Chapitre 1 : La sociologie, une démarche d

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Transcript Chapitre 1 : La sociologie, une démarche d

Université Paris 13 - L1 AES - A. Revillard - Introduction à la sociologie
Chapitre 1 : La sociologie, une démarche
d’analyse scientifique du social
I.
II.
III.
Diversité des objets, spécificité de la démarche
Une démarche d’analyse scientifique du social
Le métier de sociologue : des résultats à la
pratique de recherche
III. Le métier de sociologue : des résultats à
la pratique de recherche
A. Les méthodes quantitatives
B. Les méthodes qualitatives
C. Comment produit-on des théories?
2
III. Le métier de sociologue : des résultats à
la pratique de recherche
Bibliographie :
ARBORIO, A.-M. et FOURNIER, P. (1999). L'enquête et ses méthodes: l'observation directe, Paris:
Nathan - 128.
BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher.
BECKER H.S. 2006. Le travail sociologique. Méthode et substance, Fribourg: Fribourg Academic
Press.
BLANCHET, A. et GOTMAN, A. (1992). L'enquête et ses méthodes: l'entretien, Paris: Nathan - 128.
BOUDON, R., BESNARD, P., CHERKAOUI, M., et LÉCUYER, B.-P.(dir.) (2005). Dictionnaire de
sociologie, Paris: Larousse.
DE SINGLY, F. (1992). L'enquête et ses méthodes: le questionnaire, Paris: Nathan.
DESROSIÈRES, A. (1998). "L'opposition entre deux formes d'enquête: monographie et statistique." p.
1-9 in Justesse et justice dans le travail, sd BOLTANSKI, L. et THÉVENOT, L. Paris: PUF.
HUGHES, E.C. (1996). "La place du travail de terrain dans les sciences sociales." p. 267-279 in Le
regard sociologique, sd HUGHES, E.C. Paris: Editions de l'EHESS.
KAUFMANN, J.-C. (1996). L'entretien compréhensif, Paris: Nathan - 128.
PENEFF J. 2009. Le goût de l'observation. Comprendre et pratiquer l'observation participante en
sciences sociales, Paris: La Découverte/Grands repères.
PERETZ, H. (1998). Les méthodes en sociologie: l'observation, Paris: La Découverte - Repères.
3
III. Le métier de sociologue : des résultats à
la pratique de recherche
• La méthodologie consiste à formaliser comment se
construit et se réalise une démarche de recherche, qui
débouche sur la production de résultats empiriques et
théoriques.
• 2 grands types de méthodes, correspondant aux 2
types de données :
• Méthodes quantitatives Données chiffrées
• Méthodes qualitatives  Autres types de données
(textuelles, images)
4
A. Les méthodes quantitatives
1) Le questionnaire : définition générale
2) Types de questions
3) Objectifs
4) L’élaboration d’un questionnaire
5) Intérêts et limites du questionnaire
5
1) Le questionnaire : définition générale
• Série de questions prédéfinies posées à un
grand nombre de personnes
• Questions standardisées : les mêmes questions
sont posées dans le même ordre à toutes les
personnes interrogées
• Ex. : Enquête emploi de l’INSEE :
 36 000 personnes
 Permet de produire données chiffrées sur les PCS
(2,5% d’agriculteurs, 29,5% d’employés…) : cf
annexe 1
6
2) Type de questions
• Des renseignements factuels simples (sexe, âge,
profession, etc.)
• Des questions sur les pratiques (ex. « Combien
dépensez-vous par mois, en moyenne, pour vos achats
de vêtements? »)
• Des questions sur les représentations, opinions,
valeurs, opinions, croyances… (ex. « Suivre la
mode, est-ce quelque chose d’important pour vous?)
7
2) Type de questions
Exemple (fictif) d’une enquête sur le vêtement :
8
3) Objectifs
2 objectifs principaux des méthodes
quantitatives:
• Dénombrement, fourniture d’informations
chiffrées sur la société
• Proposition d’explications des phénomènes
sociaux à partir de la mise en relation de ces
données chiffrées
9
Objectif 1 : Dénombrement, fourniture
d’informations chiffrées sur la société
Ex. : l’Enquête Emploi de l’INSEE permet de connaître la structure de la
population active en fonction des différentes catégories
socioprofessionnelles:
Catégorie socioprofessionnelle
%
Agriculteurs exploitants
2,5
Artisans, commerçants et chefs d'entreprises
6,3
Cadres et professions intellectuelles supérieures
15,4
Professions intermédiaires
23,5
Employés
29,5
Ouvriers
22,8
Catégorie socioprofessionnelle indéterminée
Ensemble
0,0
100,0
10
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Une corrélation est une relation particulière
observée entre deux variables:
 Corrélation positive quand les deux variables
évoluent dans le même sens (Quand X
augmente, Y augmente)
 Corrélation négative quand les deux variables
évoluent en sens opposé (Quand X augmente, Y
diminue)
11
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
L’existence d’une corrélation peut suggérer
l’existence d’une relation de causalité
entre les deux variables, mais pas
nécessairement.
