(Maître Mathias EKE) Contre La société A.E.R.I.A

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KF/KV

REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE ------------------- TRIBUNAL DE COMMERCE D’ABIDJAN

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RG N° 832/2014

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JUGEMENT CONTRADICTOIRE Du 08/05/2014

------------ Affaire : La société ESCALE FREE SHOP

(Maître Mathias EKE)

Contre La société A.E.R.I.A

(Maître Anthony, FOFANA & Associés) -------------- DECISION : --------------

Contradictoire Se déclare incompétent au profit du Tribunal de 1 ère instance d’Abidjan Plateau ayant une compétence en matière administrative. Condamne la société ESCALE FREE SHOP aux dépens .

AUDIENCE PUBLIQUE DU 08 MAI 2014

Le Tribunal de Commerce d’Abidjan, en son audience publique du Jeudi huit mai de l’an deux mil quatorze, tenue au siège dudit Tribunal, à laquelle siégeaient : Docteur KOMOIN FRANCOIS, Président du Tribunal ;

Messieurs KACOU BREDOUMOU, ALLAH-KOUAME JEAN

MARIE, NIAMKEY PAUL, SILUE DAODA, Assesseurs ; Avec l’assistance de Maître KOUTOU A. Gertrude, Greffier ; Avons rendu le jugement dont la teneur suit dans la cause entre : La société ESCALE FREE SHOP, société à responsabilité limitée, dont le siège social est sis à l’aéroport Félix Houphouet Boigny d’Abidjan (Côte d’Ivoire), 11 BP 1739 Abidjan 11, ayant pour représentant légal, Monsieur KAUL Meless Michel, son gérant, demeurant au siège de ladite société ; Demanderesse, représentée par son conseil, Maître Mathias EKE, Avocat près la cour, y demeurant Cocody les II Plateaux, Bd Latrille, Résidence « SICOGI LATRILLE » (près de la mosquée d’Aghien) bâtiment N, 1 er étage, porte 162, 06 BP 1774 Abidjan 06 ; d’une part ; Et La société A.E.R.I.A Société Anonyme, au capital de 600.000.000 F CFA dont le siège social est à Abidjan Port Bouet, sur le site de l’aéroport, 07 BP 30 Abidjan 07, ayant pour représentant légal, Monsieur DARRIAU, son Directeur Général ; Défenderesse, représentée par son conseil Maître Anthony, FOFANA & Associés d’autre part ; Enrôlée pour l’audience du 27 mars 2014, l’affaire a été appelée. Le Tribunal a constaté la conciliation des parties. Le dossier étant en état, il a été mis en délibéré pour le 1

10/04/14. A cette date le délibéré a été rabattu et renvoyé au 17/04/14 pour les observations de la demanderesse sur les moyens d’incompétence soulevés d’office par le Tribunal. A l’audience du 17/04/14, l’affaire a été remise en délibéré pour décision être rendue le 08/05/14. Advenue cette date, le Tribunal a vidé son délibéré comme suit.

LE TRIBUNAL

Vu les pièces du dossier ; Ouï les parties en leurs fins, demandes et Conclusions ; Et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par exploit d’huissier en date du 14 mars 2014, la société ESCALE FREE SHOP a assigné la société A.E.R.I.A à comparaître le 27 mars 2014 devant le Tribunal de ce siège en paiement de la somme de deux milliards (2.000.000.000) de francs CFA. A l’appui de son action, la demanderesse expose que suivant convention N° 019/2013 d'occupation temporaire du doma i ne public de l'aéroport Félix Houphouët Boigny d'Abidjan en date du 04 Avril 2013, la société AERIA l’a autorisé a occupé un espace sur l'aéroport , emplacement VIP, situé en zone sous douane ; Qu’elle devait y exercer l'ensemble de ses activités d'exploitation de boutique sous douane « free shop», d'entrepôt fictif en vertu de l'agrément N° 274 E.F ; Que son activité ayant été fortement perturbée, elle a dû solliciter auprès des autorités douanières une prorogation du délai de val i dité des déclarations de type IM7 portant sur diverses boissons: S 11 du 13/01/2010; S 194 du 20/04/2010 et S 196 du 21/04/2010 d'une part et d'autre part le renouvellement de son agrément d'entrepôt N° A 274 ; Que suivant correspondance en date du 1 er août 2012, la 2

Direction des douanes a prorogé le délai de validité des déclarations pour une durée de six mois .

