Quelle intégration de la finance islamique dans le système financier global? Quels enjeux pour la France? Anouar Hassoune Vice Président Moody’s France Paris 14 mai 2008

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Transcript Quelle intégration de la finance islamique dans le système financier global? Quels enjeux pour la France? Anouar Hassoune Vice Président Moody’s France Paris 14 mai 2008

Quelle intégration de la finance islamique
dans le système financier global? Quels
enjeux pour la France?
Anouar Hassoune
Vice Président
Moody’s France
Paris
14 mai 2008
Contexte

La finance islamique moderne a eu trente ans en 2005.
Durant cette période, des taux de croissance à deux
chiffres ont été enregistrés.

Les actifs islamiques ont augmenté de 11% en moyenne
annuelle au cours des dix dernières années dans le Golfe
persique.

Ces actifs atteignent dans le monde une masse d’environ
$500 milliards (hors fonds islamiques).

C’est devenu un ensemble de classes d’actifs à part entière,
en voie d’internationalisation, mais encore loin d’être global.

D’aucuns y voient une vaste supercherie, et au mieux une
opération marketing réussie; d’autres y reconnaissent
l’avenir financier du monde musulman… Entre ces deux
extrêmes, notre point de vue est considérablement plus
nuancé.

2
La finance islamique: fiche signalétique
Date et lieu de première apparition
Emergence de la première banque islamique universelle
Taille du marché à fin 2006
Taux de croissance annuelle
Distribution géographique
Taille du marché des sukuk au 31 déc. 2007
Sukuk cotés (fin 2007)
Emissions de (global) sukuk en $ en 2006
Emissions de (global) sukuk en $ en 2007
Au début des années 60 en Egypte et en Malaisie
1975
$500 milliards
Entre 10% et 30% en fonction des classes d'actifs
60% dans le golfe Persique, 20% en Asie du Sud
$97.3 milliards (+50% en 12 mois)*
env. $35 milliards
+$17 mds sur un total de +$27 mds
+$18 mds sur un total de +$33 milliards
* 66% en Malaisie
2.2%
Bilans des banques et
autres institutions
financières islamiques
Fenêtres islamiques des
banques conventionnelles
6.9%
1.0%
Répartition
des actifs
islamiques
par classe
Compagnies de takaful
50.4%
39.5%
Hors-bilan, i.e. fonds
(equity, private equity,
immobilier etc.)
Sukuk (hors bilans
bancaires)
3
Mise en perspective historique: les grands
moments
1970s
Naissance
1980s
Développement
1990s
Croissance
rapide
Peu de banques
islamiques
Croissance numérique
et en taille d’actifs
Croissance fulgurante
(chocs pétroliers)
Essentiellement des
start-ups
Construction d’une
base de dépôts
Foisonnement
intellectuel
Peu de dettes,
beaucoup de fonds
propres
Extension
géographique en Asie
Extension du retail
donne un second
souffle
Base de clientèle
inexistante
Principes incertains
Début d’innovation
financière
Principes sous-jacents
plus cohérents
2000s
Début de
désintermédiation
Principes raffinés
Au seuil de
l’âge mûr
Croissance ne faiblit pas
Internationalisation
s’accélère
Nouveaux entrants et
nouvelle forme de
concurrence
Prise de conscience du
caractère fragmenté du
marché
Principes sujets à de
fortes interrogations
4
Mise en perspective historique: les raisons
d’un succès fulgurant
Sur-liquidité dans
le golfe Persique
Pétrole
cher
Nouvelles classes
d’émetteurs
régionaux
Diversification
de l’investissement
Nouvelles classes
d’actifs islamiques
Investissements
arabes locaux et
régionaux
9/11
Prosélytisme
étatique
depuis 2002
La
finance islamique
atteint la taille
critique
Les
émetteurs globaux
lèvent des fonds
dans le Golfe
5
* Y compris: Iran, Pakistan, Soudan et Turquie
Mise en perspective géographique: taille
relative des sous-marchés
Amérique du nord:
<$10 mds
Europe:
<$20 mds
Moyen-Orient*:
$350 mds
Asie du Sud-Est:
$100 mds
6
Mise en perspective géographique: 4 degrés
d’avancement
Présence enracinée
Position de niche
Ouverture réglementaire
Exploration/faisabilité
7
Mise en perspective géographique:
« capillarisation » du phénomène
Des initiatives nombreuses, éparses, faiblement coordonnées
8
Rappel des 5 principes de la finance islamique
Les cinq piliers de l’islam financier contiennent 3 principes
négatifs (-) et 2 principes positifs (+) :



