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La promotion de la santé mentale en
France : état des lieux, expériences et
difficultés, propositions
Tim Greacen
Directeur du laboratoire de recherche de l’EPS Maison Blanche
Secrétaire général du Centre régional d’information et de prévention du Sida
Membre fondateur de la Cité de la santé, Cité des sciences et de l’industrie
Ancien président de l’association AIDES Ile de France
Journées de la prévention, INPES, 9 avril 2010
1
La biopolitique de la santé
dans une société post-industrielle
•
Foucault : la gouvernementalisation des comportements individuels
– Une bio-politique visant à organiser la production de la vie
– Selon son point de vue, en vue de la vivre au mieux (le souci de soi) ou pour la
rentabiliser (pour / par autrui)
– Une stratégie de contrôle social dans une société policée
•
La gestion des intérêts socioéconomiques avec des risques calculés
– L’individu en bonne santé, dans une stratégie de réduction des risques (la
logique médicale contemporaine) est aussi producteur et consommateur (la
logique économique)
– Il s’assure contre la maladie, la mauvaise santé, finançant de ce fait une
industrie de la (mauvaise) santé et un service public de santé
•
L’intériorisation de ce contrôle social
– Un devoir de santé, un capital santé, l’intériorisation d’une ‘obligation’ de santé
pour réussir
– Intériorisation aussi d’un devoir de santé publique : ne pas être malade, l’individu
se sent responsable du « trou de la sécu »
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La biopolitique traditionnelle en France :
le modèle curatif (« médical »)
• Ne voir l’individu qu’en termes de sa maladie, de sa
pathologie
• Le citoyen est un « patient » qui « souffre » et le
professionnel de santé existe pour le secourir, le soulager
– (tradition chrétienne du sauveur / Ambroise Paré « je ne suis que
la main de Dieu »
• Dans le cadre de cette biopolitique se construit…
– L’industrie de la santé : hôpitaux, vendeurs de soins et de
thérapies, assureurs publics et privés, pharmaceutique…
– L’industrie des savoirs de santé : universités (médecine,
psychologie), système d’éducation, recherche, publicité, internet
– L’industrie de la santé publique avec la prévention de la maladie
comme seul objectif
• Tout comportement, toute pensée est maladie potentielle
et donc marché ou objet d’intervention publique possible
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Une biopolitique construite sur la tension
entre modèle curatif et modèle préventif
• Généralisation du modèle
curatif à toutes les classes
sociales
– Loi du 21 décembre
1941 autorise l’admission de
malades payants à l’hôpital
(qui était jusqu’alors un lieu
pour ‘ranger’ les pauvres,
malades, fous, vagabonds…)
– 1945 : l’ordonnance du 4 oct.
crée la sécurité sociale
donnant accès universel aux
soins ; principal financeur du
système curatif
– 1958 La réforme Debré
(ordonnance du 30 déc.)
crée les CHU, présence à
plein temps des médecins à
l’hôpital
• En parallèle, l’action publique
met en place la prévention des
maladies
– Le mouvement hygiéniste :
assainissement, tuberculose,
alcool et hygiène mentale,
syphilis, mais aussi
eugénisme…
– PMI (2/11/1945): réduire la
mortalité et la morbidité
infantiles
– Médecine scolaire: dépistage
et prévention
– Mise en place du secteur
psychiatrique (1960) avec un
Cmp dans chaque quartier
– 2004 La loi de santé publique
fixe des objectifs à atteindre
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La position des associations d’usagers
• Le système de santé subvient à ses propres besoins est et en
décalage avec les projets de santé (les besoins) des usagers.
• Une industrie de sauveurs caractérisée par son paternalisme
autoritaire : « Tu souffres. Tu es vulnérable. Tu prends des risques.
Je saurai t’aider. Je sais ce qui est bien pour toi. »
• L’usager n’a pas la parole. On parle dans son dos.
• Le discours sur la santé en France a été accaparé par les
professionnels de santé (et d’autres groupes d’intérêt).
• Il appartient au citoyen.
• Il s’agit aujourd’hui de le reconquérir.
• Que chacun ait les moyens de construire son propre projet de santé.
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Et maintenant la santé mentale positive,
la promotion de la santé mentale
• Le bien-être comme idéal
– “a state of well-being in which the individual realizes his or her
own abilities, can cope with the normal stresses of life, can work
productively and fruitfully, and is able to make a contribution to
his or her community”
(http://www.who.int/mental_health/evidence/en/promoting_mhh.pdf)
• La santé non plus uniquement comme absence
de maladie, mais comme épanouissement,
comme optimisation de l’individu, de sa capacité
à produire, à faire, de son pouvoir sur son
milieu, de son empowerment
• Optimisation pour qui ? Voilà notre sujet de
vigilance.