Que pour sûreté, conservation et avoir paiement de tous les droits de douanes sur la marchandise entreposée, une caution de cent vingt millions (120.000.000) de francs CFA avait été mise en place en faveur de la douane ; Qu'à peine installée, au salon ministériel de l'aéroport international Félix Houphouët Boigny, le protocole de la présidence de la République, lui enjoindra de démonter toutes ses installations commerciales ; Qu'après démontage de ses installations commerciales, elle a écrit aux autorités de teneur suit : la société AERIA une lettre dont la « Abidjan le 11 juin 2013

Objet : Confirmation de démontage Monsieur le Président,

Lors de notre rencontre du 16/06/2013 vous nous avez demandé de démonter le site de notre activité « duty free » installé au salon ministériel de l'aéroport international Félix Houphouët Boigny, et ce sur ordre de Monsieur le Ministre Directeur de Cabinet de Monsieur le Président de la

République.

Nous en prenons acte et vous confirmons notre intention de

nous y conformer dans bref délai.

Cette décision à nous imposer étant lourde de conséquences

financières (fournisseurs, douanes, architecte, assurance,

banque, employés, transitaires) et dans le souci de pouvoir y faire face, nous nous permettons de vous demander de nous adresser un courrier officiel à cet effet.

Convaincus que vous comprenez parfaitement notre et dans

l'espoir d'une suite favorable à notre requête, recevez monsieur le président l'assurance de notre déférent respect.

KAUL MELEDJE Richard Directeur-Escale Free Shop »

Qu’elle avait placé dans un entrepôt de l'Administration des Douanes sis à l'aéroport Félix Houphouët Boigny, des marchandises évaluées à quatre vingt milliards 3

(80.000.000.000) de francs CFA et qui étaient en attente de dédouanement ; Que pour des raisons qu'elle ignore, en dépit du fait que ces marchandises étaient sous la garde de la douane, celle-ci a permis que des tiers viennent les saisir et les enlever en sa présence, et ce, au mépris des dispositions du Code des Douanes ; Qu'aujourd'hui, cette administration tente d'actionner la caution de la requérante pour le paiement des frais de dédouanement, alors même qu'elle est sans ignorer que les marchandises sous dépôt douane peuvent être retenues par l'Administration des Douanes jusqu'au complet paiement des droits et taxes de dédouanement ; Que ce tt e a tt itude de la douane s'analyse en une renonciation à une sûr e té r ée l le est une exception que la requérante , débiteur principa l , entend opp o ser a u créanc i e r pou r su i vant ; Qu' aux t ermes de l ' article 1134 du code civil :

«

Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à

ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement

mutuel ,

ou pour les causes que la loi autorise

.

Elles doivent être exécutées de bonne foi. » Q ue l'articl e 7 d e l a conven t ion N° 0 1 9/2013 d'occupation temporaire d u d o m a ine pu b li c de l' aéroport Fé li x Houphouët Bo i gny d'Abidjan en date du 15 avril 2013 :

« L a présente autorisation est accordée et acceptée pour une durée d '

un an à compter du 15 avril 2013. Elle prendra donc fin de plein droit le 14 avril 2014, sans possibilité de tacite réduction et le titulaire ne peut se prévaloir

d '

aucun droit au maintien dans les lieux. » Qu e l’article 1134 du code civil p ose l e p ri nc i pe de l a force ob l iga t oire des cont r a t s entre l e s parties ; Qu' e n a ppli cat i o n de ce pr i ncipe l o r squ'une du r ée a é t é st i pulée au co n trat , cell e -ci do it êtr e r espectée pa r les parties ; Que toute ruptur e a nti c i pée du contrat avant l e t erme convenu engage l a r e spon sab ilit é de so n au t eur ; 4

Qu ' en l ' espèce , l'initiative de la il est constant que la société AERIA a pris r upture unilatérale du contrat avant le terme convenu; Que cette rupture étant constitutive d'une faute contractuelle, il y a lieu de r eteni r la responsabilité contractuelle de la société AERIA pour rupture abusive de la convention N° 019/2013 d'occupation temporaire du domaine public de l'aéroport Félix Houphouët Boigny d ' Abidjan en date du avril 2013. Qu'aux termes de l'article 1149 du code civil « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé … » Que cette disposition pose le principe de la réparation intégrale comprenant la perte faite et le manque de gain pour la victime ; Qu'en l'espèce, suivant convention N° 019/2013 d'occupation temporaire du domaine public de l'aéroport Félix Houphouët Boigny d'Abidjan en date du 04 avril 2013, la société AERIA a autorisé la société ESCALE FREE SHOP a occupé un espace sur l'aéroport, emplacement VIP, situé en zone sous douane pour une durée d’un an, allant du 15 Avril 2013 au 14 Avril 2014 ; Qu'il est établi que la société AERIA a pris l'initiative le 10 juin 2013 de rompre la convention ; Qu ' il en résulte un manque à gagner ou une perte de gain dont la société ESCALE FREE SHOP sera privée du fait de la société AERIA ; Que le préjudice qu'il convient de réparer s'évalue à la somme de deux milliards (2.000.000.000) de francs CFA au paiement de laquelle la société A.E.R.I.A doit être condamnée; La défenderesse n’a pas fait valoir de moyens. Le Tribunal a soulevé d’office son incompétence en raison de la nature administrative du contrat liant les parties et sollicité conformément à l’article 52 du code de procédure civile, commerciale et administrative les observations des parties. La demanderesse considère que le Tribunal de Commerce est compétent pour connaître du litige l’opposant à la société A.E.R.I.A en raison du fait que les Tribunaux de première instance et les sections détachées ont une plénitude de 5