–
Principe n°1 (-): pas de “riba” (intérêt, usure);
–
Principe n°2 (-): pas de “gharar” ni de “maysir” (incertitude,
spéculation);
–
Principe n°3 (-): pas de “haram” (secteurs illicites);
–
Principe n°4 (+): obligation de partage des profits et des pertes ;
–
Principe n°5 (+): principe d’adossement à un actif tangible.
Un conseil de conformité à la Charia valide le caractère
islamique d’un produit financier ou d’une transaction
financière.
Les investisseurs et/ou consommateurs de produits
financiers sanctionnent in fine leur caractère (suffisamment)
islamique.
9
Les limites et défis du modèle de finance
islamique
Zone géographique
Indonésie
Pakistan
Afrique sub-saharienne
Afrique du Nord
Inde
Bangladesh
Asie centrale (hors Pakistan)
Turquie
Iran
Péninsule Arabique
Levant (y.c. Irak)
Russie
Chine
Europe (y.c. Balkans)
Malaisie
Amérique du Nord
Total/Moyenne
Population
musulmane
(mil.)
229
158
151
145
142
129
96
71
63
55
57
22
18
15
14
6
1371
Rang
PIB par
habitant
($)
PIB
musulman
($ mds)
%
bancaire*
Marché bancaire
islamique
potentiel ($ mds)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
3,580
2,180
850
3,100
2,900
1,300
5,250
7,890
6,900
12,480
2,000
9,870
5,080
31,250
9,500
39,500
820
344
128
450
412
168
504
560
435
686
114
217
91
469
133
237
5,768
75%
50%
50%
75%
75%
50%
50%
75%
75%
75%
50%
75%
75%
100%
75%
100%
70%
615
172
64
337
309
84
252
420
326
515
57
163
69
469
100
237
4,188
Rang
ajusté
1
10
15
5
7
13
8
4
6
2
16
11
14
3
12
9
* Hypothèse: 50% pour les pays en développement; 75% pour les pays émergents; 100% pour les pays développés
Actifs islamiques effectifs à fin 2007:
Taux de pénétration de la finance islamique :
500
11.9%
10
Le golfe Persique (hors Iran)
Le marché phare de l’industrie financière islamique, avec deux tiers des
actifs globaux, soit environ $280 milliards (y compris les fonds).
Pays
Arabie saoudite
Bahrain
Koweït
Oman
Qatar
EAU
TOTAL/MOYENNE
Nombre de
Part de marché des Nombre d'institutions financières
banques islamiques banques islamiques
islamiques non bancaires
3
28
3
0
4
5
43
26%
7%
28%
0%
13%
13%
17%
>10
>30
>20
>5
>10
>25
>100
• Bahreïn se place comme le « hub » régional de la finance islamique.
• En Arabie, 90% de la nouvelle production bancaire retail est conforme à la Charia.
• Les banques islamiques leaders sont toutes basées dans le Golfe.
• Leur modèle s’exporte (en Asie, en Europe, en Afrique).
11
L’Asie musulmane
• La Malaisie est au cœur du processus de croissance de la finance islamique
dans la région. L’histoire a commencé en 1983: les régulateurs et les autorités
politiques ont inauguré un canevas réglementaire spécifique aux banques
islamiques et un objectif: 20% de parts de marché à l’horizon 2010. L’IFSB a son
siège à Kuala Lumpur (KL).
• La Malaisie constitue le marché de sukuk le plus volumineux et le plus
dynamique au monde, avec $66 milliards en stock, mais assez peu de sukuk cotés
sur les marchés globaux. C’est essentiellement un marché de gré à gré.
• 15 banques islamiques sont actives en Malaisie, dont 3 en provenance du Golfe.
• La dernière née est Islamic Bank of Asia, dont le siège est à Singapour. Les
fonds propres au moment du lancement sont de $418 millions, dont 60% sont
contrôlés par DBS Bank. Singapour se positionne comme un concurrent à KL.
• Autres: l’Indonésie est un marché potentiellement vaste mais peu dynamique; la
Chine s’intéresse au phénomène; le Japon a annoncé que JBIC devrait émettre un
sukuk en 2008.
12
L’Afrique du Nord
PAYS
Degré de développement de la finance islamique
Pas de banques islamiques. La banque centrale (Bank Al-Maghrib) a
autorisé 3 produits: mourabaha, ijara, moudharaba. Les banques ont a
peine commencé à commercialiser ces produits.
1 acteur de référence: Albaraka Banque d’Algérie, filiale d’Albaraka
Banking Group (ABG). Les banques conventionnelles s’intéressent de
plus en plus au concept de finance islamique. Une nouvelle banque en
2008: Al Salam Bank Algeria.