Corrélation ≠ Causalité
Source : BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004).
Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, p.255
12
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Une corrélation positive entre X et Y (quand X augmente, Y augmente)
peut signifier:
1.
Causalité directe entre X et Y:
1.
2.
3.
Soit X est cause de Y : X Y
Soit Y est cause de X : Y  X
Soit les deux variables sont cause l’une de l’autre, se renforcent
mutuellement : X  Y
2.
3.
Une troisième variable Z est la cause de X et Y (Z  (X et Y))
X est la cause, non pas de Y mais de Z, et Z est la cause de Y, ou
l’inverse :
1.
2.
X Z Y
Y Z X
13
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Exemple de la réussite scolaire :
Constat : corrélation positive entre place du père dans la stratification sociale
et réussite scolaire des enfants
14
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Constat : corrélation positive entre place du père dans la stratification sociale
et réussite scolaire des enfants
Ü La place dans la stratification sociale est-elle la cause de la plus ou moins bonne
réussite scolaire?
Ü Non : causalité indirecte :
Place dans la stratification sociale
Résultats scolaires
•Culture familiale (langage, repères culturels)plus ou
moins proche de celle des enseignants et de l’école
•Temps et espace disponibles pour le travail scolaire à
la maison
•Aspirations scolaires…
15
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Conclusion : l’établissement d’une relation de
causalité (hypothèse explicative) suppose de
la part du sociologue un travail d’interprétation
à partir de la corrélation constatée.
16
Objectif 2 : Proposition d’explications des
phénomènes sociaux à partir de la mise en relation
de ces données chiffrées
Point de vocabulaire : variables
dépendantes/indépendantes:
• La variable dépendante est celle qu’on cherche
à expliquer
• La variable indépendante est la variable
explicative
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A. Les méthodes quantitatives
1) Le questionnaire : définition générale
2) Types de questions
3) Objectifs
4) L’élaboration d’un questionnaire
5) Intérêts et limites du questionnaire
18
4) L’élaboration d’un questionnaire
a) Définition d’un échantillon
b) Conception des questions
c) Modalités d’administration
19
a) Définition d’un échantillon
• Distinction population / échantillon:
 Quand on fait une enquête, on s’intéresse à
une population particulière (les français, la
population d’un quartier, les femmes, les cadres…)
 L’échantillon est la partie de la population
effectivement interrogée au cours de
l’enquête (ex. 36 000 français, 300 résidents du
quartier, 1000 femmes, 400 cadres…)
20
a) Définition d’un échantillon
• Techniques d’échantillonnage:
 Méthode aléatoire : choix des personnes au
hasard parmi une liste exhaustive de la
population
 Méthode des quotas : constitution d’un
échantillon représentatif de la population
selon un certain nombre de critères
sociologiquement pertinents (ex. sexe, âge,
PCS, localisation géographique…)
21
b) La conception des questions
• Distinction questions ouvertes/fermées:
 Questions ouvertes : la personne répond de façon
totalement libre (ex. « Comment qualifieriez-vous votre style
vestimentaire? »)
 Questions fermées : la personne doit choisir parmi
une liste de réponses préformulées (ex : « Votre style
vestimentaire est plutôt:
 Classique
 Sport
 À la mode »)
22
b) La conception des questions
Avantages et inconvénients des
questions ouvertes et fermées
Avantages
Inconvénients
Questions ouvertes
Réponses plus spontanées, plus
riches et plus développées
Difficiles à exploiter dans le cadre
d’un traitement quantitatif
Questions fermées
Traitement quantitatif facilité
Risque d’influencer la réponse
- Dans les questionnaires, les questions sont le plus souvent fermées
- Les questions ouvertes sont plus souvent utilisées dans des pré-enquêtes
- Vigilance nécessaire quant à la formulation des questions pour éviter de
trop influencer les réponses
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b) La conception des questions
• Vigilance quant à la formulation des questions pour
éviter de trop influencer les réponses :
 Termes employés*
 Registre de langage
 Options de réponse proposées
 Équilibre des réponses positives et négatives*
 Ordre des questions*
24
Vigilance quant aux termes employés
Ex :
• « Etes-vous plutôt pour ou contre des
interrogations hebdomadaires? »
• « Etes-vous plutôt pour ou contre des méthodes
d’évalution des connaissances
hebdomadaires? »
Source : BARBUSSE, B. et GLAYMANN, D. (2004). Introduction à la
sociologie, Vanves: Foucher, p.258.
