Magazine Rénovation Urbaine n° 12 février - mars 2014 - pdf

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le magazine
La loi de
programmation
pour la ville
et la cohésion
urbaine a été
définitivement
adoptée le
13 février 2014.
ses deux
rapporteurs
la commentent.
François Pupponi
député-maire de Sarcelles
Politique de la Ville,
plus concentrée
Claude Dilain
sénateur de Seine-Saint-Denis
No 12 février - mars 2014
éco
-bil
pos an
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DO
SSI
ER
reg'arts Soixante images, zéro cliché
sous la fresque des rêves / l'écoquartier à l'heure de la labellisation
évry : des Architectes en culotte courte / ANRU, ici & ailleurs
→ Inauguration par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault de la fin de la réhabilitation du Sillon de Bretagne, Saint-Herblain (crédit photo : Christophe Chavan / Matignon)
C’est un ancien résident pas comme les autres qui a inauguré,
le 31 janvier dernier, la fin de la réhabilitation du Sillon
de Bretagne, immeuble emblématique
où il logea il y a près de 40 ans.
Tout un symbole
02
03
SOMMAIRE No12 février - mars 2014
Entretien croisé
Claude Dilain,
sénateur de
Seine-Saint-Denis
François Pupponi,
DOSSIER
député-maire
de Sarcelles
éco-bilan positif
06
07
page 17
Politique de la Ville
pages
plus concentrée
d’expérience
09
16
pages
04 MIX
06 PERSPECTIVE
Entretien croisé avec François Pupponi,
député-maire de Sarcelles et Claude Dilain,
sénateur de Seine-Saint-Denis
politique de la ville,
plus concentrée
08 d’expérience
Sous la fresque DES RêVES
09 DOSSIER
16 éco-bilan positif
La montée en puissance de l’action économique
10 entretien croisé : Rémy Bañuls et Henry Chabert
11L’initiative privée dans les quartiers
12 l'implantation d'activités dans les quartiers
13 Plan « Entrepreneurs des quartiers » de François Lamy,
ministre délégué à la Ville
14
15 L’intervention sur une activité déjà existante
16Créer de la richesse autrement
page
08
© jeroen musch
© m. djaoui, r. amador, cité création
Sous la fresque DES RêVES
pays-bas : wallisblock,
tous propriétaires !
Directeur de publication :
Pierre Sallenave
18 ANRU
Ici & ailleurs / Contrats de ville uniques :
Place à la généralisation !
19 profil
20reg'arts
21 20Toulouse Soixante images, zéro cliché
21évry Des architectes en culotte courte
22 INITIATIVES
Écoquartier à l'heure de la labellisation
23 PARTICIPE PASSÉ
Directrice de la rédaction :
Élizabeth Broge
Rédacteur en chef :
Jean-Denis Espinas
Coordination éditoriale :
Béatrice Rochat
François Jolidon, responsable
de la communication du projet
de rénovation urbaine de Mulhouse
wallisblock,
tous propriétaires !
Magazine publié par l’anru,
69 bis rue de Vaugirard, 75006 Paris
17 INFLUENCES
influences
Comité de rédaction :
Amélie Fernandes, Alice Hadey, Anne-Sophie
Hainsselin, Jean-Paul Lapierrre, Jean-Charles
Le Guen, Béatrice Rochat
Secrétaire de rédaction :
Gabriel Henry
Ont contribué à ce numéro :
Alessandro Casamento, Marie-émilie
Christofis, Tom Dubois, Jean-Denis Espinas,
Gabriel Henry, Aude Joly, Camille Lefebvre,
Isabelle Sanséau
Conception & réalisation :
à vrai dire la ville
Graphisme : Flgraf / François Lemaire,
Sonia Blanchard­
Impression : édiphisme
Imprimé sur papier recyclé
rénovation urbaine / février - mars 2014
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© arch
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diteu
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© Christophe Chavan / Matignon
04 mix
Abécédaire
urbain
L’ouvrage « Les 101 mots de la rénovation
urbaine à l’usage de tous » propose une
manière originale d’aborder la rénovation
urbaine. L’auteur, Frédéric Léonhardt,
urbaniste spécialiste de la politique de
la Ville et chargé de mission territoriale à
l'ANRU, offre ainsi un lexique tout public
de 101 termes pour découvrir ou redécouvrir
les politiques urbaines d’aujourd’hui.
SAINT-HERBLAIN
Pari gagné
« C’est toujours un pari difficile d’intervenir 40 ans
après sa construction sur un bâtiment au parti pris
architectural aussi marqué. Ce pari, vous l’avez gagné. »
Célébrant la réussite de la réhabilitation du Sillon
de Bretagne, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault
en a profité pour rappeler les grandes lignes du
Nouveau Programme National de Renouvellement
Urbain qui débutera cette année.
Pantin
© gille gueu / ville de pantin
Le Serpentin
fait peau neuve
rénovation urbaine / février - mars 2014
Emblématique du quartier des
Courtilières, l’immeuble Le Serpentin,
long de 1,5 km, fait aujourd’hui l’objet
d’une réhabilitation par l'ANRU. La
rénovation de sa façade, qui nécessite
pas moins de 38 millions d’émaux de
verre, offrira une amélioration des
performances thermiques, tout en
valorisant l’esthétique du bâtiment.
05
Stains
Web tranches de vie
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lisé par Elliot Lepers et
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Des lauriers
pour des projets
La remise des prix de la 3e édition des Trophées ANRU-FACE
(Fondation Agir Contre l'Exclusion) « S’engager pour les
quartiers » a eu lieu le 18 décembre à l’Assemblée nationale.
Chacun des quatre lauréats, porteurs de projet « à potentiel
qui favorisent le développement économique et la cohésion
sociale des quartiers », a remporté 10 000 euros. Le Grand
Prix a été remis au projet dunkerquois Work&co.
@ www.fondationface.org
Remise du Grand Prix, 18 décembre 2013
© gillescohen.com
Un sans faute
Créé par l’association Force
de Mixité, le tour de France
de la dictée des cités connaît un succès considérable, réunissant
jeunes et moins jeunes. Après diverses étapes aux quatre coins
de l’Hexagone, il s’achèvera par une dernière épreuve dans les
quartiers Nord de Marseille, en juin 2014. @ www.fdm-tv.com
rénovation urbaine / février - mars 2014
06 PERSPECTIVE
Adoptée par l’Assemblée nationale puis entérinée par le Sénat mi-janvier, la loi de programmation pour la ville
et la cohésion urbaine tend, entre redéfinition de la géographie prioritaire et instauration du principe de
co-construction, à redonner sens à la politique de la Ville. François Pupponi et Claude Dilain, rapporteurs
respectifs du texte devant les deux assemblées, commentent ici les grandes intentions de la loi.
Propos recueillis par Marie-Émilie Christofis & Gabriel Henry
politique
de
la
ville
plus
© dr
concentrée
Entretien
croisé claude dilain,
sénateur de seine-saint-denis
rénovation urbaine / février - mars 2014
françois pupponi,
député-maire de sarcelles
07
Pourquoi le projet de loi de programmation
pour la ville et la cohésion urbaine s’est-il
aujourd’hui imposé comme une nécessité ?
Claude Dilain / Cela fait très longtemps qu’il
n’y a pas eu de loi sur la politique de la Ville, la
dernière datant de 2003. Il me semble que l’on
est arrivé à un tournant. Ce qui inspirait jusque
là les actions en matière de politique de la
Ville doit évoluer en tenant compte des succès
ainsi que des échecs. Les professionnels de
la politique comme les habitants ont exprimé
une attente très forte pour la refonte d’un
socle de loi. On s’est beaucoup intéressé aux
conséquences des problèmes, notamment
dans les grands ensembles, mais le moment
est venu de s’intéresser aux causes.
François Pupponi / La politique de la Ville souffrait d'une absence d'évaluation. Depuis 30 ans,
aucun territoire n'en est sorti et nous sommes
passés de 751 ZUS (Zones Urbaines Sensibles)
à 2 493 quartiers répartis sur 901 communes.
La République serait ainsi impuissante. Il y a
ensuite le saupoudrage des moyens, trop peu
de moyens sur trop de territoires. Et enfin la
disparition des moyens de droit commun auxquels devaient s'ajouter et non se substituer les
moyens de la politique de la Ville. En juillet 2012,
un rapport de la Cour des comptes avait mis en
lumière ces défauts. C'est sur ce constat que
François Lamy a engagé une grande concertation pour une nouvelle politique de la Ville.
