Support du cours

Download Report

Transcript Support du cours

Psy Q 01 A
Cognition sociale
Emotions & cognition sociale
Contrôle : Examen sur table
Contact :
-par courriel :
[email protected]
Ouvrage de référence
CHANNOUF A. (2006). Les émotions Une
mémoire individuelle et collective.
Sprimont (Belgique) : Mardaga.
Plan du cours
Emotions & cognition sociale
1. Introduction (philosophiques)
1.1. Baruch Spinoza
1.2. Arthur Schopenhauer
1.3. William James
2. Les émotions comme mémoire (biologistes,
anthropologues et psychologues)
2.1. Mémoire universelle de l’espèce
2.2. Mémoire inconsciente des sociétés
2.3. Mémoire implicite individuelle
3. A quoi servent les émotions ?
3.1. Les émotions nous informent sur nous-mêmes
3.2. Les émotions nous préparent à l’action
3.3. Les émotions nous disent nos valeurs
4. Les émotions inconscientes
4.1. De la primauté des émotions(Zajonc)
4.2. De la primauté des cognitions (Mandler)
4.3. Le cerveau émotionnel
5. Comment les émotions (en tant que mémoire
implicite) prédisent les conduites sociale (jugement,
décision, comportement) ?
Objectif principal du cours
Comprendre comment les émotions peuvent
constituer un bon prédicteur des conduites
sociales pour pallier la faible prédictibilité à
partir des attitudes dans les modèles des
années 1970/1980
Leur forte prédictibilité est liée :
1) à leur antériorité sur la cognition et le
comportement
2) au fait qu’elles sont une mémoire implicite
individuelle et collective
Intérêt théorique
Argumenter l’idée que les émotions
constituent une mémoire implicite
individuelle et collective qui peut, à
l’insu de la conscience, influencer ou
déterminer un comportement à partir
des expériences passées et de leurs
conséquences
Intérêt
pour
les
domaines
d’application
1. L’effet des émotions sur la perception des
risques
(santé,
sécurité
routière,
environnement)
2. L’effet des émotions sur l’évaluation (à
l’école, au travail, dans les décisions de
justice)
3. Les effets des cognitions inconscientes
sur le stress professionnel et les troubles de
l’émotion
et
de
l’adaptation
(cours
Master2Pro et Master2 Recherche)
Pensée (cognition) & émotion selon Platon
Intellect
Volonté
Passions
1.
Introduction
Dans « La République » Platon (428
env.- env. 327 av. J-C.) avance que
notre âme (comme la société) est
tripartite :
« L’intellect (situé dans la tête), dirige
la volonté (située dans la poitrine).
La volonté a une fonction de
gardiennage, elle est l’alliée de
l’intellect et doit combattre les désirs et
les passions
- les passions (dans le ventre) : lieu du
désordre »
La métaphore est politique et la conception est
une
conception
de
contrôle
social.
Le contrôle des émotions est lié au contrôle du
peuple
Les émotions, comme le peuple, constituent un
danger que les dirigeants (l’intellect) doivent
contrôler grâce à la force de l’armée (la
volonté)
L’idée dominante chez les philosophes de la
période Hellénistique est qu’il faut contrôler les
émotions par la pensée et le raisonnement.
Que résume cet aphorisme
« Ce ne sont pas les événements qui causent
nos souffrances, mais les jugements que nous
portons sur les événements », Epictète (50-130
Av.J-C)
- Idée dominante jusqu’à Spinoza et au delà
e. g. : Premier postulat dans les thérapies
cognitives actuelles
1.1. Spinoza
(je suis ému, donc j’existe)
Selon Baruch Spinoza (1632-1677)
Le jugement n’est pas la cause des
passions, il est leur conséquence
« Quand nous (…) désirons une chose, ce
n’est jamais parce que nous jugeons qu’elle
est bonne. Mais au contraire, si nous
jugeons qu’une chose est bonne, c’est
précisément parce que nous (…) la
désirons » (1925/1999, p. 221)
Cette conception est en totale opposition par
rapport
aux
conceptions
dominantes
- elle remet en cause la conception dualiste
(âme et corps) pour proposer une conception
moniste
- elle met les émotions au centre de l’Homme:
« l’Homme est avant tout un être de désir et
de volonté ».
1.2. Schopenhauer (je suis ému, donc je me
souviens)
Schopenhauer, à qui on attribue la découverte
de l’inconscient avant Freud, ne fait pas
l’éloge des émotions, mais il analyse leurs
puissants effets sur la raison.
II utilise la notion de mémoire du cœur pour
désigner les souvenirs oubliés mais dont les
traces émotionnelles continuent à agir en
nous.
« …La chose une fois disparue, ma mémoire
n’en a retenu que le contrecoup sur la
volonté, et ce souvenir devient souvent le fil
conducteur qui nous ramène à la chose ellemême. La vue d’une personne produit parfois
sur nous un effet analogue. Nous nous
rappelons en effet avoir eu affaire à elle, sans
savoir cependant où ni quand. Sa vue suffit à
provoquer en nous l’impression qu’autrefois
nous avons emportée de nos liens avec
elle ».
Citation tirée de « Le monde comme volonté
et comme représentation », (1818)
1.3. William James (je fuis, donc j’ai
peur)
« Ce n’est pas parce que nous avons peur que
nous fuions, mais au contraire, c’est parce
que nous fuions que nous avons peur », 1892,
1894
James est le premier à avoir avancer une
approche scientifique des émotions,
empiriquement vérifiable
C’est la prise de conscience des
modifications physiologiques qui constitue
les émotions.
Le débat de James-Lange avec les
physiologistes Cannon et Bard a donné lieu à
de nombreuses recherches jusqu’aux années
1960 et l’avènement des modèles de Schacher
et Singer et celui de Valins
Figure 1. Sens commun,
Figure 2. Modèle James-Lange
Théorie périphéralist theory Vs. Théorie
centraliste
Cannon-Bard Vs. James-LAnge
Que retenir de la philosophie de Spinoza pour
la psychologie sociale ?
- Ce sont les émotions qui influencent et
parfois déterminent le jugement et non
l’inverse
Implications nombreuses pour l’évaluation, la
décision, les relations à autrui, les attitudes,
les opinions etc.
Que retenir de Schopenhauer ?
Au delà de l’idée des influences inconscientes
et du non accès aux processus internes, il y a
cette idée fondamentale en psychologie
sociale:
1) que la mémoire des expériences passées les
plus significatives continue à agir sur les
conduites actuelles,
2) que les réactions actuelles ne sont pas en
fonction de la situation mais de ce que évoque
la situation en mémoire
2. Les émotions comme mémoire
Elles sont la mémoire de conduites jadis très
utiles pour l’Homme. Elles sont aussi la
mémoire de l’histoire individuelle faite des
événements les plus marquants. C’est une
mémoire implicite où l’événement est oublié,
mais la réaction qu’il a généré demeure en
mémoire.
