Supply Chain Magazine 88

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DOSSIER
APS
Quelles
prévisions et
planifications
pour demain ?
Dans un environnement incertain, la demande est de
plus en plus difficile à appréhender par des extrapolations statistiques d’historiques passés. Néanmoins, les
APS (logiciels de planification avancée) ont trouvé une
parade en développant des outils collaboratifs pour
aider à gérer les promotions et les lancements de nouveaux produits, éléments les plus contributeurs à l’incertitude de la demande. Mais si ces produits deviennent majoritaires, ce mode de gestion moins automatisé ne risque-t-il pas de devenir trop lourd ? Qu’apportent de nouveau les concepts de Big Data, Demand
Sensing, de DDMRP, de Machine Learning… ? Permettront-ils de gagner encore en performance dans
un univers plus complexe ?
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N°88 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2014
©ANTREY - FOTOLIA
©ROMMMA-FOTOLIA
A
L
e monde change. « Les Suppy Chains
sont de plus en plus complexes, car
plus connectées et plus fragmentées,
et la variabilité se propage plus rapidement, ce qui rend les systèmes plus
« nerveux », assène Carole Ptak, en
s’appuyant sur les travaux de Debra
et Chad Smith, consignés dans leur ouvrage intitulé « Demand Driven Performance, Smart Metrics
for complex Supply Chain ». « La donne a complètement changé : les systèmes ne sont plus
linéaires mais complexes et adaptatifs. Il faut
inventer de nouvelles règles pour s’adapter en permanence. Pour prendre les bonnes décisions dans
ce contexte, la visibilité est cruciale, de même que
le suivi de la variabilité entre le planifié et le réalisé. Il faut aussi mesurer le taux de transformation de matières premières en produits finis
demandés par les clients et la « cash velocity »,
le taux de la prochaine génération de cash »,
dépeint la fondatrice du Demand Driven Institute,
qui voit dans le DDMRP (Demand Driven Material
Requirements Planning) une manière d’appliquer
ce nouveau paradigme au niveau des opérations.
Une période charnière
Ainsi, si dans un système linéaire, il était relativement aisé de déduire le futur du passé par des
extrapolations statistiques, ce mode de prévisions
atteint ses limites pour un nombre croissant de
produits. De même, si l’on pouvait auparavant se
contenter d’approvisionner en masse et de produire de grandes séries, la réduction du cycle de
vie des produits et la demande de personnalisation de ces derniers poussent vers des tailles de
lots plus restreintes. Nos façons de prévoir et de
planifier risquent donc de se voir modifiées dans
les années à venir, ou pour le moins complétées
par d’autres méthodes. Les APS (Advanced
Planning Systems ou logiciels de planification
avancée) se sont adaptés aux demandes de leurs
clients et ont beaucoup évolué. « Ils ne faut pas
réduire les APS à des calculs algorithmiques. Ils
se sont spécialisés dans le service à rendre, avec
par exemple des modules à valeur ajoutée de gestion des promotions. Ils collectent les données,
font du suivi et des alertes tout au long de la réalisation, ainsi que des bilans en fin de promotion »,
indique Cédric Hutt, Directeur Général Adjoint
d’Azap. L’idée est en effet d’optimiser l’exécution
des promotions, de voir ce qu’elles ont rapporté
et de tirer des enseignements à intégrer dans le
système pour capitaliser sur l’expérience au fil du
temps. De même, pour les lancements de produits, la plupart des APS disposent de bibliothèques de profils sur lesquels peuvent s’appuyer
les prévisionnistes, en tenant compte de leur
connaissance des précédents produits similaires,
mais aussi d’autres critères influents (niveau d’investissement publicitaire, période de l’année,
concurrence…).
©C.POLGE
P S
Carol Ptak,
Fondatrice du
Demand Driven
Institute
Analyser l’incertitude
et les variations de la demande
Beaucoup d’énergie est aussi consacrée d’une part
à concevoir la demande sous forme de « fourOCTOBRE 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°88
75
Stéphanie
Duvault
Alexandre,
©OLIVIER WIGHT
Chef de produit
Futurmaster
Liam
Harrington,
©VISEO
Associé
du Cabinet
Oliver Wight
Nicolas
Commare,
Directeur
de l’activité
Supply Chain,
Viseo
76
Areas of Supply Chain big data implementation
chette » plus que sous un chif- 80%
75,0
%
fre donné et d’autre part, à
fiabiliser les informations col61,1 %
lectées au travers de mesures,
53,3 %
60%
d’analyses et de collaboration.
