Transcript P3860
Analyse de traces et d’ultratraces d’éléments par Agnès HAGÈGE Chargée de Recherche au Laboratoire de Chimie Analytique et Minérale, UMR 7512 du CNRS Alain LAMOTTE Directeur du Laboratoire de Police Scientifique de Lyon et Maurice LEROY Directeur de l’UMR 7512 du CNRS 1. 1.1 1.2 Approche générale de l’analyse de traces......................................... Intérêts, enjeux et difficultés ....................................................................... Stratégie globale .......................................................................................... 2. 2.1 2.2 Analyse de la teneur totale.................................................................... Échantillonnage. Stockage. Conservation.................................................. Prétraitement ................................................................................................ 2.2.1 Dissolution des éléments recherchés ................................................ 2.2.2 Concentration. Séparation ................................................................. Méthodes de détection ................................................................................ 2.3.1 Classification des méthodes............................................................... 2.3.2 Critères de sélection............................................................................ 2.3.3 Cas particulier des techniques d’analyse de surface........................ — — — — — — — — — 3 3 3 3 4 6 6 6 8 Spéciation ................................................................................................... Définition et enjeux ...................................................................................... Problèmes spécifiques ................................................................................. 3.2.1 Extractions « douces » ........................................................................ 3.2.2 Extractions séquentielles .................................................................... Détection ...................................................................................................... 3.3.1 Méthodes indirectes (détection spécifique d’une espèce)............... 3.3.2 Méthodes électrochimiques ............................................................... 3.3.3 Couplages de méthodes ..................................................................... — — — — — — — — — 9 9 10 10 10 10 10 11 11 Qualité des analyses ................................................................................ Sources d’erreurs ......................................................................................... 4.1.1 Contaminations ................................................................................... 4.1.2 Pertes.................................................................................................... 4.1.3 Interférences ........................................................................................ Validation de la méthode d’analyse ........................................................... 4.2.1 Étalonnage ........................................................................................... 4.2.2 Utilisation de méthodes indépendantes............................................ 4.2.3 Comparaisons inter-laboratoires........................................................ 4.2.4 Matériaux de référence certifiés......................................................... Évaluation des données............................................................................... — — — — — — — — — — — 12 12 12 12 12 13 13 13 13 13 13 2.3 3. 3.1 3.2 3.3 4. 4.1 4.2 4.3 Pour en savoir plus ........................................................................................... P 3 860 - 2 — 2 — 2 Doc. P 3 860 L ’analyse d’éléments à l’état de traces concerne des secteurs d’activité aussi variés que les technologies de pointe (alliages, semi-conducteurs, nucléaire...), les domaines de la santé (produits de consommation alimentaire, fluides biologiques, atmosphères de travail...), de l’environnement (air, eaux, Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 1 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ sols, sédiments...) ou de la géochimie (roches, sédiments...). La demande la plus communément formulée consiste en la détermination de la teneur globale en un ou plusieurs éléments dans des matrices de toutes natures et de toutes origines. Cependant, dans de nombreux cas, cette information s’avère insuffisante et on assiste à l’émergence d’un nouveau type de demandes concernant également la forme chimique sous laquelle se présente l’élément. 1. Approche générale de l’analyse de traces 1.1 Intérêts, enjeux et difficultés L’analyse de traces est essentielle dans de nombreux secteurs. En effet, la concentration de certains éléments peut conférer à ceux-ci un caractère tour à tour toxique ou essentiel pour l’homme et, de ce fait, sa détermination revêt un aspect primordial dans des secteurs tels que celui de la médecine, de l’agroalimentaire, du traitement des eaux... On peut également citer le domaine de l’électronique où de très faibles quantités d’impuretés peuvent altérer de manière considérable les propriétés des semi-conducteurs. Une trace est un élément présent à faible concentration dans un matériau appelé matrice. Il n’existe aucune règle définissant une concentration seuil à partir de laquelle l’appellation trace doit être utilisée. La notion de trace n’aura pas la même signification suivant que l’on s’adresse à un géologue, un biologiste, un métallurgiste... Dans la pratique, l’analyste quant à lui parlera de trace lorsque l’élément à doser sera présent dans la matrice à des concentrations variant de quelques centaines de mg/kg à quelques µg/kg et d’ultratrace pour des concentrations plus faibles atteignant le ng/kg voire même des valeurs inférieures. Aux systèmes d’unités conventionnels, la plupart des analystes substituent un autre système d’unités qu’il semble utile de mentionner dans le but de faciliter le dialogue. Les correspondances sont indiquées dans le tableau 1. En analyse de traces, le degré de difficulté varie bien souvent en fonction de la concentration de l’élément à doser. Ainsi, afin d’illustrer ce concept, on peut classer par ordre de difficulté croissante les tâches suivantes : — analyse rapide dans le cas d’une intoxication aiguë ; — mise en évidence des différences entre zones polluées et non polluées (de l’ordre de la p.p.m.) ; — détermination de la concentration en métaux chez des personnes exposées (quelques p.p.b.) ; — détermination de la teneur moyenne dans les fluides biologiques, les eaux de pluie, les nappes phréatiques (de l’ordre de la p.p.b. à quelques p.p.t.). Tableau 1 – Unités couramment utilisées en analyse de traces Abréviation Signification Correspondance p.p.m. partie par million mg/kg p.p.b. partie par billion (milliard en français) µg/kg p.p.t. partie par trillion (billion en français) ng/kg P 3 860 − 2 1.2 Stratégie globale La détermination de la teneur totale en éléments reste jusqu’à présent l’approche la plus commune. Cependant, on assiste aujourd’hui au développement de méthodes analytiques permettant l’identification et la quantification des différents composés de métaux et de métalloïdes (spéciation, voir § 3). Que l’on s’intéresse à l’une ou l’autre de ces approches, la stratégie à développer reste la même et comporte une série d’étapes successives (figure 1) dans lesquelles le choix des techniques les mieux adaptées revient à l’analyste. Outre le choix de la technique d’analyse proprement dite (accessibilité, précision, exactitude, rapidité, coût...), celui-ci devra également prendre en compte la nature de l’échantillon, sa quantité, le ou les éléments à doser. Cependant, l’objectif de l’analyste n’est pas seulement d’obtenir des résultats fiables mais aussi de les produire le plus rapidement possible et au moindre coût (figure 2). L’étape de traitement de l’échantillon se situe encore actuellement au cœur du problème. Échantillonnage Stockage Prétraitement Analyse Contrôle qualité Évaluation des données Figure 1 – Stratégie développée en analyse de traces (d’après [2]) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________ ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS 2.2 Prétraitement Échantillonnage Les progrès réalisés dans le domaine de l’instrumentation analytique permettent aujourd’hui d’accéder à des concentrations de plus en plus faibles. Or, la plupart des instruments de mesure requièrent un traitement préalable de l’échantillon : minéralisation, concentration, séparation... [1] [2]. Cette étape fait partie intégrante du protocole analytique et ne peut être négligée, ceci pour plusieurs raisons : d’une part, elle est aujourd’hui responsable de la majeure partie de l’erreur analytique, d’autre part, elle constitue souvent un frein à l’automatisation et à la rapidité d’exécution de la méthode d’analyse. Gestion des données Analyse Traitement de l'échantillon Figure 2 – Répartition moyenne du temps