Un des arguments théoriques les plus forts en
faveur de la pertinence des émotions dans la
prédiction
des
comportements
:
Les émotions constituent une mémoire des
comportements passés les plus importants, i.
e. ceux qui ont été associés à des
conséquences positives ou (et surtout) des
plus négatives
Les émotions constituent une sorte de
mémoire implicite (inconsciente) à différents
niveaux :
I) Au niveau de l’espèce
II) Au niveau de la culture (une société, une
nation etc.)
III) Au niveau individuel
2.1. Les émotions comme mémoire universelle
de l’espèce
La peur déclenche une augmentation des
battements cardiaque, augmentation du
rythme respiratoire, l’irrigation des membres
en priorité au détriment des viscères…cela
constitue une préparation pour l’effort de fuite
ou d’attaque.
Or, aujourd’hui, ces réactions ne sont plus
adaptatives, l’environnement a évolué trop
vite par rapport au cerveau émotionnel
Les réactions émotionnelles innées sont
limitées à quelques expressions lorsqu’elles
ne sont pas inhibées par la culture.
Darwin : les émotions sont un héritage
phylogénétique. Elles étaient parfaitement
adaptatives à une période lointaine et leurs
expressions échappent à notre contrôle.
Ces expressions dérivent de comportements
fonctionnels
L’hypothèse de la mémoire universelle
Selon Darwin : Les émotions ont une
fonction, alors elles sont apprises sur
plusieurs générations et se
transmettent de manière héréditaire
Preuve empirique:
Des peuples qui n’étaient pas en
contact les uns avec les autres ont les
mêmes réactions émotionnelles
Ekman (1982) apporte la preuve
expérimentale à l’idée de l’universalité des
émotions avancée par Darwin et admise par
les psychologues évolutionnistes :
Expérience Ekman (1972, 1982)
V.I. origine des sujets (USA, Japon, Chili,
Argentine, Brésil).
Matériel : 30 photos de 14 individus exprimant
6 émotions primaires (joie, tristesse, colère,
peur, surprise & dégoût)
Résultat : a) Chaque émotion est identifiée par
la majorité des sujets des différentes cultures.
b) un degré d’accord élevé entre individus de
même culture
Identification des émotions selon les cultures
100
90
80
joie
70
tristesse
60
col
re
50
peur
40
surprise
30
d
g o
t
20
R
g ulateur graphique
10
0
USA
JP
Chili
Argentins
Expérience de Izard (1971)
Résultats identiques avec 8 émotions (il a
ajouté la honte et l’angoisse)
V.I. : « culture » : Anglais, Allemands,
Suédois, Français, Suisses, Grecques,
Africains et Japonais.
Critiques méthodologiques des expériences
de Ekman et Izard
Les sujets sont des étudiants, donc
1) ils ont été en contact de la culture
occidentale
2) ils sont en contact avec les media, le
cinéma etc. qui permettent d’apprendre les
émotions individus des pays occidentaux
Ekman a reproduit sa recherche auprès de
volontaires d’une population de NouvelleGuinée, une population qui avait peu de
contact avec les media et les membres
d’autres cultures.
Seconde critique méthodologique
Les photographies utilisées comportent des
expressions faciales d’émotions qui sont
rarement exprimées dans les interactions
quotidiennes.
Dans la vie quotidienne, la dynamique des
expressions faciales comporte un nombre
considérable de nuances en fonction de la
complexité de la situation. De même, les
relations sociales exigent qu’on dissimule
ses émotions
Les règles d’expressions
Si les émotions sont universelles, il existe
des règles pour les exprimer dans chaque
culture au même titre que la corrélation au
niveau de la reconnaissance à l’intérieur
d’une culture
Expérience de Friesen (dans Ekman, 1982)
VI 1 : nationalité (américaine vs japonaise)
VI2 : regarder le film supposé induire le
stress (seuls vs en présence d’autres
étudiants)
Les expressions faciales comme conventions
sociales
Expressions faciales
6
5
expressions du
sourire
4
3
seuls
2
avec d'autres
1
0
am
ricains
japonais
appartenance culturelle des sujets
Les résultats montrent que les étudiants
japonais expriment plus de sourire et
donc répriment plus leurs émotions de
stress lorsqu’ils regardent le film en
présence d’autres étudiants que
lorsqu’ils le regardent seuls. Tel n’est
pas le cas des étudiants américains.
Tous les sujets ressentent le stress,
mais la présence des autres active les
règles d’expressions spécifiques à
chaque culture
Selon Fridlund (1992), la première fonction
des règles d’expressions est communicative.
C’est pour cela que les expressions sont
toujours dirigées vers une autre personne
Expérience de Fridlund (1992)
Des sujets regardent un film d’induction
d’émotion
VI : les sujets pensent regarder le film seuls
Vs. pensent qu’un de leurs amis regarde le
même dans une pièce à côté
Résultats : les expressions faciales sont plus
importantes lorsque les sujets pensent qu’un
ami regardent le même film que lorsqu’ils n’ont
pas cette fausse information
Les chercheurs ne sont pas tous d’accord sur
la part innée et la part apprise culturellement
mais ils admettent tous l’idée que les
émotions étaient jadis utiles pour les
individus, ce qui explique leur existence.
Nous verrons plus loin que des chercheurs
contemporains pensent qu’elles sont toujours
utiles même aujourd’hui
2.2. Les émotions comme mémoire
inconsciente des sociétés
- 2.2.1. Emotions et hiérarchies sociales
Introduction
Cette approche dite constructionniste est en
opposition avec l’approche naturaliste
(biologique).
- Elle réfute l’universalité des émotions
défendue par Darwin, Ekman et les
psychologues évolutionnistes
- Elle propose l’idée que les émotions sont
des constructions sociales
2.2. Les émotions comme mémoire
inconsciente des sociétés
- 2.2.1. Emotions et hiérarchies sociales
Introduction
Cette approche dite constructionniste est en
opposition avec l’approche naturaliste
(biologique).
- Elle réfute l’universalité des émotions
défendue par Darwin, Ekman et les
psychologues évolutionnistes
- Elle propose l’idée que les émotions sont
des constructions sociales
Il existe une version forte et une version faible
« La version dite faible » admet qu’il existe des
aspects biologiques et des aspects culturels dans
les émotions
« La version forte » considère que les émotions ne
sont que des constructions sociales chez les
humains (pour certains, elles sont liées au
discours)
Les
méthodes
principales
utilisées
- les comparaisons interculturelles : les mêmes
émotions existent-elles dans toutes les cultures
?