52,8 %
« L’outil statistique est utilisé
pour initier les choses. On
accorde à présent une part 40%
plus importante à l’analyse
30,6 %
fine, surtout celle de l’écart
25,0 %
entre le prévu et le réellement
19,4 %
20%
vendu. L’accent est mis davantage sur l’analyse de l’incertitude de la demande et sur la
réactivité de la Supply Chain, 0%
Analytics around
To enhance
To support sustainability
Supply Chain risk
S&OP planning
initiatives
poursuit le DGA d’Azap.
To increase visibility
To enchance demand
Product and market
Analysing data from social
Certes, la demande est plus
media to detect
planning capabilities
segmentation strategies
new market trends
erratique et l’on change de
modèle… mais pas tant que cela. En fait, on ana- bution, etc. Par où vont-elles ensuite faire passer
lyse l’incertitude et l’on dimensionne les capaci- quels flux au niveau tactique. Avec qui vont-elles
tés de stocks pour répondre aux aléas ». Gilles travailler en termes de fournisseurs, sous-traiAlais, Country Manager France, Barloworld Sup- tants, prestataires logistiques, transporteurs,
ply Chain Software, complète cette vision. « Au- clients… Tout cela reste vrai car les délais de décidelà de la mesure de la justesse de la prévision sion continuent de l’imposer. La nouveauté va
(Forecast Accuracy), il est important de vérifier sans doute être d’intégrer davantage le processus
l’exactitude des paramètres pris en compte tels budgétaire avec celui des opérations (S&OP), pour
que les délais fournisseurs réels (vs théoriques) garantir leur cohérence et leur réalisation effecpour maîtriser leur variabilité mais aussi celle tive (IBP pour Integrated Business Planning). La
des données injectées (ex : prévisions des volonté va être aussi de mieux capter les données
clients). Ainsi, dans l’aéronautique, nous avons d’exécution pour revoir les plans si nécessaire.
instauré des tableaux de bord qui mesurent les « Sur le court terme, les changements sont prochangements en quantités, valeurs, pourcen- portionnellement moins importants que ceux qui
tages… des prévisions des clients. Le but étant surviennent à haut niveau », tempère Liam Harque des algorithmes statistiques définissent rington, Associé du cabinet Oliver Wight. Ce qui
quelles sont les bonnes informations, ce qui est évolue va être la capacité de capter de l’informavrai et de combien ».
tion en masse et de voir comment l’utiliser à court
terme, moyen terme, voire à long terme. Mais
L’APS comme outil de pilotage
sans pour autant sombrer dans l’hyperréactivité.
Gilles Alais (Barloworld SCS) souligne également
le besoin de visibilité des entreprises auquel peu- L’avènement des Big Data
vent aussi répondre les APS de par leur transver- Avec le développement des systèmes d’informasalité. « Globalement, on note un besoin d’outils de tion, des terminaux mobiles et des capteurs d’inpilotage (processus de Sales & Operations Plan- formation en temps réel, la volumétrie des
ning ou S&OP) par rapport à ces Supply Chains données générées croît de manière exponentielle
étendues et complexes. Les sociétés ont des APS et s’exprime dans des unités qui ne nous parlent
mais attendent d’augmenter leur visibilité sur le quasi plus (des zettaoctets, soit 1021 octets !). On
réseau (usines, sous-traitants, entrepôts…). Elles parle de Big Data. Ces données « massives » sont
vont vouloir mettre en œuvre des outils collabora- de différentes natures : les « structurées », les dontifs tels que des portails web, côté clients et côté nées transactionnelles que l’on trouve traditionfournisseurs ». Cette volonté de pilotage s’exerce nellement dans les ERP des entreprises, mais aussi
à plusieurs niveaux. En effet, au niveau straté- tout un tas de données « non structurées » (issues
gique, compte-tenu des investissements à consen- des réseaux sociaux, d’avis de consommateurs, de
tir sur le long terme, les entreprises conservent contrat de garanties et de services…), des données
plus que jamais le besoin d’élaborer un plan stra- issues de capteurs (de température, d’humidité, de
tégique et des budgets pour estimer ce qu’elles positionnement – GPS –, d’informations – éticomptent gagner et vont devoir dépenser en quettes RFID, QR Codes – et des données d’une
moyens et ressources. Où doivent-elles implanter autre nature telles que les images, les vidéos, les
leurs sites de production, de stockage, de distri- sons, les voix… Selon le Gartner, les Big Data, se
N°88 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2014
SOURCE LORA CECERE, FONDATRICE DE SUPPLY CHAIN I NSIGHTS
©DR
DOSSIER
APS
©ROMMMA-FOTOLIA
caractérisent par « un haut volume, une forte
vélocité et une grande variété ». La question est
donc de savoir comment améliorer la performance de sa Supply Chain grâce à une utilisation
pertinente de ces données. Ce qui suppose déjà de
ne pas se « noyer » dedans et donc d’avoir les
compétences idoines. « Hier, la Supply Chain était
fondée sur le passé. On analysait les historiques et
avec un peu d’intelligence, on prévoyait le futur.
