Claude Villeneuve

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Développement durable: peut-on
s’en passer?
Claude Villeneuve
Professeur
Directeur de la Chaire en éco-conseil
Département des sciences fondamentales
Université du Québec à Chicoutimi
Conférence à la SADC
Îles de la Madeleine le 14 juin 2012
Une question préalable
• Dans un contexte d’économie mondialisée et
de compétition internationale pour les
marchés, peut-on envisager autrement que
comme un luxe de considérer autre chose que
la rentabilité financière immédiate pour le
développement des entreprises et des
collectivités?
Le développement
• Un processus d’adaptation visant à
améliorer une situation perçue comme
perfectible;
• Procède d’une vision de futurs possibles.
• Porté par l’optimisme;
• Demande des investissements (financiers,
de travail, de temps…) dont on espère un
bénéfice selon des indicateurs déterminés;
• Difficile d’être contre!
Développement et croissance
économique
• Traditionnellement l’augmentation de l’activité
économique est un signe d’amélioration de la
richesse et l’augmentation de la richesse représente
une meilleure marge de manœuvre pour satisfaire
les besoins des sociétés.
• La croissance économique est donc considérée à la
fois comme le résultat et l’objectif du
développement. C’est un boucle de rétroaction
positive.
Des ressources et des déchets
• Pour soutenir la consommation toujours accrue d’une
population en expansion dans une économie mondialisée, il
faut exercer une pression toujours grandissante sur les
ressources, le territoire et l’énergie.
• Les ressources non renouvelables s’épuisent inéluctablement.
Les ressources renouvelables peuvent être surexploitées
jusqu’à disparaître (ex: pêches).
• Toute activité de consommation entraîne la production de
déchets à chacune des étapes du cycle de vie.
• La gestion des matières résiduelles peut être une charge
financière non négligeable pour les entreprises et les
collectivités.
Un exemple?
Bientôt 9 milliards d’amis!
• La population humaine a plus que doublé depuis 1960
et presque triplé depuis 1950.
• La stabilisation des effectifs pourrait se produire vers
2050 à 9 milliards mais il est plus probable qu’elle
atteigne 10 milliards de personnes en 2100.
• La croissance démographique est très inégalement
répartie en faveur des pays pauvres.
• La moitié de la population mondiale vit dans les villes
depuis 2008 et sera de 60% en 2030.
• Le niveau de consommation s’est multiplié par 3 entre
1970 et 2005.
Évolution de quelques indicateurs
Le problème du développement?
• En ne regardant que l’indicateur économique
comme facteur prépondérant du développement,
on perd de vue la détérioration d’autres indicateurs
clés.
• Même si augmentation de richesse signifie une
amélioration objective de la sécurité et de la
qualité de vie dans les premières étapes du
développement, elle rencontre vite la loi des
rendements décroissants.
La planète malade du développement?
•
•
•
•
•
Réduction de la biodiversité
Eutrophisation accélérée des plans d’eau
Changements climatiques
Réduction de la couche d’ozone
Accumulation de polluants organiques
persistants
• Crise de l’eau
• Raréfaction des ressources non renouvelables
Une évaluation mondiale
• Rapport sur l’état de
l’environnement paru
le 6 juin 2012
• 550 pages avec
analyse d’indicateurs
mondiaux et régionaux
• Scénarios pour la
durabilité
• Éléments de réponse
internationaux
Principaux constats?
• Très peu de choses se sont améliorées depuis
1992, la plupart des indicateurs se sont
détériorés et plusieurs ont dépassé le seuil
critique.
• La pression démographique, combinée à la
croissance de la demande de biens de
consommation, augmente la pression.
• Les moyens de régulation internationaux sont
inefficaces.
Un besoin de redéfinir la prospérité
(Prosperity without growth, Jackson, 2009)
• 20% de la population
mondiale dispose de moins
de 2% de la richesse
économique.
• L’impératif de croissance
accélérée est devenu la
cause
des
crises
économiques.
• Pour généraliser le mode de
vie des pays de l’OCDE en
2050, il faudrait multiplier
l’économie mondiale par 15
et par 40 fois pour atteindre
cet objectif en 2100.
Un exemple: les changements
climatiques
• Comme tout développement implique l’utilisation d’énergie et que
85% de l’énergie primaire consommée dans le monde provient des
sources fossiles , toute augmentation du PMB se traduit par une
augmentation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
• Selon le GIEC, même avec tous les efforts en efficacité énergétique et
le déploiement de la production d’énergie renouvelable, on aurait
encore besoin d’autant d’énergie fossile en 2035 qu’en 2008.