- les comparaisons des émotions selon les
variables sociales (sexe, âge, rang social etc.)
- les comparaisons des émotions selon les
situations sociales (dans quelles situations les
gens éprouvent-ils la honte, la culpabilité, le
regret, la peur, l’angoisse, la fierté etc. selon les
cultures et les positions sociales ?)
Vygotsky (1930)
Probablement le premier psychologue à
avoir proposé d’étudier les émotions
(comme la cognition) dans le cadre sociohistorique
Vygotsky initialement, et les constructionnistes
ensuite, ont critiqué ce qu’ils nomment
-« la conception idéaliste » de Kant comme
celle de Descartes : une vision dualiste de
l’âme et du corps
-le « réductionnisme physiologiste » de James
-« L’essentialisme » des évolutionnistes
Aujourd’hui, ce courant est important
sciences sociales et existe en partie
psychologie (plus large en sociologie)
en
en
Postulat 1 :
La part innée des émotions est très réduite,
l’essentiel des émotions est socialement appris
(différences
culturelles,
hommes/femmes,
dominants/dominés, situations sociales, époques
etc.
Postulat 2 : La même émotion de peut acquérir
des significations sociales différentes
Exemple : La culpabilité est la signification
sociale de la peur, ou la « peur socialisée »
Selon la version forte du constructionnisme :
« Les émotions ne sont que des constructions
sociales, elles n’ont aucune base biologique »
L’homme sauvage n’avait pas d’émotions
Dans la version faible, Lupton par exemple (1998),
il existe :
- des émotions primaires porteuses de l’histoire
de l’espèce
- des émotions secondaires porteuses de
l’histoire du groupe (société, culture, famille etc.)
Toutefois, selon Deborah Lupton (1998) dans
« The emotional self » :
« Les émotions primaires sont altérées par la
socialisation et deviennent secondaires »
La peur est bien héritée de la peur ancestrale des
ancêtres, mais elle est altérée et devient de la
culpabilité .
La culpabilité est donc, selon Lupton (1998) une
forme socialisée de la peur.
Il en est de même pour toutes les autres émotions:
-La honte est une colère (contre soi) socialisée,
- L’orgueil est une satisfaction socialisée de soi.
Les émotions comme reflet des hiérarchies
sociales (Harré, 1986; Armon-Jones, 1986)
La fonction des émotions est la régulation des
comportements indésirables et la promotion des
conduites conformes aux règles morales,
politiques et sociales.
Données empiriques :
époques et inter-cultures
comparaisons
inter-
Harré R. & Parrott W. G. (1986). The emotions.
Social, cultural and Biological dimensions.
London : Sage Publications.
Un exemple 1 :
Les Inuits Utku considèrent la colère comme une
émotion infantile et répriment son expression très
tôt chez l’enfant, or, les Américains y voient une
marque de caractère et encouragent son
expression (plus chez le garçon que chez la fille).
Exemple 2 :
Les Tahitiens ne possèdent pas de mot pour
désigner la tristesse et la dépression. Ils
ressentent
bien
la
tristesse
mais
ils
l’interprètent comme une fatigue, une maladie
ou comme l’effet d’un agent surnaturel
Les exemples sont nombreux concernant les
rituels des expressions émotionnels : amour,
soumission ou colère (cf. Le Breton, 2004).
Armon-Jones
(1986)
propose
que
pour
comprendre pourquoi une émotion est réprimée
ou encouragée dans une société donnée, il faut
comprendre l’organisation politique et sociale.
Il faut poser la question pourquoi
- On réprime les pleures chez les garçons
- On encourage la sensibilité chez les filles
Dans cette perspective théorique
Les émotions sont un moyen efficace pour
reproduire le fonctionnement social, ses règles et
ses hiérarchies.
Les émotions sont associées aux positions des
individus dans le système social et leurs
appartenances aux groupes (sexes, classes
sociales).
Ainsi, les parents américains donnent une
éducation émotionnelle sexuellement différenciée
dès le second mois.
Cela est observé dans tous les pays où existent
une division sexuelle du travail et une domination
masculine.
Très souvent, la colère est censurée chez les filles
et la sensibilité (la compassion aussi) est censurée
chez les garçons
En Europe, de toutes les variables étudiées
(famille, origine géographique), seule la
variable sexe a des effets.
-Les résultats observés par Scherer, Rimé &
Chipp (1989) montrent que :
•Les
femmes
sont
plus
expressives
(notamment au visage) que les hommes quelle
que soit l’émotion.
•Les femmes font état d’une plus grande
intensité et durée de tristesse (notamment au
niveau des relations aux autres).
Elles ressentent plus d’émotion car elles les
expriment davantage (selon les théories du feedback proprioceptif, Izard, 1977; Thomkins, 1979)
Dans les relations amicales, les échanges à
propos de ses émotions sont plus importants
pour les filles.
Toutefois, l’évocation des états émotionnels est
une tendance générale selon Rimé (2004).
Controverse sur ses effets (positifs ou négatifs)
-La psychologie professionnelle incite à
l’évocation émotionnelle comme thérapie pour
éviter des conséquences à long terme,
-La psychologie théorique et expérimentale pose
des réserves (cf. point prochain, Bower apr ex.).
En effet, les individus qui n’expriment pas les
émotions, ont (cours Master2) plus de problèmes
de santé (hypertension artérielle, troubles
cardiaques etc. (Davies, 1970; Kissen, 1966)
Voir aussi, les liens entre alexithymie et maladies
psychosomatiques.
Des recherches plus récentes (cf. Pennebaker,
années, 80-90) ont montré que :
• Les victimes de traumatismes durant l’enfance
avec faible évocation ont plus de maladies que
les autres,
• Les conjoints de personnes décédées par
suicide ou accidents ont plus de chance de
développer une maladie dans le cours de l’année
si non évocation émotionnelle)
Durkheim (1912) s’est intéressé à la honte
comme autorégulation comportementale. Elle
résulte, selon le sociologue, de l’intériorisation
du jugement des autres à propos de son propre
comportement.
Denzin (1984) avance que le contrôle social se
fait par l’intériorisation de certaines émotions
comme produit des renforcements des conduites
conformes aux règles et la répression des
conduites non conformes.
Les émotions seraient une inscription corporelle
du fonctionnement social, dans cette conception.
2.2.2. Emotions et valeurs morales
Tappolet (2000)
Les émotions nous révèlent
auxquelles nous adhérons
les
valeurs
Les émotions nous conduisent à réviser les
attentes qui ne sont pas nos vraies valeurs
C’est la répétition des émotions qui nous conduit à
changer nos attentes sauf si l’attente correspond à
une valeur fondamentale.