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Recherches sur la promotion
de la santé mentale à Maison Blanche
•
Epitroppe (2007-08)
–
•
Promat (2008-09)
–
•
Drassif - Grsp
Programme de soutien aux jeunes
mères en situation de vulnérabilité :
encourager l’insertion sociale, les
compétences parentales, la santé de
l’enfant (PHRC, Inpes)
Promo (2008-11)
–
•
étude de faisabilité d’une approche
whole school de promotion de la santé
mentale à l’école maternelle (Drassif,
EN)
Capedp (2006-11)
–
•
Quelle prise en compte de la santé
mentale à l’école maternelle en
France ? (Drassif, EN)
accès aux soins et à la promotion de la
santé mentale des populations en
situation d’exclusion sociale en
Europe (CE EAHC)
Promise (2010-12)
–
Quelle formation des professionnels
en promotion de la santé mentale en
Europe (CE EAHC)
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L’étude Epitroppe (2006-2007)
•
•
•
•
Question de recherche : Quelle prise en compte de la santé mentale à l’école
maternelle en France ?
Question posée à l’ensemble des acteurs de 3 écoles franciliennes : Enfants,
parents, enseignants, professionnels de santé scolaire
Observation des classes
Constats
–
–
–
–
•
Médecine scolaire peu présente dans la vie de tous les jours
Peu de formation en santé et santé mentale de l’enfant chez les enseignants
Demande forte des parents pour une réflexion sur bien-être vs apprentissages
Observation des classes : une part significative du temps et de l’énergie des
enseignants  « contrôler » la classe
Les recommandations qui en ressortent
–
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–
–
–
Mieux concilier bien-être de l’enfant et programme d’apprentissages
Inscrire de manière explicite la promotion de la santé mentale dans le projet d’école
(empowerment des enfants face aux problèmes de la vie de tous les jours, le vivre
ensemble…)
Affirmer le rôle de l’école maternelle et les professionnels de l’école dans le soutien à
la parentalité (empowerment des parents)
Expérimenter différentes manières pour renforcer la place des parents au sein de
l’école
Améliorer la collaboration entre acteurs de l’école et professionnels de la santé et de la
santé mentale (dans et à l’extérieur de l’école).
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L’étude Promat (2008-2009)
Expérimenter une approche Whole School
1) Donner un espace de parole aux enfants
1) Sur les problèmes de tous les jours à l’école / dans la vie d’un
enfant. Permettre la discussion sur les sentiments.
2) Choix du programme Les amis de Zippy (car connu pour son
adaptabilité différentes cultures) : analyser et résoudre des
problèmes personnels et interpersonnels, adaptation,
résilience
3) Le rôle de l’enseignant : permettre le débat, se taire : il n’y a
pas de bonne réponse
2) Donner un espace de rencontre et d’échange aux parents
sur la parentalité, la santé, la santé mentale,
1) rencontres animées notamment par les professionnels de
santé de l’école et du quartier
2) Triple P (niveau 2 – conférences et échanges sur la
parentalité) par un psychologue de Maison Blanche
3) participation des enseignants
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Constats
• Grand intérêt des parents pour cette démarche : mobilisation,
satisfaction, participation
• Participation enthousiaste des enfants : un espace de parole ‘à
eux’ sur leur vie ‘à eux’
• L’école non ZEP : peu de contact avec les professionnels de
santé, que ce soit de l’EN ou du quartier
• Les écoles ZEP : beaucoup de contact avec les professionnels
du quartier (PMI, associations …) mais contact variable avec l’EN
• Opposition systématique du mouvement « Pas de zéro de
conduite » (une association de prestataires de soins ou de
formations sanitaires et sociaux issus du monde curatif-préventif)
– dénonçant entre autres le rapport Inserm : la psychiatrie comme
contrôle des comportements à des fins préventifs, une nouvelle
biopolitique de contrôle social qui chercherait à supprimer le
« sujet », l’individu singulier
– sans proposition autre  défenseurs de la biopolitique existante?
– refusant l’évaluation du système actuel  défenseurs de la
biopolitique existante ?
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Conclusions
•
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•
•
•
•
•
•
Absence de politique réelle d’éducation pour la santé en milieu scolaire avec
comme résultat la préservation de la biopolitique curative-préventive actuelle
Besoin de davantage d’études sur la biopolitique actuelle de la petite enfance
en France : quelle est l’organisation actuelle des déterminants de santé ?
Elle vise quoi ? Qui réagit lorsqu’on essaie de déplacer une pierre ?
Nécessité de mettre en place des dispositifs de débat / information /
formation sur ces questions au niveau local (école, quartier)
Une réappropriation du discours sur la santé et la santé mentale par le
citoyen mais aussi par le non-citoyen (enfant, fou, immigré, prisonnier)
Remettre constamment en jeu l’offre de ‘soins’ actuelle, réinvestir la
biopolitique de manière citoyenne
Ne pas confondre science et vérité ! Nécessaire adaptation d’outils
développés ailleurs au contexte français  ne pas les plaquer comme des
‘vérités’ simplement parce qu’ils se disent ‘evidence-based’. Ca a marché làbas, essayons-le ici.
Ne pas confondre science et éthique ! Toute science de santé s’inscrit dans
une biopolitique faite d’intérêts croisés.
Revendiquons l’accès pour tous à la formation / information / débat sur la
santé et le bien-être tout au long de la vie
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