La maltraitance liée aux comportements

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Transcript La maltraitance liée aux comportements

La maltraitance ordinaire à
l'hôpital
CISS
Claire Compagnon
22 Mars 2012
Merci de vous présenter et
de préciser vos attentes
Qu'est-ce que la maltraitance ?
Tentative de définition
Définition donnée par le Conseil de l’Europe (1990) :
 "Tout acte ou omission commis par une
personne (ou un groupe), s’il porte atteinte à la
vie, à l’intégrité corporelle ou psychique, ou à
la liberté d’une autre personne (ou d’un autre
groupe) ou compromet gravement le
développement de sa personnalité et/ ou nuit à
sa sécurité financière. »
Les 7 formes de la maltraitance selon
la classification internationale
violences physiques : coups, brûlures, ligotages, soins brusques
sans information ou préparation, non-satisfaction des demandes
pour des besoins physiologiques, violences sexuelles, meurtres
(dont euthanasie) ;
violences psychiques ou morales : langage irrespectueux ou
dévalorisant, absence de considération, chantages, abus
d’autorité, comportements d’infantilisation, non-respect de
l’intimité, injonctions paradoxales ;
violences médicales ou médicamenteuses : manque de soins de
base, non-information sur les traitements ou les soins, abus de
traitements sédatifs ou neuroleptiques, défaut de soins de
rééducation, non prise en compte de la douleur…
Les 7 formes de la maltraitance selon la
classification internationale (2)
négligences actives : toutes formes de sévices, abus, abandons,
manquements pratiqués avec la conscience de nuire
négligences passives : négligences relevant de l’ignorance, de
l’inattention de l’entourage ;
privation ou violation de droits : limitation de la liberté de la
personne, privation de l’exercice des droits civiques, d’une
pratique religieuse ;
violences matérielles et financières : vols, exigence de
pourboires, escroqueries diverses, locaux inadaptés.
Différence entre maltraitance et
violence
La notion de maltraitance s’entend comme une situation de
violence, d’abus, de privations ou de négligence survenant dans
une configuration de dépendance d’une personne vulnérable à
l’égard d’une personne en situation de pouvoir, d’autorité ou
d’autonomie plus grande.
=>Ainsi ce terme sera utilisée de façon restrictive pour
désigner la maltraitance exercée de manière individuelle
et collective par un ou des professionnels envers un ou
plusieurs patients.
 On parlera en sens inverse de violences verbales ou physiques
d’un patient sur un professionnel
La promotion de la Bientraitance
 Définition de la bientraitance :
La bientraitance est un mot récent, ce n’est pas un concept
mais c’est une culture inspirant les actions individuelles et
les relations collectives au sein d’un établissement ou d’un
service.
C’est une démarche positive qui vise à promouvoir le bien
être des usagers en gardant présent à l’esprit le risque de
maltraitance.
(ANESM, 2008).
La maltraitance ordinaire à
l'hôpital
Étude réalisée à la demande de la HAS dans le
cadre de la révision du manuel de certification,
Étude rendue publique en 2010
Claire Compagnon
Véronique Ghadi
Contexte de l'étude

Enjeux


Intégrer dans la version 2010 du manuel de certification
les notions de bientraitance et de maltraitance
Objectifs

Établir un diagnostic partagé sur le maltraitance ordinaire
entre les professionnels et les usagers du système de
santé

Repérer les leviers permettant de travailler cette question
avec les professionnels et de promouvoir ainsi une
politique concrète de promotion de la bientraitance.
Méthodologie de l’étude



Recueil du point de vue des usagers

Analyse des témoignages écrits et lettres de plainte

Entretiens semi directif
Recueil du point de vue des professionnels

Entretiens auprès de médecins, administratifs, cadres soignants,
experts…

Recueil de documents et outils utilisés
Terrain transversal étudié :

MCO, SSR, USLD, psychiatrie

Établissements publics, privés, PSPH
Travail sur une situation
pratique
A partir de cette lettre de doléance envoyé par
la femme d’un patient hospitalisé :
Établir une cartographie des motifs de plaintes
évoqués par cette proche
Nature des plaintes et quels sont les droits des
personnes malades concernés
Constituer deux groupes et prévoir un
rapporteur
Vous avez 30 minutes
Recueil du point de vue des
malades et de leurs proches



Les types de maltraitances

Liées aux comportements

Liées à des facteurs institutionnels
Les droits traceurs

L'information

La douleur

La dignité
Les situations à risques

La réanimation

Les urgences

La fin de vie
La maltraitance liée aux
comportements


Des attentes fortes

D’accompagnement, d’écoute, de bienveillance, d’humanité, de présence et de
disponibilité des professionnels.