On change une attente ou une croyance pour éviter
une émotion pénible ou pour obtenir une émotion
positive.
-La tristesse (et déception) : nos attentes sont trop
élevées
-L’angoisse : nous sentons l’urgence d’une révision
sans savoir comment faire
-L’ennui : une pauvreté en sources de révision
-La gêne : si autrui nous semble exiger de nous une
révision
-Le rire : si autrui ne semble pas capable d’une
révision que nous pensons évidente.
Selon Tappolet (2000), Livet (2002)
Si un individu ressent une tristesse à chaque
déception dans les relations interpersonnelles, il
va réviser ses attentes et croyances à la baisse
afin d’éviter cette tristesse. Si, malgré la
répétition, il ne procède pas à la révision, il
continuera à ressentir la tristesse, et ce refus de
révision traduit ses valeurs profondes.
Que retenir ?
Que certaines émotions, dans cette perspective,
sont modifiées en fonction des expériences
individuelles et collectives et que d’autres, ne
sont pas modifiées car elles traduisent les
valeurs profondes.
Question :
-Pourquoi Pénélope n’a pas révisé ses émotions
en 20 ans malgré les déceptions répétées ?
2.3. Les émotions comme mémoire individuelle
2.3.1. Les premières recherches
Les premiers travaux ont porté sur les effets
des émotions sur la mémoire.
Expérience de Levinger & Clark (1990)
Description de la recherche
Tâche : Les sujets devaient produire des
associations libres à 60 mots « à
contenu
émotionnel
»
versus
« neutres ».
V.I. Type de mots auxquels on associe
d’autres mots
V.D.
1) Intensités
des
Réactions
Electrodermales (R.E.D.)
2) latences
associées
aux
mots
émotionnels et neutres
Intensité des R.E.D. & T.L. en fonction du caractère
émotionnel ou non des mots associés.
100
80
RED
60
TR
40
TR
20
RED
0
Mots 
mo
mots neu
Résultats
Ils montrent que les latences des mots
émotionnels, comme l’intensité des RED, sont
plus élevés que celles des mots neutres.
- Convergence au niveau de l’observation des
effets, mais
- Divergences
théorique
au
niveau
de
l’explication
Les interprétations théoriques seront précisées
grâce aux modèles cognitifs des émotions.
Notamment les modèles de l’organisation des
émotions en mémoire.
2.3.2. Les recherches actuelles (1990-2006)
L’idée que les émotions sont une mémoire
individuelle conduit à poser la question de son
stockage.
-comment les émotions sont-elles organisées en
mémoire ?
-Comment sont-elles récupérées ?
Le premier modèle a été développé par Bower
en 1981 révisé en 1991
Le modèle du réseau associatif (Bower, 1991)
3 principes fondamentaux du réseau:
1. Il existe des émotions de base
biologiquement inscrites dans le cerveau et un
nombre de situations environnementales
apprises (associées) tournant autour d’un
nœud d’une émotion particulière.
2. Un nœud activé diffuse l’activation vers
différents indicateurs (expressions faciales,
caractéristiques physiologiques, lieu, temps,
images) associés à cette émotion,
3. Un nœud est associé à un autre nœud par une
relation d’activation ou d’inhibition selon que les
nœuds sont congruents ou incongruents.
espace
temps
T
images
activation
E+2
E+1
SNA
P
personnes
inhibition
inhibition
T
activation
-1
E-
E
I
T
E
E-2
activation
P
I
E-3
P
La mémoire émotionnelle n’est pas séparée de la
mémoire sémantique.
Un amorçage classique (sémantique, associatif ou
phonologique) peut activer un élément associé à un
nœud émotionnel qui va activer une émotion, qui, à
son tour, activera les émotions congruentes et
inhibera les émotions incongruentes.
Mémoire émotionnelle
Mémoire classique
T
A
SNA
E+1
I
P
E-1
E+2
E+1
E+3
B
E+4
E-2
E+5
E-3
E-4
Illustration du modèle
La
De
Processus d’activation : exemple1
événement non sémantique)
(à
goût
E+1
P
T
Images
partir
d’un
Imaginons une association entre un état
émotionnel E et un contexte musical (exemple 2)
Exemple 2 : amorçage directe (éléments
sonores)
Contexte sonore (musique)
Place
E-1
Temps
SNA
Images
Exemple 3 : Amorçage sémantique indirect
Nom du
chanteur
ou de la
chanson
Amorçage
classique
Contexte
Musical
T
E
SNA
P
Jusqu’où peut-on aller dans l’amorçage émotionnel?
Am. associatif
Toulouse
Amorçage sémantqiue
Amorçage émotionnel
Contexte
musical
E?
Selon des chercheurs (Winkielman, Channouf, LeDoux),
l’activation d’une émotion peut se faire par des amorçages
subliminaux, et on assiste à des émotions inconscientes.
On peut ressentir plus ou moins fortement une émotion
sans en connaître la cause. On peut en chercher dans
l’environnement immédiat, mais il n’est pas sûr que ce soit
la bonne (cf. les théories de l’attribution causale)
Exemple:
Lieu
SNA?
E1
Temps
images
Type de procédure utilisée
Amorce subliminale
Masque
Blanc
OUI ?
NON ?
35 à 50 MS
50 MS
100 MS
SOA = entre 175 et 200 MS
TR
L’intensité de l’émotion détermine l’étendue de la
propagation de l’activation et donc l’étendue des
éléments susceptibles de produire un amorçage
émotionnel
Exemple (prochain point):
Anxiété élevée modifie le seuil de perception
(visuel et auditif) et permet un traitement
parallèle de l’information.
- Les implications cognitives du modèle
a. Une émotion positive rend accessible en
mémoire les informations congruentes
b. Une émotion activée rend difficilement
accessibles les informations actuelles et les
souvenirs incongruents
Quelle est l’étendue de la propagation
de l’activation ?
Selon Bower, c’est l’ensemble du réseau
concerné au point où une propagation de
l’activation des émotions liées au nœud
« Tristesse » peut générer des troubles
émotionnels (dépression par exemple)
1) Nombreux événements congruents sont
accessibles en mémoire,
2) Evénements antagonistes sont difficilement
accessibles
3) Les conséquences au niveau perception,
jugement et comportement renforcent l’état
activé
- Les implications comportementales
a. L’activation d’une émotion (positive ou
négative) influence la préférence pour les
situations émotionnelles congruentes
b. Les émotions activées ont des effets sur le
jugement
social
(évaluation,
décision,
jugement) selon le principe de congruence.