25
Equilibre des réponses positives et négatives
Formulation équilibrée:
« Suivre la mode est quelque chose d’important pour vous:
o Tout à fait d’accord
o Plutôt d’accord
o Plutôt pas d’accord
o Pas du tout d’accord »
Formulation déséquilibrée :
« Suivre la mode est quelque chose d’important pour vous:
o D’accord
o Plutôt pas d’accord
o Pas du tout d’accord »
26
Vigilance quant à l’ordre des questions
Question A (ouverte) : « Quelles sont les activités que vous
faîtes avec votre enfant? »
Question B (fermée) : « Avez-vous des conversations
assez longues, de plus d’un quart d’heure, avec votre
enfant? »
 Si question B posée en premier, risque d’influencer la
réponse à la question A.
Source : DE SINGLY, F. (1992). L'enquête et ses méthodes: le
questionnaire, Paris: Nathan
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b) La conception des questions
• Bilan : vigilance quant à la formulation des questions
pour éviter de trop influencer les réponses :
 Termes employés
 Registre de langage
 Options de réponse proposées
 Équilibre des réponses positives et négatives
 Ordre des questions
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c) Les modalités d’administration
Modalités par lesquelles on soumet le
questionnaire aux personnes interrogées:
• Questionnaire auto-administré (sur papier, via
Internet…)
• Questionnaire administré par un enquêteur
(face-à-face, téléphone)
29
A. Les méthodes quantitatives
1) Le questionnaire : définition générale
2) Types de questions
3) Objectifs
4) L’élaboration d’un questionnaire
5) Intérêts et limites du questionnaire
30
5) Intérêts et limites du questionnaire
• Intérêts :
 Un outil essentiel pour obtenir des données chiffrées
sur une population
 Un outil essentiel de l’explication en sociologie, grâce
à l’établissement de corrélations
• Limites :
 Le questionnaire ne permet pas aux individus de
développer leur propos, il leur impose un cadre rigide
et risque de suggérer des réponses qui ne
correspondent pas à la réalité de leurs pratiques et de
leurs représentations.
31
B. Les méthodes qualitatives
1) Présentation générale
2) L’entretien
3) L’observation
4) Méthodes quantitatives et qualitatives :
distinction et complémentarité
32
1) Les méthodes qualitatives :
présentation générale
• Dans un entretien, le sociologue pose à une personne
un certain nombre de questions en lien avec un thème
d’enquête particulier. Les questions sont des questions
ouvertes, qui attendent des réponses développées.
Ex. enquête d’A. Bernard de Raymond sur le MIN de Rungis (annexe 2.A.)
• L’observation est une méthode d’enquête par laquelle
le chercheur observe directement, par sa présence sur
le « terrain », les phénomènes sociaux qu’il cherche à
étudier.
 Ex. enquête de P. Fournier sur l’industrie nucléaire (annexe 2.B.)
 « L’enquête de terrain »
33
2) L’entretien
a) Définition générale
b) Notion de directivité d’un entretien
c) Objectifs de l’entretien et affinité avec une
démarche de sociologie compréhensive
d) Un travail en plusieurs étapes
e) Bilan : questionnaire et entretien, deux
démarches d’enquête distinctes
34
a) Définition générale
de l’entretien sociologique
• Sollicité par le chercheur dans l’objectif explicite
d’une étude sociologique sur un thème précis
• Questions ouvertes, qui attendent des réponses
libres et développées
• Un temps et un lieu distincts
• Distinction par rapport à l’entretien
journalistique, psychanalytique, et par rapport à
la conversation de comptoir
35
b) Notion de directivité d’un entretien
Directivité = degré auquel le sociologue impose son rythme à
l’entretien.