• Selon le scénario BAU de l’OCDE (2012), la concentration de CO2
dépassera 685 ppm en 2050 contre 300 ppm en 1950 et 285 en 1850.
• Le seuil à ne pas dépasser selon le GIEC est de 450 ppm.
Inexorablement plus!
Mai 2012
396,78 ppm
Source http://www.esrl.noaa.gov/gmd/ccgg/trends/
Un constat
• L’humanité modifie de manière perceptible la
composition de l’atmosphère depuis les
débuts de l’ère industrielle et de manière
accélérée depuis les années 1950.
• Ce changement résulte de l’intensité des
émissions de diverses sources et de
l’incapacité des systèmes naturels de rétablir
l’équilibre des concentrations de gaz à effet de
serre autour des valeurs historiques.
Un portrait?
(Source: GIEC, GT3, 2007)
Émissions anthropiques en 2007- 29 Gt CO2éq
Émissions globales de CO2 des
carburants fossiles
Source: Le Quéré, C. et al., (2009) Trends in the sources and sinks of carbon dioxide. Nature Geosciences, 2, 831-836.
Effets prévisibles
• Modifications de la variabilité et des extrêmes
climatiques.
• Hausse des minima et des moyennes locales.
• Réduction de la cryosphère.
• Hausse du niveau de la mer.
• Modification du cycle de l’eau.
• Modifications de la phénologie et de l’aire de
répartition des espèces.
Source NASA: http://data.giss.nasa.gov/gistemp/graphs/Fig.A2.lrg.gif (juin 2012)
Le climat
•
Température moyenne, avec le modèle canadien [scénario IS92a (2xCO2 en 2065)]
(Service météorologique du Canada, Environnement Canada)
2010-2030 par rapport à 1975-1995
2040-2060 par rapport à 1975-1995
2080-2100 par rapport à 1975-1995
2020
1,5xCO2
2050
2xCO2
Actuellement, c’est le scénario le plus plausible!
2090
3xCO2
Facteurs aggravants
• 85% de l’énergie utilisée dans le monde est d’origine
fossile et les réserves sont encore abondantes (ex:
gaz de shale).
• Les centrales thermiques construites aujourd’hui
fonctionneront encore dans 50 ans.
• La mondialisation des chaînes de production
implique une demande accrue pour le transport.
• Les trois plus grands pays émetteurs de la planète
(Chine, Etats-Unis, Brésil) n’ont pas encore de cibles
ou de programmes de réduction des émissions.
La banquise arctique
Les prévisions
Le réchauffement prévu est déjà « en
banque ». Même les programmes les
plus radicaux de réduction des
émissions de GES ne peuvent que
réduire l’importance du dépassement
de la prévision de 2,4˚C. (Ramanhatan,
V et Y. Feng (2008) On avoiding
dangerous anthropogenic interference
with the climate system: Formidable
challenge ahead PNAS, 105:58:1424514250.
L’accord de Copenhague n’influencera
pas significativement le rythme de
croissance des émissions OCDE
Perspectives de l’environnement pour
2050 (2012).
Le développement durable
• « Le développement durable est un développement qui répond
aux besoins du présent sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs » CMED 1987.
• Interroger la notion de besoins et les hiérarchiser.
• Quelle est la limite des systèmes naturels à fournir des
services et des ressources pour répondre à ces besoins pour
une population de plus en plus nombreuse et individualiste?
• Quelle conception et quelle portée de l’équité?
• http://www.mediaterre.org/international/actu,20060816174238.html
Le développement durable
• Le développement durable vise à satisfaire les
besoins des humains d’aujourd’hui et de demain.
• Il doit être:
•
•
•
•
Écologiquement viable;
Socialement équitable;
Économiquement efficace;
Capable de rééquilibrer les rapports Nord-Sud et de réduire les
disparités entre les pauvres et les riches.
• Et dégager des marges de manœuvre pour
l’adaptation dans l’avenir…
Une utopie?
• L’Utopie est un pays imaginaire où un gouvernement
honnête règne sur un peuple heureux. (Thomas More).
• Le développement, en tant que processus d’adaptation, ne
peut être totalement déterministe.
• Ses caractéristiques se déclinent en fonction d’une société
donnée, de sa culture et de ses moyens financiers,
technologiques, etc.