utilisé lors d’une analyse 2. Analyse de la teneur totale 2.1 Échantillonnage. Stockage. Conservation L’échantillonnage est une étape-clé du processus analytique, trop souvent négligée. En fait, peu de laboratoires sont capables de réaliser un bon échantillonnage. Le problème à résoudre est celui de la représentativité de l’échantillon. Ce qui est avant tout un problème de statistique revêt un aspect analytique supplémentaire en analyse de traces. En effet, la répartition d’éléments à l’état de traces a beaucoup plus de chance d’être hétérogène que celle des éléments majeurs. Pour illustrer la complexité d’une telle opération, on peut citer deux exemples. Dans les eaux, la concentration des éléments à l’état de traces varie avec la profondeur, la salinité, la proximité de points de décharge... Une étude sur un tel milieu ne pourra ainsi être effectuée qu’à partir d’échantillons prélevés en différents points, à différents instants. Le deuxième exemple concerne l’air ambiant qui possède des particules de 0,01 à 10 µm, voire plus, dont la composition chimique varie avec la taille. L’échantillonnage de ce matériau nécessitera d’abord la réalisation de nombreux lots, suivie d’une filtration dont le choix des filtres constitue l’étape critique. À cela s’ajoutent bien sûr les risques de pollution importants lors de la réalisation des prélèvements. Le stockage des échantillons doit quant à lui être réalisé préférentiellement à basse température dans des matériaux inertes vis-à-vis de ceux-ci. Dans le cas de l’analyse du mercure par exemple, les échantillons doivent être conservés dans du verre ou du quartz pour éviter la réduction en mercure métallique et sa diffusion à travers les parois des matériaux plastiques. Il est cependant à noter que la diffusion est faible à basse température et devient même négligeable à des températures inférieures à – 80 oC. Dans le cas de l’analyse d’espèces métalliques, des précautions supplémentaires sont à envisager. Ainsi, les échantillons solides devront être préalablement séchés, le plus souvent par lyophilisation ou séchage à l’air à 40 oC afin d’éviter les processus biologiques qui engendreraient la dégradation éventuelle de certaines espèces organométalliques. Les effets des ultraviolets (phototransformations) et de l’oxygène de l’air (oxydations) sur la conversion des espèces doivent également être pris en compte et, dans certains cas, il sera nécessaire de procéder à un stockage à l’abri de la lumière et/ ou sous atmosphère inerte. 2.2.1 Dissolution des éléments recherchés La plupart des systèmes de mesure d’éléments nécessitent de disposer d’un échantillon sous forme liquide ou gazeuse. Dans le cas des solides, il n’existe que peu de techniques permettant une analyse directe. Citons, cependant, la fluorescence X, l’analyse par activation ou la spectrométrie de masse. Il est donc nécessaire de procéder à la mise en solution des éléments à analyser. Dans la majorité des cas, il s’agit de convertir les composants de la matrice en formes chimiques simples. Plusieurs voies sont possibles et leur choix est conditionné par la nature de la matrice, les éléments à analyser, la technique d’analyse qui sera utilisée ultérieurement. Cette opération nécessite l’ajout d’un réactif chimique (par exemple un acide), un apport d’énergie ou une combinaison des deux. En effet, bien que certaines matrices puissent être dissoutes par simple action du réactif approprié, la plupart des matériaux d’origine géologique ou organique requièrent un apport d’énergie supplémentaire, généralement fourni par chauffage. Différents équipements sont à considérer en fonction de la température désirée : plaques chauffantes en céramique ou en acier pour des températures n’excédant pas 400 oC, fours (principalement électriques) pour des températures supérieures ; l’usage de fours à résistance permet d’atteindre des températures de 1 300 oC, celui des fours à induction des températures de 1 600 oC. Il faut également noter les micro-ondes qui constituent, à l’heure actuelle, une nouvelle source de chaleur très prometteuse pour la dissolution des matrices organiques et inorganiques. 2.2.1.1 Solubilisation par voie humide (tableau 2) Elle nécessite l’utilisation d’acides, seuls ou en mélange, tels que les acides nitrique, chlorhydrique, sulfurique, fluorhydrique ou perchlorique. L’utilisation de l’acide perchlorique seul est cependant à proscrire en raison des dangers d’explosion. Dans le cas des matrices organiques, leur action est souvent renforcée par l’ajout d’un oxydant tel que le peroxyde d’hydrogène. Tableau 2 – Exemples de méthodes de mise en solution par les acides Élément Réactifs Ag Al As Cd Cr Cu Fe Hg Ni Pb Sb Se Sn Zn HNO3 ou H2SO4 concentré HCl/HNO3 HCl/H2O2 HCl ou H2SO4 ou HNO3 dilué HCl ou H2SO4 dilué HCl/HNO3 ou HCl/H2O2 HCl ou H2SO4 HNO3 HCl/HNO3 HNO3 dilué HCl + H2O2 H2SO4 concentré HCl/H2O2 HCl ou HNO3 ou H2SO4 dilué Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 3 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ 2.2.1.2 Solubilisation par voie sèche Cette technique, applicable aux matrices organiques, consiste à calciner l’échantillon à haute température (500 oC) en général en présence d’un courant d’air ou d’oxygène. Le résidu formé peut alors être solubilisé dans un acide. Cependant, l’utilisation de hautes températures conduit à la perte par volatilisation d’éléments tels que l’arsenic, le sélénium, le mercure. Signalons toutefois l’appareil développé par Gleit en 1962 qui permet d’opérer la calcination à plus basse température (100 à 140 oC) grâce à un plasma d’oxygène [3]. Cette méthode ne connaît pourtant pas une grande popularité, sans doute en raison de son coût et de son manque de rapidité. Tableau 3 – Choix de la technique de concentration en fonction de la nature physique de l’échantillon État initial Solide 2.2.2 Concentration. Séparation [4] Sous cette dénomination sont regroupées toutes les techniques qui permettent d’augmenter la concentration relative de l’élément d’intérêt dans l’échantillon. Cette étape n’est bien sûr recommandée que dans le cas où l’échantillon ne peut être analysé directement. Dans la plupart des cas, la préconcentration permet d’améliorer les limites de détection à la fois en augmentant la concentration de l’élément d’intérêt et en éliminant les interférences. Cependant, ces deux buts sont parfois contradictoires, comme dans le cas de la coprécipitation par exemple, et un compromis devra être trouvé. Le choix de la technique va dépendre de la nature de l’échantillon, de sa quantité, de son homogénéité mais aussi des exigences de la technique de détection utilisée et d’un éventuel passage en analyse de routine (tableau 3). Ainsi pour un même élément, plusieurs méthodes sont envisageables comme en témoigne l’exemple du cuivre (tableau 4). Gaz Cette dernière, très utilisée en analyse de traces, est également mise en œuvre lorsqu’une séparation par chromatographie en phase gazeuse est nécessaire ou pour améliorer l’introduction de l’échantillon dans des détecteurs de type absorption atomique, émission atomique à plasma induit par haute fréquence, spectrométrie de masse utilisant un plasma comme source d’ions (voir § 2.3.1). Parmi les réactions les plus utilisées, citons la génération d’hydrures d’éléments tels que l’arsenic, le bismuth, le germanium, le plomb, l’antimoine, le sélénium, l’étain ou le tellure qui est réalisée en présence d’un réducteur (exemple : NaBH4) et d’un acide (exemple : HCl). Comme pour toute réaction, le rendement de génération d’hydrures va dépendre du composé initial, donc de la forme chimique de l’élément considéré. Il s’avère donc essentiel de s’assurer de la présence de l’élément sous une forme unique. Cette condition est en général respectée si une minéralisation a été effectuée préalablement. P 3 860 − 4 Dissolution Gaz Volatilisation Solide Précipitation, coprécipitation, électrodéposition, sorption, évaporation à sec Liquide Extraction, membrane, isotachophorèse, évaporation Gaz Volatilisation Solide Adsorption Liquide Sorption, condensation Tableau 4 – Quelques possibilités pour la concentration du cuivre Technique Conditions opératoires Coprécipitation 1) OH–, pH = 10 2) Dans une solution saturée par NaCl : diéthyldithiocarbamate de sodium, pH = 4 Flottation Fe(OH)3 ou Al(OH)3 Dodécylbenzènesulfonate, pH = 8-10 Extraction Extractant : dithiocarbamate de sodium, pH = 0,2-12,0 Solvant : méthylisobutylcétone Redissolution anodique impulsionnelle H2SO4 , H2O, 0,9 % NaCl sur électrode à goutte de mercure Sorption Complexant : dithizone Adsorbant : charbon actif Échange d’ions Copolymère greffé iminodiacétate, pH = 6,8 Éluant : 0,02 mol · , –1 cystéine Isotachophorèse Sous forme de chlorure de Cu-bathocuproïne Solvant : méthylcellosolve 2.2.2.1 Évaporation. Volatilisation L’évaporation consiste la plupart du temps à extraire la matrice sous forme gazeuse à l’aide d’un chauffage. Dans le cas de l’évaporation à sec, le résidu obtenu se trouvera ainsi enrichi en éléments traces. Cette méthode est cependant peu employée car les résultats sont souvent imprévisibles. On lui préfère généralement les techniques de volatilisation où l’addition de réactifs appropriés permet la génération d’espèces volatiles. Technique Liquide Liquide 2.2.1.3 Fusion alcaline Cette technique, applicable aux matrices d’origine minérale, consiste à minéraliser l’échantillon à l’aide d’un sel fondu puis à le reprendre à l’aide d’un acide (chlorhydrique en général). Traditionnellement le fondant utilisé est le carbonate de sodium mais d’autres sels (fluorures, nitrates, pyrosulfates, tétraborates...) peuvent être utilisés. Plus puissants que les acides, les sels fondus sont généralement utilisés quand les acides ne dissolvent pas la matrice, pour dissoudre les résidus obtenus après une attaque acide ou dans la détermination d’éléments volatilisés par une attaque acide. État final Il existe également d’autres techniques permettant la génération d’espèces volatiles. C’est le cas de la technique des vapeurs froides utilisée pour le mercure, des réactions d’alkylation pour des éléments comme le plomb, l’étain, l’arsenic ou le sélénium ou de la formation de chélates volatils à l’aide de β-dicétonates pour le chrome, le cuivre, le nickel, le palladium, le fer, le zinc, le cobalt et le manganèse. 