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Notes de recherche de l’IAVS www.iavs-energie.org ---------------- [email protected] [email protected] ---------------- Corpus d’orientations et d’indicateurs pour une amélioration de la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou M. KABORE, M. BADOLO Note de recherche No. 9 ; Catégorie 2 : Etudes énergétiques et urbaines ; Mars 2014 1 Corpus d’orientations et d’indicateurs pour une amélioration de la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou M. KABORE, M. BADOLO Institut d’Application et de Vulgarisation en Sciences (IAVS), Burkina Faso Résumé : L’amélioration de l’efficience des politiques et processus de prévention et de gestion des déchets pourrait être, dans le contexte de l’Afrique de l’Ouest, une contribution majeure de la recherche scientifique à la viabilité des villes. Pour les villes de cette sous région, dont les ressources pour la gestion des déchets sont particulièrement limitées, l’efficience devrait être une des caractéristiques de base des politiques et processus de prévention et de gestion des déchets. La production des éléments contextuels de cette efficience est l’une des dimensions scientifiques du défi que posent la prévention et la gestion des déchets solides urbains en Afrique de l’Ouest. Cette note de recherche présente les résultats préliminaires d’une recherche en appui à la prévention et à la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. De manière spécifique, elle suggère un spectre d’options et d’indicateurs pour une amélioration du schéma actuel de gestion des déchets solides. Mots clés : gestion des déchets solides, ville de Ouagadougou, scénario d’ajustement. 2 I. Introduction La ville de Ouagadougou, capitale politique du Burkina Faso, est engagée depuis plusieurs décennies dans une dynamique de croissance et de transformation rapide. Les manifestations les plus perceptibles de cette dynamique 2 sont l’étalement et l’augmentation de la population de la ville. La superficie de la ville est en effet passée de 25 km 2 en 1956 à 372 km en 2012. La carte (I) illustre cet étalement. Carte (I) : Evolution spatiale de la ville de Ouagadougou La figure (1) montre l’évolution de la population de la ville de Ouagadougou de 1985 à 2012. En 1985, la ville comptait seulement 441.514 habitants. En 2012, cette population est estimée à 1 .906 004 habitants. Un des ressorts de cette croissance démographique rapide est l’exode rural (Ouédraogo, 2006). 3 Figure (1) : Evolution de la population de Ouagadougou ( Source : Annuaire statistique communale, 2012) L’un des défis majeurs induits par cet essor de la ville est la gestion des déchets, particulièrement des déchets solides (Mas et al, 2006). Ce défi tient à la fois du volume et des changements dan la typologie des déchets produits (Toguyeni, 2006). Comme le montre la figure (2), la quantité des déchets générée par la ville est en constante augmentation. Plusieurs études indiquent que la ville produit environ 300.000 tonnes de déchets par an (Traoré, 2009 ; Direction de la Propreté, 2011). Figure (2) : Evolution de la quantité de déchets collectée et transportée par an (Source : Direction de la proprété, rapport d’activités 2011) Les déchets générés par la ville de Ouagadougou sont principalement des déchets putrescibles, des déchets papiers et cartonnés, du verre, des plastiques, des métaux, des textiles, des déchets spéciaux et des matières fines. La figure (3) montre la contribution de chacun de ces types de déchets au volume global de déchets de la ville. 4 Figure (3) : Composition moyenne des déchets de la ville de Ouagadougou (en % de la masse totale) (Source : Toguyeni, 2006) Pour relever le défi de la gestion des déchets solides et faire de Ouagadougou une ville viable, l’autorité communale devrait s’engager dans une dynamique continue d’amélioration de la gouvernance et des pratiques en matière de gestion des déchets. La mise en place d’une telle gouvernance, qui devrait être participative et cerner de manière anticipative la dynamique des principales forces motrices régissant la production des déchets solides, requiert des corpus de connaissances, de méthodologies et de systèmes pour la prise de décision. Dans le contexte du Burkina Faso et de la ville de Ouagadougou, la production de tels corpus peut être assimilée à l’une des dimensions scientifiques du défi que pose la gestion des déchets. Cette note de recherche présente les résultats préliminaires d’une recherche en cours en appui à la gouvernance des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. De manière spécifique il propose un corpus d’orientations et d’indicateurs pour une amélioration significative des politiques et pratiques de valorisation et d’élimination des déchets solides. II. Historique et état des lieux de la gestion des déchets solides La ville de Ouagadougou a une longue histoire en matière de gestion des déchets solides. Cette histoire a commencé en 1958 et est marquée en pratique par la succession de différents modes de gestion des déchets, comme le montre le tableau(I). Tableau (I) : Historique de la