Le conséquentialisme et l’incertitude Eden

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Transcript Le conséquentialisme et l’incertitude Eden

Le conséquentialisme
et l’incertitude
Photos: Cristophe Bourguedieu, Eden
Plan de la séance
 Le cas Pinto (1971)
 Les trois théories
morales
 L’utilitarisme classique
et ses objections
 Le conséquentialisme
aujourd’hui
Présentation du cas
 En 1968, Ford veut lancer une voiture semicompact à moins de 2000$
 On apporte beaucoup d’importance au style qui
dicte en partie l’ingénierie et notamment
l’emplacement du réservoir d’essence: il est
placé à l’arrière à seulement 10 pouces du pare
choc (lui-même assez cheap).
 Les crash test sur les prototypes révèlent que le
réservoir de la Pinto ne résistait pas sans fuite à
un choc à 30 mile/h contre une barrière de
sécurité – ce qu’un standard fédéral demanderait
à partir de 1972.
 Ford testa aussi des prototypes à réservoirs
renforcés ou des réservoirs placés ailleurs.
(suite)
 Le président Lee Iacocca veut aller vite pour présenter
la voiture dès1971: soit après 25 mois au lieu des 43
mois habituels.
 Lui a-t-on parlé des problèmes du réservoir? « Sûr que
non, répond un ingénieur en chef de Ford. Cette
personne aurait été virée. La sécurité n’était pas très
populaire chez Ford à l’époque. À chaque fois qu’un
problème était soulevé qui signifiait un délais pour la
Pinto, Lee tirait sur son cigare, regardait par la fenêtre
et répondait: relisez les objectifs du produit et remettezvous au travail »
 Parallèlement, Ford s’engage dans du lobbying pour
que les standards de sécurité du ministère des
transports ne soient pas revus à la hausse.
Les objectifs du produit selon
le directeur Olsen
1. TRUE SUBCOMPACT
Size
Weight
2. LOW COST OF
OWNERSHIP
Initial price
Fuel consumption
Reliability
Serviceability
3. CLEAR PRODUCT
SUPERIORITY
Appearance
Comfort
Features
Ride and Handling
Performance
Le calcul coût/bénéfice (par
année)
unité
Cout à l’unité
total
Décés
180
$200.000
$36.000.000
Blessés grâves
180
$67.000
$12.060.000
Dommages
véhicules
2100
$700
$1.470.000
TOTAL
$49.530.000
unité
Cout à l’unité
total
voiture
11 millions
$11
$121.000.000
camions
1,5 millions
$11
$16.500.000
TOTAL
$137.500.000
Le prix de la vie humaine (en
1971)?
Perte de productivité directe
$132.000
Perte de productivité indirecte
$41.300
Frais d’hopital
$700
Autres frais médicaux
$425
Dommage à la propriété
$1.500
assurance
$4.700
Frais de justice
$3.000
Pertes pour l’employeur
$1.000
Souffrance de la victime
$10.000
Funérailles
$900
Capital (perte de consommation)
$5.000
Coût divers de l’accident
$200
TOTAL pour un décès
$200.725
Questions
 Le calcul coût/bénéfice de
Ford était-il correct?
 Quels normes ou valeurs
morales sont pertinentes
dans cette situation?
 À quel type de dilemme
moral les ingénieurs de
Ford ont-ils été
confrontés?
(suite et fin)
 La Pinto se vend très bien.
 Plusieurs accidents mortels ont lieu.
 Un document découvert par le magazine Mother Jones indique
que les voitures auraient pu être sécurisées non pas pour 11$
mais pour 5.08$ (avec une gaine en caoutchouc).
 En 1978, un tribunal californien réclame $128 millions de
dommage et intérêt à Ford, soit trois fois plus que les
estimations du calcul coût bénéfice.
 En 1978, le ministère des transports, après plusieurs mois de
test annonce que le réservoir de la Pinto a un problème de
sécurité et demande que Ford rappelle 1.5 millions de Pinto.
 La réputation de Ford est largement entachée : la production
cesse en 1980.