2.2.2.2 Coprécipitation. Électrodéposition ■ Les techniques de coprécipitation nécessitent l’ajout à la solution d’agents de coprécipitation de différentes natures. Ceux-ci peuvent être de nature inorganique, tels les oxydes ou les hydroxydes [Fe(OH)3 , MnO2...] car la plupart des métaux forment des hydroxydes insolubles. Cette technique est principalement utilisée pour des solutions naturellement diluées (eaux, eau de mer, effluents traités...) et son but est plus la concentration de l’échantillon que la séparation des éléments d’intérêt car sa sélectivité est faible. Des collecteurs dits organiques sont également utilisés et dans ce cas, on a souvent recours à deux réactifs, le premier (agent chélatant ou Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________ simple anion : Br–, Cl–, SCN–) formant un complexe avec le métal, le second, composé organique peu soluble dans la phase aqueuse, servant de transporteur. Différentes variantes ont été mises au point dans le but d’améliorer cette technique, soit du point de vue de la sélectivité, soit du point de vue de la vitesse de réalisation. En ce qui concerne le premier point, des techniques de filtration, où le diamètre des pores de la membrane est choisi en fonction de la taille du précipité, ont été élaborées. Les éléments traces sont alors récupérés soit par dissolution de l’ensemble « membrane + précipité » dans un solvant approprié, soit par élution des éléments. Pour pallier le problème des temps de déposition parfois longs et des filtrations parfois rebutantes, l’analyste peut faire appel aux techniques de flottation. Elles nécessitent l’ajout d’un tensioactif qui sera adsorbé à la surface du précipité, augmentant ainsi son hydrophobie. La séparation sera ensuite effectuée à l’aide d’un courant gazeux qui entraînera le précipité à la surface en quelques minutes. ■ L’électrodéposition est également très utilisée pour la concentration des métaux et des semi-métaux, susceptibles de former des amalgames avec le mercure. Le dépôt est alors réalisé, le plus souvent sur une électrode à goutte de mercure, par application d’un potentiel défini (généralement potentiel de réduction du métal). La récupération s’effectue, ensuite, par redissolution anodique. Cette technique connaît cependant ses limitations, notamment de par la formation de composés intermétalliques : — avec le mercure : Co, Fe, Mn, Ni ; — avec des éléments entrant dans la composition de l’électrode : Pt et Sb, Sn, Zn et Au et Cd, Mn, Sn, Zn) ; — entre deux éléments de l’échantillon (Cu-Cd, Cu-Mn, Cu-Ni, CuZn, Fe-Mn, Ni-Mn, Ni-Sb, Ni-Sn, Ni-Zn, Ag-Cd, Ag-Zn). La formation de certains de ces composés peut néanmoins être évitée par une séparation préalable ou une électrodéposition à un potentiel spécifique d’un élément. 2.2.2.3 Extraction par solvant Largement utilisée car simple d’utilisation et applicable dans un large domaine, l’extraction par solvant connaît un essor considérable grâce au développement d’agents de transfert sélectifs. Parmi ceux-ci, on peut citer, les dithiocarbamates, utilisés pour l’extraction des métaux lourds, les dérivés de l’acide dithiocarbamique adaptés à la concentration de nombreux métaux traces dans des échantillons aqueux présentant des matrices complexes et un haut degré de salinité, les β-dicétones... Les propriétés des composés macrocycliques, dont les éthers-couronnes particulièrement adaptés à l’extraction des alcalins, alcalino-terreux et lanthanides trivalents, ont également été exploitées. Des molécules telles que les cryptands, introduits par J.-M. Lehn et dont les applications analytiques n’ont malheureusement pas été étudiées systématiquement, et les calixarènes pourraient dans l’avenir contribuer de façon prometteuse à l’extraction sélective des éléments traces. En plus du système de base, on a souvent recours à l’ajout d’autres réactifs permettant l’amélioration de l’extraction (agents de synergie) ou le masquage des interférents. Il faut cependant noter que les opérations manuelles requièrent un travail intensif et sont souvent longues. L’analyse en flux continu constitue donc une alternative intéressante et, fonctionnant en système clos, exclut ainsi les possibilités de contamination atmosphérique. Une variante de l’extraction par solvant consiste à utiliser du CO2 supercritique contenant des ligands organiques qui conduisent à l’extraction de métaux sous forme de complexes neutres. 2.2.2.4 Sorption Sous le terme de techniques de sorption sont regroupées dans ce paragraphe toutes les techniques faisant appel aux phénomènes d’adsorption physique ou chimique, d’absorption ou de condensation des gaz ou substances dissoutes. Elles peuvent être utilisées ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS soit pour concentrer les éléments, soit pour retenir la matrice. Ainsi, le charbon actif, largement exploité pour la sorption des composés organiques en raison de sa forte hydrophobie, peut également être utilisé pour retenir de nombreux métaux en présence d’agents complexants (éthylxanthate, diéthyldithiocarbamate, dithizone, 8-quinolinol...) ou des espèces métalliques. L’usage de copolymères de styrène-divinylbenzène, de mousse de polyuréthanne ou de silices greffées par des groupements octadécyle est également répandu. Signalons encore la voltampérométrie par adsorption où un complexe est réalisé avec le métal puis adsorbé sur l’électrode. Dans ce cas, seul le processus de redissolution est de nature électrochimique. Parmi toutes ces méthodes, l’échange d’ions tient une place prépondérante. Deux possibilités sont offertes. Dans le premier cas, on dispose d’un échangeur d’ions solide comportant des groupements ioniques accompagnés de contre-ions mobiles. La technique consiste alors à échanger ces contre-ions par l’élément à analyser. Les supports utilisés sont généralement des copolymères greffés ou imprégnés. L’utilisation de résines contenant des groupements fonctionnels particuliers constitue la seconde possibilité, notamment lors de la préconcentration de métaux lourds. Le choix des résines chélatantes est vaste (iminodiacétate, polydithiocarbamate, oxime...) mais, à l’heure actuelle (1998), les plus populaires restent les résines greffées par des groupements iminodiacétate. Des résines permettant des récupérations très spécifiques ont également été développées : résines comportants des groupements amino ou iminothiazole et thiazoline pour la récupération de Hg(II), des groupements dithizone pour les éléments des groupes de l’or et du platine. 2.2.2.5 Membranes Les techniques membranaires (dialyse, électrodialyse, transport facilité à travers des membranes liquides, membranes liquides supportées, membranes émulsionnées), largement reconnues dans le domaine de la chimie industrielle, ont aussi une application potentielle dans le domaine de l’analyse de traces. Dialyse et transport facilité sont deux approches complémentaires. Dans le cas de la dialyse, on utilise une membrane chargée, perméable aux contre-ions mais pas aux co-ions. La concentration est possible si l’on dispose d’un volume de phase d’alimentation très supérieur à celui de la phase de réception et si la force ionique de la solution d’alimentation est très inférieure à celle de la solution de réception. Adaptée aux solutions diluées, elle est souvent utilisée pour des concentrations multiélémentaires. Le transport facilité, quant à lui, requiert la présence d’une force motrice qui permet à l’espèce d’intérêt de diffuser contre son gradient de concentration et l’ajout d’un transporteur dans la membrane. Cette technique montre toute son efficacité pour les milieux à haute force ionique et permet la récupération dans une phase relativement peu complexe. 