entrainement - maltraitance

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Sport, entrainement,
ou débute la
maltraitance ?
Eric CHARLES
Praticien Hospitalier
Service Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie
Définition
Maltraitance
« actes et négligences qui troublent gravement
l’enfant, portent atteinte à son intégrité
corporelle, à son développement physique,
affectif, intellectuel et moral dont les
manifestations sont la négligence et/ou les
lésions d’ordre physique et/ou psychique et/ou
sexuel »
Plusieurs types de maltraitance
Harcèlement et abus sexuel
• Isabelle Demongeot vs Régis de Camaret (Tennis)
• Etude auprès de 226 athlètes canadiens SHN dont 20% rapportent des
relations sexuelles avec des représentants de l’autorité dans leur
discipline; 8,6% des relations sexuelles forcées
Kirby et al, 1996
• Etude auprès de 572 athlètes norvégiennes élite dont 33% ont connu
une forme d’agression allant du harcèlement léger à l’agression
caractérisée dont plus du tiers (12%) sont le fait d’hommes
représentant une autorité
Fasting et al,1998
• Près de 8% d’un groupe de pratiquants sportifs français disent avoir
subi une agression d’ordre sexuel en milieu sportif
Jolly et al, 2006
Enquête sur les violences sexuelles auprès de 356 sportifs dans 18 disciplines, âgés de
13 à 23 ans (65% de garçons; 35% de filles)
• 124 cas de violences rapportées
– Harcèlement: 71 (57,2%)
• Brimades / chantage
• Voyeurisme / exhibitionisme
– Atteinte: 29 (23,4%)
– Agression: 24 (19,3%)
• Qui est l’agresseur ?
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Un homme dans 90% des cas
Autre sportif: 30
Ami, connaissance ou inconnu: 24
Entraineur: 5
Personnel de l’encadrement: 3
Personne du médical: 3
Greg Décamps et Sabine Afflelou (2008)
L’entraineur est l’abuseur le plus
souvent désigné par la victime
• Position de pouvoir et d’autorité; de contrôle
• Proximité physique
• Situations « d’entrée » dans l’intimité
• vestiaires, déplacement
• Perte des frontières Public/privé/intime
• Passer beaucoup de temps ensemble dans
l’environnement émotionnellement intense du sport de
compétition
Maltraitance physique
Violence physique directe
Equipe féminine de Judo Japonaise (2013)
Problème de l’intentionnalité / Notion d’automaltraitance
Quelle limite entre entrainement physique
intense et maltraitance ?
Entrainer, coacher
Basé sur la contrainte du corps
Subi par l’athlète
Atteintes physiques considérées comme inévitables
Maltraitance
• Surcharge de travail à l’entrainement
– Avant la compétition pour augmenter la performance
– Après la compétition à visée punitive
• S’approprier la performance vs la subir
• Quand ces contraintes quotidiennes engendrent des
troubles graves et durables et qu’elles étaient évitables
• Risque de séquelles … y compris après l’arrêt de la carrière
• Syndrome de surentrainement
Le syndrome de surentrainement
• Equivalent du syndrome de Burnout
• Attachement excessif (voir dépendance) au comportement sportif
• Charge de travail excessive et/ou inadaptée au physique de l’athlète +
monotonie de celui-ci
• Conséquences somatiques
– Risque élevé fracture de stress ou de fatigue; inflammations chroniques
(tendinites); problème musculaires
– Infections de la sphère ORL
– Troubles des règles et de la libido
• Atteinte du système hormonal
– Altérations axe corticotrope incapable de faire face à la quantité de stress
• Conséquences psychiques
– Vécu de grande fatigue
– Humeur modifiée
• Conséquences sportives
– Baisse des performances sportives, voir incapacité à accomplir des perfs
– Dopage
Revue de 51 articles par Lehman (1997)
Cas clinique:
Cas d'état de fatigue "minimisé »
• Athlète de 22 ans, du pôle France, joue la qualification pour les J.O. dans
un mois lors de tests fédéraux. Depuis plus de trois semaines, il "n'avance
plus", il a des troubles du sommeil, se sent triste, reste seul, s'entraîne
sans aucun entrain et se plaint de ne pas avoir de récupération.