Avec la nouvelle loi, le critère d’attribution
des subventions sera celui du revenu
moyen des habitants. Comment ce
nouveau mode de calcul permet-il de
rationaliser la géographie prioritaire ?
Quelles étaient jusqu’ici ses insuffisances ?
CD / Nous nous sommes retrouvés confrontés à un patchwork illisible de territoires prioritaires, entre les Zones Urbaines Sensibles,
les zones de contrats de ville, etc. et de facto
à une dilution de l’action de la politique de la
Ville. Concernant les méthodes de calcul, les
études extrêmement nombreuses sont toutes
convergentes : pour identifier une population
dans la ségrégation, il est nécessaire de comparer son revenu avec les moyennes nationale
et locale. C’est pourquoi nous avons établi
cette méthode, transparente et indiscutable,
ne laissant aucune place à la subjectivité.
FP / On peut démultiplier les critères qui
tendent à cibler les populations en difficulté (taux de chômage, taux de logements
sociaux...) mais au résultat, on voit bien que
la concentration de ces facteurs s’accroît
en même temps que la pauvreté des populations. Le critère unique de richesse est le
plus sûr révélateur de la réalité des difficultés
d'un territoire et la méthode de zonage par
carroyage permet d'affiner cette géographie
au plus près. Avec ce système, nous sommes
sûrs de viser objectivement les territoires les
plus en difficulté.
Le projet de loi réinterprète le contrat de
ville pour lui conférer, notamment, un
« rôle d’ensemblier », sur une base
légale. Que faut-il en attendre ?
CD / La politique de la Ville fait partie des
rares secteurs de l’action publique qui sont
contractuels et transversaux. Les maires signaient des conventions avec l’ANRU, avec
le préfet, avec la région etc. Le tout avec des
chronologies différentes. Désormais, il y aura
un unique contrat, qui regroupe tout et implique tout le monde. Il est inscrit dans la loi
qu’un seul projet de territoire doit être mené,
dans lequel chacun s’engage à participer de
façon synergique. De mon point de vue, c’est
une grande étape pour la politique de la Ville,
jusqu’à présent morcelée.
FP / Les territoires prioritaires font souvent
l'objet de plusieurs zonages qui ne se recoupent pas toujours (ZUS, ZEP, ZFU...) et/
ou de contrats (CUCS, CLS...) dont l'articulation est complexe. Le contrat unique de Ville,
qui porte sur un territoire bien défini, permet
de rationaliser et d'unifier l'ensemble de ces
contrats sous un même chapeau et d'assurer
ainsi une cohérence et une efficacité dans la
conduite des politiques qui en découlent. Il
rendra la politique de la Ville plus efficace et
plus lisible pour tous.
Quels sont les intérêts d’une approche
intercommunale de la rénovation
urbaine ? Ne doit-on pas craindre la
transposition des difficultés de la gestion
intercommunale à ce domaine d’action ?
CD / Nous sommes face à un paradoxe :
tout le monde est d’accord pour dire dans le
même temps que le maire doit être le maître
d’œuvre de la politique de la Ville sur sa commune et que les solutions pour sortir un territoire de la ségrégation sont à prendre en
compte dans une vision élargie. Finalement,
de la subsidiarité, nous passons à la complémentarité : la stratégie du contrat se fait à un
niveau intercommunal et la mise en œuvre du
contrat, commune par commune, relève de la
responsabilité du maire. Nous entendons ainsi
lutter contre les égoïsmes.
FP / L’ampleur des questions à résoudre dépasse la seule échelle communale. C’est le cas
notamment s’agissant des questions de transport, d’emploi, de logement ou de prévention
de la délinquance. Il faut donc agir à une autre
échelle tout en restant au plus près du territoire. Pour autant la commune demeure un
acteur majeur, elle met en œuvre le contrat
de Ville sur son territoire. L'intercommunalité
permet de coordonner les acteurs du contrat
et dispose du recul nécessaire à l'évaluation
des politiques menées. C'est une articulation
vertueuse.
Le principe de co-construction est
instauré par la loi. Vient-il, selon vous,
conforter une évolution des pratiques de
la démocratie participative locale ?
CD / On ne peut faire la politique de la Ville
sans les habitants et encore moins contre
eux. Jusqu’à aujourd’hui, les lois parlaient de
« participation des habitants ». Or ce terme
de « participation » est un mot-valise. D’ailleurs, la majorité des réunions participatives
tendent à renforcer les stéréotypes réciproques entre élus et habitants. Pour inverser cette tendance, il faut donc passer à une
vitesse supérieure. C’est ce que permet la
« co-construction », qui s’installe dans le
temps et ouvre le débat.
FP / C'est l'innovation principale de ce texte :
pour la première fois les habitants des quartiers concernés seront réellement associés à
la définition, à la conduite et à l'évaluation des
politiques menées dans le cadre du Contrat
de Ville, en particulier en ce qui concerne la
rénovation urbaine. Sans nier la légitimité des
élus, ce sont les habitants qui font la ville.
Cette prise de conscience est effectivement
une évolution vers plus de démocratie locale.
rénovation urbaine / février - mars 2014
D’EXPÉRIENCE
Un peu plus de 30 ans déjà que Cité Création réveille en
peinture les façades des centres-villes ou des grands ensembles. Mais sa plus grande réussite demeure, derrière
chaque fresque, l’histoire écrite avec les habitants.
Sous la fresque des rêves
Plus de 620 fresques réalisées un peu
partout dans le monde, et elle n’est pas
prête de s’arrêter. Elle ? Cité Création,
une entreprise leader mondial des murs
peints, créée en 1978 par d’anciens étudiants de l’école des Beaux-arts de Lyon.
Si la maison mère est depuis toujours
à Oullins, près de Lyon, les couleurs
de Cité Création animent les murs du
monde entier : Québec, Berlin, Moscou,
Shanghai ou encore Jérusalem. En
France, longue est la liste des quartiers
révélés par leur savoir-faire. Emblématique, le musée urbain Tony Garnier,
dans le 8e arrondissement lyonnais.
Les 30 murs peints de ces logements
HBM*, conçus dans les années 20, font
aujourd’hui de ce quartier une halte
incontournable pour tout visiteur.
« Les murs, c’est la peau
des habitants »
+ de
620
fresques
38
ans
d'existence
+ de
80
peintres dans
le monde entier
Des habitants des Noirettes visitent le quartier Bel-Air à Chartres.
rénovation urbaine / février - mars 2014
visiter un quartier de Chartres transfiguré
par ses soins. Puis, les échanges se multiplient, leurs idées et envies sont recueillies.
Car avant que les fresques viennent immortaliser habitants et quartier, des dessins puis des maquettes grand format sont
réalisés, toujours sur fond de dialogue.
Ensuite seulement, les peintres entrent en
action. « Les habitants sont non seulement les avocats enthousiastes du projet,
rapporte Gilbert Coudène, mais aussi des
témoins attentifs voire des acteurs via des
emplois en insertion ».
Cité Création considère avant tout la réalisation de fresques comme une aventure
humaine, qui se construit dans la durée
avec les habitants. Dans les quartiers d’habitat social, explique Gilbert Coudène, l’un
des fondateurs, « un partenariat fort avec
le bailleur est essentiel, notamment pour ce
qui est du financement. Car nous menons
uniquement des projets qui ne coûtent
rien au habitants. La première étape est de
restaurer la confiance avec eux ». En 2001,
lorsque Villeurbanne Est Habitat, l’OPAC
du Rhône et Grand Lyon Habitat — tous
bailleurs du quartier des Noirettes à Vaulxen-Velin — sollicitent l’entreprise, celle-ci
commence par emmener les habitants
Patrimoine vivant
© m. djaoui, r. amador, cité création
08
Ces fresques sont l’aboutissement d’un
long travail en commun, ponctué de
moments festifs et conviviaux — l’inauguration officielle des Noirettes a réuni plus
de 600 personnes — si bien que lorsque
l'on démonte les échafaudages, le lien
social, réveillé, perdure. « La revalorisation
des lieux où ils vivent rend les habitants
fiers d’eux-mêmes, constate Gilbert Coudène, l’admiration des visiteurs les conforte
dans ce sentiment. Impliqués tout au
long du projet, les gens sont attachés aux
fresques. Quasiment aucun entretien n’est
nécessaire ».
Cité Création continue de grandir. C’est
aujourd’hui également une école de
formation à la peinture murale, Écolcité,
ainsi qu’une fondation, Savoir-Fresque,
permettant à de grandes entreprises de
financer des formations au sein d’Écolcité. « Un mode opératoire transposable
partout » conclut le fondateur de Cité
Création. Gabriel Henry
* Habitations à Bon Marché, logements sociaux
de la première moitié du XXe siècle.