Illustrations expérimentales du modèle de Bower
et des hypothèses qui découlent du modèle
Expérience de Kelley
V.I. Induction d’émotion triste versus joie à partir
d’évocations d’événements personnels
VD. : temps passé librement à regarder des
diapositives (joyeuses ou tristes)
Résultats de Kelley
500
400
300
diapo joyeuses
200
diapo tristes
diapo tristes
100
diapo joyeuses
0
induction
joie
induction
triste
Snyder & White (1982)
Expérience :
Tâche : rappel d’informations
VI1 : Induction émotionnelle : Triste Vs.
Joyeux
VI2 : scènes proposées : tristes Vs.
joyeuses
Snyder & White (1982)
Rappel d’info. en fonction du type d’induction (joie vs.
Tristesse et du type de scènes vues (gaies vs. Tristes)
80
70
60
50
40
30
20
10
0
info. Joie
info. Tristesse
info. Tristesse
info. Joie
induction joie
induction
tristesse
Wenzlaff & Prohaska (1989) ont observé que
lorsqu’ils avaient le choix de fréquenter des
individus présentés comme étant tristes ou
joyeux, les sujets souffrant de dépression
préfèrent rencontrer les premiers.
Recherche de Forgas, Bower et Krantz (1984)
Les sujets devaient observer dans une vidéo
leur
comportement
en
situation.
Ce
comportement (cpt) est ambiguë du point de
vue de la sociabilité. En fonction de l’induction
émotionnelle
expérimentale,
les
sujets
devaient juger si leur cpt est pro-social ou
anti-social. Des juges devaient procéder à la
même évaluation des cpt en vidéo des sujets
expérimentaux.
Recherche de Forgas, Bower & Krantz
(1984)
5
4
3
2
1
0
ct prosociaux
ct ant-sociaux
ct prosociaux
Emotion
+
Emotion -
juges
ct ant-sociaux
Dans toutes ces recherches, les sujets n’ont
aucune conscience des effets de leurs états
émotionnels, ils sont convaincus qu’ils
perçoivent la réalité telle qu’elle est.
Le modèle de Bower, le plus connu des
modèles de la congruence émotionnelle,
permet de montrer que les états émotionnels
affectent la perception, le jugement mais
aussi les souvenirs dans la mesure où les
émotions rendent plus accessibles (ou moins
accessibles) les souvenirs selon leur
congruence avec l’état émotionnel au
moment de la récupération.
Cours 4 / 7
Le modèle de la double voie de Joseph LeDoux
Cf. Emotional Brain ; Trad. Fran. sous le titre de
« Neurobiologie de la personnalité », (2004).
Paris: Odile Jacob.
La voie haute, qui transite par le Cortex, est
précise mais lente;
La voie basse, qui passe directement par
l’Amygdale, est moins précise mais rapide.
: Voie basse
Perception consciente
Cortex sensoriel
: Voie haute
Thalamus sensoriel
Perception
Non-consciente
Ou subliminale
L’Amygdale
Réponse
Stimulus
émotionnel
Retour sur le modèle de Bower
Pour intégrer les aspects non-conscients
des émotions dans le modèle de Bower :
Il faut imaginer la mémoire émotionnelle
en réseau associatif sur 3 dimensions i. e.
ajouter les structures sous-corticales.
Consc
Lieu
Images
Cortex
Non Consc.
personnes
E1+
Amygdale
Les cas étudiés en neuropsychologie mettent en
évidence les aspects non-conscients des
émotions.
-Cerveau Divisé (lésion du corps calleux)
- prosopagnosie etc.
Intérêt général du modèle de Bower
Il est biologiquement utile que les émotions
(qui correspondent aux événements les plus
importants) soient enregistrées en mémoire
permanente de manière indélébile.
Intérêt psychosocial du modèle :
Sur le plan théorique
Il
permet
de
faire
des
comportementales à partir
émotionnelles.
prédictions
d’inductions
Au niveau des applications
Il permet de changer les comportements en
agissant sur les émotions ou en associant
des états émotionnels à des événements
Le modèle associatif remet en cause
l’idée de l’universalité des émotions
chez les humains:
C’est la socialisation qui donne une
signification
émotionnelle
à
un
événement en activant des processus
biologiques a priori neutres.
On peut apprendre à un enfant à avoir peur
des fleurs et à ne pas avoir peur des
vipères.
Les
phobies
sont
un
exemple
apprentissage d’une peur infondée.
d’un
Toutefois
Il
existe
des
prédispositions
à
l’apprentissage de certaines associations
Öhman (1986) a montré qu’il existe une
certaine préparation à l’apprentissage chez
les humains et chez d’autres mammifères, i.
e.
une
prédisposition
à
apprendre
rapidement
certaines
associations
et
parallèlement une extinction plus rapide des
apprentissages qui ne correspondent pas
aux prédispositions.
Temps d’apprentissage de la peur en
Fonction de stimulus phobiques et neutres
70
60
50
temps base
100
40
apprentissage
30
extinction
20
10
0
serpents
araign
es
fleur
forme
Recherche rapportée par Öhman (1986)
Temps d’induction de la peur par association
70
60
50
40
appr.
30
extinc
20
10
0
serpents
araign
es
fusils
revolvers
Le modèle de Bower permet de montrer que les
émotions sont une mémoire individuelle,
Mais
Il permet aussi de comprendre les émotions sont
une mémoire collective
En effet, un événement émotionnel peut donner
lieu à des associations collectives et des
associations individuelles.
Sa dimension collective renforce l’intensité avec
laquel il est mémorisé
Exemple d’événements émotionnels collectifs :
- Assassinat du Président J.F.K.,
- Décès de Diana,
- Attentats du 11 septembre,
En résumé
On a vu que les émotions sont théorisées
comme une mémoire universelle, comme
une mémoire sociale et comme une
mémoire individuelle.
On a vu leur utilité pour l’espèce, mais
quelle est leur utilité pour l’individu ?
3. A quoi servent les émotions ?
3.1. Les émotions nous informent sur
nous-mêmes.
Si les émotions sont la mémoire des
événements
les
plus
importants
(universellement,
culturellement
et
singulièrement)
par
apprentissage
délibéré
ou
incident,
alors
leur
déclenchement nous renseignera sur
nous-mêmes.
Tous les psychologues (ou presque)
sont d’accord pour dire que les
émotions ont une utilité. Nombreux
sont ceux qui défendent qu’elles nous
renseignent sur nos états les plus
difficilement accessibles à notre
introspection.
Schwarz & Clore (1983), Schwarz
(2000)
ont
proposé
le
modèle
« Emotion-comme-information ».
Lorsque les individus sont dans une
situation d’incertitude pour décider, juger,
agir, ils se fient à leurs états émotionnels
du moment.