• Ce qui était durable il y a 50 ans ne l’est peut-être plus
aujourd’hui et ce qui l’est aujourd’hui ne le sera peut-être
pas dans 50 ans.
Principes vertueux
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•
•
•
27 principes de Rio
16 principes de la loi québécoise du DD
4 principes de Natural Step
Principes, lignes directrices et objectifs de la
grille en Éco-Conseil
• Il est plus facile de concevoir la vertu dans les
principes que dans l’application
Une panacée?
• Si on en croit les discours politiques, les
organisations internationales, les groupes
écologiques et beaucoup de regroupements
industriels, en faisant les choses de façon plus
« durable », nous pourrons collectivement
continuer à jouir des retombées du
développement sans épuiser les ressources, ni
détruire les équilibres planétaires.
Le développement durable:
une hypothèse
• …une hypothèse concernant les précautions à
prendre et les options à considérer pour
qu'un projet, une politique ou une action
soient susceptibles d'améliorer les conditions
de vie d'un groupe donné tout en préservant
les options de développement de la
population terrestre actuelle et future.
Comment faire?
• Connaître les impacts de son activité sur les
plans social, économique et environnemental
et arbitrer les litiges dans une perspective
d’équité (entre acteurs, internationale,
intergénérationnelle).
• Considérer tous les aspects du cycle de vie.
• Procéder de façon itérative
Satisfaire les besoins?
• Le développement durable vise à satisfaire les
besoins actuels et futurs. Il convient donc dans une
démarche de développement durable de s’intéresser
spécifiquement à ces besoins, de les hiérarchiser et
d’utiliser ou de mettre en place les outils à notre
portée qui sont les plus susceptibles d’atteindre cet
objectif selon la nature des besoins identifiés tout en
se laissant des marges de manœuvre pour les
besoins à venir.
Beaucoup plus que l’environnement
• Besoins matériels
• Besoins de qualité du milieu et de pérennité
des ressources
• Besoins sociaux et spirituels
• Besoins d’équité et de justice
Progrès internationaux
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1972
1980
1982
1987
1992
2000
2002
2007
2012
2012
Stockholm « sustainable development »
Stratégie mondiale de la Conservation
Sommet de Nairobi
Rapport Brundtland
Sommet de la Terre Rio (3 conventions)
Objectifs du millénaire
Sommet du DD Johannesburg
Rapport GEO 4
Rapport GEO 5
Sommet Rio +20
Perspectives internationales
• Difficultés à faire atterrir le discours
• Problème de la souveraineté des États
• Prépondérance de l’économie mondialisée et de la
finance déresponsabilisée
• Disparité des acteurs
• Le court terme et le local l’emportent toujours sur le
long terme et le global
• Les progrès sont fragiles, mais réels
Progrès au Canada et au Québec
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Plans verts depuis 1987
IISD
Stratégie québécoise de la Conservation 1989
Éco-Sommet 1996
Loi canadienne sur le DD 1998 (écologisation)
Grille d’analyse du DD de la Chaire en éco-conseil
Loi québécoise sur le DD 2006
Perspectives nationales (Canada)
• L’économie canadienne orientée vers l’extraction de
ressources naturelles (minéraux, pétrole, gaz, forêts)
dédiées à l’exportation génère une forte consommation
d’énergie.
• La loi sur le développement durable datant de 1998 ne
porte que sur « l’écologisation du gouvernement ».
• Le gouvernement conservateur en place depuis 2005 ne
montre aucune préoccupation particulière autre que
pour la croissance économique traditionnelle.
Perspectives nationales (Québec)
• Meilleure performance en termes d’émissions de GES grâce à
l’hydroélectricité.
• Gains importants déjà faits dans le domaine industriel.
• Loi sur le développement durable (2006) avec des ambitions plus
larges (16 principes, M/O, volonté d’influencer la société civile).
• Plan de gestion des matières résiduelles 2012-2020.
• Plan d’action sur les changements climatiques 2 (lancé le 3 juin 2012,
objectif -20% de 1990 en 2020).
• Adhésion au marché du carbone WCI.
• Projet « Empreinte carbone des produits » (MDEIE).
• Défis et opportunités pour les PME.
Des démarches et des normes
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Agenda 21 locaux
The natural step™
BNQ 21000
PNAS 2050
Série ISO 14064 à 67
Série ISO 14040
ISO 26000
Plus appropriées pour les grandes entreprises et
collectivités.