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http://cite-creation.com/
9
BILAN
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Un dossier préparé dans le prolongement
du guide pratique de l’ANRU « Consolider
la dimension économique des territoires
en rénovation urbaine », qui vient d'être édité.
rénovation urbaine / février - mars 2014
10
DOSSIER ÉCO-BILAN POSITIF
La montée
en puissance
de l’action économique
Entretien
croisé Henry Chabert, consultant et ancien élu du Grand Lyon1 et Rémy Bañuls, directeur adjoint
du développement économique et de l’attractivité à la Communauté urbaine de Strasbourg
En 2003, quelles étaient les intentions
du PNRU en matière de développement
économique ?
au regard des handicaps initiaux, l’effort spécifique des acteurs publics est souvent indispensable pour créer les conditions favorables
du développement. L’efficacité des liens entre
acteurs économiques et institutions publiques
est un enjeu majeur de la gouvernance.
Rémy Bañuls / Priorité était donnée à l’urbanisme et l’habitat. Le développement économique apparaissait comme un thème secondaire avant tout incarné par le dispositif Zone
Franche Urbaine, avec comme double objectif
le développement du commerce et l’installation d’entreprises.
Henry Chabert / Même modestes, les intentions de développement économique existaient pourtant dès 2003, notamment en
matière de diversification du commerce. Au
fil des ans, la prise de conscience de l’importance du développement économique dans
les quartiers n’a cessé de croître. Elle est devenue aujourd’hui un élément important du
renouvellement urbain et un champ d’action
élargi. Pouvait-il en être autrement à l’heure
du développement durable ?
HC / Rénovation urbaine, désenclavement
des quartiers, équipements ont installé un
climat favorable au développement économique des quartiers, modifiant en profondeur
leur image et les liant durablement aux bassins de vie et d’emploi. De nombreuses initiatives ont été, par ailleurs, conduites en faveur
du commerce, de l’immobilier, de la création
d’entreprises, etc. L’apparition des pépinières
d’entreprises, par exemple, a démontré que
les quartiers étaient ouverts à la création
d’activité et d’emploi. C’est très positif !
Que retenir de dix ans d’action ?
L’action publique est-elle décisive ?
RB / Il est évident que tous les problèmes n’ont
pas été solutionnés : le taux de chômage des
Zones Urbaines Sensibles est le double des
agglomérations, peut-être parce que l’emploi
n’était pas un objectif prioritaire au départ ?
Parallèlement, l’action publique a incontestablement eu un important effet levier sur
l’investissement privé dans les quartiers pour
développer commerces et services de qualité.
RB / L’investissement public est déterminant
pour enclencher un cercle vertueux dans les
quartiers qui, depuis des années, se sont
dégradés. Fondée sur une démarche économique cohérente et un marketing territorial
pertinent, l’action publique favorise l’investissement privé.
HC / L’action publique ne peut se substituer à
celles des acteurs économiques. En revanche,
rénovation urbaine / février - mars 2014
Comment poursuivre les efforts dans le
cadre du NPNRU2 ?
RB / L’expertise s’est largement développée
en matière économique et les démarches
doivent évidemment se poursuivre. L’enjeu
est désormais celui de l’emploi, grâce notamment à une action concertée avec les principaux acteurs de droit commun : Éducation
nationale, Pôle emploi, missions locales…
HC / Tout en maintenant le maire au cœur du
dispositif, les projets devront se développer à
l’échelle intercommunale, seule échelle pertinente en matière économique. Par ailleurs, à
l'avenir, des moyens plus importants devraient
être consacrés aux habitants, aux acteurs du
développement et à leurs initiatives, beaucoup d’efforts d’investissement ayant déjà été
réalisés ; et puis seul le développement des
personnes confirmera les transformations urbaines amorcées.
Propos recueillis par Isabelle Sanséau
1 Henry Chabert a notamment été l’initiateur
du Schéma de développement économique
du Grand Lyon
2 Nouveau Programme National
de Renouvellement Urbain
11
L’initiative privée dans les quartiers
Les investisseurs privés sont longtemps restés en retrait des quartiers.
Avec la dynamique engagée par les pouvoirs publics dans le cadre du
Programme National de Rénovation Urbaine (PNRU), cette tendance
pourrait changer. Depuis 2003, les initiatives privées ont éclos ça et
là, prudemment. Elles laissent augurer pour les quartiers d’une santé
économique en voie d’être recouvrée, même si elle reste fragile. Le
défi à venir sera celui de la consolidation et de la généralisation de
ces avancées.
Investissement privé : la fin des préjugés
succès un hôtel d’entreprises adapté aux besoins du territoire et de ses habitants dans le
quartier du Mail d’Argent à Argenteuil, elle
connaît en revanche des difficultés à Chanteloup-les-Vignes. Son bâtiment, faute d’une
étude de marché suffisante, n’est occupé qu’à
20% et donc non rentable, quatre ans après
sa construction. « Trop peu rentables à court
terme pour attirer de grands investisseurs, juge
Orhan Kilic, directeur de la société, ces projets représentent aussi un investissement sur l’avenir :
celui la constitution d’un patrimoine immobilier
appelé à prendre de la valeur ».
Les pouvoirs publics ne
peuvent demeurer seuls
financeurs de la relance économique des quartiers. L’initiative
privée s’y met à son tour.
Le volet économique du PNRU n’est pas l’aspect
le plus connu de son intervention. Pourtant, il
est essentiel pour assurer aux quartiers rénovés
un retour à la normale pérenne. Et les collectivités s’accordent à dire que les investisseurs
privés ont ici un rôle majeur à jouer. À elles de
rendre les quartiers séduisants à leurs yeux. « Si
les entreprises sont sensibles aux conditions financières de leur implantation sur le territoire, par le
biais de subventions ou prix du foncier proposé, ce
qui est décisif c’est la relation de confiance établie
avec les collectivités, affirme ainsi Jean-Damien
Guilloy, directeur du projet de rénovation urbaine à Dunkerque. Un investisseur tient en effet
à s’assurer du soutien apporté au projet et de son
aboutissement rapide. »
La piste solidaire
La meilleure solution reste de s’assurer de
développer la bonne activité au bon endroit.
La société Kilic le sait bien. Si elle a créé avec
L'espace de travail co-responsable Work&Co, Dunkerque
© cabinet coldefy-Associés
Les freins à l’investissement privé dans les quartiers « ont longtemps été liés à l’immobilisme et à la
dégradation du cadre de vie » explique Abdelkader
Slifi, adjoint au maire d’Argenteuil en charge de
l’emploi. Mais, depuis quelques années, le projet
de rénovation a fait bouger les lignes, les acteurs
du territoire se réunissant à cette occasion pour
inverser la tendance et accompagner l’arrivée de
nouveaux investisseurs. À ce contexte urbain et
social en pleine évolution, s’ajoute le pragmatisme des entreprises. L’exigence de la réputation sociale n’est pas la même chez les investisseurs que chez les habitants. Et Abdelkader Slifi
de préciser : « Une entreprise n’a pas de préjugé, la
marge bénéficiaire demeure un critère central ».
L’autre chemin qui se dessine avec force est
aujourd’hui celui de l’économie solidaire. La
création à Dunkerque, dans le quartier du Jeu
de Mail, d’un espace de travail co-responsable, Work&Co, en est un bon exemple. Prix
« Création d’activité et développement économique » aux Trophées ANRU-FACE 2013,
en décembre dernier, il est fondé sur les
principes d’acceptation d’une faible rentabilité économique au profit d’une l’utilité sociale avérée. Jusqu’où l’investissement privé
s’engagera-t-il ? Tom Dubois
rénovation urbaine / février - mars 2014
DOSSIER ÉCO-BILAN POSITIF
L’implantation d’activités dans les quartiers
La création d’activités est l'un des enjeux majeurs du développement
économique des quartiers. L’offre immobilière spécialisée, notamment
adaptée aux petites et moyennes entreprises, devrait jouer à ce titre
un rôle prépondérant, mais elle est restée longtemps déficiente, voire
inexistante, l’investissement privé fait souvent défaut. La rénovation
urbaine est un levier pour inverser la tendance en permettant la création ou la réhabilitation de locaux correspondants aux attentes : de
petites surfaces, des loyers modérés, aux coûts compétitifs. Le pôle artisanal de Bruay-sur-l’Escaut est un bon exemple de la création d’une
offre en phase avec les besoins des entrepreneurs.