Plan de la séance
 Le cas Pinto (1971)
 Les trois théories
morales
 L’utilitarisme classique
et ses objections
 Le conséquentialisme
aujourd’hui
Rappel: Les 3 parties de l’éthique
+ en + abstrait
Métaéthique
Éthique normative
Éthique appliquée
Définition des concepts de base (valeur,
norme, bien…)
Psychologie morale
Les principes moraux sont-ils
universelles ou relatifs?
Quelles principes doivent guider nos
actions?
Quelle théorie morale faut-il suivre?
Le respect de la vie humaine vaut-il plus
que l’absence de souffrance?
Comment agir dans telle situation
donnée? (Étude de cas)
Domaines spécifiques (bioéthique,
éthique des affaires, environnementale,
professionnelle)
Trois dilemmes
• Le tramway
• Le médecin
• Le pompier
Des intuitions divergentes
•Il faut essayer d’obtenir les meilleurs conséquences
•Une bonne fin peut justifier de mauvais moyens
•Tuer = laisser mourir
Conséquentialisme
•Certains actes sont inadmissibles,
peu importe les conséquences
•Une bonne fin ne justifie pas un moyen inadmissible
•Tuer ≠laisser mourir
•Pas de principes généraux
•Il n’existe pas une bonne chose à faire
•Que ferait une bonne personne dans cette situation?
Déontologisme
Éthique de
la vertu
Qu’est-ce qu’une théorie
morale?
« C’est une construction abstraite
qui vise à systématiser nos intuitions
morales. »
Christine Tappolet et Ruwen Ogien
Une théorie normative devrait :
 Correspondre à certaines de
nos intuitions
 Être suffisamment générale
pour englober plusieurs
situations
 Fournir des justifications
rationnelles à nos actions.
L’éthique de la vertu en bref
 Il n’y a pas de devoirs ou
d’obligations morales rigides
et absolues.
 Il faut essayer d’agir comme
le ferait une personne
vertueuse (bienveillante,
courageuse, juste…)
 Il faut éviter d’agir comme un
agent vicieux (injuste, cruel…)
 La question morale pertinente
est: « Quel genre de personne
dois-je être? »
Les théories déontologiques
en bref
 Il faut respecter certains
principes moraux, quelles
que soient les conséquences
 Certains actes sont interdits
(tuer un innocent, mentir,
violer les droits d’une
personne…)
 Faire son devoir consiste à
respecter ces contraintes.
 En dehors de cela, l’agent
peut faire ce qu’il veut.
Les théories
conséquentialistes en bref
 La meilleure action possible
est celle qui entraîne les
meilleures conséquences.
 Ce qu’il faut faire, c’est donc
promouvoir le bien.
 Lorsque les conséquences de
l’action sont diverses, on
essaye de mesurer les coûts
et les bénéfices, afin de
maximiser l’utilité de l’action.
Normes, valeurs, vertus
Normes morales
Valeurs morales
Vertus morales
Obligations, interdictions,
permissions
But, idéal à atteindre
Trait de
caractère
À respecter
À promouvoir
Contrainte précise,
exigence négative
Exigence plus flou, mais
positive, attrayante
Tout ou rien (car les
actions n’admettent pas
de degré)
Plus ou moins (car il y a
des degrés dans la
réalisation d’une valeur)
À incarner
Modèle de
comportement
Plus ou moins
(on peut être +/vertueux)
Déontologisme
Conséquentialisme
Éthique de
la vertu
Plan de la séance
 Le cas Pinto (1971)
 Les trois théories
morales
 L’utilitarisme classique
et ses objections
 Le conséquentialisme
aujourd’hui
L’utilitarisme hédoniste de
Bentham
« Chacun compte pour
un et personne pour
plus d’un » J. Bentham
(1748-1832)
 Quel bien/valeur doit-on
promouvoir?
 « Le plus grand bonheur du
plus grand nombre »
 Or, les individus mesurent leur
bonheur en termes de plaisir
et de peine.
 Utilité d’une action = sa
tendance à maximiser les
plaisirs et à minimiser les
peines (=hédonisme)
 Nous devrions toujours agir
de manière à promouvoir le
bien-être collectif
Comment délibère un
utilitariste?
 Envisager les actions possibles et
surtout leurs conséquences.
