Transcript Revalidation de chauves-souris
Revalidation de chauves-souris
Luce Rennotte
L'arrivée de la chauve-souris
En premier lieu, la petite bête stressée par le transport et la perte de ses repères, doit être mise en courte quarantaine, au calme, dans l’obscurité.
Il suffit d’une simple boîte, couverte d’un léger tissu, mais néanmoins aérée, un peu de papier absorbant dans le fond et un petit récipient avec un morceau d’éponge imbibé d’eau.
Lors de la réception d’une c-s en difficulté, la première chose à faire est de s’assurer qu’elle n’est pas blessée; en cas de blessure légère désinfecter par de l’Isobétadine®.
Tout d’abord, contacter au plus vite un centre de revalidation ou une personne habilitée à la soigner. VOIR « SOS Chauves-Souris sur le Net Si cette détention doit malgré tout se prolonger quelque peu, outre l’eau sur l’éponge, lui proposer une petite coupelle remplie de vers de farine.
Si elle est en forme
elle les mangera volontiers seule, ce qui est le cas le plus heureux. Dès qu’elle retrouve son énergie, on peut la relâcher, de préférence à proximité du lieu où elle a été trouvée. Vérifier qu’elle s’envole, si elle retombe au sol, la reprendre et suivre les recommandations ci-dessous.
Si par contre elle est affaiblie
il faut lui donner les vers un par un, après les avoir décapités (pour cela, mettre le ver sur une surface plane : la direction qu’il prend permet de s’assurer de couper la tête et non la queue ! ) On donne alors l’intérieur du ver, que l’on presse dans sa bouche comme avec un tube … Cela demande de la patience mais cela permet de lui redonner des forces. Il faut qu’elle en mange le plus possible, même si cela prend beaucoup de temps.
Cependant, dans le cadre de la revalidation, elle consomme moins d’énergie pour se nourrir et cela est à prendre en compte.
Rien ne se perd, les peaux de vers vidées pour les chauves souris sont très appréciées par Funny, le mainate, ( «c’est trrrès trrès bon ! « crie-t-il ).
Elles peuvent aussi être proposées aux autres oiseaux, ou encore aux petits rongeurs (gerbilles, hamsters, rats...)
Dans le pire des cas …
… la chauve-souris refuse de manger et le pronostic est alors pessimiste. Humecter la bouche peut parfois la décider à accepter le ver, il est parfois utile aussi de la réchauffer (main et haleine chaude) pour l’inciter à manger … essayer, toujours essayer…mais J’ai remarqué à maintes reprises, que ce sont elles qui décident, …… si elles veulent se laisser mourir, rien ne peut les sauver, hélas. ! Les cadavres de chauves-souris doivent être envoyés à l’ISP (Pasteur) en vue du suivi des problèmes de rage. Les centres de revalidations assurent leur transmission.
En ce qui concerne la rage, donc, je conseille de lire les articles de Plecotus Natagora consacrés à ce problème. Pour ma part je me suis fait vacciner après avoir été mordue par une sérotine. Si vous n'êtes pas vacciné, il est recommandé de porter des gants lors de la manipulation de l'animal : gants assez épais pour que les dents n'atteignent pas la peau.
La charmante sérotine qui m’a mordue il est vrai que je n’aime pas mettre des gants pour m’occuper d’un animal !
En cas de déchirure du patagium ou de fracture d’un os, il est parfois possible d’obtenir des guérisons inespérées en réparant les dégâts à l’aide d’une attelle faite d’une penne de plume de petit oiseau et la colle vétérinaire spéciale : 2 octylcyanoacrylate chirurgicale. Cette colle (malheureusement très chère) ressemble à la Cyanolite mais, contrairement à celle-ci, elle est biodégradable, non toxique et non cancérigène. Les précautions à prendre pour son emploi sont cependant identiques : ne pas laisser un doigt en contact avec l’objet à coller … avec les conséquences connues …! ! Cela demande évidemment beaucoup de doigté … (là, merci à Jacqueline pour l’apprentissage) et une fois de plus, il faut que la petite bête aie la volonté de vivre. On espère qu’elle ne rongera pas la réparation.
Comment les nourrir?
Les chauves-souris peuvent être nourries une fois tôt le matin et une fois à la tombée du jour. Il faut toujours se laver soigneusement les mains avant le nourrissage.
Certaines chauves-souris mangent facilement en étant tenues d’une main (sans serrer !), mais d’autres ne veulent pas de ce contact, il faut alors les nourrir en les posant sur un tissu. Si elles sont très agitées, il est préférable de les nourrir dans leur boîte ou dans un espace « clôturé » Après nourrissage il est important de nettoyer les narines avec un Q tip humecté ou mettre une goutte d’eau pour la faire éternuer et s’assurer ainsi que rien ne reste dans son nez.