L’émergence d’une pareille offre peut aussi naître du choix des bailleurs de transformer des logements sociaux en locaux d’activités.
Concomitamment, des structures de services intégrés se sont également développées dans les quartiers. Les pépinières d’entreprises ont
fleuri partout en France avec les projets de rénovation. Elles accompagnent les entrepreneurs en création d’activité en leur proposant à
la fois des locaux à un coût adapté, des équipements communs permettant de minorer leurs charges et un accompagnement : conseil,
accueil et orientation, appui au montage de dossier, etc. Des plateformes d’amorçage de projet sont également apparues, afin de soutenir, avant création, les projets entrepreneuriaux.
La structuration d’un réseau regroupant l’ensemble des acteurs locaux
(centres sociaux, maisons des services publics etc.) aide complémentairement les futurs porteurs de projet, et notamment les habitants
des quartiers eux-mêmes, à créer leurs activités. Nombre d’entre eux
ont ainsi franchi le pas. De nouveaux entrepreneurs qui eux-mêmes
se mettent en réseaux, valorisant les initiatives locales par un effet
d’entraînement.
Bruay-sur-l’Escaut
© epareca
12
Bruay’co, artisan du développement économique
À Bruay-sur-l’Escaut, Epareca (Établissement
Public national d'Aménagement et de Restructuration des Espaces Commerciaux et Artisanaux)
s’est associé à Batixia, une société d’investissement
régional, pour livrer en 2011 son premier pôle
artisanal, Bruay’co. « Il vient compléter une offre
immobilière existante mais insuffisante au vu de
la demande » précise Christophe Melikeche,
manager d’espaces commerciaux et artisanaux à Epareca. Cette opération s’intègre dans
la politique de développement économique
conduite par Valenciennes Métropole. « Il est
nécessaire d’être à l’écoute des besoins locaux des
rénovation urbaine / février - mars 2014
artisans lors du montage de projet, mais également, insiste Christophe Melikeche, d’être
en mesure de les accompagner ensuite lors de
leur installation, notamment en les mettant en
relation avec les partenaires locaux comme la
Chambre de Commerce et de l’Industrie ».
Les 22 locaux modulables – de 100 à 300 m2 –
des trois bâtiments de Bruay’co sont implantés au sein de la zone d’activités Poléco, ellemême prenant place dans une Zone Franche
Urbaine (ZFU), Néo Val. Les avantages liés à
la ZFU (exonérations de charges fiscales et
sociales) et le loyer relativement faible des
locaux (49,50€/mois) font de Bruay’co une
offre attractive. Le taux d’occupation était de
100% quelques mois après son ouverture et il
est resté inchangé. Une étude réalisée en 2012
par Epareca montre que le pôle est également
très favorable à la création d’emplois : + 19%
six mois après l’ouverture. Certains de ces
artisans travaillent même directement sur le
site du projet de rénovation non loin de là, à
l’exemple de cette entreprise de désamiantage
qui emploie sept personnes et est intervenue
sur la réhabilitation de logements.
Gabriel Henry
13
Plan « Entrepreneurs des quartiers » de françois lamy, ministre délégué à la ville
le « NEW DEAL » POUR LES ENTREPRENEURS
Dans la droite ligne de la loi
de programmation pour la Ville
et la cohésion urbaine, le ministère de la Ville lance un plan
« entrepreneurs des quartiers »,
un soutien direct à la création
d’activités par et pour les habitants des quartiers.
Le développement économique des quartiers,
axe fort du Nouveau Programme National de
Renouvellement Urbain (NPNRU), passe notamment par la création d’activités in situ. Les
quartiers sont un vivier d’entrepreneurs en
puissance, mais si des projets parviennent à
émerger ça et là, nombre de ces initiatives ont
besoin d’un coup de pouce financier, technique et humain. Le plan « entrepreneurs des
quartiers » est une réponse à ces attentes.
Conseils et soutien
Le plan gouvernemental va d’abord mobiliser tous les acteurs de l’économie, publics
comme privés, autour de l’accompagnement à la création d’entreprises. Ainsi, par
exemple, les Chambres de Commerce et
d’Industrie et les Chambres des Métiers de
l’Artisanat seront signataires des nouveaux
contrats de ville uniques.
Également, les structures d’accueil vont voir
leur développement favorisé. Le réseau national CitésLab, par exemple, devrait ainsi
passer de 300 quartiers couverts à 500 dans
les six ans à venir.
Ceux qui en sont déjà à l’étape suivante ne
sont pas oubliés. Les réseaux d’accompagnement aux nouveaux entrepreneurs seront
renforcés par la signature de conventions
spécifiques entre le ministère de la Ville
et la Caisse des Dépôts, ainsi que par la création de structures qui animeront et coordonneront ces réseaux à différentes échelles.
Les entrepreneurs ont aussi besoin de matériels, d’infrastructures et de partage des
savoir-faire. Des fondations, telles que FACE
(Fondation Agir Contre l’Exclusion) et IMSEntreprendre pour la Cité, ainsi que des
grandes entreprises signataires de la charte
« entreprises et quartiers »* leur seront alors
d’une grande aide. Partenaires du plan, ils
proposeront, entre autres services, du mécé-
nat de compétences, de la mise à disposition
de locaux ou encore du prêt de matériel.
Pour mémoire, un site internet (www.entreprisesdesquartiers.fr) a d’ores et déjà été
mis en place, recensant pour tous les territoires les structures locales d’accueil pour les
futurs créateurs d’activités.
Une enveloppe confortable
La principale difficulté que rencontrent les
créateurs d’entreprises issus des quartiers est
sans doute celle du financement. Ce volet du
plan « entrepreneurs des quartiers » prévoit la
mise en place d’un dispositif particulier, porté
par le ministère de la Ville et la Banque Public
d’Investissement (BPI). Il comprend trois
mesures : un Prêt à la Création d’Entreprises
(PCE) amélioré, passant de 7 000 à 14 000€,
une garantie des prêts bancaires allant jusqu’à
70%, et 10 millions d’euros supplémentaires
alloués au fonds d’investissement pour les entreprises des quartiers.
Autre budget débloqué, 250 millions d’euros
confiés à l’ANRU, dans le cadre de l’action « Ville
durable et solidaire » du Programme d’investissement d’avenir (PIA). Ces fonds serviront,
entre 2014 et 2020, à soutenir la création de pépinières d’entreprises, de bureaux, de maisons
de santé… La Caisse des Dépôts y ajoutera près
de 350 millions d’euros. Epareca investira quant
à lui 75 millions dans des espaces commerciaux
de proximité entre 2013 et 2015.
Enfin, les entrepreneurs ne disposant pas, ou
trop peu, de ressources pour se lancer pourront bénéficier cette année de l’expérimentation « entrepreneurs d’avenir », en s’appuyant
sur des dispositifs de contrats aidés, de garantie jeune et de cadres d’entrepreneuriat collectif de l’économie sociale et solidaire. GH
* Charte signée en juin 2013, par laquelle 40 entreprises s’engagent à favoriser l’accès à l’emploi ou la
création d’entreprises pour les habitants des quartiers.
@
www.ville.gouv.fr
rénovation urbaine / février - mars 2014
DOSSIER ÉCO-BILAN POSITIF
L’intervention sur une activité déjà existante
Si nombre de quartiers jouxtent des zones d’activités et industrielles, le
commerce a souvent représenté, avant 2003 et à quelques exceptions
près, l’unique activité économique présente en leur sein. Sa santé laissant
qui plus est souvent à désirer. Les projets de rénovation urbaine ont grandement contribué à ranimer, puis consolider cette activité, en misant no-
tamment sur la proximité. Un facteur d’attractivité supplémentaire pour
les quartiers rénovés. Les autres types de secteurs économiques présents
dans les quartiers mêmes font figure d’exception, à l’image de l’activité
textile à la Goutte d’Or, à Paris. Leur redynamisation s’appuie avant tout
sur le capital humain et les savoir-faire existants.
Made in Goutte d’Or
La Goutte d’Or, au nord de Paris, mise sur les filières textiles, mode et design, historiquement implantées,
pour asseoir son développement économique. Une initiative d’autant plus convaincante qu’elle s’articule
puissamment aux outils de la politique de la Ville.
