La douleur chronique : pas que souffrance physique
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Transcript La douleur chronique : pas que souffrance physique
La douleur chronique: pas que
souffrance physique…
Marie-Josée Rivard, Ph.D. Psychologue
Centre de la douleur McGill, CUSM
514-934-1934 #44350 / 514-918-2451
avril 2009
Qu’est-ce que la douleur?
Douleur ou souffrance?
Définition
« Expérience sensorielle et émotionnelle
désagréable, associée à une atteinte tissulaire
démontrée ou potentielle, ou décrite comme telle »
(IASP)
Il peut y avoir douleur sans dommage
physiologique explicable ou observable : d’où
l’importance des facteurs psychologiques…
Caractère subjectif
La douleur est une perception réelle : elle existe!
La douleur correspond à l’évaluation que le patient en fait
en fonction de :
– Ses expériences de vie passées et présentes : apprentissages
personnels ou par observation
– Sa culture, son environnement
– Ses cognitions : attentes, sens donné
– Conséquences sur sa vie : professionnelle, personnelle, sociale,
émotionnelle
La difficulté à communiquer la douleur verbalement ne
signifie pas qu’un individu n’en ressente pas
2 types de douleur
Douleur aiguë : durée de 3-6 mois
– Un signal qui indique que le corps a été ou est
endommagé et qui vise à le protéger
– Lorsque la blessure ou le dommage physique est guéri,
la douleur se dissipe
Douleur chronique : durée plus de 6 mois
– Peut persister même si la blessure physique est “guérie”
– Invoque plus qu’un dommage aux tissus ou une
incapacité physique : impact multidimensionnel avec
des conséquences majeures sur la vie de l’individu
Impact multidimensionnel
Impact majeur sur toutes les sphères de la vie
– Physique : difficulté à se déplacer et à maintenir une autonomie
fonctionnelle
– Professionnel : absentéisme, difficulté à effectuer les tâches,
problème de concentration, diminution de la performance ou
incapacité à effectuer le travail, arrêt de travail
– Familial : difficulté à faire les tâches d’entretien, difficulté à
participer aux activités de loisirs, intimité difficile au sein du
couple
– Social : isolement, diminution des contacts sociaux
– Émotionnel : humeur dépressive, anxiété, colère,
Théories de la douleur
Modèle biomédical
– Approche mécanique, réductionniste : plus le dommage
tissulaire est important, plus la douleur est forte!
Modèle biopsychosocial
– La signification, le sens de la douleur aurait un rôle à
jouer sur l’expérience de la douleur…
– Les soldats blessés ne ressentaient pas de douleur car
être blessés signifiait un retour au pays!
– Le cerveau aurait un rôle dynamique dans la perception
de la douleur, ne serait pas passif…
Modèle biopsychosocial
Théorie du portillon
– Ouverture / fermeture de portes dans moelle épinière laisserait
passer plus ou moins de signaux de douleur
– Facteurs psychologiques pourraient modifier les signaux de
douleur et donc, influencer la réponse de douleur en l’augmentant
ou la diminuant
Voie ascendante et descendante de la douleur
– De la périphérie vers le cerveau en passant par moelle épinière
– Analyse du message par le cerveau et information envoyée en
périphérie pour contrecarrer le message initial
Types de douleur
Douleur périphérique : origine dans les muscles,
les tendons, les nerfs (neurogène)
– Douleur nociceptive : nerfs transmettent l’information
d’un dommage tissulaire au système nerveux central
Douleur centrale : pathologie du SNC
– Centralisation de la douleur : dysfonctionnement du
SNC dû douleur qui persiste dans le temps (mémoire
cellulaire)
– Peut être due à des pensées irrationnelles ou “douleur
psychogénique”
L’entrevue d’évaluation
Rôle du psychologue
Importance de l’établissement du rôle :
– Facilite la compréhension de la raison de consultation
– Démystifie fausse croyance que la “douleur est dans la
tête”
– Souligne le lien entre la détresse émotionnelle et la
douleur : souffrance physique ET émotionnelle
– Met l’emphase sur l’amélioration de la qualité de vie
– Permet l’établissement de l’alliance thérapeutique
Aspects physiques de la douleur
Description de la douleur : brûlure, élancement,
picotement, engourdissement, coup poignard etc.