C’est ainsi que les APS se sont développés.
Aujourd’hui, les outils de prévisions statistiques
montrent leurs limites et le plus important, dans
une logique collaborative entre les hommes, est
d’associer une vision terrain à celle mathématique. Demain, nous aurons toujours le socle collaboratif, mais s’y ajoutera une partie prédictive
sur des données non structurées (issues des
réseaux sociaux, des avis de consommateurs…)
qu’il faudra collecter et transformer en informations exploitables, prévoit Charles Turri, Senior
Manager de Vinci Consulting. Et de poursuivre :
Cela a de multiples conséquences. Il faut déjà
avoir le matériel et les logiciels informatiques
capables de traiter un nombre gigantesque de données. Mais surtout, il faut des profils alliant des
connaissances métiers, techniques et analytiques.
On les trouve principalement chez de gros industriels qui travaillent dans une logique de CPFR
[ndlr : Collaborative Planning Forecasting &
Replenishment] avec les distributeurs et dans
l’e-commerce, où ils sont en contact direct avec
les internautes, et apprennent à traduire ces éléments en impacts sur les ventes. » Certains préfèrent d’ailleurs le terme de « Smart Data » à celui
de « Big Data ». « Nous avons de vraies demandes
de bases de données multidimensionnelles avec de
nombreux niveaux d’analyse, afin de répondre au
plus vite aux événements imprévus, explique
Stéphanie Duvault-Alexandre, Chef de produit
Futurmaster. Le terme de Smart Data me semble
plus approprié pour désigner la capacité, par de
puissants algorithmes, d’extraire des données clefs
pour prendre les bonnes décisions. »
Demand Sensing,
une autre vision de la demande
Le Demand Sensing se propose justement d’aller
chercher les bonnes données pour affiner la vision
de la demande. « Le Demand Sensing regarde plus
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Yves
Cointrelle,
©QUINTIQ
Directeur de
la Stratégie et du
Développement
Business
Intelligence,
Viseo
Henri
Beringer,
©C.POLGE
Directeur
de Quintiq
France
Gilles Alais,
Country
Manager France,
Barloworld
Supply Chain
Software
78
le comportements des clients 30%BIG DATA : Areas with the greatest expected level of ROI in Supply Chain
que les composantes de la
27,8 %
demande. Il décèle les rela25,0 %
tions entre les produits par de 25%
la reconnaissance de modèles
(pattern recognition) », expose 20%
Robert Byrne, DG et Fonda16,7 % 16,7 %
teur de Terra Technology, promoteur du Demand Sensing, 15%
avec notamment Smartops
(acquis par SAP) et Tool- 10%
groups. Cela peut aussi consis5,6 % 5,6 %
ter à trouver des variables
5%
exogènes (ex : météo sensibi2,8 %
lité, données de panélistes,
cours du pétrole…) qui expli- 0%
To enhance demand
To enhance
To support sustainability
planning capabilities
S&OP planning
initiatives
quent l’évolution de la
To increase visibility
Analytics around
Product and market
Analysing data from social
demande d’un marché. Si la
Supply Chain risk
segmentation strategies
media to detect
new market trends
demande est fortement corrélée à cette variable, et si cette dernière est prévi- répondre ! Il devient donc essentiel pour les entresible, cela revient à établir des prévisions sur cette prises de planifier à plus long terme, avec une
variable pour en déduire la prévision de la stratégie de segmentation, et de gagner en agilité
demande du produit. Mais en général, le problème pour répondre aux aléas, une fois que le reste a
est plus complexe car il se peut que plusieurs été planifié », recommande-t-il.