2 acteurs de référence: ABG et sa filiale locale (au statut offshore);
B.E.S.T. Re une compagnie de Takaful conforme aux principes de
l’assurance mutualiste islamique.
Pas de banque islamique; pas de produits islamiques.
Là aussi, ABG est présent via sa filiale domestique. Abu Dhabi Islamic
Bank vient juste d’acquérir National Bank for Development dans le but de
la convertir en banque islamique. Et puis l’historique Faisal Islamic Bank
of Egypt.
13
L’Afrique sub-saharienne
Regions
Gulf Cooperation Council (GCC)
Non-GCC Middle East (excl. North Africa)
Africa, of which:
North Africa
Other Africa
Asia-Pacific
Rest of the world
TOTAL
Shari'ah-compliant
financial assets
($ billion, YE2007)
178
173
18
6
12
119
21
509
Muslim population
(million)
34
213
412
156
256
780
42
1,481
Islamic assets per Muslim
GDP per capita
capita
($, YE2007 estimates)
($, YE2007 estimates)
5,235
17,639
812
4,095
43
1,137
38
2,334
46
883
153
3,056
500
21,917
344
7,634
• 412 millions de Musulmans servis par 37 banques islamiques, gérant $18 milliards,
soit une part de marché de moins de 8%.
• Le Soudan est le marché phare avec 22 banques islamiques et près de $10 milliards
d’actifs conformes à la Charia.
• L’Afrique sub-saharienne accueille les banques islamiques de manière ouverte mais
timide. Des émissions de sukuk souverains font sens dans la région. Le micro-crédit
conforme à la Charia constitue une alternative intéressante.
• L’Afrique Australe adopte une approche plus pragmatique. L’Afrique du Sud et le Kenya
ont déjà attiré des banques « communautaires ».
• Maurice et la Tanzanie sont des marchés prometteurs.
14
La Turquie
 En Turquie, il existe 4 banques “participatives” ou “mutualistes”, qui sont dans les faits
des banques islamiques. $12 milliards de total d’actifs islamiques, soit 3.2% du système
bancaire à fin 2007.
 Trois d’entre elles sont contrôlées par des investisseurs bancaires du Golfe :
•
Kuwait Finance House (A-/Positive/A-2) contrôle Kuveyt Türk Katilim Bankasi;
•
Albraka Banking Group (BBB-/Stable/A-3) contrôle Albaraka Türk Katilim
Bankasi;
•
The National Commercial Bank (A+/Stable/A-1) a récemment acquis 60% de
Türkiye Finans Katilim Bankasi.
•
Seule Asya Katilim Bankasi est détenue par des intérêts turcs.
 Conclusions:
1.
La Turquie est une destination très prisée par les investisseurs du Mashreq,
notamment dans le secteur bancaire;
2.
Les banques islamiques moyen-orientales leaders considèrent toutes la Turquie
comme un marché plein de promesses et très sous-exploité.
15
L’expérience britannique: la stratégie
 La stratégie britannique repose sur 4 piliers:
• Le développement de la banque islamique des particuliers (au regard du
principe d’inclusion financière);
• Le développement de la banque islamique de gros;
• Ériger Londres en tant que place financière pour la cotation des Eurosukuk; et
• Explorer le marché britannique du takaful (assurance islamique).
 Les défis:
• Un passé turbulent (faillite de BCCI et d’Albaraka International Bank Ltd.; 11
septembre; un communautarisme politiquement sensible…)
• Un cadre juridique, technique et réglementaire adapté à l’accueil de la
finance islamique au R.U. (notamment: adaptation du régime fiscal des
rendements sur produits islamiques et du double droit de mutation sur les sousjacents immobiliers)
16
Émissions de sukuk: un marché en pleine
croissance
Volumes d'émissions de sukuk locaux et globaux (flux)
40
Essentiellement des
émetteurs corporates
et bancaires
en milliards de US$
35
• Un marché plus
volumineux: 150
milliards de
dollars à l’horizon
de 2012.
30
25
20
Essentiellement des
émetteurs souverains
15
10
5
0
2001
2002
Emissions sukuk locaux
2003
2004
2005
Emissions de "global sukuk" en US$
L’effet subprime
2006
2007
Source: Bloomberg
• Un marché plus
diversifié: de
nouveaux
émetteurs; des
structures plus
complexes
(titrisation et
convertibles en
particulier).
17
Le cas français: constats et paradoxes