gestion des déchets solides dans la vile de Ouagadougou Périodes Mode de gestion 1958-1968 Gestion assurée par la régie municipale 1968-1979 Privatisation de la filière, gestion rétrocédée à la société Nacoulma, entreprise privée 1979-1986 Manque de moyens financiers, rupture du contrat avec la société Nacoulma, reprise de la gestion par les services de la voirie 1986 -1991 Centralisation de la gestion par la création d'offices étatiques, DINASENE (Direction Nationale des Services d'Entretien de Nettoyage et d'Embellissement) et ONASENE (Office Nationale des Services d'Entretien de Nettoyage et d'Embellissement) 1991-1993 Gestion partagée entre les opérateurs privés et la municipalité 1993-2001 Gestion réassurée par la municipalité à travers la Direction des Services Techniques Municipaux (DSTM). Depuis 2001 Construction d'un Centre d'Enfouissement Technique à Ouagadougou et mise en œuvre progressive du SDGD de Ouagadougou 5 De 1958 à 2001, la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou a été de manière alternative assurée par les services municipaux, par le secteur privé ou à travers des partenariats entre la municipalité et le secteur privé. Cette dynamique dans la gestion des déchets solides a été motivée par la recherche de l’efficacité dans un contexte de ressources limitées et de génération croissante des déchets. La gestion actuelle des déchets solides dans la ville de Ouagadougou est régie par un schéma directeur de gestion des déchets (SDGD), mis en place en 2001 par la commune de Ouagadougou (Dessau-Soprin, 2000). Les principaux changements induits par le SDGB incluent un centre de traitement et de valorisation des déchets (CTVD) et 35 centres de collecte des déchets solides. Le CTVD a deux (02) principales fonctions : a) la valorisation des déchets à travers le recyclage des déchets plastiques, le compostage des déchets fermentescibles et la transformation des déchets cartonnés en buchettes et b) l’élimination des déchets solides par l’enfouissement des ordures ménagères, des déchets industriels spéciaux et biomédicaux. Le projet « stratégie de réduction des déchets de Ouagadougou-création d’emplois et de revenus par des actions de collecte, de tri et de valorisation », mis en œuvre après le lancement du SDGD , a introduit le tri sélectif des déchets dans les ménages et temporairement renforcé la valorisation des déchets par la transformation des déchets papiers et cartonnés en buchettes combustibles. La figure (4) illustre le cheminement actuel des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. Sources des déchets Ménages, industries, marchés Centres de collecte et de tri des déchets Centre de Traitement et de Valorisation des Déchets Structures biomédicales Cellules d’enfouissement des déchets Unités de valorisation des déchets Figure (4) : Illustration du cheminement des déchets solides dans la ville de Ouagadougou III. Perceptions et solutions des acteurs L’élaboration du corpus pour l’amélioration de la gestion des déchets solides a intégré les solutions des acteurs institutionnels et opérationnels. Les principaux acteurs institutionnels sont le ministère de l’environnement et du développement durable (MEDD) et la direction du développement durable de la commune. Le corps des acteurs opérationnels comprend des groupements d’intérêt économique, des petites et moyennes entreprises et des associations féminines. En pratique, ces acteurs ont renseigné un questionnaire portant essentiellement sur : a ) les défis et opportunités pour la ville de Ouagadougou en matière de prévention des déchets solides ; b) les solutions souhaitées de réduction des déchets solides ; c) les solutions souhaitées de réutilisation des déchets solides ; d) les solutions d’amélioration du recyclage et du compostage des déchets solides ; e) les solutions d’amélioration de la valorisation énergétique des déchets ; f) les solutions souhaitées d’élimination (incinération sans production d'énergie ou mise en décharge) ; g) les solutions organisationnelles de la gestion des déchets solides et h) les grandes orientations de gouvernance de la gestion des déchets dans la ville de Ouagadougou. Tous les acteurs institutionnels ont renseigné le questionnaire, ainsi qu’une quinzaine d’acteurs opérationnels. 1. Perceptions et solutions des acteurs institutionnels Les éléments de l’ensemble D1 sont pour les acteurs institutionnels les problèmes à adresser pour envisager une amélioration significative de la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. Ces problèmes sont notamment des insuffisances et des déficits multiples, le volume croissant des déchets générés et un faible attrait des populations urbaines pour les produits de la valorisation des déchets. Ces éléments sont : 6 D1 = {Mauvais tri des déchets, insuffisances dans la logistique, limitation des débouchés économiques pour la valorisation des déchets, inexistence d’une filière organisée de collecte des déchets plastiques, réticences sociales aux produits énergétiques issus de la valorisation des déchets, volume croissant des déchets , vétusté du parc automobile pour le transport des