variables exogènes entrent en jeu et que leur
degré d’influence évolue. L’e-commerce devient à DDMRP, mieux planifier
ce titre un terrain d’analyse intéressant. « Amazon sur le court-terme
croise ce que consultent les internautes sur le site, Dans la droite ligne de ces conseils avisés, le
dans une zone donnée, avec l’anticipation des DDMRP veut aider les entreprises à mieux réponstocks. Par exemple, si 150 personnes regardent le dre à une demande fluctuante avec plus d’efficaNikon J3 dans le département 93, statistiquement, cité. « Le Demand Driven MRP est une solution
25 vont l’acheter et Amazon avance la quantité de planification multi-niveaux des stocks et des
en stock dans l’entrepôt le plus proche », illustre matières, et une solution d’exécution », résume
Nicolas Commare, Directeur de l’activité Supply Carol Ptak (Demand Driven Institute). Selon elle,
Chain de Viseo. Amazon va même plus loin en toutes les SC souffrent d’une distribution bimodale
proposant aux internautes de les livrer avant des stocks : elles en ont trop ou pas assez. Le
qu’ils n’achètent, quitte à retourner les produits DDMRP propose de modéliser l’environnement
sur l’entrepôt s’il s’est trompé… A voir si ce puis de réajuster cette modélisation en cinq étapes :
modèle tapageur sur le plan marketing sera via- 1. Concevoir la Supply Chain en définissant où
ble et pour quels produits !
placer les points de découplage stratégiques,
2. Déterminer le niveau de stock nécessaire,
Planifier à long terme pour être agile
3. Comment ajuster ces stocks de manière dyna« Dans les premières étapes de la maturité, l’ana- mique, 4. Etablir le plan tiré par la demande et
lyse des données requiert beaucoup de ressources 5. Exécuter de manière visible et collaborative.
et d’énergie afin de bien comprendre la demande « Ce système tient compte de six facteurs : le degré
et de déceler les corrélations. Une fois que l’on a de tolérance du client en matière de délai, les
bien compris les corrélations, on peut les modéli- délais potentiels du marché, la variabilité de l’ofser et enfin, comparer avec la réalité », décrit Liam fre et de la demande, la flexibilité des stocks et la
Harrington (Oliver Wight). Il met cependant en matrice de la nomenclature, la structure de
garde les entreprises sur la vision « court-terme » l’amont et de l’aval de la SC, ainsi que les resdu Demand Sensing. « Le Demand Sensing est sources critiques. Il réagit aux évolutions de la
focalisé sur les variations de la demande à court demande et aligne en permanence un taux de serterme (les deux à trois semaines à venir). Mais si vice élevé avec une diminution des stocks et des
les entreprises sont à l’aise avec ces process court urgences », assure Carol Ptak, résultats d’Unilever,
terme, elles le sont moins sur la planification de Le Tourneau Technology, d’Oregon Freeze Dry,
moyen-long terme (de 3 à 24 semaines). Appré- Romac Industries… à l’appui. « Le DDMRP est une
hender la demande avec plus de précision n’a pas synthèse du MRP, du DRP et du Lean Manufactugrand intérêt si vous n’êtes pas en mesure d’y ring qui reprend la force de ces trois concepts.
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SOURCE LORA CECERE, FONDATRICE DE SUPPLY CHAIN I NSIGHTS
©VISEO
DOSSIER
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DDMRP vs Prévisions ?
Ce pilotage court-terme supprime-t-il le besoin de
faire des prévisions ? Non, justement ! « Dans le
MRP, les prévisions commerciales sont prévues
pour le pilotage des opérations. Dans le DDMRP,
ce n’est pas le cas. On adapte le buffer par rapport à ce qui a été vendu sur les derniers mois. Et
les prévisions servent uniquement au processus
S&OP pour se projeter à trois à six mois en termes
de capacités », expose Paul Cordié, Managing
Director d’O2X Conseil. Même point de vue de
Laurent Penard, Fondateur de Citwell : « La prévision de la demande est une question d’horizon.