Les recherches expérimentales réalisées
dans le cadre de ce modèle théorique
montrent que le jugement social (en
situation d’incertitude) est influencé par les
inductions émotionnels provoquées ou
invoquées.
Jugement de satisfaction en fonction de la météo
et de l’évocation ou non (Schwarz & Clore, 1983)
70
60
50
40
ensoleill
30
pluvieux
20
10
0
non consc
conscience
Les résultats montrent que les sujets
jugent leurs vies (professionnelle et
interpersonnelle)
plus
satisfaisante
lorsqu’ils ont été interrogés un jour de
beau temps que lorsqu’ils ont été
interrogés un jour de mauvais temps. Cet
effet disparaît lorsque les sujets ont été
amenés à prendre conscience des effets
possibles de la météo sur leur jugement
social par simple évocation.
Schwarz
a
observé
des
résultats
identiques pour l’estimation des risques
liés à la santé chez les adolescents :
Des émotions comme l’anxiété et la peur
conduisent à des surestimations des
risques. La joie conduit à une sousestimation des risques et des dangers.
3.2. Les émotions nous préparent à
l’action
Une seconde fonction essentielle des
émotions est, selon Oatley et Jenkins
(1996), de préparer l’individu à répondre à
des situations problématiques pertinentes
dans l’environnement social même en
l’absence
de
toute
conscience
de
l’événement déclencheur.
(Levenson, Ekman & Friesen (1990)
ont montré que la colère provoque le
transfert prioritaire de l’irrigation sanguine
des organes internes vers les jambes et
vers les bras.
De même, les expressions aident les
individus à connaître les émotions des
autres, leurs croyances et leurs intentions
afin de pouvoir agir en conséquence.
Dimberg et Öhman (1996) ont montré que
l’expression de la colère déclenche la peur
même lorsqu’elle a été présenté de manière
subliminale.
Les émotions peuvent aussi avoir des
effets de préparation à l’action de
manière indirecte, i. e. en modifiant la
perception, le jugement et l’inférence
qui dépend des informations et des
souvenirs
disponibles
en
mémoire
conformément aux modèles de la
congruence.
Les
modèles
théoriques
que
nous
aborderons par la suite permettent de
montrer que les effets des émotions sur les
comportements ne passent pas forcément
par des changements au niveau cognitif
(perception, jugement et décision), mais
qu’elles peuvent déterminer directement
les conduites.
Pour conclure provisoirement le point 3
Afin que la question de l’utilité des émotions soit
pertinente, il faudrait se poser la question de
l’utilité par niveau :
-quelle est l’utilité des émotions pour l’individu ?
-Quelle est l’utilité au niveau du groupe ?
-Quelle est l’utilité au niveau de la culture ?
-Quelle est (ou quelle était) l’utilité au niveau de
l’espèce ?
Sachant que les utilités peuvent être
contradictoires. Ce qui est utile à un
certain niveau peut ne pas l’être à un autre.
Cela dépend de ce que chaque société met
en avant et cela peut poser des problèmes
éthiques.
Exemple : dilemme de Kohlberg pour le
développement moral
Exemple : Dilemme 1
Bob a besoin de médicaments pour soigner
sa femme très malade. N’ayant pas
d’argent, il demande au pharmacien de lui
faire crédit. Le pharmacien refuse. La nuit
suivante, Bob, très en colère, entre par
effraction dans la pharmacie et vole le
médicament pour soigner sa femme.
Avait-t-il raison de le faire ?
Dilemme 2
Pour pouvoir produire un médicament qui
va soigner des milliers d’individus, le
gouvernement
devrait
impérativement
sacrifier durant les essais deux citoyens
tirés au sort sans les en informer.
Devrait-il le faire ou laisser périr des
centaines de milliers d’enfants et d’adultes
?
4. Les émotions inconscientes
4.1. Perception
émotionnel
subliminale
et
système
Parlant des émotions, le psychologue social
Zajonc pense que leur innéité, leur
antériorité
aussi
bien
phylogénétique
qu’ontogénétique, leur confère une certaine
autonomie par rapport à la pensée, celle-ci
est plus jeune (phylogenèse) et plus récente
(ontogenèse),
les
émotions
sont
les
premières
transactions
avec
l’environnement.
Selon
Zajonc
(1980),
les
émotions
sont
antérieures à toute cognition. Nos jugements sont
souvent des justifications de nos émotions.
Les
mécanismes
cérébraux
des
émotions
sont plus rapides que ceux de la cognition
« Nous ne désirons pas une chose parce qu’elle
est bonne, mais au contraire, c’est parce que
nous la désirons que nous la trouvons bonne »,
Spinoza, (1632-1677), Ethique III (cf. chapitre 1).
La primauté des émotions
• Les émotions relèvent du traitement
automatique. La cognition est postérieure
et nécessite plus de temps pour traiter
l’information
• Psychological Review, 1984 (On the
primacy of affect de Zajonc versus On the
primacy of cognition de Lazarus).
Les arguments de Zajonc
1) L’antériorité ontogénétique : le bébé de 6 semaines est
capable d’exprimer des émotions différenciées en réaction à
des stimulus visuels, alors qu’il ne possède pas encore les
opérations cognitives.
2)
L’existence
de
structures
anatomiques
et
neurophysiologiques distinctes permet les émotions
sans faire intervenir des structures responsables des
activités cognitives
3) La possibilité d’induire les émotions de manière
subliminale et d’en produire des effets sur des tâches
indépendantes.
Kunst-Wilson & Zajonc (1980)
10 polygones présentés 5 fois pendant 1 ms au
tachistoscope (présentation subliminale)
Tâche : jugement de reconnaissance et jugement
de préférence du stimulus ancien présenté à
côté d’un stimulus nouveau (l’effet d’ordre du
type de jugement et la position droite/gauche
sont contrôlés).
V.D. : 1) Reconnaissance 2) Préférence
Question : lequel des deux stimuli reconnaissezvous ? Préférez-vous ?
Procédure expérimentale
Phase 1 (1ms) Phase 2 : en
supraliminal
subliminale
Stimulus A Stimulus A B
Stimulus B A
Jugement en
supraliminal
REC PREF
PREF REC
Stimulus B
REC PREF
PREF REC
Stimulus B A
Stimulus A B
Résultats
REC =
50 % (réponses au hasard)
PREF > 60 % (statistiquement > au hasard)
Il y a discrimination de la cible par le jugement de
préférence en l’absence de toute reconnaissance
consciente
Nouvelle adresse :
[email protected]
Critique de Mandler, Nakamura & Van
Zandt (1987)
Ils remettent en cause la consigne du jugement
de préférence et proposent de montrer qu’il
s’agit d’une détection cognitive implicite et non
émotionnelle
Il ont répliqué l’expérience de Kunst-Wilson &
Zajonc avant de l’élargir à des jugements de
surface
Leur présupposé général
La consigne de jugement de préférence
est comprise par les sujets comme une
consigne de reconnaissance intuitive avec
un faible degré de certitude.