juridiction qui leur permet de connaître des actions en dommages-intérêts consécutifs à la résiliation unilatérale par l’administration d’un contrat. Elle ajoute que les deux parties au conflit sont des sociétés commerciales immatriculées au registre de commerce et de crédit immobilier. Quant à la société A.E.R.I.A qui, entre temps, s’était constitué un conseil, elle conclut à l’incompétence du Tribunal de Commerce parce que le contrat conclu par les parties est un contrat administratif.

SUR CE En la forme

Sur le caractère de la décision

La défenderesse a été assignée à son siège. Il y a lieu de statuer par décision contradictoire à son égard.

Sur la compétence du Tribunal de Commerce

Il est constant que le 15 avril 2013 la société ESCALE FREE SHOP et la société A.E.R.I.A ont conclu une convention d’occupation temporaire du domaine public de l'aéroport Félix Houphouët Boigny d'Abidjan. La lecture des stipulations de cette convention révèle que celle-ci, en ses articles 3, 6, 7, 8, 9,12, fait référence à un Cahier de Clauses et Conditions Générales (CCCG). Ce Cahier de Charges en son article 1 er stipule : « Le domaine Public de l’aéroport est constitué de l’intégralité

de l’emprise aéroportuaire. Il est affecté au service public aéronautique. Les activités non aéronautiques exercées sur l’aéroport doivent

en conséquence être compatibles avec cette affectation. » L’article 2 de ce Cahier de Charges précise : «Toutes les autorisations ou conventions accordées par le

Gestionnaire, quelle que soit leur forme, sont régies par les

seules règles du droit administratif.

Elles échappent, sauf dispositions expresses contraires, aux autres règles en matière de location ; ainsi les législations

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relatives aux baux ruraux, aux baux commerciaux et aux baux professionnels ou d’habitation ne leur sont pas applicables et les autorisations n’accordent aucun droit à la propriété commerciale, conformément à l’article 15.3 du cahier des charges de la Convention de concession signée le 29 Septembre 2009 entre l’Etat de Côte d’Ivoire et la société

A.E.R.I.A » Il est constant qu’un contrat est de droit public lorsqu’au moins une des deux parties est une personne publique et / ou parce que le régime juridique applicable relève du droit public. Certes, en l’espèce les parties sont des sociétés commerciales par la forme qui ont agi dans les limites de leur objet social. Toutefois la convention par elles signée fait expressément référence aux règles de droit administratif. Il en résulte que, de par son régime juridique qui est celle du droit public, ce contrat échappe aux règles du droit privé. Il est constant qu’aux termes de l’article 5 du code de procédure civile, commerciale et administrative « Les

Tribunaux de première instance et leurs sections détachées, connaissent de toutes les affaires civiles, commerciales, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée expressément à une juridiction en raison de la

nature de l’affaire.» Il y a lieu cependant de rappeler que le Tribunal de Commerce est une juridiction particulière, ayant une compétence d’attribution limitée aux litiges relatifs aux actes de commerce et aux litiges entre commerçants même ceux comportant un objet civil. En l’espèce, le litige est bien survenu entre des commerçants, mais son régime juridique est administratif. Et ce type de compétence n’ayant pas été légalement attribué au Tribunal de Commerce, il ne peut se l’approprier de son chef. C’est pourquoi, il y a lieu de se déclarer incompétent pour connaître du présent litige au profit du Tribunal de 1 ère instance d’Abidjan, qui a une compétence en matière administrative.

Sur les dépens

La société ESCALE FREE SHOP succombe. Elle doit supporter les dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

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Statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort ; Se déclare incompétent au profit du Tribunal de 1 ère instance d’Abidjan-Plateau ayant une compétence en matière administrative. Condamne la société ESCALE FREE SHOP aux dépens . Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique les jours, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

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