Le DDMRP ne le résout pas à court/moyen terme,
il traite la demande connue à court/moyen terme.
C’est un modèle adapté aux produits de grande
consommation et aux industries à forte cadence.
Quand on l’adopte, on continue à faire des prévi-
sions comme avant mais sur un axe famille technologique et S&OP pour tenir compte des
contraintes industrielles et répondre aux problèmes de lissage de l’activité (dans le cas où les
moyens sont saturés) et de besoin d’anticipation.
En fait, les solutions sont complémentaires : Si
l’on a des prévisions fiables à la référence, on n’a
pas besoin de DDMRP. Il faut segmenter les produits pour savoir comment les traiter au mieux et
faire un tableau de décisions en fonction de divers
critères (moyens sur-capacitaires ou pas, beaucoup de renouvellement d’articles ou pas…) »,
poursuit-il.
Machine Learning,
le pouvoir des « agents »
Ainsi, l’avenir tendrait vers une segmentation des
méthodes par type de produits pour prendre la
plus adaptée. Un bon moyen de gagner en performance certes, mais sans doute pas de réduire la
complexité. Va-t-on pouvoir compter sur les APS
pour apprendre par eux-mêmes (machine learning) et guider les utilisateurs ? Selon Gilles Alais
(Barloworld SCS), les APS sont déjà auto-apprenants : « Si l’on considère les analyses de risques
demande et fournisseurs issus de l’analyse des
©AZAP
C’est une démarche intéressante et pertinente qui
rend les stocks évolutifs en fonction de la
demande et assure la cohérence des processus
Supply Chain depuis la prévision jusqu’à l’organisation de la production, en passant par l’optimisation des stocks intermédiaires», estime Charles
Turri (Vinci Consulting).
Cédric Hutt,
Directeur
Général Adjoint
d’Azap
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Charles
Turri,
©DR
Senior Manager,
Vinci Consulting
Paul Cordié,
©C.POLGE
Managing
Director
d’O2X Conseil
Laurent
Penard,
Fondateur
de Citwell
historiques, les systèmes auto-adaptatifs [ndlr :
l’APS calcule de lui-même le meilleur algorithme
d’approche d’une série statistique] et l’apprentissage à l’issue des premières ventes dans le module
promotion, on peut considérer que l’on fait déjà
un peu de machine learning. Mais pour aller plus
loin, notre R&D est en train de tester les Advanced Agent Based Modeling (ABM), une approche
utilisée dans des secteurs complexes (biologie,
banques, assurances…) pour définir des interrelations entre des entités autonomes. Nous
sommes en train de monter un pilote avec un
gros acteur international de la boisson afin d’allouer la demande en temps réel aux centres de
distribution », révèle-t-il. La société israélienne
C-B4 semble d’ailleurs avoir déjà trouvé comment s’y prendre avec ce type d’agents (voir
encadré page 82).
De nouveaux algorithmes
en gestation
Futurmaster n’est pas non plus en reste côté
réflexions. « Nous avons lancé un programme avec
une équipe de chercheurs d’une université à Pékin
pour mettre au point de nouveaux algorithmes
capables de trier une grande masse de données
issues des bases de données marketing (panélistes,
etc.) et de l’entreprise elle-même (classification de
produits selon divers axes) pour en déduire des
comportement de consommation. Nous sommes en
cours de mise en œuvre chez un client et devons
délivrer ces nouveaux algorithmes d’ici fin 2015 »,
avance Michel Ramis, Directeur Commercial de
l’éditeur. Yves Cointrelle, Directeur de la Stratégie
et du Développement Business Intelligence de
Viseo, voit quant à lui arriver de nouveaux systèmes dans le domaine des données non structurées : « Des automates sont déjà capables d’exploiter des données numérisées (ex : factures, BL…)
sous forme de fichiers pdf. De nou- veaux systèmes
arrivent pour faire de l’analyse sémantique de mots
clefs dans un contexte, y compris métier, afin de
faciliter la capture d’information depuis les réseaux
sociaux, par exemple. Ces nouvelles techniques
vont pouvoir mieux capter et filtrer les informations de ressenti et de perception des consommateurs ». Ainsi, de nombreux programmes sont en
gestation pour automatiser la capture de données
de natures et de sources de plus en plus variées,
mais aussi pour faciliter leur interprétation afin de
prendre de meilleures décisions.