L’industrie financière islamique est devenue un phénomène
en voie de globalisation, avec ses quelques 500 milliards de
dollars d’actifs; cela dit, les grandes banques françaises,
pourtant globales et bien enracinées dans l’univers
musulman, n’en contrôlent qu’une part négligeable.
La liquidité extraite des rentes pétrolières dans une vaste
part du monde arabo-musulman est gigantesque; pourtant,
les entreprises françaises ne l’ont pas encore exploitée sous
une forme conforme à la Charia.
Les Musulmans de France constituent la plus grande
communauté islamique du monde occidental; pourtant, elle
n’a pas (encore) accès à une offre de services financiers
conformes à ses principes religieux.
18
Les acquis (1/2)




Les banques françaises ont déjà élargi leur offre financière islamique.
Celle-ci se décline sous la forme: de financements des particuliers, des
entreprises, et de projets; de structuration de sukuk; d’intermédiation
d’investissements, notamment immobiliers; et de commercialisation de fonds
conformes aux principes de l’islam financier.
Quelques investissements islamiques ont été enregistrés dans deux
classes d’actifs français: l’immobilier et le capital-investissement, sans que
les montants en jeu soient connus de manière précise.
La Fédération Bancaire Française discute avec l’Islamic Bank of Britain
(Royaume-Uni) et FS International Partners (Suisse) sur les modalités de
leur implantation en France en vue d’offrir des produits islamiques aux
particuliers. Le CECEI travaille sur l’agrément de ces deux institutions.
Propos très encourageants du Ministère de l’Économie et des Finances
dans le sens d’un meilleur développement de la finance islamique en France,
par le biais de Thierry Francq, chef du service du financement de l’économie à
la Direction du Trésor.
19
Les acquis (2/2)




Une note de l’AMF datée du 17 juillet 2007 favorise, sous certaines
conditions, la commercialisation d’OPCVM explicitement
islamiques.
Le rapport du Sénat en date du 22 juin 2007 mentionne 5 fois la
nécessiter d’encourager l’émergence de la finance islamique en
France.
Au moins un investisseur bancaire en provenance du Golfe a
exprimé son intention de conduire une étude quant à la solvabilité
du marché financier islamique des particuliers dans l’Hexagone,
en vue de s’établir sur le territoire français.
La loi du 11 février 2007 introduit la fiducie en droit français,
notamment la fiducie-gestion, qui pourrait faciliter l’investissement et le
financement immobiliers islamiques des personnes morales, voire
l’émission de sukuk « à la française ».
20
Les objectifs





Capter les fabuleux gisements de liquidité pétrolière investissables et
les diriger vers l’économie française.
Rendre attractives les classes d’actifs françaises: l’immobilier, les
actions pour les investissements en fonds propres; la dette des
émetteurs français (publics et privés) sous forme de sukuk. Ces
classes sont les habitats préférés des investisseurs du Golfe.
Favoriser l’inclusion financière des populations musulmanes de
France.
Initier la réflexion quant à la pertinence d’une émission de sukuk
souverains.
Symboliquement, un effet de signal puissant en direction des
Musulmans de France et du monde.
21
Les perspectives (1/2)
Banque de financement islamique
Banque d’investissement islamique
Paris Europlace travaille actuellement à établir des
recommandations quant à la réduction des frottements
juridiques et fiscaux qui freinent l’émergence d’une
finance islamique « à la française », sur le sol de
l’Hexagone
22
Les perspectives (2/2)
Banque islamique des particuliers
Peu de volontarisme politique, économique. Pas de
demande manifeste; seulement latente et
insuffisamment quantifiée. Crainte d’une forme de
communautarisme bancaire.
Takaful
Pas de demande manifeste; incertitude quant à la
demande latente. Peu d’enjeux pour la France.
Sukuk
Une émission souveraine serait symboliquement
riche: concurrencer le R.U. et effet de signal au
Moyen-Orient. Émetteurs privés intéressés.
23