Paris, capitale de la mode et de la création ? Plus
que jamais à en croire les activités qu’abrite de
moins en moins confidentiellement la Goutte
d’Or. Lorsque les opérations de renouvellement urbain débutent, la livraison de 4 500 m2
de locaux en pied d’immeubles — certains attribués à des associations — constitue pour la
Délégation à la Politique de la Ville et à l’Intégration (DPVI) une opportunité d’agir sur l’activité commerciale. L’atout majeur du site : un
tissu commercial d’une densité et d’une diversité rare qui jouit déjà d’une chalandise à faire
pâlir les concurrents. Mais l’équilibre est précaire. Le diagnostic mené en 2011 fait état de
structures fragiles, de collaborations limitées
entre professionnels, de locaux peu adaptés,
de qualifications insuffisantes et d’une faible
visibilité globale. Très rapidement, les professionnels comprenent le bénéfice potentiel de
leur rapprochement et une partie d’entre eux
s’implique activement dans la démarche de
structuration impulsée par la Ville et ses partenaires. En quelques mois, naît l’association des
professionnels « Les Gouttes d’Or de la Mode
et du Design. » « Haute ou moyenne gamme, artisans, créateurs de toutes sortes ou encore formateurs
… la liste des 25 adhérents témoigne de la diversité
en place. L’objectif est maintenant de promouvoir
ces trésors de compétences trop souvent insoupçonnés et de réduire les disparités qui pourraient freiner
le développement » souligne Fabienne Goudeau,
coordinatrice du réseau.
Territoire et qualité
L’association s’appuie pour son développement sur trois axes : communiquer pour faire
évoluer l’image du quartier, se structurer pour
faire masse économiquement, former pour
répondre aux besoins de qualification ou dérénovation urbaine / février - mars 2014
velopper les compétences des professionnels.
Un dernier enjeu pour lequel des solutions
concrètes ont déjà été trouvées à l’instar des
formations linguistiques à visée professionnelle ou l’ouverture de cours municipaux « spécial couture » à la Goutte d’Or. « Nous ne sommes
pas des extrémistes de l’endogène, mais préserver les
forces en place est un signal fort adressé aux habitants lors d’un renouvellement urbain. D’autant
que certains de ces métiers constituent des fonctions
d’accueil pour les nouveaux arrivants » décrypte
Guillaume Huet, chef de projet à la DPVI. S’il est
encore prématuré de mesurer les effets de cette
restructuration, les objectifs 2014 de l’association laissent entrevoir sa montée en puissance :
paris
© Les gouttes d'or de la mode et du design
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stratégie de communication, audit qualité,
événementiel et nouveau mode d’organisation
— possiblement une coopérative d’artisans et
une plateforme de services. En somme, qualité et territoire restent les deux mots d’ordre
au développement économique et solidaire du
quartier. Un tandem qui a probablement permis à l’association d’être désignée lauréate, le
10 janvier 2014, de l’appel à projets « Pôles territoriaux de coopération économique » (PTCE)
lancé par le gouvernement.
Aude Joly
@
www.madeingouttedor.com
15
© epareca
Fontaine
Tous au centre
Le développement économique d’un quartier ne rime pas uniquement avec implantation d’entreprises.
La gestion spatiale des activités commerciales y concourt autant que leur création. Démonstration avec
la Bastille à Fontaine, où la combinaison des deux composantes a permis une réelle revitalisation.
Construit dans les années 1960 en périphérie
grenobloise, le quartier de la Bastille pâtissait comme beaucoup d’un fort enclavement,
doublé d’une forte dégradation du bâti et des
espaces publics. Afin de remédier à ces dysfonctionnements, la commune s’est engagée
dans un projet de rénovation capable de favoriser qualité de vie et lien social au sein du quartier. Avec le commerce comme possible levier.
En quête d’adéquation
Pour développer un pôle commerçant, lieu de
sociabilité et capteur de flux, la ville de Fontaine a missionné Epareca, partenaire privilégié de l’ANRU. Chargé de la maîtrise d’ouvrage
de l’opération, l’établissement public est intervenu dès les études préalables de développement économique jusqu’à l’exploitation des
locaux. « L’objectif de la création de cette centralité de quartier qui faisait alors défaut se heurtait à l’éparpillement commercial et à l’absence
de locomotive alimentaire » explique Christelle
Breem, directrice des études et du développement d’Epareca. Le projet commercial s’est
évidemment intéressé aux caractéristiques de
l’offre et aux conditions de son implantation.
« Or, au moment où nous sommes intervenus,
explique Mohamed Touchi, directeur des programmes à Epareca, il n’y avait pas d’adéquation entre ce qui était prévu par les opérateurs et
les attentes, notamment techniques, des commerçants ». Confronté à cette difficulté, Epareca a
dû endosser le rôle de négociateur auprès des
promoteurs, tant pour adapter les locaux aux
besoins de leurs futurs occupants que pour
effectuer une division en volumes.
Inauguré mi 2011, l’équipement comprend
sept commerces, dont trois ayant fait l’objet
d’un transfert sur site et deux créations d’entreprises. À ceux-ci s’ajoutent une pharmacie déjà implantée et un commerce alimentaire négocié directement avec un acteur de la
grande distribution.
Confirmation du succès
Après une démarche d’évaluation, il apparaît
que la majorité des commerçants sont satisfaits de l’opération et de l’ambiance du site,
même si des voix se sont élevées concernant le manque de places de stationnement.
Car, preuve d’une attractivité retrouvée, une
large part des clients ne sont pas résidents
du quartier, mais des acheteurs de passage.
Aujourd’hui, les activités ont atteint une
stabilité financière permettant à Epareca
de commencer sa procédure de revente au
profit d’un investisseur privé traditionnel.
Symbole de la réussite du projet commercial,
cette étape vient confirmer le sentiment des
commerçants et des habitants, qui profitent
désormais de leur quartier renouvelé.
Marie-émilie Christofis
* Epareca est le seul établissement public à être en
charge de la rénovation des centres commerciaux et
d’artisanat des quartiers fragiles, à la condition que
ces quartiers fassent l’objet d’un projet de rénovation
urbaine.
« L’insertion des commerces s’est faite plutôt simplement » déclare Christelle Breem.
rénovation urbaine / février - mars 2014
DOSSIER ÉCO-BILAN POSITIF
Créer de la richesse autrement
Concilier activité économique et utilité sociale, tel est le pari de
l’économie sociale et solidaire. Coopératives, associations, mutuelles
ou fondations appartiennent à ce secteur économique qui séduit
de plus en plus. En particulier dans les quartiers où l’on ne développe peut-être pas une activité aussi facilement qu’ailleurs ! Avec
ses propres règles du jeu, l’économie sociale et solidaire change la
donne : l’intérêt général plus que les bénéfices, un mode de gestion plus démocratique, la discrimination positive dans l’embauche,
l’implication locale… Ce qui ne l’empêche pas de constituer un utile
vecteur de développement économique, en produisant biens et ser-
vices dans de nombreux domaines. Aujourd’hui 10 % de l’emploi
français et 14 % de l’emploi privé. Dans les quartiers, l’économie
sociale et solidaire forme une part importante de l’activité, notamment
au travers de nombreuses associations, régies de quartiers, chantiers
d’insertion et autres structures d’insertion par l’activité économique
qui se sont développées grâce aux clauses d’insertion ANRU. Reste
à diversifier les types d’activité et à dépasser la gamme traditionnelle des services proposés. Un changement à l’œuvre, à des échelles
très variables, comme avec Bioforce aux Minguettes ou la Coursive
Boutaric à Dijon.
dijon
vénissieux
bOUILLON DE CULTURE !
© P. gilléron
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Solidarité
à toutes les échelles
Association de type loi 1901, l’institut Bioforce est un centre de formation du secteur
humanitaire, bénéficiant d’une solide réputation locale mais aussi hexagonale. Juché sur le
plateau des Minguettes à Vénissieux, l’institut
entretient des liens forts avec les habitants,
notamment au travers de son pôle de développement local qui prévoit, dans chaque cursus, l’implication des étudiants en lien avec
les associations de quartier. En parallèle, tout
est fait pour favoriser les échanges de manière
plus ou moins formelle, entre l’école et son
environnement : logements de Grand Lyon
Habitat réservés aux étudiants, pot d’accueil
organisé à la rentrée avec les associations et
commerçants, offre de restauration adaptée
au train de vie des étudiants…Poids lourd
économique du quartier grâce, notamment, au
revenu des formations dispensées, il l’est aussi plus directement par les retombées induites
pour les petits commerçants. Pas étonnant si,
dès septembre, les 200 apprenants et leurs
professeurs sont attendus de pied ferme ! CL
@
http://bioforce.asso.fr
rénovation urbaine / février - mars 2014
Médiation culturelle, création artistique,
webmarketing ou encore graphisme, autant
d’activités qui ne courent pas les rues dans les
quartiers. Et pourtant, la Coursive Boutaric,
Pôle Territorial de Coopération Économique
(PTCE) situé dans le quartier des Grésilles à
Dijon, les accueille toutes dans une barre résidentielle de l’OPH frappée il y a peu encore
par une vacance de 30 %. Il fédère aujourd'hui
15 entreprises du secteur culturel et créatif,
représentant 57 Equivalents Temps Plein. Sa
force ? La coopération et la mutualisation des
moyens techniques, humains, et financiers
dans un secteur professionnel souvent fragile.