 Faire la somme des plaisirs et
des peines qu’elles engendrent
 Accomplir l’action la plus utile.
Le calcul des plaisirs et des
peines doit tenir compte de ces
facteurs:
• durée et intensité
• certitude et proximité
• étendue et fécondité
• pureté
A B action
+1 -2
+3 +1
-2 +4
? ? total
Exercice 1
Justine est infirmière dans une
urgence. Elle ne dispose que d’une
seule dose d’anti-douleur pour
soulager 4 patients.
 A est un garçon de 8 ans qui a une
rage de dents
 B est un homme de 40 ans dont
une jambe est arrachée
 C est une femme de 22 ans qui
s’est foulé la cheville
 D est un homme de 75 ans qui a la
main écrasée
Que devrait faire Justine selon
l’utilitarisme hédoniste?
Que faut-il réformer dans la
société selon l’utilitarisme?
L’égale considération des
intérêts entraîne des politiques
progressistes pour:
 (Les prisonniers)
 Les esclaves
 Les femmes
 Les homosexuels
 Les pauvres (cf. le principe de
l’utilité marginale décroissante)
 Les étrangers
 Les animaux
1er objection: Pourquoi le plaisir
serait-il la valeur suprême?
Tous préjugés mis à part, le jeu de la poussette est de valeur égale aux arts
et aux sciences de la musique et de la poésie. J. Bentham
 Mill remarque d’abord que tous les
plaisirs ne se valent pas
(intellectuelles > physiques).
 Mais l’utilitarisme est compatible
avec d’autre valeur (la
connaissance, la liberté…)
 = utilitarisme idéal (≠hédoniste)
Il vaut mieux être un être un homme insatisfait qu’un porc satisfait; il vaut
mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait. J.S. Mill
2e objection: Dans l’urgence, on n’a
pas le temps de faire le calcul!
 Mais on peut utiliser
l’expérience morale des
générations antérieur
 = règles de conduites, de
sagesse, principe moraux (en
général, tuer un homme ne
maximise pas le bonheur)
 = utilitarisme de la règle (ou
indirect)
 ≠utilitarisme de l’acte (ou
direct, au cas par cas)
 Pour la moralité ordinaire,
l’utilitarisme de la règle est
suffisant.
3e objection: Personne n’est capable
d’autant de bienveillance!
• Est-il réaliste de penser qu’un
individu puisse être motivé
par le bien-être de la société
ou du genre humain?
• Pourtant c’est peut-être ce
qui devrait le motiver
• De toute façon, ce qui motive
une action n’a pas
d’importance pour l’utilitariste.
• Car la moralité réside dans le
résultat de l’action.
• Exemple de la noyade
Plan de la séance
 Le cas Pinto (1971)
 Les trois théories
morales
 L’utilitarisme classique
et ses objections
 Le conséquentialisme
aujourd’hui
Le problème de la vie
humaine
X est un sans abris qui n’a
ni famille, ni amis. Sa vie est
loin d’être agréable. Il est
possible de le tuer sans
douleur (et sans effrayer
personne). Peut-on le faire?
 Est-ce correct pour
l’utilitarisme classique?
 Pour nous?
Le problème de l’utilité globale
 Faut-il encourager les
naissances pour maximiser
l’utilité?
 Dix enfants, mêmes
malheureux produisent plus
d’utilité qu’un enfant heureux.
 Utilité moyenne
= utilité totale/individus
 Malthusianisme
= doctrine prônant la
restriction démographique
Une solution: l’utilitarisme des
préférences
 Il faut maximiser la satisfaction des préférences
(ou des intérêts) pour chaque individu
 X ne souffrira pas si on le tue, mais ses préférences
ne seront pas satisfaites.
 C’est la satisfaction moyenne et non totale qui
importe.
 Ces préférences sont exprimables  pas besoin de
regarder les états mentaux des sujets (ex. du
masochiste).
 On doit quand même s’assurer qu’elles sont
conscientes, rationnelles, conforme à l’intérêt objectif.
Peter Singer
Pour la prochaine séance…
 Lire: Qu’est-ce qui
fait que les actes
corrects sont
corrects?