De reconnaissance de la personne, d’individualisation et de personnalisation
des rapports
Un malade transparent, un malade objet

Quand les professionnels échangent et discutent entre eux, en présence du
patient



Discussions informelles devant un public non concerné.
Conversations sur les conditions de travail, véritable chantier de
culpabilisation du patient et de ses proches
Quand les professionnels n’entendent pas ce que disent les malades


Disqualification de la connaissance issue de l’expérience : de l’inconfort au
danger
Discrédit porté sur le parent, dé légitimation comme un acteur de la prise
en charge de leur enfant.
La maltraitance liée aux
comportements

Violences verbales et représailles


Menaces et humiliation = soumission des malades

Propos blessants / Plaintes des patients ridiculisées

Humiliations subies par les patients en rapport avec le corps, l’intimité…

Menaces, réprimandes…
Culpabilisation des proches

Coût de la prise en charge de la personne pour l’hôpital et la société

Les proches sont responsables de ce qui arrive au patient


Les parents n’éduquent pas correctement leurs enfants : déligitimation des parents de jeunes
enfants.
Représailles : entre dispute et punition

Violence tendant à infantiliser le patient.

La punition de la sonnette

Les proches sont souvent la cible affirmée de mesures de représailles
La maltraitance liée à des
facteurs institutionnels

L’accueil de la personne hospitalisée et de ses proches / disponibilité


Accueils ratés, souvenirs souvent douloureux... très froids…
Quand le rythme de l’hôpital est imposé aux malades

Manque de disponibilité des professionnels happés par leur fonctionnement collectif

Rythme des soins imposé



Injonction faite aux malades d’être à la disposition permanente des professionnels, même la nuit

Cristallisation sur les enfants : la succession de soins et d’examens peut être une agression directe,
Des journées rythmées par le bruit

Agresse les personnes malades : marque un désintérêt pour autrui, voire une attitude méprisante,

Consacre le pouvoir des professionnels.
Quand l’hôpital dysfonctionne

Le mythe cultivé des délais d’attente

L’attente dans le rendu des résultats ou les décisions thérapeutiques ou diagnostiques.

les changements non anticipés dans le programme de prise en charge = mise à distance des proches,

Perte de contrôle sur ce qui arrive,
La maltraitance liée à des facteurs
institutionnels


Organisation de la sortie : retour à domicile ou passage
dans une autre structure

Certains ne se sentent pas prêts  non entendable pour les
professionnels,

Mobilisation de la question du financement, soupçon
systématique sur un abus potentiel de la sécurité sociale,

Décisions prises uniquement sur des arguments économiques

Quand l’organisation de la sortie dysfonctionne
Absence de réponse ou réponse inadaptée aux
courriers de doléance

Une marque de mépris profonde
Des droits traceurs

Le devoir d’information

La prise en charge de la douleur

Le respect de la dignité
Le devoir d’information



Le défaut d’information

Être ballottés d’un professionnel à un autre

Risque de susciter de l’agacement, de l’agressivité de la part des professionnels/conflits latents.

Source de souffrance psychique pour le patient et son entourage : confisque la possibilité de
reprendre le contrôle de leur vie.
Les conditions de délivrance de l’information

Violence faite aux patients et à leurs proches.

Effet totalement destructeur sur la personne ou au contraire perspective réparatrice qui va
permettre à la personne de reprendre le contrôle de sa vie.

Réaffirmer brutalement leur pouvoir : par les mots employés ou les conditions matérielles

Expression d’un certain mépris social, mépris intellectuel ressenti durement par les personne qui en
sont victimes.
Une absence de perception de la part des professionnels

Conflit entre l’autonomie fonctionnelle et l’autonomie dans les choix de vie
Prise en charge de la douleur : entre
maltraitance physique et maltraitance
psychologique


Négation de la plainte et non prise en charge de la douleur.

Absence de prise en charge souvent par négligence

Douleur minimisée, voire ridiculisée  maltraitance physique et psychologique

Négation de la parole de celui qui se plaint, négation de l’expertise du malade

Mobilisation du « côté psy »
Entre soins et violence infligée

Imposer des gestes invasifs sans préparation préalable, sans explication, voire
même avec une véritable brutalité.

Les enfants : une population cible


On impose à l’enfant des décisions comme on le fait au quotidien ;

Il est plus facilement maîtrisable physiquement ;
La place laissée ou négociée du parent,


La réalisation de certains gestes plutôt invasifs commande l‘exclusion des parents,
avec un effet contraire
Quelle participation et quel recueil du consentement des parents.
Le respect de la dignité
L’atteinte à l’intimité et à la confidentialité

- Publicisation de la vie privée, l’histoire de sa maladie, secret professionnel,
- Atteinte à l’intimité corporelle : Exposition de la nudité prolongée ou non justifiée
- Commentaires des professionnels
L’hygiène corporelle, hygiène de la chambre et traitement
dégradant.

