Mondialisation et inégalités sociales en Europe (II) Quelle(s)

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Transcript Mondialisation et inégalités sociales en Europe (II) Quelle(s)

Mondialisation et inégalités
sociales en Europe (II)
Quelle(s) régulations ?
Bernard Yvars
Chaire Jean Monnet en intégration
régionale comparée
Université Montesquieu-Bordeaux IV
Comment prendre en charge l’aggravation des problèmes
sociaux en Europe (inégale selon les régions)? Faut-il agir par la
voie d’une régulation nationale aujourd’hui dépassée1 ou mieux,
européenne ou mixte ? Dispose-t-on de réelles marges régionales
de manœuvre à l’heure de la mondialisation des économies ?
Plan : Une Union européenne à 27 économiquement
performante (I), affaiblie par une divergence économique intrazone euro (II) et devant refonder son modèle socio-économique
(III).
1 - L’Europe sera fédérale ou ne sera pas. Cela implique que les classes politiques nationales se
«sacrifient» (et renoncent à tout ou partie de leurs rentes) au bénéfice d’une nouvelle classe
politique supranationale européenne. Est-ce possible ?
I - Une Union européenne à 27
économiquement performante …
Le décloisonnement économique international des
économies a démarré dans les années 90 et se poursuit sous
l’égide de l’OMC, renforçant la prégnance du multilatéralisme.
De nouvelles lignes de force apparaissent tandis que d’anciennes
tendent à s’estomper. On peut notamment remarquer :
- le poids considérable de l’U.E. dans la DIT en termes
d’échanges commerciaux et d’IDE : la mondialisation a
consolidé le rôle de 1ère zone économique mondiale de l’U.E..
L’Union est la 1ère zone planétaire de consommation mais elle
est aussi la 1ère zone d’IDE et de production (PIB mondial le
plus élevé).
- l’émergence de l’Asie est très marquée dans
les échanges commerciaux et les IDE entrants.
C’est la zone de production mondiale avec la
croissance la plus forte. Selon les activités, elle est
la 1ère ou la 2ème aire d’exploitation des avantages
comparatifs ou compétitifs.
- le déclin relatif de l’Amérique du Nord,
nomment des États-Unis, est net. Malgré le PIB
courant annuel le plus élevé après celui de l’U.E.,
les États-Unis enregistrent une érosion de leurs
positions économiques à la fois sur les marchés
extérieur et intérieur.
(graphiques 1, 2 et 3)
L’Union européenne tire un grand avantage de la
mondialisation mais gagnerait à agir dès maintenant dans
deux directions:
. d’une part, réactiver l’approfondissement de son
processus intégrateur interne par davantage de politiques
communes impulsées par un gouvernement économique et
politique de la zone euro (la référence optimale résidant dans
le fédéralisme) de façon à renforcer sa cohésion économique et
sociale interne (et éviter les crises).
. d’autre part, au niveau international, le libre-échange
intégral sans régulation pertinente engendre des situations
chaotiques (la régulation par les organisations internationales
étant insuffisante). Or, l’Union a la capacité économique (mais
pas une conscience et une volonté politique affirmées) de
proposer ses choix de politique économique dans la
négociation internationale pour contribuer à la correction des
déséquilibres réels ou monétaires internationaux.
Cela étant, la prospérité et le bien-être des populations
de l’U.E. sont aujourd’hui en danger sous l’effet des crises issues
de l’endettement des économies nationales et des dérives
chaotiques d’une économie mondiale très mal régulée.
Face aux nouveaux défis, la réactivation du projet
fédéraliste est la seule voie capable de rassembler les forces vives
du continent. Quitte à ce que le processus n’engage, dans un
premier temps, qu’un petit nombre de pays européens, les plus
convergents en termes réels de la zone euro.
Les difficultés actuelles de la zone euro devraient
faciliter la compréhension
d’une telle nécessité.
II … affaiblie par une divergence
économique majeure intra-zone euro
En s’endettant et en acceptant la logique du marché
mondialisé (en renonçant par exemple à la préférence
communautaire) qui creuse les déficits commerciaux, à de
rares exceptions près, et qui déstructure l’emploi, les Etats de
l’U.E. se sont mis dans de graves difficultés.
Celles-ci pourraient d’autant plus conduire à une crise
majeure que le vieillissement des populations ne laisse rien
augurer de bon au plan économique : faiblesse de la demande
intérieure, alourdissement des dépenses et des charges
sociales, manque de dynamisme en matière d’investissement
et d’innovation. La croissance risque d’être faible dans les
prochaines années (insuffisante pour répondre à tous les
besoins en biens publics).
Qu’est ce qui fait l’acuité de la crise économique
actuelle pour la zone euro ?
C’est la divergence économique intra-européenne
sur les fondamentaux réels (et
les décideurs européens l’ont toujours su !)
Elle s’accroît entre les Etats de la zone euro en
déficit de finances publiques et à solde positif de
transactions courantes et les autres Etats, en situation
très critique, concernés à la fois par les déficits jumeaux
des comptes publics et des échanges avec les pays tiers
(leur base productive future est incertaine ou altérée)
Ainsi, en matière de déficits publics, ceux de la zone euro et
de l’Union européenne à 27 atteignent en 2009 respectivement
6,3% et 6,8% du PIB (et la dette publique respectivement 78,7% et
73,6%).
