Impacts négatifs des activités extractives sur l`environnement en RDC

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Impacts négatifs des activités extractives sur
l’environnement en RDC : constats et
recommandations
Par René NGONGO
Coordonnateur Green Economy/ WWF
Goma, le 24 mars 2014
I. Contexte
La RDC possède un énorme potentiel naturel comprenant
d’importantes ressources en eau, des forêts, de la faune, de la flore ,
des vastes étendues de terres fertiles, d’importantes zones minières et
de sites en cours d’exploration et d’exploitation en matière des
hydrocarbures.
Les impacts environnementaux liés aux activités extractives en RDC
sont importants et progressent d’une façon inquiétante. Cette situation
combinée avec le passif environnemental hérité des longues années
d’exploitation minière et pétrolière sans égard à la protection de
l’environnement et d’une gestion inefficace de l’exploitation forestière
aggravent l’état actuel de l’environnement du pays.
L’économie de la RDC repose presque entièrement sur l’extraction et
l’utilisation souvent mal gérées et incontrôlées des ressources
naturelles. Cela se traduit par des dégradations environnementales dont
les trois conséquences les plus visibles sont : la déforestation, la perte
de la bodiversité et la pollution. Cette situation est aggravée par
l’insuffisance des capacités des institutions étatiques en charge du suivi
environnemental ainsi que la croissance et la prédominance de
l’économie informelle. L’économie informelle, reposant presque
intégralement sur l’exploitation des ressources naturelles, a des
répercussions sociales et environnementales graves.
Les textes internationaux auxquels les entreprises extractives sont
tenues de se conformer parce que ratifiés par la RDC, soumettent ces
entreprises au respect de normes internationales et à certains autres
principes qui gouvernent les affaires au niveau international,
Ces règles internationales en matière de protection et gestion de
l’environnement comprennent notamment : les Principes de
l’Équateur, les normes de la Société Financière Internationale (SFI),
l’Initiative pour la Transparence dans la gestion des revenus des
Industries Extractives (ITIE), la Convention pour la protection du
patrimoine mondial, culturel et naturel, la Convention sur la diversité
biologique…
L’évolution de la législation environnementale dans le secteur
extractif en RDC, n’a pas encore permis d’assurer une exploitation
véritablement respectueuse de l’environnent et du bien-être des
populations locales. Le passif environnemental auquel l’Etat ainsi que
la population font face aujourd’hui est considérable. Cela est le
résultat des longues années d’exploitation des ressources nationales
menée sous le régime des lois de 1967 et de 1981.
A l’heure actuelle les questions environnementales sont organisées par
la Loi Cadre sur l’Environnement. Toutefois le volet environnement du
secteur minier est encore réservé à la compétence du Ministère des
Mines. Cette situation génère un conflit de compétences entre le
Ministère des Mines et le Ministère de l’Environnement, Conservation
de la Nature et Tourisme et empêche une gestion environnementale
efficace du secteur minier.
La participation de la société civile dans les EIES reste encore faible et
nécessite un réajustement dans la réforme en cours des codes minier et
celui des hydrocarbures.
II. Etat des lieux sur les principaux impacts négatifs des activités
extractives
Les industries minière et pétrolière sont des sources principales de
pollution environnementale en RDC. Selon l’évaluation stratégique
environnementale du secteur minier réalisée récemment par
SOFRECO, aucune société minière opérant en RDC ne possède un
système de gestion environnementale de la série ISO 14000. Le récent
rapport du Sénat questionne le Gouvernement sur la pollution
pétrolière à Muanda .
1. Les principaux effets négatifs de l’activité minière industrielle
sur l’environnement comprennent :
(i) La déforestation et perte de la biodiversité : les activités minières à
l’échelle industrielle et ses activités connexes sont aujourd’hui une
de principales causes de déforestation et de perte de la biodiversité
dans les provinces minières de la RDC ;
Impacts sur les forêts
Mines Industrielles
Mines Artisanales
(i) La dégradation des sols et du paysage : le potentiel de dégradation
des sols par les activités minières industrielles en RDC est
significatif, surtout quand il s’agit de la perte de terres agricoles
dans un contexte déjà marqué par l’insécurité alimentaire et la
pauvreté ;
(ii)La pollution des eaux superficielles et souterraines : la majorité des
rejets liquides proviennent de la concentration et du traitement
hydro-métallurgique des minerais, qui produisent un volume
important d’effluents qui sont, en général, déchargés dans les
rivières sans traitement préalable ;
(iii)La pollution de l’air : l’activité minière à l’échelle industrielle
engendre des impacts significatifs sur la qualité de l’air et le
changement climatique, notamment durant la phase d’exploitation.