Une connexion directe
du consommateur au producteur
L’augmentation de la puissance de calcul des
Transstockeur
machines (loi de Moore) et le fait
que l’on puisse
Jungheinrich
utiliser à un instant t davantage de capacités serveurs via le Cloud sont autant de facilitateurs de
80
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©M IKKOLEM-FOTOLIA
©VINCI CONSULTING
DOSSIER
APS
ces nouvelles approches. Cela permet d’une part de
faire tourner les plans en quelques minutes contre
des batchs de plusieurs heures auparavant. D’autre
part, cela ouvre la voie vers la capture de données
en temps réel. Henri Beringer, Directeur de Quintiq
France, dans un exposé sur les « Big Calculations »
a pris l’exemple de l’application GPS Waze. « Google centralise les informations sur les embouteillages et le trafic en provenance de conducteurs. Ces
informations peuvent être transmises à des transporteurs, qui embarquent dans leurs véhicules des
systèmes de géo-positionnement et de prise de commande. Ainsi, avec des systèmes d’optimisation
peut-on détourner un camion pour gagner quelques
kilomètres et assurer un meilleur service. C’est un
exemple d’optimisation en continu », relève-t-il. Et
Nicolas Commare (Viseo) de compléter : « On parle
beaucoup d’objets connectés depuis un an. Des
lunettes, des miroirs interactifs… peuvent récupérer des informations en temps réel qu’ils communiquent aux SI pour aider les fabricants à mieux
sentir les évolutions des besoins et les attentes des
clients. Cet univers connecté va créer un lien direct
entre le consommateurs et le fabricant », annoncet-il. Et que dire de l’impression 3D ? Des imprimantes 3D à installer chez soi sont déjà disponibles. « Cela va révolutionner complètement la
manière de fabriquer et d’approvisionner : plus
besoin de produits fabriqués qui devancent la
demande, de les brader en cas de mauvaise estimation… Nous allons vers plus de développement
durable », se réjouit Yves Cointrelle (Viseo). « Les 10
prochaines années vont être passionnantes ! »,
conclut Charles Turri (Vinci Consulting) dans un
même élan d’enthousiasme. ■ CATHY POLGE
©TAKASU-FOTOLIA
Une expérience du Demand Sensing dans le luxe
« Le terme de Demand Sensing n’est pas normé,
commence cette experte de la SC du luxe. En
ce qui concerne notre activité, la valeur dans
notre Business consiste surtout à être bon dans le
lancement de nos produits, car cela a des impacts
positifs, notamment sur notre image et sur nos
coûts. Nous avons voulu remonter la vraie
demande sell-out captée sur l’intégralité de notre
chaîne et dans le monde entier pour améliorer la
fiabilisation des prévisions de nos lancements de
produits ». Ce grand groupe mondial réalise des
prévisions mensuelles au niveau produit/marché
et a mis en place un processus S&OP (Sales
& Operations Planning). Au niveau des lancements de produits, il s’appuie
sur des historiques. A partir
de comparaisons avec d’autres produits, en
tenant compte
de divers para-
mètres (niveau d’investissement media, bibliothèque d’événements passés…), il estime un profil de lancement potentiel. « Nous sommes en
train de mettre en œuvre du partage de données
avec les distributeurs pour compléter la remontée
des sorties de caisses de nos boutiques intégrées »,
poursuit l’experte. L’idée est en effet d’avoir de
meilleurs retours des ventes réelles au démarrage
d’un produit pour pouvoir corriger les prévisions
de lancement en conséquence ». « Nous travaillons avec Retail Solutions, qui a développé une
compétence aux Etats Unis de collecte de données massive (Big Data) et d’analyse de ces informations pour améliorer le Business (qualité de
l’assortiment, disponibilité des produits nouveaux
et en promotion) dans la distribution. A l’heure
actuelle, nous faisons pas mal d’expérimentations,
et l’intelligence de lecture de ces informations s’accroît », observe-t-elle. Pour garantir la pérennité
de ce nouveau processus, il sera décrit et intégré dans le processus de lancement et inséré
dans le Book de formation des prévisionnistes,
afin que ce savoir-faire se transmette. ■ CP
OCTOBRE 2014 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°88
81
DOSSIER
APS
Le Flowcasting, cet incompris ?