Préparation de la nourriture
Faire un élevage de vers de farine
Malheureusement, le prix des vers de farine est assez élevé. J’essaie avec plus ou moins de succès de réaliser mon propre élevage : dans un récipient aéré (du type vendu pour petits rongeurs en animaleries), je place les vers avec du son, des morceaux de pain rassis et des peaux de banane. Le ver, qui est la larve du coléoptère ténébrion (Tenebrio molitor), se métamorphose en l’insecte qui va donner naissance à de jeunes vers … et ainsi de suite ….
Pour trier les vers, il suffit de placer les individus sur une plaque en partie éclairée, les vers vivants se dirigeront vers la partie obscure. Les vers qui seront utilisés dans un court délai peuvent être conservés au frigo
Et si on n'a pas de vers de farine?
Une autre option s’offre en remplacement : je propose la recette de Mme Jany Crispeels (CREAVES de Héron) qui est par ailleurs identique à celle utilisée pour les jeunes martinets et hirondelles : Humecter et mixer du cœur de bœuf haché finement ou de l'américain avec de la pâtée insectivore finement moulue et de l' a/d diet de Hill’s. (HILL’S Prescription Diet – canine & feline – aliment très appétent pour la convalescence animale) Cette préparation peut se conserver au surgélateur, de préférence en très petites portions. Donner avec une seringue de 1ml + très fin embout que l’on peut tremper de temps en temps dans l’eau pour mieux inciter à ouvrir la bouche. Cette nourriture n’est pas acceptée par toutes les chauves souris,
il y en a qui font les difficiles.
S'occuper des jeunes
J’ai parfois reçu des mères qui ont mis bas à leur arrivée. A ce jour, je n’ai pas réussi à sauver le jeune : en captivité, la mère a toujours refusé d’allaiter le petit placé sur son ventre. J’ai essayé de les nourrir avec le Fortol© ou l’Esbilac© (aliments lactés pour bébés mammifères contenant tous les nutriments essentiels) mais je n’ai pas réussi à les sauver. Une fois de plus, je me dis qu’il faut essayer !
Ce lait doit être donné un peu réchauffé avec une seringue munie d’un embout très mince. Il est bien de tenir la bestiole la tête inclinée sur le côté pour éviter d’imprégner la fourrure du ventre. Pour les tout petits, il faut éviter les suppléments de vitamines qui provoqueraient de la diarrhée.
Après nourrissage, masser doucement la région de l’anus avec un coton tige humide afin de favoriser la défécation, ainsi que le fait la mère dans la nature. Normalement le jeune est sevré au bout de 3 à 4 semaines pour les pipistrelles ou de 5 semaines pour les plus grandes espèces. Le jeune est alors apte à voler et chasser les insectes.
Les jeunes peuvent être nourris toutes les 2h ou toutes les 4h selon leur appétit.
groupier
Si l’on accueille plusieurs chauves-souris, elles apprécient beaucoup d’être rassemblées.
Que faire en hiver?
Ces informations sont tirées de l'article "Artificial hibernation" de Susan Barnard. Une chauve-souris recueillie en hiver doit d’abord être nourrie le plus possible à température ambiante pendant 3 à 4 jours après avoir été réchauffée dans la main (et par une haleine chaude). Ensuite, la laisser hiberner pendant dix jours dans une pièce à 6°C, avec un taux important d’humidité. Puis la ramener progressivement à température ambiante et nourrir à nouveau pendant 3 à 4 jours. Trente à soixante minutes après le réveil, les animaux retrouvent leur température normale. Répéter ce cycle jusqu’à amélioration de la santé de la petite bête.
Il faut s’assurer que cette pièce à 6° soit très calme car il ne faut pas éveiller la chauve-souris en hibernation, ce qui lui occasionnerait une dépense énergétique inutile. Pour ma part, en hiver, je condamne pour les humains le petit WC du rez de-chaussée et ouvre plus ou moins la fenêtre selon la température extérieure. J’y place en outre un humidificateur
Ici, à Boitsfort, après nourrissage, et quelques cycles de sommeil en cas de nécessité, je les apporte le plus rapidement possible chez Mario Ninane qui les place dans le bunker aménagé à leur intention au domaine des Silex, COWB.
La libération
Là, c’est le meilleur moment, le plus gratifiant, lorsque l’on voit s’envoler la chauve-souris vers sa liberté retrouvée. Lorsque c’est possible, la libération a lieu à l’endroit où elle a été trouvée,
sinon, en ce qui concerne les pipistrelles, je les libère aux étangs Ten Reuken, à Boitsfort.
C’est là qu’un soir j’ai croisé la route de Cécile Herr qui, penchée sur son guidon, consultait sa bat box et s’étonnait de nouvelles arrivées. Je m’approchai d’elle, la croyant en difficulté, seule au bord de l’étang avec son vélo .. Mais tout allait bien : cette histoire est racontée, par elle et moi, dans la revue Natagora, Echo des Rhinos, en août 2009
L a chauve-souris libérée va passer ses nuits à dévorer des insectes, à raison du tiers de son poids par nuit, cela représente environ 3000 insectes ….. Rendons-nous compte que c’est bien plus performant que les insecticides toxi ques utilisés de façon stupide dans un total irrespect de la nature