Intensité physique et émotionnel : niveau de
douleur et de son caractère dérangeant
Origine, circonstances / contexte du début
Traitements qui ont soulagé ou pas
– Médication, traitements invasifs, physiothérapie et
autres
Aspects fonctionnels
Description d’une journée typique
– Du levé au coucher
– Quels sont les accomplissements : préparation des
repas, entretien ménager, courses, implication auprès de
la famille (devoirs des enfants)
Activités professionnelles / bénévolat
Loisirs / plaisirs
Passivité: regarde la télévision, fait peu
Vie familiale et sociale
Vie sociale préexistante et conséquente à la douleur
Vie en couple, intimité, support et compréhension du
conjoint(e)
Responsabilité de l’autre, pourvoyeur, rôle dans le couple
Histoire de vie amoureuse passée
– Conditions de vie (pays d’origine, immigration, pauvreté,
abus, violence, traumatisme)
Sorties, relations sociales
État émotionnel
1. Depuis la douleur
Humeur dépressive
–
Idée suicidaire, découragement, tristesse
–
Faible estime de soi, sentiment d’être inutile
–
Pertes : autonomie, capacités physiques
–
Deuils : capacités antérieures
–
Douleur rappelle le trauma, les pertes
Anxiété, stress posttraumatique, peurs face au futur
Colère, sentiment d’injustice, incompréhension
État émotionnel
2. Préexistant à la douleur
Humeur dépressive (douleur est un symptôme?), anxiété
Abus physique, sexuel, psychologique, violence,
traumatisme passé
Traits de personnalité
–
Il n’y a pas “personnalité-type” reliée à la douleur
–
Trait de perfectionnisme, rigidité, dépendance, impulsivité
Outils de gestion lors des difficultés passées…
Attentes
1.
2.
Attentes du patient
–
Guérison, soulagement total de la douleur
–
Reprendre activités passées professionnelles, les loisirs
Attentes de l’équipe soignante
–
Trop souvent, les attentes du patient diffèrent grandement
des attentes de l’équipe soignante…
–
Retour au travail, soulagement, adaptation à la douleur et
au nouveau mode de vie
Des attentes réalistes sont déterminantes d’une bonne
gestion de la douleur et du succès thérapeutique
Trouble douloureux
1.
Les facteurs psychologiques jouent un rôle important dans le
déclenchement, l’intensité, l’aggravation ou la persistance de
la douleur
2.
Douleur dans une ou plusieurs localisations anatomiques,
intensité suffisante pour justifier un examen clinique
3.
La douleur est à l’origine d’une souffrance cliniquement
significative ou d’une altération du fonctionnement
4.
Le symptôme ou déficit n’est pas produit intentionnellement
ou feint (trouble factice) ou pour obtenir des gains secondaires
(simulation)
5.
La douleur n’est pas mieux expliquée par un trouble de
l’humeur, un trouble anxieux ou un trouble psychotique
Modalités de traitements
psychologiques
Objectifs
Les traitements psychologiques vont:
Soulager la douleur et non la guérir!
Favoriser le sentiment de contrôle de la douleur
Diminuer la détresse / favoriser la qualité de vie
Faciliter l’acceptation / adaptation de la douleur
Éviter que le patient se perçoive comme un patient
“incapacité”
Passer d’une attitude passive et curative vers attitude active
et participative du patient : favoriser la motivation
Thérapie cognitive-comportementale
1.
Changement des pensées irréalistes
–
Diminution de la détresse psychologique
–
Diminution de l’attitude passive
–
Augmentation du sentiment d’autoefficacité et de contrôle
2.
Changement des comportements
–
Augmentation de l’intérêt, du plaisir et des buts
–
Augmentation de l’activité physique et sociale
–
Augmentation de la motivation à être proactif
–
Diminution de la médication
TCC et douleur
La détresse psychologique résulte de pensées et de
croyances distorsionnées et irréalistes à propos de la
douleur et de ses conséquences
Un patient en détresse émotionnelle aura tendance à
focaliser sur les événements négatifs: douleur
Les pensées et les émotions peuvent moduler la réponse de
douleur en agissant comme médiateurs de la perception de
la douleur
Changer les pensées irréalistes, restructuration cognitive,
modifie la perception de la douleur
Étapes à suivre
L’évaluation de l’événement/situation (douleur)
1.
•
Défi : suffisamment d’outils de gestion pour y faire face
•
Danger : outils ne sont pas suffisants
•
Perte: dommage est déjà fait!
2.
L’identification des pensées ou images automatiques, des
erreurs de la pensée, des croyances
Pensées négatives sont associées aux pertes et aux
dangers
L’identification des pensées est la première étage dans
leur changement!