L’expérience
- Les sujets étaient répartis dans 4 groupes
- 10 octogones irréguliers présentés durant 2
millisecondes au tachistoscope.
Chacun des 4 groupes indépendants a été soumis
à un des 4 tests (- REC, - PREF, - Brillance, Noirceur).
Chronologie de la procédure
Masque
blanc
2 ms
Présentation
subliminale
stim. anciens
3ms
Lequel des 2 octogone ?
G1 : Reconnaissez-vous?
G2 : Préférez-vous ?
G3 : Le plus Brillant?
G4 : Le plus Sombre ?
Temps libre
Présentation normale
stim. anciens & nouveaux
V.D. REC/PREF/NOIR/BRI
Les sujets étaient informés qu’il y avait une
présentation subliminale. Ils devaient situer le
point lumineux sur l’écran.
La procédure est identique à celle de Kunst-Wilson
& Zajonc (1980).
Résultats
- % moyen de détection de la cible (stimulus ancien) en
fonction du type de consigne (Reconnaissance, Préférence,
jugements de surface (Brillance/noirceur)
70
60
50
m
s
40
30
20
s
10
m
0
rec.
préf.
brillance
noirceur
Tableau de moyennes
- % moyen de sélection de la cible
Groupe
% moyen
S
REC.
46,70 (N.S.)
16,70
PREF.
61,70 (S.)
18,89
Brillance
60 (S.)
10,40
Noirceur
60,10 (S.)
13,10
Conclusion de Mandler
La consigne du jugement de préférence ne
permet pas de mesurer les réactions
émotionnelles. Zajonc n’a donc pas montré
l’antériorité des émotions sur la cognition.
Zajonc maintient sa conception de l’antériorité
des émotions sur la cognition.
Elle est étayée par des recherches comme :
(celle de Seamon, Marsh & Brody, 1984)
Les dynamiques temporelles de la cognition et de
l ’émotion sont différentes.
Le jugement de préférence est rapide mais
efficacité relative;
Le jugement de reconnaissance nécessite plus de
temps mais efficace.
Le paradigme utilisé est celui de Kunst-Wilson &
Zajonc.
Les sujets étaient soumis à un test de REC. puis
de PREF., ou à PREF puis REC.
V.D. : % moyen de détection de la cible (stimulus
Ancien),
V.I.1 : Type de test : REC Vs. PREF,
V.I.2 : Temps de présentation des amorces 0 ms :
non présentation,
2 ms, 8 ms: présentation subliminale,
12, 24 ou 48 ms : en supraliminale.
Seamon, Marsh & Brody (1984)
% moyen de détection de la cible
% m oyen dé tec. c ib le
90
80
70
60
50
REC.
PREF.
40
30
20
10
0
0
2
8
12
24
Temps de présentation au tachistoscope
48
Pour Mandler, l’expérience émotionnelle
résulte de 2 processus : l’un biologique,
c’est l’éveil périphérique déclenché par
l’activité du système autonome, l’autre
mental, c’est l’interprétation que le sujet
donne à cet éveil.
La congruence entre ce qui est attendu et
ce qui se produit génère des états
émotionnels positifs,
L’incongruence
génère
des
émotions
négatives,
C’est donc la perception (cognition) de la
congruence ou non qui est antérieure à
l’émotion.
En cas de non congruence, si l’écart n’est pas très
important, une assimilation est encore possible. Si
la non congruence est élevée, 2 cas de figure :
- L’élément incongru engendre la production d’un
nouveau schème, si ce nouveau schème est
efficient, il conduira à une émotion positive,
- L’élément incongru engendre un nouveau schème
non efficient, ou pas de nouveau schème, alors
émotions négatives.
Cela rejoint le modèle attributionnel de
Weiner où les attentes déterminent les
émotions.
Un échec attendu produit une émotion
négative moins forte qu’un échec inattendu.
Ce ne sont pas les événements qui génèrent
les émotions mais les interprétations
(notamment en termes de causes) que les
individus font des événements.
Selon Greenwald
Il y a malentendu sur les termes :
Lorsque Zajonc utilise le mot « cognition », le
terme désigne la cognition consciente et
verbalisable. Or, chez Lazarus et Mandler, il
désigne les processus cognitifs y compris les
processus inconscients qui opèrent sans la
volonté du sujet.
4.2. Emotions inconscientes et R.E.D.
De
nombreuses
données
en
neurophysiologie
montrent
que
la
perception subliminale est associée à
l’activation de certaines régions cérébrales.
La perception subliminale de visages
familiers
déclenche
des
R.E.D.
comparativement aux visages inconnus
Des travaux réalisés avec la RMN
(Résonance
Magnétique
Nucléaire)
montrent
que
certaines
régions
cérébrales du langage sont plus activées
lorsqu’on présente des mots de manière
subliminale que lorsqu’on présente des
non-mots.
Dehaene (1998)
Channouf & Rouïbah (1995)
-Dans une chambre insonorisée, les sujets étaient,
en subliminal, exposés à :
- Visages familiers (célèbres) vs. inconnus,
-Des visages rendus familiers vs. Nouveaux,
V.D.1 : % de R.E.D.
V.D.2 : Amplitude des R.E.D.
Les résultats montrent
Expérience 1 : Le % et l’amplitude des R.E.D. sont
plus élevés pour les visages familiers (personnes
célèbres) que pour les visages inconnus,
Expérience 2 : Le % et l’amplitude > pour des
visages inconnus rendus familiers (par fréquence
d’exposition) que pour des visages non-rendus
fréquents,
Expérience 3 : Même configuration pour objet vs.
non-objet.
La familiarité des visages est donc perçue
de manière inconsciente
Selon Zajonc, la familiarité a une valeur
émotionnelle, ce qui est familier produit une
réaction d’approche, ce qui est inconnu produit de
l’évitement,
Selon
Mandler
ou
Lazarus,
les
réactions
psychophysiologiques pour des stimulus familiers
est l’indice d’une reconnaissance implicite. Le
temps d’exposition est trop bref pour permettre
l’accès à la représentation initiale.
Il est aujourd’hui admis que des états
émotionnels peuvent être déclenchés avec
des
entrées
sensorielles
minimales
insuffisantes pour donner lieu à des
projections au niveau du cortex.
Pour en savoir plus :
- Seron X. & Jeannerod M. (1994). Neuropsychologie
humaine. Liège : Mardaga.
- Channouf A. (2000). Les images subliminales. Paris
: P.U.F.