-
Hygiène de la chambre
-
- Recueil des selles et des urines
•
Demandes non satisfaites
•
Couches imposées
•
Bassin sale
•
Remarques déplacées, voire…
La maltraitance liée à certains
contextes de soins

Plus le risque de dépendance de la personne et de
ses proches par rapport à l’hôpital est grand et plus
le risque de maltraitance est grand.

Situations où les personnes sont entravées
physiquement, dans l’impossibilité de se déplacer,
Exemple : la réanimation

Situations anxiogènes, dépendance psychologique,
isolement social. Exemple : les urgences

Situations de rupture de la logique de soins curatifs, c'està-dire les périodes de fin de vie, ou les situations
d’évènements indésirables (erreur, infection
nosocomiale…).
La réanimation

L’expérience de la réanimation par les malades

La place des proches en réanimation

Rejet brutal à un moment où les proches sont dans
la crainte de perdre un des leurs.

Incompréhension forte quand les familles ont une
expérience plus libre dans des services pourtant tout
aussi complexe

Conflits violents et ouverts

Règles différentes suivant les services ou les
établissements.
Les urgences

Accueil souvent plus administratif qu’humain

Des délais d’attentes à rallonge



Un règlement qui s’impose sans tenir compte des personnes ellesmêmes et sans possibilité d’adaptation,
Le sort réservé au proche est le même qu’en réanimation, c'est-àdire la mise à distance.
Le séjour aux urgences « en apesanteur » par rapport au rythme de
la vie : les besoins primaires ne sont pas pris en compte : la faim, la
soif, le besoin d’aller aux toilettes…
Le reproche fait aux urgences, ce n’est pas tant l’attente qui est
acquise a priori, mais le fait que le patient et ses proches ne
peuvent rien anticiper, pouvant avoir l’impression qu’on les a
oubliés.
La fin de vie : gestion de la fin de
vie et annonce de la mort prochaine


L’annonce de la mort prochaine ?

Des proches non avertis ou avertis trop tard, qui « ratent » la mort de leur
proche.

Des annonces maladroites voir brutales sur la mort prochaine du malade

Des stratégies multiples d’évitement … jusqu’au transfert dans d’autres
services
Les conditions de la fin de vie ?

les patients dans l’incapacité de protester

Les proches déstabilisés en difficulté pour imposer leur point de vue

Les professionnels en situation de malaise

Conditions dégradées : Atteinte à l’intimité et humiliation de la personne /
mauvaise organisation de l’offre de soins :
dérives possibles
comportements inadaptés
La fin de vie : la gestion de la mort
et du deuil




L'accompagnement par le proche

Pallier l’insuffisance d‘un accompagnement moral

Exclusion inacceptable des proches

Demande d’une présence plus intense voire continue : avant et pendant la
phase agonique
Nouvelle violence faite à la famille.

Faire disparaître au plus vite toutes traces de la personne décédée

Accueil froid des familles, vocabulaire technique, règlement incompréhensible
Les condoléances : une marque de respect souvent oubliée
La période post mortem : un condensé de droits à respecter et de sources possibles
de maltraitance

l’accueil, les mots employés, la décence des lieux, le maniement du corps, le
respect des croyances religieuses…
Ce que cela suscite
chez les professionnels


Une thématique qui ne laisse pas
indifférent
Une absence de contestation du
phénomène
Une perception commune de certaines
dimensions de la maltraitance

La maltraitance physique

La banalisation de la maltraitance


Difficile à dénoncer, insidieuse, systémique

Cercle vicieux : dans un service maltraitant, seuls
ceux qui l’acceptent, restent.
Les défaillances subies par les malades et leurs
proches

Manque de préparation des patients et de leurs
proches, manque d’anticipation
Spécificité du point de vue
des professionnels


Une perception des professionnels ciblée
sur les personnes âgées
Des professionnels globalement
conscients des risques de maltraitance

Très sensibles aux situations les plus explicites, celles qui ont
été déjà largement dénoncées