2.2.2.6 Isotachophorèse. Électrophorèse capillaire de zone ■ L’isotachophorèse est une technique adaptée à la séparation et à la concentration d’espèces chargées, largement exploitée pour des échantillons d’origine biologique (acides aminés, nombreux composés présents dans les fluides et les milieux biologiques) mais qui connaît également de nombreuses applications dans la séparation d’ions organiques et inorganiques ainsi que de complexes métalliques. Les ions sont séparés en différentes zones sous l’effet d’un champ électrique et en présence de deux électrolytes choisis de sorte que leurs mobilités respectives encadrent celles des ions de l’échantillon. La concentration de chaque espèce dans chaque zone est alors fonction de la concentration de l’électrolyte de tête et de la mobilité ionique de toutes les espèces concernées. Cette technique présente l’avantage d’être rapide, sans prétraitement conséquent et de ne nécessiter que de faibles volumes d’échantillon. Cependant, la quantification requiert l’utilisation de détecteurs munis de cellules de détection, ce qui limite de façon importante la gamme de détecteurs potentiels. Certains systèmes Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 5 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ ■ Il faut également noter l’émergence, dans le domaine des méthodes de séparation, de l’électrophorèse capillaire de zone, technique alliant les lois de la chromatographie à celles de l’électrophorèse. ■ Les techniques de spectrométrie atomique optique qui reposent sur l’absorption ou l’émission par les atomes de radiations dues à des transitions électroniques bien définies. Cette classe regroupe aussi bien les techniques d’absorption atomique (utilisant une flamme ou un four) que celles d’émission atomique parmi lesquelles l’ICP/AES (émission à plasma induit par haute fréquence) reste une des techniques majeures en analyse de traces. 2.2.2.7 Chromatographies ■ Les méthodes électrochimiques, basées sur les phénomènes d’oxydoréduction se produisant à l’électrode. permettant une isotachophorèse à l’échelle préparative ont été développés (recueil des fractions par microseringue, élution des zones séparées) mais ne connaissent pas une grande popularité. ■ Les techniques d’analyse par activation où il s’agit de mesurer le nombre de particules émises (α, β, γ ) lors de la désexcitation des noyaux atomiques, préalablement excités par irradiation avec des particules telles que les neutrons, les protons, les noyaux d’hélium ou des photons de haute énergie. La plupart des processus décrits précédemment peuvent être utilisés en mode dynamique lors de séparations chromatographiques. Parmi ces techniques, les plus utilisées sont : — la chromatographie en phase gazeuse, qui permet la séparation de composés volatils (température d’ébullition < 300 oC), non thermodégradables ; la rétention est alors gouvernée par leur tension de vapeur et leur affinité pour la phase stationnaire ; — la chromatographie en phase liquide, en colonne remplie ou sur couche mince. Suivant la nature de la phase stationnaire, différents mécanismes gouvernent la rétention (adsorption, partage, échange d’ions...). ■ Les méthodes de fluorescence X où les rayons X provoquent l’ionisation des couches profondes de l’atome qui retourne ensuite à son état fondamental après une réorganisation de ses électrons accompagnée de l’émission radiative de photons de longueur d’onde caractéristique. ■ Les spectrométries de masse dont le principe consiste à séparer dans des champs magnétiques forts les ions ou fragments moléculaires gazeux générés par action d’un fort potentiel ou de courants d’électrons ou d’ions. Des techniques telles que la dilution isotopique ou l’ICP/MS (spectrométrie de masse utilisant un plasma comme source d’ions) connaissent à l’heure actuelle une très forte popularité. 2.3 Méthodes de détection ■ La spectrophotométrie basée sur les transferts d’électrons dans les molécules. Ces méthodes sont souvent peu sélectives et nécessitent préalablement une séparation, par chromatographie en général. Le but de ce paragraphe n’est pas de détailler l’ensemble des techniques analytiques disponibles en analyse de traces. Nous nous contenterons donc de proposer ici une vue d’ensemble des techniques les plus couramment utilisées en énonçant succinctement d’une part les principes physiques sur lesquels elles reposent et en proposant, d’autre part, un certain nombre de critères de sélection qui fourniront au lecteur une aide dans le choix de la technique la mieux adaptée à son problème. Pour plus de détails, le lecteur pourra consulter les articles de ce traité consacré aux différentes techniques d’analyse, ainsi que les références [2] [5] [13]. 2.3.2 Critères de sélection Le choix d’une technique d’analyse est conditionné par de nombreux critères. Il faut, en effet, prendre en considération le ou les éléments à doser, l’état physique de l’échantillon ainsi que sa quantité, la sélectivité et le degré de précision et de justesse requis pour l’analyse, sans oublier bien sûr les critères économiques que nous mentionnerons en Doc. P 3 860. À titre indicatif, le tableau 5 propose certains éléments de comparaison entre différentes techniques. 2.3.1 Classification des méthodes La plupart des techniques analytiques utilisées aujourd’hui en analyse de traces peuvent se regrouper en six catégories. Tableau 5 – Quelques éléments de comparaison orientant le choix d’une technique d’analyse ICP/AES AAS EDXRF ICP/MS NAA DPACSV Nature de l’échantillon liquide liquide liquide/solide liquide liquide/solide liquide Volume d’échantillon + + + + + – Sélectivité multiélémentaire monoélémentaire multiélémentaire multiélémentaire multiélémentaire monoélémentaire Limites de détection ++ + + +++ +++ +++ ICP/AES émission atomique à plasma induit, AAS spectrométrie d’absorption atomique, EDXRF fluorescence X à dispersion d’énergie, ICP/MS spectrométrie de masse utilisant un plasma comme source d’ions, NAA analyse par activation neutronique, DPACSV voltampérométrie d’adsorption impulsionnelle à redissolution cathodique. + faible ++ très faible +++ extrêmement faible. P 3 860 − 6 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________ ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS 2.3.2.1 Limites de détection 2.3.2.2 Précision. Exactitude Outre le fait que certains éléments ne sont pas toujours accessibles (éléme n t s de no mb re d e ch a rg e i n féri e u r à 6 en fluorescence X, éléments ne possédant pas au moins deux isotopes stables ou un radio-isotope à durée de vie adéquate en dilution isotopique), le choix de la technique analytique dépend des limites de détection que l’on souhaite atteindre, variables suivant l’élément considéré. En chimie analytique, on distingue plusieurs types d’écarts par rapport à la valeur vraie : les erreurs aléatoires, estimées à l’aide de la précision, et les erreurs systématiques estimées à l’aide de l’exactitude. En pratique, il s’avère difficile de chiffrer la précision d’une technique. Au niveau de la mesure elle-même, on distingue cependant deux catégories de techniques : celles offrant le plus de précision telles que l’absorption atomique, l’émission atomique à plasma ou les méthodes électrochimiques modernes et celles offrant le moins de précision telles que l’émission atomique, l’activation neutronique ou la spectrométrie de masse. En analyse de traces en particulier, la précision d’une mesure est également liée à l’élément lui-même, à la taille de l’échantillon et à la matrice qui le constitue. Le critère de précision de la mesure ne peut en aucun cas motiver le choix d’une technique à lui seul. En effet, son évaluation doit être replacée dans le contexte global du protocole analytique, les méthodes de préparation de l’échantillon contribuant pour une large part à la diminution de la précision d’un résultat. Le manque d’exactitude d’une technique est engendré par des erreurs systématiques qui peuvent être constantes (absolues) ou proportionnelles à la concentration de l’élément à analyser (relatives). Les principales sources d’erreurs constantes sont le manque de sélectivité de la technique utilisée (voir § 2.3.2.3), les effets de matrice... Les erreurs proportionnelles sont quant à elles souvent dues à l’étalonnage, notamment à l’extrapolation d’une courbe d’étalonnage au-delà de la linéarité de l’appareil. Ces erreurs doivent être déterminées, puis éliminées par le perfectionnement de la méthode analytique ou par une correction adéquate du résultat. Le terme limite de détection (Ld) illustre les capacités d’une technique donnée à détecter de très faibles concentrations et est défini de la manière suivante : Ld = µbl + k · σbl où µbl correspond à la valeur moyenne du blanc et σ bl , à son écarttype autour de la moyenne. Pour une valeur de k égale à 3, l’expression précédente correspond à celle de la limite de détection telle que l’a défini l’IUPAC. Cependant la probabilité de détecter un élément à la concentration Ld n’étant alors que de 50 %, on utilisera préférentiellement une valeur de k égale à 6 pour laquelle le degré de confiance sera alors de 99,87 %. Dans la pratique, les limites de détection augmentent avec la complexité de la