Croyances
Une pensée de base qui sous tend plusieurs
pensées automatiques. C’est la pensée au coeur du
problème, celle qui revient le plus souvent dans
votre discours.
Une des distorsions principales des croyances
fondamentales et son caractère « tout ou rien ».
Fait référence aux pertes, aux peurs et aux
déceptions.
Croyances
1. Les pertes percues ou réelles, incluent la perte
d’habileté, de loisirs, d’espoir, de liberté, de soimême
–
“Ma douleur me rappelle tout ce que j’ai perdu”.
–
“La douleur est en train de ruiner ma vie”.
–
“Je ne me sens pas comme étant la même personne
qu’avant”.
–
“La douleur a changé ma vie, pour le pire!”
Croyances
2. Les dangers potentiels reliés à la douleur, tel que
la peur de l’inconnu, du futur, de perdre sa
carrière, d’être rejetté(e), abandonné(e)
– “Ne pas savoir ce que j’ai est intolérable, vont-ils finir
par trouver?”
– “ J’ai peur que mon corps me laisse tomber”.
– “Je ne peux plus faire comme avant et mes amis ne
m’appellent plus, j’ai peur d’être seule”.
Croyances
3. La déception survient quand les attentes ne sont
pas comblées, la douleur devient une injustice et
entraîne de la colère
– “Mon médecin devrait trouver le problème et me
soulager”.
– “Je ne devrais pas souffrir ainsi, je croyais que ce
médicament aller me guérir”.
Catastrophisation
Pensées catastrophiques
– “Je ne peux plus rien faire, c’est horrible”
Catastrophisation a un impact majeur sur la perception de
la douleur
– Perception du contrôle externe
– Faible sentiment d’autoefficacité
– Échecs multiples des traitements
– Croyances et attentes irréalistes
Catastrophisation
Ruminations
– Pensées récurrentes, inquiétudes et une difficulté à inhiber et
contrôler les pensées reliées à la douleur
Amplification
– Tendance à amplifier l’effet déplaisant de la douleur et
l’anticipation de résultats négatifs face à la douleur
Impuissance
– Faible confiance en ses ressources personnelles pour gérer la
douleur
Restructuration cognitive
Le pouvoir du travail sur les pensées réside dans
l’opportunité de challenger ces pensées
Il ne s’agit pas de décider si une pensée est bonne ou
mauvaise mais bien de savoir en quoi une pensée est
aidante ou nuisible
Il ne s’agit pas d’opter pour une pensée positive en niant la
réalité
Remettre en question ses pensées implique de les
interroger et ainsi, avoir accès aux émotions
Travail sur les pensées
Pensées dépressives
Idées suicidaires passives/actives
– “À quoi bon vivre, j’ai fait ce que j’avais à faire”
Sentiment d’impuissance
– “Depuis mon opération à la hanche, la douleur persiste et je ne peux rien
faire”
Sentiment de désespoir / perte
– “La douleur a ruiné ma vie”
Estime de soi
– “Je ne pourrai pas supporter de dépendre des autres, je ne veux pas être un
fardeau pour ma fille”
Travail sur les comportements
Modification des comportements : vise
l’extinction des comportements inappropriés et le
renforcement des comportements adéquats,
adaptatifs
Enseignement des habiletés comportementales de
gestion
– Pacing (gestion des activités)
– Distraction / activités plaisantes
– Mise en place d’objectifs / buts à atteindre
Pacing
Gestion des activités du quotidien
Fonction de ses limites
– Problème si fait au-delà ou en-deçà de ses limites
Considère la douleur au niveau de base
– Activité ne doit pas exéder 2 pts
– Revenir à la douleur du niveau de base
– Ne pas “accumuler” ou “additionner” la douleur
Distraction
Favoriser les activités plaisantes
Briser l’isolement social
Apprendre à se fixer des buts significatifs
Garder son corps et son esprit occupés
– Développer des activités alternatives
– Favoriser les rencontres / activités sociales
Planification des objectifs
Les buts doivent être :
– Mesurables : évaluer objectivement lorsque atteints
– Réalistes : est-ce possible de l’accomplir malgré la
douleur?
– Comportementaux : actions et étapes à franchir
– Centrés sur soi : le patient doit s’engager activement
dans ce but
– Désirés : cela en vaut-il la peine?