©ROBERT KNESCHKE-FOTOLIA
A l’issue des échanges que nous avons eu avec
les experts métiers au sujet du concept de Flowcasting, porté par André Martin et JDA Software,
il semble qu’il soit loin de faire l’unanimité. Déjà,
beaucoup ne l’ont pas compris et le réduisent à
la réalisation de prévisions sur la base de sorties
de caisses. En fait, le principe du Flowcasting est
de calculer une prévision à un seul endroit de la
Supply Chain pour déduire les besoins en amont
et éviter de l’effet coup de fouet résultant des
sécurités que chaque maillon de la chaîne prend
chaque fois qu’il recalcule des prévisions à son
niveau. Ces prévisions sont calculées au niveau
le plus aval, à la maille produit/magasin, sur un
horizon de 26 à 52 semaines. Voilà pour la théorie. Mais plusieurs obstacles se dressent. « Il est
souvent très difficile d’obtenir les données de
sorties de caisse en France, contrairement aux
pays anglo-saxons », souligne Séverine Duvault
Alexandre (Futurmaster). « La plupart des distributeurs ne parviennent pas à calculer des prévisions à l’article/magasin parce qu’elles sont
majoritairement erratiques. De plus, l’algorithme
proposé par le Flowcasting est un modèle de type
Croston auquel on a ajouté une particularité : si je
prévois 1 et que je vends 0, je reporte la vente
non réalisée, démythifie Charles Turri (Vinci
Consulting), qui poursuit : En plus, quel est l’intérêt de ce degré de finesse compte-tenu des
contraintes de merchandising (en mettre plusieurs
pour en vendre un) et d’approvisionnements
(arrondis de commande) pour les produits à faible
rotation ? », interroge-t-il. Bref, le Flowcasting
semble peiner à convaincre en France… ■
C-B4, une solution prometteuse
Professeur
Irad Ben Gal,
©C-B4
de l’Université
de Tel Aviv,
Président et
Fondateur de
C-B4 Ld
82
« C-B4 est issu d’une longue recherche universitaire (de huit/neuf ans) pour créer de
nouveaux algorithmes capables de calculer
des prévisions par SKU au niveau magasin,
commence le Professeur Irad Ben Gal, de
l’Université de Tel Aviv, Président et Fondateur de C-B4 Ld. C-B4 fournit une
solution automatisée de correction au
plus tôt des prévisions qui peut être utilisée quotidiennement par des planifica teurs, des responsables produits ou
des ventes. La solution C-B4 identifie le moment où la demande
change, les nouvelles tendances et
les principales variables explicatives,
ce qui permet des analyses de causes
et des actions correctives rapides.
Les données d’entrées
peuvent être les
suivantes : classiquement les
prévisions, les
stocks et les
ventes, mais
aussi, si elles
N°88 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2014
sont disponibles, la localisation, les conditions
météo, les événements, des informations en
ligne, les prix, les promotions… En sortie, la
solution produit à la SKU par magasin/ boutique internet, par client et par niveau de
localisation : des alertes sur les produits à
rotation lente, des alertes de correction de
prévisions, des nouveaux modèles de
demande et de stock, des détections d’anomalies et des profils clefs de business (des
moteurs de règles exposent automatiquement des « hidden pattern » qui impactent la demande ou toute autre variable
cible) ». Pour illustrer ces « règles cachées »,
on peut prendre le fait, par exemple, que
placer des packs de bière à côté des
couches augmente les ventes de 20 %
ce qui peut donner une idée de levier.
Autre particularité de la solution : « Les
algorithmes de C-B4 sont auto-apprenants ». Implantée en Israël, C-B4 veut
ouvrir un bureau aux Etats-Unis et en
Europe pour répondre à la demande de
ses clients étrangers. A suivre… ■ CP