déchets, difficultés d’élimination de certains déchets non biodégradable, mauvais état des voies d’accès aux centres de collecte et au CTVD, insuffisance des bacs à ordures pour les centres de collecte , coûts élevés du transport }. Les éléments de l’ensemble S1 sont les solutions proposées pour adresser les problèmes décrits dans D1. Ils recouvrent principalement les capacités techniques, les infrastructures et le développement d’une culture de consommation des produits issus de la valorisation des déchets. Ils sont : S1={ Instruments d’incitation au tri sélectif des déchets solides dans les ménages, programmes de renforcement des capacités techniques des centres de collecte et de l’unité de recyclage du CTVD , programmes d’information et de formation des acteurs du recyclage , programmes de construction d’autres centres de tri et de collecte , mécanismes et dispositifs de promotion et de vulgarisation des produits issus de la valorisation des déchets, mécanismes d’intégration des produits de valorisation des déchets dans l’action sociale de la commune}. 2. Perceptions et solutions des acteurs opérationnels Les éléments de l’ensemble de D2 sont, pour les acteurs opérationnels, les défis à adresser pour aller vers une amélioration perceptible de la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. Ces problèmes sont notamment des insuffisances multiples, des déficits de capital humain, de capacités financières et d’organisation, une non maîtrise des coûts et une absence de marché pour le recyclage. Ces éléments sont : D2 = { Mauvais tri des déchets , faible compétitivité des unités de valorisation liée à leur statut public , insuffisances dans les politiques de vulgarisation et de promotion des produits issus du recyclage, non maîtrise de la technologie et des facteurs de production par les unités de valorisation , coûts élevés des objets recyclés , taille réduite du marché pour les objets recyclés, déficits de ressources humaines qualifiées dans le domaine du recyclage et du compostage, qualité insatisfaisante du compost, sous équipement des unités de valorisation, manque d’information et de sensibilisation sur les produits énergétiques , intrusion des acteurs informels, faibles capacités financières , non respect du délai d’évacuation des déchets en saison hivernale }. Les éléments de S2 sont les solutions proposées pour adresser les problèmes décrits dans D2. Elles sont : S2 = {Facilités pour un accès des ménages aux poubelles de tri, privatisation de l’unité de compostage, programmes d’accroissement de la capacité de production des unités de recyclage et de compostage , campagnes d’information et de sensibilisation sur la valorisation des déchets solides , dispositifs et mécanismes de professionnalisation des acteurs du recyclage et du compostage, instruments de promotion d’un marché urbain des produits issus de la valorisation des déchets, programmes de renforcement des capacités techniques et d’augmentation du nombre des unités de valorisation, mécanismes pour l’intégration des acteurs informels dans le système de gestion des déchets, cadres de concertation entre acteurs institutionnels et acteurs opérationnels , instruments financiers endogènes pour la gestion des déchets }. IV. Spécification du corpus d’orientations Les éléments de l’ensemble SGD sont les orientations qui ont été identifiées dans cette étude pour une amélioration de la gestion des déchets solides dans la ville de Ouagadougou. Ces éléments sont d’ordre politique, institutionnel, scientifique, technologique, environnemental, social et humain : SGD = {Leadership de l’administration communale en matière de réduction des déchets solides, des partenariats avec des villes en Afrique et dans le monde sur la gestion des déchets solides, des cadres de concertation et d’implication des populations dans la gestion des déchets, un système de veille et d’alerte sur les déchets solides, des partenariats avec les centres de recherche pour la mise en place de bases de données sur les déchets solides, un système communal d’information sur les déchets solides , un corpus d’indicateurs sur les déchets solides, un tableau de bord de la gestion des déchets solides, une base de données sur les bonnes pratiques en matière de valorisation des déchets solides, des mécanismes de facilité pour l’accès des ménages aux poubelles de tri des déchets solides, des dispositifs pour une disponibilité des technologies pertinentes pour la valorisation des déchets solides, des voyages 7 d’étude pour les acteurs de la gestion des déchets solides, des partenariats avec les centres de recherche pour une cartographie des opportunités liées à l’économie verte pour la ville dans le domaine des déchets, un appui à l’intégration de la gestion des déchets dans le système scolaire sur le territoire communal, des instruments d’incitation à la réduction et à la réutilisation des déchets dans les ménages et les entreprises, des dispositifs pour inciter les acteurs intervenant dans la gestion des déchets à se constituer en groupement d’intérêt économique, des programmes de formation et de renforcement des capacités