• Le soir, il a des crises d'angoisse, il fume un peu de cannabis Ses
entraîneurs le "motive" pour qu'il "donne tout" pour un mois seulement…
• Un mois après, il n'ira pas aux J.O. parce qu'il est blessé à l'épaule, il tente
de reprendre ses études en vain…
• Commentaires : état de surentraînement avéré depuis trois semaines,
avec altérations physiques, affectives, isolement, plainte du contexte
sportif, conduites addictives…
= Maltraitance par ignorance des symptômes de surentraînement.
Maltraitance psychologique
• « les mots, utilisés pour blesser sans laisser de
traces »
MF Hirigoyen
Brimades
Harcèlement moral
Marlène Harnois vs Myriam Baverel (Taekwondo)
Une situation à risque: le parent entraineur
Le Tennis: un exemple édifiant
Des exemples à foison et à toute époque
– Suzanne Lenglen
– Jimmy Connors et sa mère Gloria
– André Agassi
– J Capriati et Stefano son père, ancien cascadeur
=> toxicomanie, prostitution, dépression
– Les sœurs Williams
– Aravane Rezaï; Mary Pierce
– Bernard et John Tomic
Quelles explications ?
• Sport individuel + aspect culturel
• Difficile de séparer affection parental et coaching
Surtout si la casquette d’entraineur prend le pas sur celle de parent
• Une relation ambivalente
L’enfant obéit à l’entraineur mais pour plaire au parent
• Parent qui projette ses désirs à lui, oubliant ceux de son enfant
Transforme l’enfant humain en enfant-objet, instrumentalisé
comportement ( y compris maltraitance) qu’il ne développerait
pas dans un autre contexte
Perte de maitrise du parent
MAIS il faut un terrain psychologique particulier
Maltraitance par négligence
Négligence…
• Des besoins psychologiques de l’athlète voir de sa
souffrance psychique
• Des besoins sociaux
• Des besoins affectifs
• De la blessures et des délais de récupération
Cas clinique:
Cas de la blessure "occultée »
• Jeune joueur de 17 ans, talentueux, va disputer son premier match
international. Le matin même, lors du réveil musculaire, il se fait une
entorse de la cheville.
• Sa cheville est gonflée, mais il se sent capable de jouer, le médecin et le
kiné le lui déconseillent.
• Le manager adjoint au DTN et les entraîneurs de l'équipe de France
veulent à tout prix le "tester" et insistent pour qu'il rentre en cours de
match.
• Quinze jours après, le diagnostic tombe : Ostéochondrite de la cheville sur
lésion du dôme astragalien : altérations cartilagineuses irréversibles.
• Commentaires : mépris de l'avis médical et absence de considération pour
l'avenir du joueur.
Conséquences sur l’athlète
• Blessures à répétition; séquelles
• Baisse des performances
• Abandon de la pratique sportive
• Impact psychologique +++
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Autodévalorisation, culpabilité
Anxiété, ESPT
Dépression
Troubles psychosomatiques
Automutilation, suicide
Conduites addictives
TCA
Maltraitance et dopage ?
• Vulnérabilité des SHN
• Pression de l’entraineur voir dopage contre son gré
= maltraitance par empoisonnement
Ex RDA, cautionné par entraineurs fédéraux et milieu médical
• Entraineur qui « ferme les yeux »
= maltraitance par négligence
• Vide de l’après carrière => alcool ou drogue
= maltraitance par abandon et non préparation
Emprise et dépendance
Relation d’emprise
• Délégation d’autorité
de l’institution sportive
Des parents
ENTRAINEUR
– Incarne le savoir et la compétence
« il sait ce qui est bien pour moi »
– Fonction protectrice et de moralité
 Confiance totale
Relation d’emprise
• Appropriation
« Mon athlète », « mon équipe », « mes filles »
– Les performances de l’athlète sont réattribuées à
l’entraineur
– Droit de propriété
 Droit de disposer du corps de l’athlète ?
De maltraiter ce corps ?