matrice mais il est possible de les améliorer par un traitement préalable de l’échantillon (préconcentration, dérivatisation...). À titre indicatif, le tableau 6 présente les limites de détection obtenues avec différentes techniques pour des solutions aqueuses ou des matrices ne présentant pas d’interférences. Tableau 6 – Limites de détection (µg/l) Élément ICP/AES (1) AAS (2) (Flamme) EDXRF (3) NAA (5) ICP/MS (4) DPACSV (6) réactif isotope Ag 0,6 2,0 0,001à 0,01 Al 0,2 30,0 0,01 à 0,1 As 1,2 300,0 1,2 0,01 à 0,1 Cd 0,09 2,0 Cr 0,15 6,0 6,1 0,001 à 0,01 Cu 0,11 3,0 1,8 0,001 à 0,01 Fe 0,20 6,0 3,7 > 10 Hg 1,30 200 Mn 0,05 2,0 5,6 0,001 à 0,01 Ni 0,30 10,0 1,9 0,01à 0,1 Pb 1,50 10,0 1,8 Sb 1,50 40 Se 1,50 500 Sn 1,30 100 Zn 0,11 1,0 0,001 à 0,01 0,001 0,3 110Ag 76As 0,23 Cu(II) 0,012 Oxine 0,020 Catéchol 0,11 Catéchol 0,006 DiméthylGlyoxime 124Sb 0,06 Oxine 75Se 0,24 Cu 0,24 Tropolone 0,02 APDC 115Cd 0,04 51Cr 0,1 64Cu 4 49Fe 0,7 3 203Hg 58Co 0,001 à 0,01 0,001 à 0,01 1,1 0,08 0,1 à 10 0,004 0,1 0,01 à 0,1 1,6 0,01 à 0,1 0,20 65Zn ICP/AES émission atomique à plasma induit, AAS spectrométrie d’absorption atomique, EDXRF fluorescence X à dispersion d’énergie, ICP/MS spectrométrie de masse utilisant un plasma comme source d’ions, NAA activation neutronique, DPACSV voltampérométrie d’adsorption impulsionnelle à redissolution cathodique, APDC ammonium pyrrolidine dithiocarbamate. (1) Valeurs données par Jobin-Yvon pour le JY138 et converties sur la base de 3σ, (2) Valeurs données par Varian pour le SpectrAA 20 Plus, (3) Valeurs calculées avec un prototype Siemens, (4) Valeurs données par Fisons pour le PQ3, (5) Valeurs obtenues après 72 h d’irradiation dans le réacteur Osiris du CEN de Saclay, (6) Valeurs obtenues après une période d’adsorption de 60 s. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 7 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ Signalons cependant que la combinaison dilution isotopiquespectrométrie de masse se révèle à ce titre une méthode puissante. Cette technique peut non seulement être considérée comme une méthode de standardisation interne idéale (puisque l’étalon interne utilisé est un isotope de l’élément à analyser) mais permet également de compenser les pertes dues à la préparation de l’échantillon ainsi que de s’affranchir d’un grand nombre d’interférences. Notons toutefois que son application se limite à l’analyse d’éléments polyisotopiques ou possédant un radio-isotope suffisamment stable. Comme nous l’avons rapidement évoqué au paragraphe 2.2.1, seules quelques techniques (fluorescence X, activation neutronique, spectrométrie de masse) sont directement applicables à des échantillons solides. Pour les autres techniques, une mise en solution, le plus souvent en milieu aqueux, s’avère indispensable, si l’on excepte l’utilisation récente de l’ablation laser (notamment couplée à l’émission atomique à plasma ou la spectrométrie de masse utilisant un plasma comme source d’ions) qui constitue une solution très prometteuse. 2.3.2.3 Sélectivité. Spécificité 2.3.3 Cas particulier des techniques d’analyse de surface L’élimination des interférences et des effets de matrice est une des préoccupations majeures de l’analyste (voir § 4.2.1). Plus faible sera leur probabilité, meilleure sera la qualité de l’analyse. Dans ce but, l’analyste préfère s’assurer le concours de méthodes dites sélectives ou spécifiques, dont un essai de définition est donné ci-après. Une méthode élémentaire dite spécifique est une méthode sensible à un seul élément, une méthode sélective consistera en un ensemble de méthodes sélectives. Ces concepts peuvent être illustrés par les exemples suivants : l’émission atomique à plasma induit, permettant le dosage séquentiel et simultané de plusieurs éléments, est considérée comme sélective, l’absorption atomique, méthode monoélémentaire, est dite spécifique. Dans la pratique, la distinction entre méthodes sélectives et non sélectives n’est pas aussi claire et dépend fortement des échantillons. Ainsi, l’absorption atomique peut être considérée comme spécifique pour la détermination du calcium en absence de phosphate et d’aluminium. Par contre, la présence de ces derniers dans les échantillons annihilera cette spécificité. 2.3.2.4 Nature de l’échantillon Devant la variété des milieux concernés par l’analyse de traces, les échantillons peuvent se trouver sous forme solide, liquide ou gazeuse. Il est donc préférable de choisir la technique d’analyse en fonction de la nature de l’échantillon afin de limiter le nombre d’étapes du protocole ou, à défaut, d’adapter l’échantillon à la technique. La grande majorité des techniques citées précédemment ne permettent que l’analyse d’échantillons dans leur globalité. Cependant, le besoin d’une détermination et d’une localisation simultanées des éléments s’est largement fait ressentir depuis de nombreuses années, notamment : — dans le domaine des matériaux où l’analyse de surface [14] revêt une importance considérable dans de nombreux secteurs d’activité : microélectronique, mécanique (corrosion, revêtement...), chimie (catalyse, polymères, biomatériaux...), etc. Parmi les techniques utilisées, peu d’entre elles permettent l’analyse de traces à proprement parler ; toutefois, en raison des phénomènes de ségrégation qui peuvent se produire en surface, elles peuvent apporter de nombreuses informations, notamment sur la localisation des éléments présents à l’état de traces dans un échantillon pris dans sa globalité ; — dans les domaines biologique et clinique qui requièrent souvent des informations morphologiques au niveau cellulaire ou subcellulaire. Dans le tableau 7, nous avons répertorié quelques méthodes courantes ou classiques dans ce domaine en nous attachant à définir leurs possibilités en matière d’analyse chimique ou de localisation et leurs domaines d’utilisation préférentiels. Ces techniques sont principalement utilisées en analyse de surface, les cinq dernières trouvant souvent également des applications en biologie. Tableau 7 – Techniques utilisées pour la localisation des éléments : quelques caractéristiques et ordres de grandeur Sonde Domaine d’utilisation préférentiel Destruction de l’échantillon Limites de détection (en masse) Données quantitatives Structure électronique et chimique AES ESCA ou XPS RBS NRS EPA EELS LMMS (1) ou LAMMA SIMS (2) PIXE Électrons Photons Particules Particules Électrons Électrons Photons (laser) Ions Particules Li-U Li-U Éléments lourds dans matrices légères Éléments légers Be-U ± non non non ± non oui oui non 10–4 à 10–3 10–3 à 10–2 10–7 à 10–5 10–4 à 10–7 10–4 à 10–3 10–6 à 10–5 10–6 à 10–5 Assez difficile Assez difficile oui oui oui oui oui Assez difficile 10–8 à 10–6 10–7 à 10–5 Assez difficile oui AES spectroscopie des électrons Auger, ESCA spectroscopie des électrons pour l’analyse chimique, XPS spectroscopie des photons X, RBS spectroscopie de diffusion élastique, NRS spectroscopie des réactions nucléaires, EPA analyse par sonde électronique, EELS spectroscopie de perte d’énergie des électrons, LMMS spectroscopie de masse à microsonde laser, LAMMA analyse des masses par microsonde laser, SIMS spectroscopie de masse des ions secondaires, PIXE spectroscopie d’émission de rayons X induite par des particules. (1) Détecteur : spectromètre de masse à temps de vol. (2) En mode statique. P 3 860 − 8 Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation oui oui _______________________________________________________________________________________ 3. Spéciation 3.1 Définition et enjeux Le terme spéciation, emprunté aux biologistes et directement adapté de l’anglais, connaît plusieurs définitions et est, de ce fait, très controversé. Nous ne retiendrons ici que la définition la plus communément utilisée, à savoir : « La spéciation caractérise l’ensemble des étapes de différenciation et de détermination des différentes formes chimiques d’un élément trace dans un milieu donné ». Ce concept connaît à l’heure actuelle un engouement considérable en relation directe avec nos préoccupations environnementales. En effet, les éléments traces sont distribués au sein des différents compartiments de l’environnement (air, eaux, sols) sous des formes ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS chimiques nombreuses et variées, comme en témoignent les cycles biogéochimiques du sélénium dans les systèmes aquatique et terrestre (figures 3 et 4). Sous le terme de sélénium organique sont en effet regroupés des composés tels que l’ion triméthylsélénonium, des séléniures, des sélénols, des sélénoaminoacides (sélénométhionine, sélénocystéine...), des sélénoprotéines (glutathion peroxydase, glycine réductase...)