2. Les principaux effets négatifs de l’activité pétrolière sur
l’environnement comprennent :
(i)
Pollution de l’eau, de l’air et du sol
(i) La fragmentation des habitats ;
(ii)La contamination des exploitations agricoles et rivières contaminées
par des fuites et déversements d’hydrocarbures ;
(iii)La contamination du sol et contamination et la dégradation des eaux
par les déchets liquides et solides.
Plusieurs pratiques dangereuses interdites sur plan international sont
encore mise en œuvre à Muanda, notamment le torchage à ras le sol,
l’incinération des déchets et des sols contaminés sans traitement des
fumées, le passage des conduites sans gaine de protection dans les
rivières, le rejet en mer et littoral des eaux usées non traitées et
fortement contaminées en solvants et hydrocarbures (plus de 80 fois la
norme).
torchage à ras le sol
calcination du sol suite au torchage
La pollution des eaux
4. Exploitation artisanale et son impact sur l’environnement
L’exploitation minière artisanale a une incidence majeure sur :
(i) la déforestation, la destruction directe des habitats naturels et de la
faune et de la flore;
(ii)la dégradation des sols et du paysage : le potentiel de dégradation
des sols et du paysage par les activités d’exploitation artisanale à ciel
ouvert et souterraine est très important en RDC ;
(iii)la pollution des eaux superficielles et souterraines : les
modifications biochimiques que les eaux superficielles et
souterraines subissent tout au long de l’exploitation artisanale
engendrent des effets négatifs sur la qualité de l’eau et les
ressources halieutiques.
La densité humaine sur ces zones cause des dommages
environnementaux et des perturbations sociales importantes ainsi que
des conséquences sur l’hygiène et la santé aux niveaux communautaire
et domestique.
3. Les principaux impacts de l’exploitation forestière sur
l’environnent
L’exploitation forestière industrielle et artisanale entraine des impacts
suivants :
i. La déforestation et la dégradation des forêts;
ii. La dégradation des habitats et la perte de la biodiversité ;
iii.L’érosion des sols ;
iv.Les changements climatiques : pluviométrie, températures,
perturbation du calendrier agricole
5. Chevauchement des titres
L’analyse des différents titres miniers et pétroliers montre une forte
concentration des permis de recherche situés sur les pourtours des
aires protégées et des permis de recherche qui recouvrent la quasitotalité de la superficie de 6 aires protégées localisées dans le Katanga
et une dans le Sud Kivu. En outre, des titres miniers ont été octroyés à
des exploitants industriels au sein du périmètre et en bordure des aires
protégées, notamment de la Réserve de faune d’Okapi et du Parc
national Kahuzi-Biega, tous les deux classés patrimoine mondial.
D’autres titres pétroliers sont octroyés dans les aires protégées, cas du
Parc national de Virunga et Parc national de la Salonga, tous deux
classés sites du patrimoine mondial. Cette situation exerce une
pression sur les aires protégées et représente une menace pour la
conservation de la biodiversité du pays.