Relation d’emprise
• Domination
– Légitimée par la fonction d’entraineur
– Recherche de l’ascendant sur l’athlète
– Possibilités de résistance et d’opposition diminuées
 Soumission
Acceptation de contraintes de plus en plus
insupportables
Relation
Relationd’emprise
d’emprise
• Aspect affectif
– Investissement affectif réciproque
• Projection des désirs de l’entraineur sur l’athlète
• Idéalisation en retour des compétences techniques
– Désir de plaire, d’être reconnu(e) et « à la hauteur »
– Relation de confiance
• Substitut aux parents, confident
• Aspects quasi fusionnels avec parfois relation exclusive
 Renforce la dépendance via dépendance affective
Contexte / sport de haut niveau
La « culture sportive »
• Douleur consentie: « Il faut souffrir pour réussir »
• Culte du résultat
– Prêt à tout accepter pour gagner, y compris l’inacceptable
– Justifie les exercices les plus pénibles, les vexations voir les
humiliations (« c’est pour son bien…celui de son équipe »)
– Culpabilisation de l’athlète après une contre performance +
séances vécues comme une punition après un échec
• « La loi du milieu »= « la loi du silence »
– Absence de réaction des autres athlètes ou du staff (y compris
médical)
– Protection des coupables?
– Parole des victimes souvent décrédibilisée
Envahissement du champ de pensée
et de la vie de l’athlète par le sport
• Tout est réglé, organisé, quantifié, supervisé
– Hygiène de vie ultra stricte
– Nourriture en termes énergétiques
– Multiplication des interdits et privations (sorties, alcool,
aliments, fréquentations)
– Prise en charge du corps comme objet programmable et
mesurable
• Individu = « producteur de performance »
Existence programmée et limitée
Perte de contrôle vs tentative de maitrise
 Projet sportif prend le pas sur le projet « humain »
Le plus souvent l’entraineur sera le
limitateur des dérives du sport de
haut niveau
MAIS
Perspectives : proposer des solutions
concrètes
Perspectives : proposer des solutions
concrètes
- Respect des rythmes physiologiques de l'athlète : sommeil,
alimentation, hydratation
- Quantifier la charge d'entraînement + questionnaire surentraînement
- Respecter chaque phase de l'entraînement : échauffement, graduation,
retour au calme, récupération
- Adapter le matériel au sportif et non l'inverse
- Ecoute des plaintes physiques et orientation vers le spécialiste
compétent
- Vigilance/plaintes psychiques (émotionnelles et affectives) mais aussi
sociales et professionnelles
- Vigilance / conduites addictives ou dopantes
- Surveillance médicale
Addiction
• 20 % des patients pris en charge dans un centre
pour toxicomanes étaient des sportifs ayant eu
une pratique sportive intensive (>2 h/j pendant
plusieurs années)
• Questionnaire auprès de sujets toxicomanes:
6% de sportifs de haut niveau
(seuls 0,012% des licenciés sont considérés comme SHN)
• 34 % des sportifs professionnels répondent au
critères d’abus de substance
« Anorexia athletica »
= TCA infraclinique
• Comportements alimentaires préoccupants
– Diète, exercice excessif
• Diurétiques + laxatifs
• Femmes +++
MAIS 11% dans un groupe hommes rameurs et lutteurs
• Sports concernés
– Notation subjective influencée / esthétique
• Gymnastes; Patineuses artistiques; Danseuses +++
– Importance du poids ou catégories de poids
• Marathonien; sports de combat; jockeys
Cas clinique:
Cas de dommage métabolique
• Athlète de sport de combat, vient d'un département d'Outre Mer pour sa
première année en pôle France. L'entraîneur du pôle lui explique que dans
sa catégorie de poids il y a trop de concurrence pour se faire une place et
qu'elle doit perdre 4 kg pour les prochaines qualifications dans 15 jours…
• Six mois après, elle ne s'est pas qualifiée pour les J.O., elle n'a toujours pas
eu ses règles, elle décrit des accès de boulimie nocturnes, elle a pris 8 kg,
elle a de graves troubles de la personnalité, elle ne se reconnaît plus…
• Commentaires : troubles de la personnalité considérés comme un
préjudice majeur, l'athlète est psychologiquement brisée. Dans ce cas
aussi, on relève l'obnubilation de l'échéance sportive, le non respect de la
physiologie et le manque de suivi médical.