•
Entretien directif : grille standardisée (identique pour toutes les personnes
interviewées, et avec un ordre des questions à respecter). Proche du questionnaire à
réponses ouvertes.
•
Entretien non directif : l'enquêteur intervient très peu. Il indique un thème général,
que l'enquêté choisit d'explorer à sa guise.
•
Entretien semi-directif  le plus utilisé:

L’enquêteur prépare une grille d’entretien adaptée à son interviewé, mais ne suit pas
nécessairement dans l’entretien l’ordre prévu de ses questions.

Les questions doivent s’inscrire dans le fil discursif de l’interviewé, qui est laissé libre de
structurer lui-même sa pensée.

L’enquêteur pourra être amené à poser, en fonction du discours de l’enquêté, des questions
non prévues initialement, et/ou à ne pas poser certaines questions initialement envisagées.
36
c) Objectifs de l’entretien - affinité avec la
sociologie compréhensive
• Entretiens possibles sur pratiquement tous les sujets
d’enquête
• Quel que soit le sujet, spécificité de l’entretien = aborder
le sujet à partir de l’expérience qu’en a la
personne interviewée, ses pratiques, ses
représentations (cf annexe 4)
 Ex. en sociologie des organisations
37
c) Objectifs de l’entretien - affinité avec la
sociologie compréhensive
• Objectif = comprendre le sens que l’individu
assigne à ses pratiques, comprendre ses
représentations, sa vision du monde  affinité
avec la sociologie compréhensive
• Implication sur la formulation des questions et
des relances : questions ouvertes, empathie,
neutralité bienveillante.
38
c) Objectifs de l’entretien - affinité avec la
sociologie compréhensive
• L’attention aux trajectoires et aux
transformations des pratiques et des
représentations dans le temps
 Le cas particulier des récits de vie
• Faire ressortir la voix des sans-voix?
 Un exemple : Bourdieu, Pierre (dir.). (1993) La misère du
monde. Paris: Seuil.
39
d) Un travail en plusieurs étapes
1.
2.
3.
4.
5.
Prise de contact et demande d’entretien
Préparation de la grille d’entretien
Réalisation de l’entretien
Transcription
Analyse
40
Exemple de grille d’entretien
(sur le thème du vêtement)
41
Pour conclure sur l’entretien : au-delà des
préceptes techniques, l’incertitude de l’interaction
« L'entretien est une rencontre. S'entretenir avec quelqu'un
est, davantage encore que questionner, une expérience,
un événement singulier, que l'on peut maîtriser, coder,
standardiser, professionnaliser, gérer, refroidir à souhait,
mais qui comporte toujours un certain nombre d'inconnues
(et donc de risques) inhérentes au fait qu'il s'agit d'un
processus interlocutoire, et non pas simplement d'un
prélèvement d'information »
BLANCHET, A., et GOTMAN, A. 1992. L'enquête et ses méthodes : l'entretien.
Paris: Nathan - 128.
42
e) Bilan : le questionnaire et l’entretien, deux
démarches d’enquête distinctes
• Cf argument développé par Guy Michelat à l’appui de l’entretien non
directif, contre les distorsions induites par le questionnaire :
« Le recours à l'entretien non directif […] a pour but de pallier certaines contraintes des enquêtes par
questionnaire à questions fermées représentant le pôle extrême de la directivité. En effet, dans un
entretien par questionnaire, il y a structuration complète du champ proposé à l'enquêté, celui-ci ne
peut répondre qu'aux questions qui lui sont proposées, par des termes formulés par le chercheur […]
Plus précisément, l'enquêté se pose peut-être des questions dans des termes tout à fait différents de
ce qu’imagine le chercheur. De plus, les réponses qui lui sont imposées ne correspondent peut-être
pas à la formulation qu'aurait choisie l'enquêté ; mais ce qui est plus grave, ces réponses ne
correspondent peut-être pas à la dimension même qui aurait une signification pour lui. »
(Extrait de MICHELAT, G. (1975). "Sur l'utilisation de l'entretien non-directif en
sociologie." Revue française de sociologie, vol.16, p.230).
 Idée d’un conflit entre les deux méthodes
 Des méthodes aux finalités différentes, dont on peut
faire des usages complémentaires.