6. Recommandations
1. Au Gouvernement :
1. Appliquer les politiques de développement durable en protégeant
les milieux naturels et humains pour les objectifs du millénaire pour le
développement, OMD, en sigle et dissocier la croissance économique
avec la dégradation de l’environnement ;
2. Accélérer la mise en place de l’Agence nationale sur
l’Environnement et du Conseil National de l’environnement et du
développement prévu par la Loi portant principes fondamentaux de la
protection de l’environnement ;
3. Etablir un plan d’aménagement du territoire congolais avec une
définition claire de l’occupation du sol par les différents secteurs
concernés (mines, forêts, aires protégées, agriculture, etc.) ;
4. Assurer le respect des lois et traités internationaux ratifiés par la
RDC sur la protection des aires protégées contre les activités
extractives ;
5. Harmoniser le Code Minier et les textes légaux et règlementaires
ayant une relation avec l’exploitation minière, notamment la Loi
Cadre sur l’Environnement, le Code Foncier, le Code Forestier et la
loi sur la Conservation de la Nature ;
6. Améliorer la proposition de Code des hydrocarbures suite à la
suspension de son d’adoption à l’Assemblée Nationale afin d’assurer
la bonne gouvernance, la compétitivité et la transparence du secteur
pétrolier, ainsi que la cohérence du Code des hydrocarbures avec la
Loi Cadre sur l’Environnement, les textes sur la Conservation de la
Nature et les engagements internationaux ratifiés par la RDC;
7. Attendre les recommandations de l’EES avant de lever les options
sur le développement du pétrole dans le rift Albertin;
8.Faire appliquer les normes en matière de pollution environnementale
et définir clairement les modalités pratiques concernant la
responsabilité environnementale des entreprises ;
9.Renforcer le contrôle du secteur extractif et réviser l’ensemble de
mesures coercitives et punitives relatives à la violation des obligations
environnementales afin de les rendre plus efficaces en introduisant le
principe du pollueur-payeur ;
10. Etablir des dispositions légales claires de consultation publique
durant l’EIE, PAR et PGEP des projets extractifs et mettre en place
un cadre de concertation permanent formel entre les exploitants et les
communautés affectées dès le début du projet ;
11. Uniformiser les obligations environnementales sous les régimes
du droit commun et du droit conventionnel ;
12. Diligenter une étude d’impact environnemental et sociale (EIES)
préalable, aux frais du Trésor Public avant d’instituer une ZEA et
intégrer les critères environnementaux dans le processus de validation
des sites d’exploitation minière artisanale ;
13. Diligenter une étude sur le passif environnemental et la gestion
des risques du secteur extractif ;
14. Favoriser l’implantation d’un Observatoire indépendant sur les
ressources naturelles ;
15. Encourager les différents processus de certification en cours sur
les ressources naturelles de la RDC ;
16. Mettre en place un système de gestion coordonné et harmonisé
des impacts environnementaux dans les différents secteurs
(forestier, minière, pétrolier, etc.)
17. Mettre en place un système efficace de reconstitution du capital
forestier
2. Aux entreprises
1. Mettre en œuvre un système de gestion environnementale axé sur
l’amélioration continuelle des performances afin d’examiner, de
prévenir, ou d’atténuer les incidences environnementales
indésirables ;
2. Restaurer les terres perturbées ou occupées par les activités extractives,
conformément aux utilisations post-exploitation appropriées ;
3. Concevoir et planifier toutes les activités de manière à ce que les ressources
adéquates soient disponibles pour répondre aux exigences liées à la fermeture
de tous les sites ;
4. Contribuer à la conservation de la biodiversité et aux approches intégrées à
la planification de l’utilisation du sol ;
5. Respecter les aires protégées et zones protégées ainsi désignées par la loi et
maintenir l’intégrité de l’environnement pour assurer la santé, la sécurité des
communautés humaines et préserver les écosystèmes qui entretiennent la vie ;
6. Viser l’efficience économique pour créer une économie innovante et
prospère écologiquement et socialement responsable
7. Respecter le principe du Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP)
auprès des communautés concernées et respecter les meilleurs standards
internationaux existants dans le développement de projet et la mise en œuvre
des activités
«Tous les congolais ont droit à un environnement sain et
propice à leur épanouissement. Les pouvoirs publics et les
citoyens ont le devoir d’assurer la protection de
l’environnement dans les conditions définies par la loi»
constitution de la RDC : art 54
« Lorsque le dernier arbre aura été abattu, la dernière
rivière empoisonnée, le dernier poisson tué, alors on
comprendra que l’argent ne se mange pas. »
Geronimo, Seatle, 1854.
Asante!
Merci de votre attention