Tout juste lauréat de l’appel national à projets
interministériel sur les PTCE, la Coursive
gagne chaque jour un peu plus en notoriété,
tout en gardant son ancrage dans le quartier. Et pour cause, il fait indiscutablement
partie de son ADN. Le projet est né en effet
de la rencontre entre un bailleur social, Dijon Habitat et un opérateur culturel, Zutique
Productions, autour d’un travail de mémoire
précèdant la démolition d‘un immeuble.
Très vite, cette première collaboration a fait
émerger le souhait conjoint de voir des entreprises culturelles et créatives s'implanter
au cœur du quartier. C’est ainsi que le pôle
s’est progressivement structuré et avec lui,
divers projets participatifs et artistiques sur
l’espace public. Un exemple intéressant qui
montre que les modèles à la mode d’incubateurs ou d’espaces de « coworking » peuvent
être développés tout autant dans les quartiers.
Camille Lefebvre
@
www.la-coursive.fr
influences
PAYS-BAS
© jeroen musch
Wallisblock,
tous propriétaires !
Au cœur de Rotterdam,
dans le quartier défavorisé
de Spangen, l’habitant est
acteur de la rénovation grâce
à l’invention d’un nouveau
modèle économique.
Faire construire son propre logement en centre-ville
en profitant des conseils d’un architecte, le tout
pour un budget modique... Est-ce possible ? Oui, ce
sont les ingrédients du projet de rénovation de l’îlot
Wallis, mené depuis 2004 par la ville de Rotterdam
avec, pour maîtres d’œuvre, Ineke Hulshof (Hulshof
Architecten) et Frans van Hulten (Urbannerdam).
Après avoir acquis l’ensemble bâti – 90 logements
réalisés au début du 20e siècle – la Ville a pris en
charge uniquement les travaux de reprise des fondations, très dégradées, tandis que les appartements ont été cédés pour l’euro symbolique.
Rôle des habitants
Sélectionnés pendant les phases préliminaires de
l’opération, les propriétaires se sont engagés en
contrepartie à financer, sur fonds propres, la rénovation de leur logement, à l’habiter pendant au
moins un an, à confier les travaux à l’entreprise
sélectionnée sur appel d’offres pour l’ensemble
de l’opération ou à les effectuer par eux-mêmes.
Selon Ineke Hulshof et Frans van Hulten, cette
approche centrée sur l’habitant se justifie aussi
par des motivations de nature économique. Les
concepteurs ont calculé que les coûts d’une démolition-reconstruction dépassaient ceux d’une
rénovation. Ils ont estimé, de plus, que cette dernière pouvait être confiée directement aux résidents, à l’exception de la reprise des fondations,
trop onéreuse. La réfection d’un appartement
comportait à cette condition un investissement
d’environ 1 000 euros du mètre carré, considéré
comme abordable par un nombre significatif de
ménages. Finalement, le coût d’un appartement
s’est établi, selon la surface, entre 70 000 et
200 000 euros.
Intérêt général et particulier
Parmi les facteurs de réussite du projet, la constitution d’une « maîtrise d’ouvrage collective »,
réunissant l’ensemble des propriétaires, a été
sans aucun doute déterminante. Les futurs habitants ont été confrontés au projet dans son intégralité et la dimension de l’intérêt général s’est
imposée par-delà les revendications particulières. Ils ont, par exemple, adopté les mêmes
standards qualitatifs et techniques pour l’ensemble des appartements. Ils ont accepté la mutualisation des coûts de réfection des parties
communes, avec la réalisation d’une économie
significative. À plusieurs reprises, ils ont discuté
collectivement de la répartition fonctionnelle de
l’espace disponible selon les contraintes
constructives et les souhaits de chacun. De plus,
les futurs propriétaires ont pu rencontrer individuellement deux fois le maître d’œuvre pour
définir l’aménagement intérieur et l’adapter au
règlement en vigueur. L’îlot a été finalement divisé en 40 logements de deux à quatre étages,
tous différents selon les souhaits de chacun, tous
bénéficiant d’un accès autonome sur rue selon la
tradition néerlandaise. La souplesse indispensable au redécoupage résidentiel du Wallisblock
a été obtenue notamment grâce au renoncement à la façade sur cour au profit d’une enveloppe contemporaine, plus performante aussi
d’un point de vue écologique. La valeur patrimoniale des élévations côté rue et le caractère historique du quartier ont pu ainsi être préservés,
comme le souhaitait la ville de Rotterdam.
Si l’opération est globalement saluée aujourd’hui
comme un succès inspirant d’autres projets en
« maîtrise d’ouvrage collective » en cours d’élaboration, la sélection par la collectivité de propriétaires en capacité d’investir a représenté un
moment délicat du processus. 20 % des anciens
habitants de l’îlot ont pu néanmoins y prendre
part. Plus de 400 ménages ayant déclaré leur
intérêt ont été également consultés… 35 d’entre
eux ont été retenus par la Ville.
Alessandro Casamento
rénovation urbaine / février - mars 2014
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18
anru
ici &
ailleurs
L’expertise de l’ANRU
et de son réseau est de plus
en plus reconnue y compris
à l’international. Pour preuve,
les visites de délégations
étrangères qui se suivent
et ne se ressemblent pas.
Les activités internationales de l’Agence se développent depuis quelques années, à la faveur de
son partenariat avec l’Agence Française de Développement (AFD) renouvelé jusqu’en 2015. Plusieurs coopérations ont pu être mises en place,
comme celle avec l’ARRU (Agence tunisienne de
Réhabilitation et de Rénovation Urbaine).
Mais ce dispositif ne constitue pas la seule occasion d’échanger avec l’étranger. En raison de besoins croissants en matière de renouvellement
urbain de par le monde, l’Agence est régulièrement sollicitée, par les ambassades et certains
ministères, pour accueillir des délégations étrangères. Ces visites peuvent s’inscrire dans le cadre
d’une future coopération ou simplement constituer des moments forts d’échanges. « La plusvalue de ces rencontres est réciproque, note
Anne-Sophie Hainsselin, chargée de mission urbanisme durable et international à l’ANRU, car
elles permettent aussi à l’Agence de prendre du
recul sur sa méthodologie ».
L’année 2013 a ainsi été marquée par quatre visites
de délégations, ouvrant de nouvelles perspectives
de coopération. La délégation mexicaine a été interpellée par le mode de contractualisation ANRU
avec les collectivités, tandis que la délégation
chinoise, reçue en novembre, a été surtout intéressée par le Programme National de Requalification
des Quartiers Anciens Dégradés (PNRQAD) – la
Chine développant de plus en plus une approche
patrimoniale de ses centres anciens.
Accueillie en décembre dernier, la délégation
roumaine a prêté une attention particulière aux
moyens d’intervention ambitieux sur les grands
ensembles.
Les dispositions relatives à la coopération internationale de l’ANRU intégrées au projet de loi de
programmation pour la ville et à la cohésion urbaine permettront de mieux répondre aux sollicitations de ces délégations et de contribuer à
promouvoir l’expertise française à l’international
en matière de renouvellement urbain.
Contrats de ville uniques Place à la généralisation !
La préfiguration des futurs contrats de ville uniques, menée dans 12 agglomérations-test (Amiens, Évry, Plaine Commune, Rennes,
Lille, Nîmes, Auch, Dijon, Mulhouse, Arras, Toulouse, Fort-de-France) s’est achevée fin janvier. Décidée par le Comité Interministériel
des Villes du 19 février 2013, cette préfiguration est apparue d’autant plus nécessaire que les futurs contrats de ville proposent cinq
évolutions majeures : l’inscription des futurs contrats dans le temps des mandats municipaux, l’intercommunalité comme échelle
de contractualisation, le renforcement de l’articulation des politiques sociales, urbaines et économiques et la mobilisation accrue
des politiques et des crédits de droit commun des collectivités locales comme de l’Etat pour les sites de la politique de la Ville.
