre les pairs et
l’importance accordée à leur jugement, les risques
associés à une erreur humaine dans le travail, le
souci de la surveillance constante de l’environnement
Conclusion : Le prestige dont peut jouir, ou non, un
métier n’est pas dépendant de la nature du travail
effectué mais s’explique avant tout par l’histoire
sociale de cette occupation.
Approches néowéberiennes des années 90
: deux processus de professionnalisation
L’activisme de marché (Larson Magali S., 1977, The Rise of
Professionalism. A Sociological Analysis, Berkeley, University of
California Press, 1977) : stratégies professionnelles de
monopolisation des activités sur le marché en Angleterre et aux
Etats-Unis, via le contrôle des universités. Le professionnalisme,
principal support de l’idéologie dominante.
Professionnalisme bureaucratique (impulsion de l’Etat) :
création de segments professionnels divers : exemple des
psychologues en France dans les années 1950-1980 : santé,
éducation (psy scolaires, orientation), politiques de l’emploi
(psychologues du travail de l’AFPA).
Les deux peuvent coexister : exemple des psychologues français qui
défendent l’idée d’un titre unique de psychologue : la loi de 1985 le
protège
Des inclassables …
Eliott Freidson (La profession médicale,
1970, 1986)
et Andrew Abott (The System of
Professions. An Essay on The Division
of Expert Labor, Chicago, University of
Chicago Press, 1988)
Contingence historique des professions
et primat de l’enjeu économique (luttes
pour la maîtrise de territoires)
Andrew Abott The System of Professions. An Essay
on The Division of Expert Labor, Chicago, University
of Chicago Press, 1988
L’exemple du monopole juridique dans le champ des
« problèmes personnels : angoisses, malaises,
malheurs de l’existence humaine », redéfini 12 fois
aux Etats-Unis entre 1860 et 1940
1. Le clergé : prières, rites
2. Les neurologues : hystérie, neurasténie : électrochocs,
hydrothérapie
3. Les psychiatres (tournant du XXe) : théorie de la prévention
des maladies mentales. Conquête de chaires universitaires et
d’une nouvelle clientèle : alcooliques, drogués.
4. psychanalystes (1910-1920) (névroses psychiques)
5. Psychologues : troubles de la personnalité, psychothérapies
6. Neuro-psychiatres (1930): traitement chimique et
médicamenteux