43
e) Bilan : le questionnaire et l’entretien, deux
démarches d’enquête distinctes
44
3) L’observation
a) Définition générale et exemples
b) Objectifs et intérêt de l’observation
c) Une pratique réfléchie
d) L’importance de l’écriture
45
a)L’observation : définition générale
• Une méthode d’enquête par laquelle le
chercheur observe directement, par sa présence
sur le « terrain », les phénomènes sociaux qu’il
cherche à étudier.
 Des temporalités variables, de l’observation de
longue durée (ou ethnographie) au recours ponctuel à
l’observation
 Récits d’une pratique, de B. Malinovski à H. Becker :
cf annexes 8 et 9
46
Le travail ethnographique selon
B.Malinowski (1922)
Bronislaw MALINOWSKI (1884-1942), anthropologue britannique, a mené
une enquête ethnographique dans les îles Trobriand (Nouvelle-Guinée) entre
1914 et 1918. Il en tire un ouvrage majeur d’anthropologie, Les Argonautes
du Pacifique Occidental (1922).
47
Le travail ethnographique selon
B.Malinowski (annexe 8)
« Aussitôt que je me fus établi à Omarakana (îles Trobriand), je commençai à
participer, à ma façon, à la vie du village, à attendre avec plaisir les
réunions ou festivités importantes, à prendre un intérêt personnel aux
palabres et aux petits incidents journaliers; lorsque je me levais chaque
matin, la journée s'annonçait pour moi plus ou moins semblable à ce qu'elle
allait être pour un indigène. […] Au cours de ma promenade matinale à
travers le village, je pouvais observer les détails intimes de l'existence
familiale, de la toilette, de la cuisine, des repas; je pouvais voir les
préparatifs pour le travail de la journée, des personnes partant faire leurs
courses, ou des groupes d'hommes et de femmes occupés à quelque
fabrication. Les querelles, les plaisanteries, les scènes de famille, les
incidents souvent sans importance, parfois dramatiques, mais toujours
significatifs, formaient l'atmosphère de ma vie de tous les jours, tout autant
que de la leur ».
Malinowski, B. (1963 [1922]), Les Argonautes du Pacifique occidental, Paris,
Gallimard.
48
La pratique d’observation décrite par
Howard Becker (1958)
Howard BECKER, sociologue
américain (1928- ), décrit dans le
texte reproduit en annexe 8 une
enquête qu’il a menée (avec
B.Geer, E. Hughes et A. Strauss)
sur une faculté de médecine.
49
Becker, Howard S. (2003 [1958]), "Inférence et preuve en observation participante.
Fiabilité des données et validité des hypothèses." In L'enquête de terrain, sous la
direction de Daniel Céfaï, Paris: La Découverte, p.350-351.
« L’observateur participant rassemble des données en prenant part à la vie quotidienne
du groupe ou de l’organisation qu’il étudie. Il regarde à quelles situations sont
confrontées les personnes qu’il fréquente, comment elles s’y comportent, et il discute
avec certaines d’entre elles pour connaître leurs interprétations des événements qu’il a
observés. En guise d’exemple particulier de technique d’observation, permettez-moi de
décrire ce que mes collègues et moi-même avons fait en étudiant une faculté de
médecine. Nous avons assisté aux cours des deux premières années et sommes restés
avec les étudiants dans les laboratoires où ils passaient le plus clair de leur temps. Nous
les avons regardés faire et avons bavardé avec eux à bâtons rompus tandis qu’ils
disséquaient des cadavres ou examinaient divers spécimens de pathologie. Nous les
avons suivis dans leurs foyers et nous nous y sommes installés pour écouter les récits
de leurs expériences de cours. Nous avons aussi accompagné les étudiants en formation
clinique, et les avons regardés pendant qu’ils faisaient leur ronde avec des médecins ou
examinaient eux-mêmes des patients. Nous avons assisté à leurs groupes de discussion
et à leurs oraux. Nous avons mangé à leur table et avons fait des gardes de nuit avec
eux […] ».