Pour y parvenir, la préfiguration a d’ores et déjà permis d’identifier des points de vigilance : la nécessaire contextualisation des
projets, l’intégration des enjeux prioritaires pour les quartiers dans les politiques d’agglomération, l’indispensable répartition
des « rôles » entre président d’agglomération et maires, le renforcement de la collaboration entre les acteurs du renouvellement
urbain et ceux des projets économiques et sociaux…. La publication au printemps d’une circulaire d’application et d’un kit méthodologique devrait faciliter cette étape décisive de contractualisation.
rénovation urbaine / février - mars 2014
profil
D’où je viens
Originaire d’un petit village du sud de l’Alsace, j’ai fait des
études d’histoire-géographie à Mulhouse avant de partir étudier
la communication dans le Nord Pas-de-Calais. Je suis revenu
dans ma région pour y travailler.
Ce que je fais aujourd’hui
Je suis responsable de la communication du programme de rénovation urbaine (PRU) de Mulhouse depuis 2006. Je m’occupe
à la fois de la communication institutionnelle et de la relation
avec les habitants. Mon souci, c’est de parvenir à développer
des processus de concertation adaptés aux projets. Le niveau
d’implication proposé aux habitants peut alors aller de la simple
information en réunion publique à la co-construction d’un projet
avec les habitants concernés.
Ce que j’ai appris
avec la rénovation urbaine
L’importance de la mise en place, bien en amont des projets,
d’un travail partenarial fort afin d’établir un climat de confiance
entre tous les intervenants (bailleurs sociaux, services de collectivités territoriales, financeurs...). Sensibiliser à l’importance
du partage et de la bonne circulation de l’information permet
d’aller dialoguer plus efficacement avec les habitants ensuite.
Ce que je compte réussir
Nous sommes sur la dernière année de notre PRU, année
qui sera dédiée aux dernières opérations qui vont sortir
ou s’achever. Mon objectif, c’est de les mener à bien avec
l’expérience acquise pendant toutes ces années et conclure
positivement cette aventure humaine et urbaine.
Ce qui m’importera quand
la rénovation urbaine sera terminée
L’appropriation de tous ces nouveaux logements, équipements et espaces publics par les habitants concernés afin qu’ils
puissent profiter agréablement de ces lieux de vie qui ont été
conçus avec et pour eux.
Ma plus grande satisfaction
Avoir contribué à la transformation urbaine de ma ville en humanisant les projets et en cassant l’image simpliste du « bulldozer
qui vient tout raser », grâce à des processus participatifs.
C’est plutôt une crainte. La crainte que la dynamique, les
connaissances, l’ingénierie et les énergies nécessaires mobilisées pour mener à bien ces projets complexes ne disparaissent
quand ceux-ci seront terminés.
Ce que je ferai plus tard
Continuer par le biais de l’urbanisme et de l’architecture à
transformer des lieux de vie pour les rendre plus adaptés aux
attentes d’aujourd’hui, en préparant même celles de demain.
© t. itty / ville de mulhouse
Mon regret
François Jolidon
responsable de la communication
du projet de rénovation urbaine
de Mulhouse
Propos recueillis par Tom Dubois
rénovation urbaine / février - mars 2014
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Reg’Arts
© dr
Soixante images, zéro cliché
© florance at
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Les « ateliers Reza » ont formé à la photographie des jeunes de la Reynerie et de Bellefontaine,
deux quartiers du Mirail à Toulouse. Dans le viseur : famille et quartier.
Reza Deghati compte parmi les photojournalistes
les plus reconnus de la profession sur la scène internationale. Ses images font régulièrement le tour
du monde, comme celle du commandant Massoud,
tant de fois publiée. Témoin
engagé, il est aussi personnellement investi dans des démarches d’éducation
à l’image au Pakistan, en Afghanistan et… à Toulouse. Les « ateliers Reza » conviaient une trentaine
de jeunes du Mirail, des quartiers Reynerie et Bellefontaine, à photographier leur quotidien.
toulouse
Âgés de 11 à 17 ans, les protagonistes, 39 au terme
du projet, se sont beaucoup investis pour se former au langage de l’image. Un travail intense
d’une demi-année : trois semaines d'ateliers en
présence de Reza en personne en mars, avril et
juillet 2013 ; entre chaque session, des ateliers
hebdomadaires d’une demi-journée encadrés
par cinq photographes locaux. Grâce à une approche à la fois technique et artistique, les jeunes
ont appris à déclencher – geste parfois difficile
– construire, comprendre, analyser et retoucher
leurs photos. Progressivement, ils se sont forgés
rénovation urbaine / février - mars 2014
une culture nouvelle en visionnant photographies
et films. Roselyne Robert, responsable du centre
d’animation de la Reynerie et instigatrice du projet, en témoigne : « Reza est un professeur exigeant. Il a accompagné individuellement et collectivement les jeunes, nouant avec eux une relation
forte qu’ils ne sont pas près d’oublier ».
Quotidien inattendu
Depuis plus de trente ans, Reza défend le pouvoir
de l’image comme vecteur de changement social.
Ses projets poursuivent des objectifs concrets,
adaptés au terrain. Dans le cas des ateliers, il s’agissait de former au langage de l’image et d'ouvrir
une porte sur le monde de l’art visuel, transmettre
des compétences pour manier les technologies de
pointe de l’image, sensibiliser aux métiers de l’information et de la communication.
Les apprentis photographes ont réalisé un travail
personnel sur le thème « ma terre, ma famille »,
un regard nouveau sur leur quotidien, leur entourage familial et leur environnement. « Ils ont
réalisé de nombreux portraits, mettant souvent
en scène leurs frères et sœurs, avec pour toile
de fond le quartier, l’espace public et autres lieux
remarquables qu’ils ne vivent pas toujours bien
quotidiennement », constate Roselyne Robert.
Au final, soixante « images insolites d’un quotidien inattendu » — sous-titre de l’exposition —
ont été présentées à l’automne dans les médiathèques José Cabanis et Grand M. Aujourd’hui,
ces images continuent d’exister au travers
d’autres vecteurs, comme les toiles imprimées
qu’à chaque occasion le centre d’animation réinstalle ou les palissades de chantier que les photos
habillent… Les médias locaux et nationaux ont
aussi largement relayé la démarche. « Tout ça est
très valorisant pour les jeunes et le quartier » se
réjouit Roselyne Robert qui mesure aujourd’hui
encore les retombées positives du projet. Les «
ateliers Reza » constituent enfin l’annonce d’un
autre changement : l’installation prochaine, à
Toulouse, de la Maison de l’image, équipement
culturel majeur consacré aux arts visuels et numériques, dont la municipalité a ardemment
défendu l’emplacement au cœur de la Reynerie.
Isabelle Sanséau
Reg’Arts
Aux Pyramides, à Évry,
les architectes ont douze ans !
Emmenés par leur professeur
de technologie, des élèves
participent depuis l’an dernier
à un projet pédagogique original.
Il fait d’eux, fictivement mais
utilement, les acteurs du projet
de rénovation de leur quartier.
« Captiver les élèves et les rendre fiers de leur
quartier ». C’est ainsi que Gilles Malewo, professeur de technologie, résume l’ambition du projet
pédagogique qu’il a initié. Affecté au
collège des Pyramides il y a près de
deux ans, il découvre le projet de rénovation urbaine en cours dans le quartier. Il décide alors de
faire plancher, trois ans durant, trois classes de
cinquième. « Il s’agit de monter avec les élèves,
en parallèle de la conception d’un projet d’aménagement* sur un terrain libéré par la démolition d’un bâtiment emblématique du quartier,
un projet architectural fictif s’inscrivant dans ce
contexte de rénovation » explique Gilles Malewo.
« Ce projet permet de les familiariser avec les
univers professionnels de l’architecture, de l’ur-
évry
banisme et du bâtiment. Au-delà de ça, il leur
permet de mieux comprendre les opérations en
cours qui transforment leur univers quotidien ».
Des professionnels en herbe
Modeste au départ, le projet prend rapidement
de l’ampleur et les cinquièmes rivalisent d’idées
pour le nourrir. « L’an dernier, nous avons commencé par des balades urbaines, des visites de
chantiers et des rencontres avec des architectes,
Pierre Parat notamment, le célèbre concepteur du
quartier des Pyramides » énumère le professeur.