En 2009, les déficits publics les plus élevés ont été observés
en Irlande, en Grèce, en Espagne, au Portugal, en France. Aucun
État membre n'a enregistré un excédent public en 2009.
En résumé, la politique de la dette à laquelle se sont livrés
la plupart des Etats européens pour financer la demande sociale
puis les emprunts contractés pour secourir les banques ont
considérablement aggravé leurs dettes publiques .
Cette situation préoccupante limite la marge de manœuvre
économique des gouvernements européens. A la fin 2009, la
France sera débitrice de 1489 milliards d’euros, soit plus de 4,5
fois le montant total de ses recettes fiscales de 2009.
En matière de soldes des transactions courantes, le
graphique 4 montre que seuls cinq pays de la zone euro
dégagent une capacité de financement (épargne
extérieure), révélant une bonne insertion dans la DIT. Cela
est vrai de l’Allemagne dont la spécialisation internationale
est remarquable mais qui pratique aussi depuis plusieurs
années, avec l’accord des syndicats, une réelle déflation
salariale pour sauvegarder l’emploi. Les autres pays sont
dans une situation très difficile mais acceptent néanmoins
de participer sans réserve à la mondialisation (?).
Remarquons aussi qu’une part essentielle du solde
courant positif est réalisée par ces pays au sein même de
l’Union européenne (zone d’échanges naturelle).
III… et qui doit refonder son
modèle économique et social
Si le risque d’un éclatement de la zone
euro est peu probable à court terme, sa
consolidation pour la réduction des
divergences implique un changement de
régime économique et social.
Cette rénovation économique et
sociale
peut
recouvrir
plusieurs
dimensions :
. Une meilleure régulation publique de la finance
de marché, la solution optimale
étant la
nationalisation du secteur bancaire et financier des
pays de l’U.E. ou au minimum, la séparation des
activités des banques (activités de détail et de
marchés).
. Pour pallier les déficits publics, il pourrait être
possible d’émettre des titres publics européens
financés par l’épargne privé des ménages, ce qui
éviterait de s’adresser aux versatiles marchés des
capitaux internationaux et de subir les effets négatifs
d’agences de notation aux analyses parfois peu
approfondies et partiales.
Cela dit, il est désormais indispensable que les
Etats non vertueux en matière de finances publiques
cessent de vivre au-dessus de leurs moyens.
. Soumettre les marchés internationaux (au niveau
mondial ou régional) à une régulation telle que celle
observée pour la politique de la concurrence aux EtatsUnis avec saisine de tribunaux utilisant toute l’étendue
des sanctions pénales.
Ainsi, en cas de spéculation avérée sur un bien
collectif telle qu’une monnaie nationale, celle-ci
deviendrait un délit exposant le ou les auteurs à des
amendes pécuniaires et à des peines d’emprisonnement,
suivant en cela l’exemple des sanctions pour le nonrespect du Sherman Act aux Etats-Unis en matière de
politique de la concurrence.
.Développer au niveau de l’U.E. une politique
d’activités par des politiques communes (industrie et
services). L’effort d’innovation et de qualification du
travail doit être poursuivi.
Cela étant, l’adaptation de l’offre productive se
caractérise souvent par une montée en gamme ou la
création de produits plus intenses en innovation. La
création
d’emplois
pourrait
alors
s’avérer
insuffisante. De plus, l’innovation s’internationalise
et ne sera plus à terme monopolisée par les actuels
pays leaders.
. La dérive des pays en difficulté de soldes courants de la zone euro
(Grèce, Espagne, Portugal, Irlande et dans une certaine mesure, l’Italie et
la France), en raison de leur insertion difficile (?) dans la DIT, doit conduire
l’U.E. à édifier une nouvelle forme de Welfare State.
L’UE doit se préoccuper de cohésion sociale et territoriale pour ne
pas aggraver les disparités interrégionales. Un outil mixte
(national/communautaire) pour assurer gratuitement aux personnes
exclues de l’activité une couverture minimale des besoins essentiels
(CMBE) en alimentation, en logement, en transport et en santé pourrait être
créé (solidarité envers les exclus de la mondialisation).
Faute de quoi, les tensions sociales pourraient devenir insupportables.
Cela implique aussi une maîtrise des flux migratoires pour éviter les effets
d ’appel d’un tel dispositif. L’immigration clandestine en particulier est non
soutenable.
Dans ce sens, une harmonisation plus stricte des accords de
Schengen est nécessaire dans un contexte intra-européen de rareté
relative de la demande de travail et d’offre légale de travail caractérisée
par une main - d’œuvre inemployable dont l’importance est très sousestimée.
. La politique d’élargissement est à revoir dans
la mesure où n’étant pas une politique
d’approfondissement de l’intégration, elle conduit
à accroître les difficultés de l’U.E. (adhésion de
pays très en retard de développement économique
et social).
Un scénario pragmatique : utiliser l’Espace
économique européen (EEE) comme structure de
voisinage et de coopération de tout pays
périphérique à l’U.E. (les Etats balkaniques, la
Turquie et les pays de l’est européen, non
membres de l’U.E., pourraient s’y retrouver).
Dans cette perspective, le partenariat avec
la Russie doit devenir prioritaire parce que les
derniers bouleversements historiques et la
mondialisation
ont
créé
une
situation
géostratégique et géoéconomique inédite (une
solidarité de fait) pour l’Europe et la Russie par
rapport au reste du monde.
§§§
MERCI DE VOTRE ATTENTION