Mais ils ne repèrent pas comme maltraitant des situations
d’atteinte à l’intégrité et aux droits des patients constitutives
de son statut de sujet
Les facteurs explicatifs
 Les difficultés liées aux professionnels faibles effectifs avec en
corollaire leur faible disponibilité voire leur isolement, faible degré
d’implication dans le soin et la vie du service, méconnaissance du
problème,
 Les difficultés liées au management méconnaissance et la
mauvaise gestion des déclarations de maltraitance),
 Les difficultés liées à la structure le travail et sa pénibilité, la
difficulté d’organisation de temps de rencontre et de partage entre
les professionnels autour de la prise en charge avec, pouvant
l’expliquer, l’existence de conflits, une augmentation du rythme et de
la charge de travail liée à une diminution de la durée moyenne de
séjour et une augmentation de l’activité ambulatoire, des contraintes
architecturales,
Les difficultés liées au patient et à sa prise en charge :
sentiment d’une difficulté du maintien d’une attitude
bientraitante face à l’agressivité de certains patients ou de
leurs proches,
Les difficultés liées aux cultures professionnelles : faible
prise de conscience de la maltraitance, un non signalement de
faits de maltraitance ainsi qu’une difficulté à la prise de recul
sur la pratique qui s’accompagne d’une non reconnaissance de
celle-ci
La souffrance des professionnels




Confrontation à des situations de souffrance
Réalisation de soins douloureux vécue par
les professionnels comme de la violence
infligée
Soins considérés comme inutiles /
acharnement thérapeutique
Phénomène d’objectivation du corps
31
Des conditions de travail de plus
en plus difficiles

Des tâches de plus en plus lourdes




Réduction des durées moyennes de séjour / malades
aux besoins intenses de soins, de prise en charge
Personnes de plus en plus âgées, très dépendants,
voire démentes.
Besoins particuliers nécessitant des compétences
spécifiques en terme d’accompagnement, et de maintien
de l’autonomie.
Un contexte de restrictions budgétaires et de
rationalisation des dépenses.

Introduction de la T2A  des restrictions de personnels
 priorité économique
32
Des conditions de travail de plus en
plus difficiles (suite)

Un manque de professionnels formés et stables
 Effectifs insuffisants au regard de leur tâche à
assurer  fatigue  absentéisme
 Turn over important
 Manque de formation spécifique aux pathologies
 Dilution du lien de rattachement du professionnel
au service, désinvestissement des professionnels
(rattachement au pôle)
Souffrance au travail
33
Impact des difficultés liées au manque
de moyens humains à relativiser

Les facteurs de la maltraitance des
malades et de leurs proches ne se
résument pas seulement à une
insuffisance de moyens, mais relèvent
d’une réflexion plus générale sur
l’organisation des établissements de
santé et de la capacité de l’ensemble de
l’encadrement à poser les conditions
d’une démarche de bientraitance.
34
Une organisation souvent trop rigide




Des professionnels également victimes de cette
organisation rigide et des multiples injonctions qui
leur sont faites
Priorité systématique pour la réalisation des soins
techniques, des examens, / dévalorisation du travail
des soignants sur ses dimensions relationnelles,
d’échange et d’écoute
Responsabilité forte des cadres sur ces questions
Insuffisance de remise en question de l’organisation
des soins en fonction des nouvelles attentes et des
nouvelles contraintes (ex : les toilettes)
35
Un encadrement parfois défaillant

Responsabilité du directeur de l’établissement au
cadre de proximité





Concurrence des pouvoirs et des logiques
administratives, médicales et soignantes
Des cadres de proximité insuffisamment formés
au management…
… des cadres dirigeants qui restent encore trop
en dehors des services et éloignés de la réalité
du quotidien.
Quelle capacité à se positionner de l’ensemble
de la hiérarchie ?
Quel investissement du corps médical sur la
prévention de la maltraitance et la promotion de
la bientraitance ?
36
Entre personnalisation de la PEC et
technicité imposée par les protocoles

Une évolution dans les relations avec les patients





Conflit entre attente des patients et priorité professionnelle (ex de
l’urgence)
Différentiel de vision sur ce qui relève de la responsabilité des
professionnels ou de la responsabilité du malade et de ses proches.
Des zones de recouvrement : entre soins et éducation en pédiatrie
Conflit avec les familles  Impact sur le malade
Développement des protocoles et procédures



Temps passé à définir ces outils de travail, à vérifier qu’ils sont
appliqués, à les évaluer sont autant de temps passé ailleurs
qu’auprès du malade.
Cadre d’action devenu trop prégnant,
 les professionnels sont plus attentifs à ce cadre qu’à établir des
relations humaines avec les malades, se laissant la possibilité de
la surprise et de modalités de prise en charge différenciée.
37
Ambivalence des professionnels sur ces questions.
Conclusion

Un accueil favorable à ce rapport



Des professionnels qui témoignent
Comment lancer une dynamique
différente dans les services et dans
l'hôpital ?
Quels partenaires et quel rôle pour les
RU ?