... Ces différents composés présentent des propriétés physico-chimiques mais aussi physiologiques, toxicologiques ou écologiques qui diffèrent fortement. La méthylation (ou plus généralement l’alkylation) des ions métalliques peut augmenter la biodisponibilité des éléments non-essentiels. Citons, par exemple, l’alkylation de Hg(II) qui conduit à un accroissement de sa toxicité. En effet, les membranes cellulaires sont plus perméables à ces composés alkylés de par leur plus forte liposolubilité. L’effet inverse n’est pas sans exister. Ceci peut être illustré par l’exemple frappant de l’arsenic. Sous forme d’arsénite, l’arsenic présente une toxicité analogue à celle de poisons violents (exemple : strychnine). Par contre, le composé arsénié rencontré majoritairement dans les poissons, l’arsénobétaïne, est considéré comme totalement inoffensif (tableau 8). VERTÉBRÉS SUPÉRIEURS Sélénium organique EAU Séléniate, sélénite, sélénium organique PHYTOPLANCTON ZOOPLANCTON Sélénium organique Sélénium organique MICROORGANISMES Séléniate Sélénite Sélénium organique Figure 3 – Cycle biogéochimique du sélénium dans les systèmes aquatiques (d’après [2]) ANIMAUX DOMESTIQUES HUMAINS Sélénium organique CULTURE BIOMASSE Sélénium organique Sélénium organique SOL HUMUS Sélénium organique Sélénite et séléniate adsorbés EAUX INTERSTICIELLES NAPPE PHRÉATIQUE Sélénite, séléniate Sélénite, séléniate Sélénosulfures de fer fer (soufre, sélénium) Figure 4 – Cycle biogéochimique du sélénium dans les systèmes terrestres (d’après [2]) Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 9 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ Tableau 8 – Doses létales 50 (DL50) des composés de l’arsenic (exprimées en mg/kg de rats) (d’après [8]) DL50 Composés Arsine 3 Arsénite de potassium 14 Trioxyde d’arsenic 20 Arséniate de calcium 20 Acide phénylarsonique 50 Atoxyle 75 Arsphénamine 100 Acide arsanilique 216 Mélarsoprol 250 Acide monométhylarsonique 700 à 1 800 Acide diméthylarsinique 700 à 2 600 Arsénobétaïne > 10 000 Arsénocholine > 10 000 Strychnine 16 Aspirine 1 000 à 1 600 Bien que l’utilité de la spéciation ne soit plus à démontrer, celle-ci est encore peu utilisée en analyse de routine de par son coût élevé et reste l’apanage des laboratoires de recherche. 3.2 Problèmes spécifiques D’une manière générale, la stratégie à adopter en matière de spéciation est identique à celle développée en analyse de la teneur totale. C’est pourquoi la plupart des sources d’erreurs et des écueils à éviter seront traités de manière globale dans le paragraphe 4 et nous ne mentionnerons ici que les problèmes particuliers de la spéciation. Un des problèmes majeurs est de conserver l’intégrité des espèces à tous les niveaux du protocole ou du moins de contrôler parfaitement leur transformation. Comme lors de l’analyse des teneurs totales en éléments traces, on retrouve en spéciation la nécessité de disposer dans la majorité des cas d’espèces en solution. Les techniques de dissolution évoquées dans le paragraphe 2.2.1 présentant l’inconvénient d’être destructrices, la spéciation dans les solides constitue de ce fait un défi analytique beaucoup plus important que celle réalisée dans les liquides. Deux modes d’extractions sont en général adoptés : — les extractions dites « douces » ; — les extractions séquentielles. 3.2.1 Extractions « douces » Plusieurs méthodes sont recensées dans la littérature [6] et il n’existe pas à proprement parler de méthode universelle, compte tenu de la variété des espèces chimiques et des matrices dans lesquelles elles se trouvent. Certains composés peuvent être facilement séparés de leur matrice par volatilisation. C’est le cas des méthylarsines, du diméthylsélénide et du méthylmercure (après acidification de ce dernier). Pour les composés organométalliques contenus dans des matrices biologiques, l’utilisation d’enzymes ou d’hydroxyde de tétraméthylammonium permet de réaliser la dissolution du matériau sans rupture des liaisons métal-carbone. On recense aussi des traitements alcalins (utilisation de la soude diluée pour extraire les ions P 3 860 − 10 sélénite et séléniate des sédiments) ou acides (afin de couper les liaisons entre les composés métalliques et les groupements SH des protéines). Des méthodes décrivant l’extraction d’espèces métalliques en utilisant différents solvants ont également été utilisées, notamment dans le cas des dérivés de l’arsenic et du sélénium, des organoétains ou des organoplombs. Récemment, l’extraction à l’aide de fluides supercritiques a été proposée pour les études de spéciation et appliquée à la détermination des organoétains dans les sédiments. 3.2.2 Extractions séquentielles [7] L’approche générale pour des matrices de type sol, sédiment ou encore boue de station d’épuration consiste à distinguer les teneurs en métaux contenus dans les différentes fractions constitutives du matériau : — fraction soluble dans l’eau ; — phase échangeable ; — fraction liée à la matière organique ; — occlusions dans les oxydes de fer ou de manganèse ; — composés de type carbonates, phosphates, sulfures... ; — fraction liée aux silicates. Pour ce faire, de nombreuses procédures analytiques consistant à réaliser des séries d’extractions successives avec des réactifs appropriés ont été développées. Le tableau 9 donne un exemple des réactifs préconisés. Tableau 9 – Procédure d’extractions séquentielles développée par A. Tessier et al. pour l’analyse de sédiments (d’après [6]) Fraction Réactifs utilisés Échangeable MgCl2 : 1 mol · < Ð1 ou CH3COONa : 1 mol · < Ð1 Liée aux carbonates CH3COONa, 1 mol · < Ð1/CH3COOH, pH = 5 Liée aux oxydes de fer et de manganèse NH2OH · HCl : 0,04 mol · < Ð1 dans CH3COOH 25 % (v/v) Liée à la matière organique HNO3 : 0,02 mol · < Ð1/H2O2 30 % Résiduelle HF/HClO4 Dans ce cas, les extractions ne sont plus une étape préliminaire à la spéciation proprement dite mais deviennent l’étape-clé où la différenciation des espèces est réalisée. Cependant, ces procédures souffrent d’un manque certain de sélectivité et ne peuvent fournir que des informations certes intéressantes mais limitées quant à la nature des espèces chimiques. 3.3 Détection Le lecteur se reportera en bibliographie aux références [8] [10]. 3.3.1 Méthodes indirectes (détection spécifique d’une espèce) Les méthodes indirectes sont basées sur l’utilisation des propriétés physico-chimiques ou biologiques d’une des espèces de l’élément d’intérêt. On peut citer, par exemple, la formation sélective de piazsélénol en présence d’orthodiamine (diaminonaphtalène, le plus souvent) avec le Se(IV), suivie de la détection du complexe par fluorimétrie. La détermination du chrome dans les globules rouges Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________ peut également être considérée comme une méthode de spéciation indirecte car seul le Cr(VI) est capable de traverser la membrane de ces cellules. Ces méthodes ne montrent cependant leur intérêt que si l’espèce déterminée présente une toxicité largement supérieure à celle des autres composés ou si l’élément n’est présent que sous deux formes chimiques différentes, la concentration de la seconde espèce pouvant alors être déduite par différence. ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS des traitements préalables (irradiation UV, acidification), des séparations (échange d’ions, ultrafiltration)... De plus, l’adsorption de matière organique sur les électrodes de mercure constituant une source potentielle d’interférences importante, ces méthodes sont peu adaptées à l’analyse de fluides biologiques où les métaux se retrouvent souvent liés à des protéines ou accompagnés de nombreux composés organiques. 3.3.3 Couplages de méthodes 3.3.2 Méthodes électrochimiques Les méthodes électrochimiques fournissent d’excellentes possibilités de détermination de la biodisponibilité des éléments et d’étude de leurs complexes avec des ligands organiques ou inorganiques. Elles requièrent des conditions de propreté draconiennes car elles sont sujettes à des contaminations permanentes mais présentent l’avantage de ne nécessiter que peu de manipulations des échantillons. Elles sont, en général, utilisées pour obtenir des informations relatives : — à la discrimination entre composés dits labiles, c’est-à-dire ions libres ou complexes ou particules colloïdales pouvant se dissocier, et composés inertes. Pour la spéciation dans les eaux naturelles, on utilise généralement la voltampérométrie à redissolution anodique, applicable aux éléments suivants : Bi, Cd, Cr, Cu, Mn, Pb, Sb, Tl ; — au degré d’oxydation des composés. Souvent effectuées par polarographie ou voltampérométrie à redissolution anodique, ces analyses permettent la distinction entre As(V)/(III), Cr(VI)/(III), Eu(III)/ (II), Fe(III)/(II), I(V)/(– I), Sn(IV)/(II), Tl(III)/(I)... ; — à la stabilité thermodynamique des complexes en solution grâce à l’étude du déplacement des potentiels de demi-vague. Les procédures de spéciation par voie électrochimique directe sont cependant limitées à des mesures de différence de comportement entre groupes d’espèces et doivent donc souvent faire appel à Le couplage de méthodes, c’est-à-dire la réalisation en ligne de la séparation des différentes espèces d’un élément et de leur détection, est largement utilisé en spéciation. Le terme de couplage n’est cependant pas sans ambiguïté puisque les méthodes de séparation sont généralement liées à une méthode de détection. La spectrométrie d’absorption UV pour la chromatographie en phase liquide et la détection