Le DD dans le contexte des PME?
• La raison d’être d’une entreprise est de répondre à des
besoins humains.
• Elle le fait en transformant l’environnement ou les
ressources à l’aide de savoirs et de savoir faire, d’énergie
et de matériaux.
• Plus de 90% de l’économie mondiale repose entre les
mains des PME souvent en appui à la grande entreprise
et aux collectivités.
• Toute entreprise a d’abord été une PME.
Des obstacles?
• Au-delà du discours, que change réellement le
développement durable?
– Il faut toujours rechercher la rentabilité
– La concurrence ne diminue pas
– Les exigences du marché sont toujours au
moindre coût
– Les parties prenantes demandent toujours plus
– Les lois ne sanctionnent pas les comportements
non-durables
Une stratégie gagnante
• Diminuer la vulnérabilité
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Énergie
Performance environnementale
Personnel
Relations avec la communauté
Rendement
Innovation
• Saisir les occasions
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–
Loi du développement durable
Investisseurs responsables
Nouveaux marchés
Marché du carbone
Vision locale
• Le développement durable comporte une
importante dimension d’occupation du
territoire
– Lien avec l’environnement et les ressources
– Diversité culturelle
– Originalité des stratégies d’adaptation
• Ces éléments donnent une valeur ajoutée et
un plus grand potentiel d’échanges
Pour les collectivités?
• Une démarche de développement durable
dans une collectivité permet :
– D’exercer une démocratie participative
– D’augmenter la cohésion sociale
– D’améliorer la santé publique
– De réduire les coûts:
• Matières résiduelles
• Sécurité publique
• Transports et infrastructures
Contraintes
• L’attraction des villes provoque une dévitalisation des
communautés rurales.
• La rentabilité des commerces exige des masses critiques
réparties sur toute l’année.
• Le vieillissement de la population affecte le potentiel de
développement et la répartition de la richesse.
• Les médias donnent une image idéalisée des grands centres.
• L’efficacité des liens
disproportionnés.
de
transport
impose
des
coûts
Opportunités
• Potentiel touristique élevé si on peut se
différencier.
• Importance
des
nouveaux
moyens
de
communication électroniques pour la formation, le
réseautage etc.
• Capacité de mobilisation des forces locales.
• Possibilité de contrôler plus efficacement les
composantes locales.
Par où commencer?
• Engagement
– Clientèles internes et externes
• Diagnostic
• Planification stratégique du changement
• Choix d’indicateurs et cibles
• Mise en œuvre
• Reddition de comptes
– Clientèles internes et externes
• Réévaluation
Comment réussir?
•
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•
•
•
Se donner une vision commune
Choisir une approche et une stratégie
Agir dans le respect des personnes
Communiquer
Rester lucide et à l’écoute des changements dans
l’environnement (technique, financier, social,
législatif, naturel)
• Garder des marges de manœuvre pour saisir les
occasions
Le développement durable?
• Les PME et les collectivités du Québec peuvent amorcer une
démarche de développement durable tout en préservant leur
santé économique et en améliorant leur compétitivité.
• Cependant, c’est une démarche qui demande un
accompagnement et des outils appropriés.
• La loi québécoise sur le développement durable aura des
effets sur les politiques d’achat, sur les cahiers de charges et
sur les choix de fournisseurs des donneurs d’ordres.
• À terme, il est prévu qu’elle s’applique dans le monde
municipal.
SADC-CAE et accompagnement
• Depuis cinq ans, la Chaire en éco-conseil travaille en partenariat
avec le réseau des SADC pour développer des outils et aider ces
dernières à introduire le DD dans l’accompagnement de PME.
• Des écoconseillers diplômés de l’UQAC sont en fonction dans des
SADC pour soutenir la mise en œuvre du DD dans les entreprises
et les collectivités.
• L’expertise développée auprès des SADC engagées dans ces
projets en fait un acteur incontournable pour l’avancement du
DD sur le terrain.
Conclusion
• Loin d’être un luxe, une démarche de
développement durable permet aux entreprises
et aux collectivités de se positionner pour mieux
contrôler les divers aspects de leur
développement, diminuer leur vulnérabilité,
améliorer leur performance et fidéliser leurs
commettants à moyen et long terme. Cela ne se
fait pas tout seul, mais des ressources existent
pour mettre le pied à l’étrier!