50
a) Quelques exemples d’enquêtes par
observation
• En sociologie urbaine :
 W.Foote Whyte sur un quartier italien de Boston
(Street corner society,1943)
 Ph. Bourgois sur East Harlem (En quête de respect. Le
crack à New York, 2001)
• En sociologie du travail :
 R. Sainsaulieu sur le travail en usine (L’identité au travail,
1977)
 J. Peneff sur les urgences (L’hôpital en urgence, 1992)
51
b) Objectifs et intérêt de l’observation
• L’observation permet de faire apparaître des
aspects de la réalité sociale non accessibles
dans les représentations courantes du
phénomène étudié
 Ex. en sociologie du travail, décalage entre travail
prescrit et travail réel
 Ex. en sociologie urbaine, analyse de l’organisation
sociale informelle d’un quartier (contre l’image
courante de désorganisation)
52
c) Une pratique réfléchie
-Une pratique qui n’a rien d’évident, et qui doit répondre à des
exigences multiples
-Une « technique » d’enquête qui est aussi une relation
humaine
« Le travail de terrain sera envisagé ici comme l’observation
des gens in situ : il s’agit de les rencontrer là où ils se
trouvent, de rester en leur compagnie en jouant un rôle qui,
acceptable pour eux, permette d’observer de près certains de
leurs comportements et d’en donner une description qui soit
utile pour les sciences sociales tout en ne faisant pas de tort à
ceux que l’on observe. Même dans le cas le plus favorable, il
n’est pas facile de trouver la démarche appropriée ».
HUGHES, E.C. 1996. "La place du travail de terrain dans les sciences
sociales.", in Le regard sociologique, Paris: EHESS, p.267.
53
c) Une pratique réfléchie
Il ne suffit pas « d’être là » pour observer correctement :
l’observation suppose des choix méthodologiques :
• Statut de l’observateur
 Observation à découvert ou incognito
 Observation participante ou plus en retrait
• Choix d’un point de vue d’observation
• Conception d’une grille d’observation
54
Le statut de l’observateur
• Participation ou non aux activités
observées?
• Observation « à découvert » ou
« incognito »/
« à couvert »? (l’activité
d’observation du chercheur est-elle
connue des enquêtés?)
55
Le statut de l’observateur
Activité d’observation
Inconnue des observés
(observation incognito)
Faible participation
Forte participation
Activité d’observation
Connue des observés
(observation à découvert)
Degré de
participation
56
Exemple de grille d’observation
57
d) L’importance de l’écriture dans le
travail d’observation
• La prise de notes sur le terrain
• Le journal de terrain
 Descriptions
 Évolution de la grille d’observation
 Notes méthodologiques
 Pistes d’analyse
58
4) Méthodes quantitatives et méthodes qualitatives
: distinction et complémentarité
• Des conflits importants…
• … Mais des méthodes en réalité complémentaires du
point de vue à la fois des connaissances empiriques et
du type d’analyse qu’on peut en tirer
• Du point de vue des connaissances empiriques : de
façon schématique :
 Méthodes quantitatives  petit nombre d’informations
sur grand nombre d’individus
 Méthodes qualitatives  grand nombre d’informations
(information plus dense, plus complète) sur un petit
nombre d’individus
 Ex. de l’enquête sur le vêtement
59
4) Méthodes quantitatives et méthodes qualitatives
: distinction et complémentarité
• Des méthodes complémentaires du point de vue
du type d’analyse qu’on peut en tirer :
 Méthodes quantitatives : analyse causale à partir de
corrélations; mise en évidence de déterminants des
pratiques et des représentations étudiés.
 Méthodes qualitatives : compréhension, identification
de processus
 Ex. enquête sur l’usage de la marijuana
60
4) Méthodes quantitatives et méthodes qualitatives
: distinction et complémentarité
• Bilan : sur un même objet empirique, le choix de la
méthode dépend de la question qu’on se pose, ou du
type d’analyse qu’on veut mener.
Ex. de l’école :
• Étude des inégalités de réussite scolaire : méthodes
quantitatives
• Étude des interactions élèves/enseignants : observation
directe
• Étude des trajectoires scolaires des élèves et de la
manière dont elles sont vécues par ceux-ci : entretiens
61
C. Comment produit-on des théories?
• Démarche hypothético-déductive
• Démarche inductive
• Un va-et-vient entre terrain et théorie : la
grounded theory
62
Démarche hypothético-déductive :
la primauté de la théorie
1.
Élaboration
des
hypothèses
à partir des
théories
existantes
2. Enquête
3. Validation ou
réfutation des
hypothèses
63
Démarche inductive :
la primauté du terrain
1. Enquête
2. Elaboration théorique
64
Grounded theory :
un va-et-vient entre terrain et théorie
1. Enquête de
terrain
2. Premières
hypothèses,
amorce
d’élaboration
théorique
3. Retour sur le terrain :
réorientation du regard
5. Grounded
theory
4. Raffinement des
hypothèses, de la
construction théorique
65