par ionisation de flamme pour la chromatographie en phase gazeuse sont parmi les plus courantes. Dans la pratique, on parle de couplage lorsque le mode de détection mis en jeu est de nature complexe et nécessite des connaissances particulières de la part de l’utilisateur. La séparation est alors réalisée par chromatographie en phase liquide (chromatographie à polarité de phases inversée ou chromatographie ionique), chromatographie en phase gazeuse ou électrophorèse capillaire. Les détecteurs utilisés sont en général des détecteurs élémentaires spécifiques tels que les spectromètres d’absorption atomique, d’émission atomique à plasma induit ou les spectromètres de masse utilisant un plasma comme source d’ions. De nombreux couplages ont été développés pour la spéciation d’éléments tels que l’arsenic, le mercure, le plomb, le sélénium ou l’étain (tableau 10). Dans la plupart des cas, la réalisation technique de ces couplages s’avère relativement aisée et une automatisation de la méthode est envisageable. De plus amples détails et de nombreuses applications sont exposés dans l’article Techniques de spéciation des métaux traces [P 3 870] de ce même traité, auquel le lecteur pourra se reporter. Tableau 10 – Possibilités de spéciation par couplage de techniques Élément Espèces Méthode de séparation Méthode de détection HPLC par échange d’anions ICP/AES, ICP/MS As Arsénocholine, arsénobétaïne, acide monométhylarsonique, acide diméthylarsinique, As(III), As(V) Acide monométhylarsonique, acide diméthylarsinique, As(III), As(V) HPLC par échange d’anions AAS (four quartz) précédée d’une génération d’hydrures Mono, di et triméthylétain HPLC par appariement d’ions DCP précédée d’une génération d’hydrures Dialkyl et trialkylplomb CPG précédée d’une réaction de Grignard AAS Tetraméthyl, triméthyléthyl, diméthyldiéthyl, méthyltriéthyl et tetraéthylplomb RPLC AAS (flamme) Sélénométhionine, sélénocystine, Se(IV), Se(VI) HPLC par échange d’anions ICP/AES, ICP/MS Sélénométhionine, sélénocystine, Se(IV) HPLC par échange d’anions AAS (four quartz) précédée d’une génération d’hydrures Mono, di, tri et tetraméthylétain RPLC AAS (four quartz) précédée d’une génération d’hydrures Mono, di, tri et tetraéthylétain RPLC AAS (four quartz) précédée d’une génération d’hydrures Butylétains CPG précédée d’une génération d’hydrures FDP Hg Pb Se Sn HPLC chromatographie en phase liquide à haute performance, RPLCchromatographie en phase liquide à polarité de phases inversée, CPGchromatographie en phase gazeuse, FDPdétection fluorimétrique. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 11 ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS ________________________________________________________________________________________ ■ En provenance du matériel 4. Qualité des analyses 4.1 Sources d’erreurs La totalité d’un protocole analytique est souvent sujette à de nombreuses erreurs [2] [4] [13]. Sans parler de la non-représentativité de l’échantillon qui conduira à des résultats sans signification, il faudra s’affranchir des contaminations éventuelles (principalement au cours des phases de collecte et de prétraitement), des pertes par sorption, perméabilité ou réaction chimique (phases de stockage et de prétraitement) ainsi que des interférences physiques ou chimiques survenant lors de la détection. L’obtention de résultats fiables passe par l’élimination de ces erreurs systématiques. Cette étape s’avère cruciale en analyse de traces car la moindre erreur peut avoir des conséquences dramatiques sur l’exactitude du résultat. Mener à bien cette tâche nécessite l’identification et la maîtrise des différentes sources d’erreurs possibles, problème qui relève autant du domaine économique que du domaine scientifique. 4.1.1 Contaminations ■ En provenance des réactifs L’utilisation des différents réactifs (eau, acides, sels, solvants...) constitue la principale source de contamination. Il est donc nécessaire de recourir à des réactifs de haute pureté afin de se débarrasser de la présence d’éléments qui pourraient fausser les résultats de l’analyse (tableau 11). Cependant, la pureté de ces réactifs ne pourra être garantie que dans la limite des performances analytiques des appareils de mesure. L’analyste doit donc le plus souvent faire appel à des techniques de purification : distillation, recristallisation, échange d’ions... Une bidistillation des acides ultrapurs permet d’en assurer la bonne qualité. Dans le cas de l’eau, les systèmes de purification commercialisés avec mesure continue de la conductivité sont souvent suffisants. Tableau 11 – Concentration maximale (µg/l) de quelques éléments dans l’eau et les acides minéraux Élément H2O (pour analyse de traces inorganiques) HCl suprapur HNO3 suprapur H2SO4 suprapur Ag 5 1 1 1 Al 10 5 5 As 5 1 5 Cd 5 1 1 1 Cr 5 1 2 1 Cu 5 1 1 1 Fe 5 10 10 10 Hg 5 2 5 Mn 1 1 1 Ni 5 5 10 2 Pb 5 1 1 1 Sn 5 1 5 1 Zn 5 2 5 5 P 3 860 − 12 Le risque de contamination par le matériel, beaucoup plus important dans l’étape de mise en solution est essentiellement dû à l’adsorption d’éléments lors de manipulations précédentes qui peuvent être relargués dans certaines conditions : traitements nécessitant des temps de contact prolongés, de hautes températures, un travail sous pression... Un traitement préalable du matériel par des acides ultrapurs (chlorhydrique ou nitrique) est donc préconisé. Il faut toutefois noter que le mélange sulfochromique, largement utilisé en analyse classique, n’est pas recommandé dans ce cas. À noter que l’utilisation de gaz peut engendrer des contaminations dues aux vannes ou aux conduites (Cu, Ni) ainsi qu’aux systèmes de purification catalytique (Cu). ■ En provenance de l’environnement L’environnement, en l’occurrence le laboratoire où est effectuée l’analyse, constitue lui aussi une source de contaminations. La présence d’éléments sous forme de gaz ou d’aérosols peut engendrer des erreurs et certaines analyses nécessitent donc un travail sous hotte hors-poussière ou en salle blanche. Ces salles sont d’accès limité et le personnel y travaillant est assujetti à des contraintes, notamment vestimentaires, importantes. Les doigts de l’analyste, sources de chlore, sodium, calcium, plomb, cadmium..., ainsi que le port de bijoux, montres ou l’utilisation de cosmétiques constituent également un potentiel d’erreur à ne pas négliger. À cela s’ajoutent les contaminations éventuelles apportées par les autres manipulations effectuées dans le laboratoire. 4.1.2 Pertes Même si au niveau de la conservation, de nombreuses pertes peuvent se produire, c’est principalement lors du traitement de l’échantillon à analyser que le problème se pose. ■ Pertes par volatilisation Mis à part le mercure qui est sans conteste l’un des éléments les plus difficiles à analyser du fait de sa volatilité intrinsèque, de nombreux éléments peuvent conduire à la formation de composés volatils en présence des réactifs utilisés, notamment les acides. Les composés volatils les plus fréquemment formés sont les chlorures ou bromures (As, Au, B, Cr(III), Ge, Hg, Mo, Sb, Se, Sn), les hydrures, en présence d’acides non-oxydants et de métaux fortement réducteurs (As, Bi, Ge, Pb, Sb, Se, Sn, Te), les fluorures (As(III), B, Si), les halogènes en solution acide et vraisemblablement quelques oxydes (Os, Re, Ru). ■ Pertes par adsorption sur un matériau Tout le matériel utilisé au cours des différentes manipulations doit être choisi avec précaution afin d’éviter l’adsorption des éléments traces sur les parois ainsi que les effets mémoires qui s’en suivent. Les creusets en silice adsorbent les éléments tels que le plomb, le cuivre ou le zinc ; l’utilisation de creusets en platine peut conduire à la formation d’alliages avec l’argent, l’or, le cuivre en absence de conditions oxydantes. 4.1.3 Interférences La présence d’éléments autres que celui que l’on désire analyser peut engendrer des interférences de différentes natures : physiques (exemple : interférences spectrales) ou chimiques. Ces éléments peuvent provenir de la matrice elle-même ou de tout réactif utilisé lors du protocole analytique. C’est ce problème qui oblige souvent l’analyste à avoir recours à une étape supplémentaire préalablement à l’analyse proprement dite : séparation, dilution, utilisation d’agents masquants... Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation _______________________________________________________________________________________ 4.2 Validation de la méthode d’analyse Le lecteur se reportera en bibliographie aux références [11] [12]. Deux paramètres fondamentaux sont à prendre en compte lors du traitement des résultats : l’exactitude, caractérisée par l’écart entre la valeur trouvée et la valeur vraie, et son incertitude, exprimée comme l’intervalle de confiance admis autour de la valeur trouvée. En ce qui concerne cette dernière, un simple contrôle statistique (test F ou t, analyse de variances...) permet de prédire les fluctuations autour de la valeur moyenne et de les confronter à celles effectivement trouvées. L’utilisation d’un traitement statistique assure alors au laboratoire la reproductibilité de ses résultats mais non leur exactitude. C’est ce problème, beaucoup plus complexe, qui sera traité dans les paragraphes suivants. 