des acteurs opérationnels, des programmes de renforcement des capacités techniques des centres de collecte et de tri, des programmes de construction d’autres centres de tri et de collecte, un programme d’emplois verts pour les jeunes dans le domaine de la gestion des déchets, un partenariat avec le ministère de l’agriculture pour la valorisation de l’unité de compostage, un partenariat avec le secteur industriel pour la transformation des granulés provenant des déchets plastiques en kits scolaires et matériels de bureaux, un nouveau partenariat commune – secteur privé pour la gestion des déchets solides, un réseau communal de centres de stockage des déchets compactés, un nouveau cadre organisationnel pour les acteurs de la gestion des déchets , des partenariats avec les structures de micro finance et les banques pour des facilités de crédits pour les acteurs de la gestion des déchets, des foires annuelles des produits valorisés, un système communal de location d’équipements au profit des acteurs opérationnels, des partenariats avec les structures de recherche pour l’élaboration d’un modèle économique de la gestion des déchets, des programmes d’entretiens ou de réhabilitation des voies d’accès au centre de collecte, de tri et au CTVD, un appui aux ménages pratiquant le tri des déchets par la réduction des coûts d’enlèvement des déchets, un leadership de l’administration communale pour l’utilisation des produits recyclés, des mécanismes et dispositifs de promotion et de vulgarisation des produits de la valorisation des déchets, des dispositifs et mécanismes de professionnalisation des acteurs du recyclage et du compostage, des instruments de promotion d’un marché urbain des produits issus de la valorisation des déchets }. Les éléments de l’ensemble IGD quelques indicateurs pour mesurer les changements induits par la mise en œuvre des orientations contenues dans l’ensemble SGD. Ces éléments sont : IGD = {proportion des écoles sur le territoire communal ayant intégré la gestion des déchets dans leur programme, proportion des ménages pratiquant le tri des déchets solides, proportion des besoins en technologies des acteurs couverte par les dispositifs de facilités mis en place, proportion des déchets solides collectée par des entités économiques formelles, proportion des granulés provenant des déchets plastiques transformée en kits scolaires et matériels de bureaux, le taux de succès des demandes de crédits auprès des structures de micro finance, proportion des ménages bénéficiant d’une réduction des coûts d’enlèvement des déchets solides, taux de collecte des déchets solides, montant annuel par habitant des investissements de la commune pour la gestion des déchets solides, montant annuel des recettes de la commune lié à la valorisation des déchets solides, nombre de villes partenaires pour la gestion des déchets, proportion des ménages desservie en collecte de déchets solides, proportion des ménages ayant internalisé le compostage, proportion de la population informée des programmes de la commune sur la gestion des déchets solides, proportion des ménages ayant internalisé les bonnes pratiques de réduction des déchets solides, taux de recyclage des déchets solides }. V. Conclusion Pour la ville de Ouagadougou, un modèle communal de gestion des déchets, dont les principales variables incluent un leadership affirmé de l’administration communale, une forte implication des populations, un jeu de partenariats spécifiques et institutionnels et une intégration des déchets dans l’économie urbaine, semble être l’avenue la plus indiquée pour parvenir à une amélioration significative et durable de la gestion des déchets solides. Les résultats présentés dans cette note de recherche sont des indications pour la conception et l’implémentation d’un tel modèle. L’élaboration de certains systèmes et outils d’aide à la décision contenus dans le corpus nécessitera des interactions formelles avec les centres de recherche. La commune devrait également revisiter ses capacités et pratiques de mobilisation et de gestion de l‘information pour la prise de décision. 8 Bibliographie Dessau-Soprin Inc, 2000. Schéma directeur de gestion des déchets - ville de Ouagadougou, Burkina Faso. URL : www.irc.nl/docsearch/title/126214 S. MAS et C. VOGLER, 2006. La gestion des déchets solides à Ouagadougou. Rapport de stage, 119p. URL : http://documentation.2ie-edu.org/cdi2ie/opac_css/doc_num.php?explnum_id=13 B.OUEDRAOGO, 2006. La demande de bois-énergie à Ouagadougou : esquisse d’évaluation de l’impact physique et des échecs des politiques de prix, Développement durable et territoires. URL : http://développementdurable.revues.org/4151 ; DOI : 10.4000/développement durable. 4151 Boukary. A. R. TOGUYENI, 2006. La gestion des déchets solides de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso): Etat des lieux et analyse de la problématique des déchets d’emballages plastiques. URL : www.memoireonline.com M. TRAORE, 2009. Espaces urbains et gestion des déchets : les logiques d’acteurs contrastées dans la ville de Ouagadougou (Burkina Faso). URL : iussp2009.princeton.edu/papers/93151 9