Habitudes de vie
Exercice physique
– Identifier et travailler les peurs associées à l’exercice
– Favoriser la marche, les étirements, exercices aérobiques en
piscine
Alimentation
– Douleur et isolement entraînent changement
– Favoriser bonnes habitudes alimentaires, caféine
– Consommation alcool, drogue, cigarette
Sommeil
– Favoriser hygiène adéquate
Sommeil
Entre 50 et 88% des patients qui souffrent de douleur
chronique rapporte problèmes de sommeil
– Problème d’endormissement, de maintien, sommeil écourté
Triade douleur-problème de sommeil-dépression
– Tb sommeil interfère avec tx dépression : les deux peuvent causer
de la douleur et en être une conséquence
Si douleur soulagée, tb sommeil peut persister…
Tx: éviter les siestes trop longues, associer le lit avec
sommeil la nuit et non y rester couché toute la journée,
hygiène de sommeil (respecter heures du couché + levé),
relaxation + respiration abdominale
Relaxation
Offre un outil concret qui paraît passif…
– Façon d’impliquer le patient lorsque réticent
Respiration abdominale
– Favoriser la détente
– Permet au patient de constater la tension
Entraînement autogène et imagerie
– Très bonne réponse des patients
– Favorise l’hypnoanalgésie
Objectifs du traitement
Augmenter
Diminuer
– Autoefficacité
– Peurs face au futur
– Contrôle interne
– Isolement social
– Attentes réalistes
– Catastrophisation
– Habiletés de gestion
– Impuissance
– Relaxation et autohypnose
– Sentiment de perte
– Découragement /
Désespoir
Obstacles au traitement
Trouble personnalité
(axe II DSM-IV)
Idées suicidaires /
homicidaires
Histoire passée ou
actuelle de dépendance
aux substances
Dépression sévère
Instabilité sociale,
familiale et
professionnelle
Litige non résolu (tierspayeur)
Tb stress posttraumatique
Trouble somatoforme
(somatisation)
Faible soutien social
Déficit cognitif d’origine
neurologique
Identifier les facilitateurs
Stabilité émotionnelle
Dépression appropriée
Habiletés à gérer
complications, effets
secondaires et flare-ups
Confiance et autoefficacité
Connaissance reliée au
traitement
Attentes réalistes face
douleur et traitement
Histoire de coopération
Soutien social impliqué /
informé
Attentes réalistes de
l’entourage
Optimisme approprié au
traitement
Comportements et
symptômes consistants
avec pathologie
Modalités de traitement physique
Traitements pharmacologiques
Analgésiques
– Anti-inflammatoires
– Acetaminophen
– Opiacés, tramadol, méthadone, cannabinoïdes
Adjuvants
– Antiépileptique (douleur neuropathique)
– Antidépresseurs
Dépendance à la médication
Physique : besoin de l’opiacé pour fonctionner
normalement
– Sevrage si cessation abrupte du médicament
– Tolérance : usage répété d’un opiacé ne produit plus le
même effet, la dose doit être augmentée pour obtenir le
même soulagement
Psychologique : utilisation du médicament pour
ses effets plaisants, agréables et non
thérapeutiques
Traitements invasifs
Injection épidurale
Injection points gachettes
Injection facettes, joints sacro-iliac
Bloc nerveux sympathique
Thérapie implantable
Vertébroplastie/kyphoplastie (fractures)
Injection facette
Bloc nerveux
Épidurale
Thérapies implantables
Pompe intrathécale
Neurostimulateur
Vertébroplastie/Kyphoplastie
Traitements non-pharmacologiques
1.
2.
Passifs
–
Chaleur appliquée en surface, ultra-sons
–
TENS (Transcutaneous electrical nerve stimulation)
–
Acupuncture, techniques manuelles (massage)
Actifs
–
Exercices visant à augmenter la force, l’endurance, la
flexibilité et l’équilibre
–
Thérapie aquatique
TENS
Efficacité des divers traitements
Traitements pharmacologiques et médicaux sont
plus efficaces lorsque combinés avec les
approches non-pharmacologiques (multimodales)
Traitements médicaux devraient être des
facilitateurs en réadaptation
Importance de la psychothérapie dans la gestion
de la douleur et de la qualité de vie
Références
Managing pain before it manages you, Magareth A.
Caudill
Cognitive Therapy for Cronic Pain Beverly E. Thorn
Cognitive therapy with chronic pain patients
Carrie winterrowd, Aaron T Beck Daniel Gruener
Sleep and Pain, Gilles Lavigne, Manon Choinière
Pain in Older Persons, Stephen J. Gibson, Debra K. Weiner