Les élèves ont ensuite réalisé une enquête de terrain, afin de recueillir les avis et les attentes des
habitants à propos de la rénovation. En s’aidant
des résultats et de documents techniques (plan
cadastral, plan masse du projet de rénovation,
étude de faisabilité architecturale de l’îlot concerné…), ils ont travaillé à la réalisation d’une série de
maquettes, progressivement affinées. La Maison
départementale de l’habitat, partenaire du projet, les y a aidés en leur inculquant des notions
d’architecture et en les initiant aux méthodes de
fabrication de maquettes.
Exposition à l'ANRU
Le réalisme du projet pédagogique a été poussé au
point que chaque classe a dû créer une entreprise
fictive, logo, slogan et techniques commerciales
compris, pour élaborer et porter son projet. Puis,
en juin 2013, les élèves, jouant à fond leur rôle, ont
présenté officiellement le projet dans son intégrali-
té — contexte, acteurs, maquettes, parti urbain — à
l’Hôtel de Ville devant Francis Chouat, maire d’Evry
et président de la communauté d’agglomération
Evry Centre Essonne. Ils s’activent à présent à la
préparation d’une exposition retraçant leur épopée
et qui se tiendra en mars et avril à Paris, au siège de
l’ANRU. L’année scolaire 2013-2014 est également
celle de la réflexion sur l’aménagement intérieur
des bâtiments qu’ils ont imaginé, avec les conseils
de l’agence d’architecture Patrick Chavannes et du
promoteur Arcade. Nicolas Dom, chef de projet urbain à la ville d’Évry, ne tarit pas d’éloges sur le projet : « les élèves se sont très bien saisis des enjeux
d’un projet de rénovation. C’est un formidable levier
pour la concertation, car il nous permet de toucher
d’autres publics, à commencer par leurs parents ».
Autre aspect positif, le projet a suscité des vocations et certains se voient déjà architectes. Et
pour la troisième et dernière année ? La réflexion
est en cours : « Peut-être un travail sur la question
des transports : le projet de rénovation prévoit la
refonte du site propre bus… ».
Gabriel Henry
© ville d'evry
* associant la communauté d’agglomération,
la Ville d’Evry et le promoteur Arcade
Présentation des maquettes
du projet, mairie d'Evry, juin 2013
@
http://blog.crdp-versailles.fr/
construistonquartier/index.php/
rénovation urbaine / février - mars 2014
21
initiatives
L’écoquartier
à l’heure de la labellisation
Le nouveau label national
EcoQuartier salue les projets
exemplaires d’aménagement
durable. Trois quartiers en rénovation urbaine l’ont déjà obtenu.
Employé de manière croissante et parfois galvaudé, le terme d’éco-quartier nécessitait une
définition plus précise et partagée. C’est ce qu’a
souligné le ministère de l’égalité des territoires et
du logement en lançant le label « écoQuartier ».
Son but ? Reconnaitre au niveau national les projets qui intègrent de fortes ambitions en termes
d’aménagement durable : une performance écologique à la hauteur des enjeux actuels, mais également une mixité fonctionnelle et sociale garante
d’un meilleur équilibre territorial, une qualité de
vie qui réponde aux aspirations des habitants et
une gouvernance permettant la construction du
projet avec l’ensemble des parties prenantes. En
somme, une combinaison de réponses aux objectifs de développement durable.
Trois des treize quartiers déjà labellisés en 2013
sont des projets de rénovation urbaine accompagnés par l’ANRU : Ravine Blanche à Saint-
Pointe-à-Pitre
LE PPP
EN PLEINE
LUMIÈRE
Pierre (Réunion), La Duchère à Lyon et WolfWagner à Mulhouse.
Wolf-Wagner ? exemplaire !
Objet du programme Europan en 1999, le quartier
mulhousien Wolf-Wagner a débuté sa rénovation
au début des années 2000. « À l’époque, rappelle
Christine Tiret, directrice du renouvellement urbain
à la ville de Mulhouse, la labellisation et les écoquartiers n’étaient pas dans l’air du temps. Mais, dès
2002, une réflexion a été entamée pour réduire les
charges des locataires. Nous voulions aller au plus
loin des innovations du moment, techniquement
notamment et permettre aux habitants de profiter
d’un changement d’image de leur quartier, avant
la construction de nouveaux logements. » En privilégiant un projet intégré avec ses habitants, Mulhouse Habitat a ainsi débuté les opérations avec
la réhabilitation du parc existant, permettant aux
riverains de bénéficier de la rénovation avant d’entamer les démolitions-reconstructions.
Des immeubles qui répondent aux exigences BBC,
à l’orientation bioclimatique des bâtiments, en passant par une réflexion avancée sur la place de la
voiture dans le quartier, le projet avait su ajouter
des exigences environnementales aux objectifs
déjà très ambitieux de requalification urbaine. C’est
cette globalité qui a permis au nouveau quartier de
Wolf-Wagner d’obtenir le label convoité. Une réussite pour un projet qui a par ailleurs impliqué fortement les habitants, au moyen d’ateliers de sensibilisation aux enjeux du développement durable
et par le biais du « Chantier Enchanté », un groupe
d’animation et de concertation organisé par des
artistes sur une période de deux ans.
La dynamique engagée sera confortée par le
lancement en ce début d’année de la deuxième
vague de labellisation d’EcoQuartiers par le ministère de l’égalité des territoires et du logement.
De plus, dans le cadre du NPNRU, les exigences
en termes de développement durable seront
rehaussées par rapport à celles qui étaient attachées au PNRU ; les futurs porteurs de projet seront invités à s’appuyer utilement sur la démarche
« EcoQuartier ». Marie-Émilie Christofis
@
http://www.mulhouse.fr/fr/
wolf-mertzau-wagner/
Hôpital, tramway, stade, aussi différente soit leur nature, un point commun rapproche ces projets : des financements lourds,
difficiles à assumer par les seules collectivités. En réponse à cet obstacle, les partenariats public-privé (PPP) se sont
multipliés depuis une dizaine d’années y compris dans la sphère du renouvellement urbain. C’est ce mode de financement
que Pointe-à-Pitre choisit de retenir pour la première fois, pour la mise en œuvre de son Plan Lumière. Les deux entreprises
retenues auront pour tâche de financer, concevoir, construire les ouvrages liés à l’éclairage public, la signalisation lumineuse
tricolore et la vidéo-protection sur l’ensemble de la commune. Elles assureront également la gestion de l’énergie, la
maintenance et le remplacement des équipements pour une durée de 15 ans. Complémentairement au PPP, l’ANRU participe
à l’investissement au titre du renouvellement des ouvrages dans les quartiers en rénovation urbaine.
rénovation urbaine / février - mars 2014
© ville de mulhouse
22
14
novembre
Participe passé
Agenda a posteriori,
Participe Passé retient
quelques-uns des événements majeurs des deux
derniers mois pour prendre
du recul et proposer prolongements et approfondissements de la réflexion.
© gilles cohen
Paris
À l’initiative de l’ANRU, en
partenariat avec le ministère
de l'éducation nationale, de
l'Enseignement supérieur et de la Recherche, le ministère
de la culture et de la communication et l’Acsé, le colloque
« Les Cultures Scientifique, Technique et Industrielle : un investissement d’avenir » s'est tenu au musée des Arts et Métiers.
Paris
François Deluga, président du CNFPT (Centre
National de la Fonction Publique Territoriale),
et Michel Delebarre, président de l’ANRU, ont
signé, au siège de l’Agence, une convention de
partenariat qui renforce la collaboration entre les
deux établissements. www.cnfpt.fr
27
novembre
© j.p. jouadé
Signature de la convention de partenariat,
SIMI 2013
4
© jph. caumes-epareca
décembre
15
janvier
Paris
Le Sénat a adopté à une large
majorité, à l’issue de deux
demi-journées de débats, la loi
de « Programmation pour la
ville et la cohésion urbaine ».
www.ville.gouv.fr/?le-senatadopte-a-une-tres-large
10
janvier
31
janvier
© a. bouissou
Paris
Quatre projets menés dans des quartiers « Politique de
la Ville » ont été récompensés dans le cadre de l’appel
à projets pour le développement des Pôles Territoriaux
de Coopération Économique (PTCE). www.ville.gouv.
fr/?poles-territoriaux-de-cooperation,3075
Paris
Lors de l’édition 2013 du SIMI
(Salon de l’Immobilier entreprise)
au Palais des Congrès, l'ANRU
et Epareca ont partagé un stand
commun et signé une convention
de partenariat de trois ans.
SAINT-HERBLAIN
Lors de l’inauguration de la réhabilitation du Sillon de Bretagne,
le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a prononcé un discours
sur le Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain.
www.gouvernement.fr/premier-ministre/inauguration-dusillon-de-bretagne-renove-a-saint-herblain