4.2.1 Étalonnage La première condition à satisfaire est bien sûr de procéder à un étalonnage correct. Plusieurs méthodes sont possibles : utilisation de solutions de calibrants, de solutions synthétiques mimant la matrice, méthode des ajouts dosés. L’utilisation de radiotraceurs constitue également une approche intéressante qui nécessite cependant un équipement du laboratoire spécialement adapté à leur utilisation. Le choix de l’une ou l’autre de ces méthodes est à déterminer par l’analyste en fonction du problème posé. La présence d’interférants peut nécessiter d’envisager une approche multiélémentaire qui conduit alors l’analyste à considérer plus d’éléments que ceux qu’il souhaite réellement analyser. Les effets de matrice peuvent quant à eux être éliminés par l’utilisation de la méthode des ajouts dosés. 4.2.2 Utilisation de méthodes indépendantes Chaque méthode d’analyse possédant ses propres sources d’erreurs, il est recommandé de déterminer un résultat grâce à deux méthodes différant le plus largement possible. Ce travail permettra de s’affranchir du plus grand nombre d’erreurs systématiques. Cependant, si les méthodes présentent des étapes similaires, telles que la dissolution des éléments par exemple, cette conclusion ne sera valable que pour une partie et non pour l’ensemble de la méthode d’analyse. 4.2.3 Comparaisons inter-laboratoires La participation à des campagnes de comparaisons de résultats inter-laboratoires peut se révéler un outil efficace dans la réduction des erreurs systématiques. En effet, outre la détection des erreurs dues à l’analyste lui-même, ceci permet de confronter les résultats obtenus en utilisant une gamme de méthodes beaucoup plus étendue que celle disponible à l’échelle d’un seul laboratoire. 4.2.4 Matériaux de référence certifiés L’approche la plus correcte de validation d’une méthode d’analyse consiste à utiliser un matériau de référence certifié, c’est-à-dire un matériau de référence dont les concentrations d’un ou plusieurs éléments ont été certifiées par une procédure qui établit la valeur de ces concentrations ainsi que l’incertitude qui leur est associée et ceci avec un niveau de confiance spécifié. Cependant, compte tenu de la grande diversité des échantillons, tant au niveau des éléments que ANALYSE DE TRACES ET D’ULTRATRACES D’ÉLÉMENTS des matrices, il n’est pas toujours possible de trouver le matériau de référence adéquat. Ce problème est encore accru dans le cas de la spéciation pour laquelle très peu de matériaux de référence certifiés sont disponibles (tableau 12). Pour pallier ce manque de matériaux, de nombreux analystes utilisent la technique du dopage, c’est-à-dire l’ajout de quantités connues d’éléments aux échantillons. L’inconvénient majeur de ce procédé est que les composés présents à l’état naturel dans les matrices et les dopants ont des formes chimiques souvent différentes et n’interagissent donc pas de la même manière avec la matrice. 4.3 Évaluation des données Les résultats obtenus doivent être évalués selon deux axes distincts. Dans un premier temps, il s’agit de discuter les valeurs générées à partir des courbes de calibration en fonction de leur importance individuelle. Si nécessaire, les valeurs proches des limites de sensibilité des appareils de mesures doivent être justifiées par une indication des limites de détection et des limites de quantification ainsi que la façon dont elles ont été calculées. Dans un second temps, il s’agit d’établir la fiabilité (précision, exactitude) des résultats. L’acceptation ou le rejet d’un résultat est alors fonction de la demande initiale. Tout résultat doit être accompagné d’unités explicitement mentionnées. Par habitude, la plupart des analystes de traces s’expriment en concentrations massiques. Toutefois, il semble plus juste d’adopter les concentrations molaires qui reflètent réellement le nombre d’atomes impliqués. La dernière phase de cette évaluation consiste alors en un jugement global qui nécessite, quant à lui, un dialogue avec les différents acteurs, autres qu’analystes, concernés par l’analyse de traces : biologistes, écologistes, industriels, politiciens... Tableau 12 – Matériaux de référence pour la spéciation commercialisés par Promochem Échantillon Espèce(s) concernée(s) Dénomination commerciale Sédiment marin (port) Tributylétain, dibutylétain, butylétain PACS 1 Sédiment portuaire Tributylétain (1), dibutylétain (1) RM 424 Tissu de poisson Tributylétain, triphénylétain (1) NIES 11 Thon Méthylmercure (faible concentration) CRM 463 Thon Méthylmercure (forte concentration) CRM 464 Foie de roussette Méthylmercure DOLT 2 Muscle de roussette Méthylmercure DORM 2 Hépatopancréas de homard Méthylmercure TORT 2 Hépatopancréas de homard Méthylmercure LUTS 1 Eau de mer côtière Sélénite CASS 3 (1) Valeurs non certifiées. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 3 860 − 13 P O U R Analyse de traces et d’ultratraces d’éléments E N par Agnès HAGÈGE Chargée de Recherche au Laboratoire de Chimie Analytique et Minérale, UMR 7512 du CNRS Alain LAMOTTE Directeur du Laboratoire de Police Scientifique de Lyon Maurice LEROY et Directeur de l’UMR 7512 du CNRS Aspect économique À titre indicatif, les coûts approximatifs d’un certain nombre d’instruments de mesure sont recensés dans le tableau A. Cependant, le coût réel d’une analyse ne peut être estimé à partir de ces seules données et doit prendre en compte de nombreux autres paramètres tels que les coûts de fonctionnement, d’aménagement du laboratoire, de personnel ainsi que les temps d’analyse. Outre ces facteurs, une partie du coût de l’analyse sera fonction de l’échantillon à analyser et du degré de précision demandé. En effet, une faible concentration en un ou plusieurs éléments recherchés, ainsi que la complexité de la matrice contribueront à l’augmentation du coût de l’analyse car il deviendra nécessaire, dans ces conditions, d’envisager des étapes supplémentaires dans le protocole analytique. P L U S Tableau A – Coût approximatif de quelques appareils utilisés en analyse de traces Technique Prix (1997) (kF) Absorption atomique 180 à 250 Émission atomique à plasma 400 à 600 ICP/MS 1 200 à 1 800 Voltampérométrie 50 à 150 Spectrométrie γ (pour activation neutronique) 200 à 400 Fluorescence X 900 Références bibliographiques [1] ANALUSIS. – Dossier Préparation des échantillons, 1992, vol. 20, M10-M22. [2] MERIAN (E). – Metals and Their Compounds in the Environment (Les métaux et leurs composés dans l’environnement). 1 438 p., 1991, VCH Verlagesellschaft mbH. [3] [4] [5] GLEIT (C.E.) et HOLLAND (W.D.). – Use of Electrically Excited Oxygen for the Low Temperature Decomposition of Organic Substances (Utilisation d’Oxygène Excité Électriquement pour la Décomposition de Substances Organiques à Basse Température) Analytical Chemistry, 1962, 34, 1 454-1 457. ALFASSI (Z.B.) et WAI (C.M.). – Preconcentration Techniques for Trace Elements (Techniques de préconcentration pour les éléments traces). 461 p., 1992, CRC Press Inc. EWING (E.W.). – Analytical Instrumentation Handbook (Manuel d’instrumentation analytique), 1 071 p., 1990, Marcel Dekker, Inc. [6] [7] [8] [9] MORABITO (R.). – Extraction Techniques in Speciation Analysis of Environmental Samples (Techniques d’extraction utilisées pour la spéciation d’échantillons de l’environnement) Fresenius’ Journal of Analytical Chemistry, 1995, 351, 378-385. TESSIER (A.), CAMPBELL (P.G.C.) et BISSON (M.). – Sequential Extraction Procedure for the Speciation of Particulate Trace Metals (Procédure d’extractions séquentielles pour la spéciation de métaux traces à l’état particulaire). Analytical Chemistry, 1979, 51, 844-850. BATLEY (G.E.). – Trace Element Speciation : Analytical Methods and Problems (Spéciation des éléments traces : méthodes analytiques et problèmes). 350 p., 1989, CRC Press Inc. CRAIG (P.J.). – Organometallic Compounds in the Environment - Principles and Reactions (Composés organométalliques dans l’environnement - Principes et réactions). 368 p., 1986, Longman Group Limited. S A V O I R [10] KRULL (I.S.). – Trace Metal Analysis and Speciation (Analyse des métaux à l’état de traces et spéciation). 302 p., 1991, Elsevier Science Publishers B.V. [11] QUEVAUVILLER (P.), MAIER (E.A.) et GRIEPINK (B.). – Quality Assurance for Environmental Analysis (Assurance qualité pour l’analyse de l’environnement). 644 p. 1995, Elsevier Science Publishers B.V. [12] MASSART (D.L.), VANDEGINSTE (B.G.M.), DEMING (S.N.), MICHOTTE (Y.) et KAUFMAN (L.). – Chemometrics : a text book (Chimiométrie : un manuel). 488 p., 1988, Elsevier Science Publishers B.V. [13] TOWNSHEND (A.). – Encyclopedia of Analytical Sciences (Encyclopédie des Sciences analytiques). 6 059 p., 1995, Academic Press, Harcourt Brace & Company Publishers. [14] EBERHART (J.P.). – Analyse structurale et chimique des matériaux. 614 p., 1989, Dunod, Bordas. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation Doc. P 3 860 − 1