4.3. Emotions et processus perceptivocognitifs inconscients
La prémisse fondamentale des théories
cognitives (théories de l’évaluation) est
que
les
émotions
résultent
de
l’interprétation
des
événements
en
termes
de
signification
personnelle
(Robinson, 1998).
Relecture
de
travaux
anciens
à partir de la controverse Zajonc Versus
Mandler-Lazarus.
Dès les années 1950-1960, McGinnies a
étudié les effets des mots à contenu
émotionnel sur les réactions électrodermales
et le seuil de perception.
La procédure expérimentale consistait à
comparer des mots à contenu émotionnel
comme les mots tabous et les mots anxieux.
Recherche 1
Les effets du type de mots (tabous versus
non-tabous)
sur
les
réactions
électrodermales (ou psychogalvaniques)
- V.I. : Type de mots, Tabous Vs.
Tabous
- V.D. Amplitude moyenne des R.E.D.
Non-
Amplitude moyenne des R.E.D. F. du contenu
émotionnel des mots (Tabous Vs. Non-Tabous)
R.E.D. F. Type de Mots
1
0,8
Amplitude
R.E.D.
0,6
0,4
0,2
0
Tabous
Non tabous
Type de mot
Recherche 2 :
Seuil de perception en fonction du contenu
émotionnel (Tabous Vs. Non-Tabous) des
mots.
- V.I. : Type de mots (Tabous versus
Non-Tabous
- V.D. : Seuil de détection des mots
Seuil de perception
60
50
40
Seuil de
perception en
MS
30
Tabous
20
Non-Tabous
10
0
Tabous
Non-Tabous
Type de Mots
Ces recherches montrent que le contenu
socio-émotionnel d’un matériel verbal active
le système autonome (R.E.D.) et modifie le
seuil de perception.
Expérience de Matthews et McLeod (1985)
L’état émotionnel des sujets (anxieux) modifie le
seuil de perception des mots à contenu émotionnel
(anxieux)
- V.I. 1 : Etat émotionnel des sujets (Anxieux
Vs. Non-Anxieux)
- V.I. 2 : Contenu émotionnel des mots (Idem)
- V.D. : Seuil perceptif
Matthews & McLeod (1985)
seuil perceptif fonction de
l'anxiété des sujets et des mots
50
40
seuil en ms
30
20
anxieux
non anxieux
10
0
mots neutres
mots anxieux
type de mots
Cours 6 / 7
Dixon (1981)
Il existe 3 étapes dans le cas des défenses
perceptives:
1) La première : l’enregistrement nonconscient du stimulus, préalable à tout
traitement de l’information, ce sont les
entrées sensorielles.
C’est un traitement primitif qui peut par la
suite donner lieu ou non à une projection
consciente.
Dans le cas d’une perception visuelle, on
peut empêcher la projection consciente par
la brièveté du temps d’exposition et/ou les
masques qui empêchent la peristance
rétinienne.
2) La seconde étape : la différenciation
entre stimulus émotionnel et stimulus nonémotionnel.
Les stimulus dits émotionnels bénéficient
d’une priorité perceptive
Il peut y avoir des prédispositions
permanentes ou ponctuelles à percevoir
certains stimulus
3) La troisième étape
(modification) des seuils
fonction de l’étape 2.
: l’adaptation
perceptifs en
En fonction de la nature de l’émotion que
génère le stimulus (détectée de manière
préconsciente), les seuils de perception
consciente peuvent subir des modifications
(défenses perceptives).
Pour en savoir plus sur ces
processus préconscients :
Dixon N. (1981). Preconscious
processing. Oxford : Sage
En psychologie des émotions
Il existe plusieurs modèles dans lesquels
les émotions sont théorisées en rapport
avec les processus pré-conscients.
Exemple : Le modèle de Smith & Lazarus
Smith et Lazarus (1990)
Les individus sont constamment en train de
gérer les événements en termes de leur
implication pour le bien être personnel.
Cette évaluation consiste à déterminer si :
• Un événement est pertinent ou non pour
soi (la pertinence motivationnelle)
• L’événement semble faciliter ou menacer
certains
buts
(la
congruence
émotionnelle)
C’est l’évaluation primaire
L’évaluation secondaire = jugement des
habiletés à faire face
Ce traitement pré-attentif sert de fonction
de décision pour déterminer si un stimulus
ou une situation mérite ou non de recevoir
un traitement de l’information.
Cette décision peut aussi aboutir à une
émotion qui elle-même sert de base pour
déterminer une approche ou un évitement
de la situation.
Les émotions sont donc étroitement liées
aux processus perceptifs pré-conscients..
Elles sont également liées aux processus
cognitifs comme le raisonnement par
exemple.
Le
raisonnement
causal
(souvent
automatique) est un élément déterminant
des émotions et des comportements
4. 4. Les conséquences émotionnelles des
explications causales
Bem a développé une théorie qui permet de rendre
compte de la manière dont les individus accèdent à
une connaissance de leurs états internes et
notamment les émotions.
C’est la théorie de l’inférence auto-perceptive.
Pour savoir s’ils ont peur, s’ils sont anxieux, ou
tristes, les individus procèdent comme un
observateur extérieur
La théorie de l’auto-perception de Bem
réfute la méthode introspective ;
• Elle introduit l’interprétation (inférence
auto-perceptive)
• Elle ne donne pas de statut aux
manifestations neurovégétatives (non
nécessaires pour éprouver une émotion)
• Elle a été à la base de la théorie bifactorielle des émotions (Schachter &
Singer)
Ce modèle théorique permet d’avancer
a) Que les individus peuvent faire des
erreurs en déduisant leurs émotions
b) Etant donné « a », alors on peut
manipuler les émotions
Pour de bonnes (i. e. thérapies) comme de
mauvaises causes
Le modèle a été validé dans le cadre
de :
- La
perception de la douleur
Maderas & Bem (1968),
(Bandler,
- Le
jugement de
(Valins, 1972),
physique
l’attirance
- La peur (équipe de Bem),
Bandler, Maderas et Bem (1968)
Hypothèse :
Les sujets qui choisissent librement
d’éviter certains chocs électriques et d’en
endurer d’autres, inféreront (comme le
ferait un observateur) que les premiers sont
plus douloureux que les seconds.
Les sujets recevaient une série de chocs
électriques.
Au début de chaque choc une lampe rouge,
verte
ou
jaune
s’allumait.
Rouge : il faut mettre fin au choc avec
possibilité de continuer (condition fuite)
Verte : ne pas mettre fin sauf si choc trop
douloureux (condition non-fuite)
Jaune : appuyer le plus vite (arrêt des chocs
aléatoire) : « condition temps de réaction »
Après chaque choc, les sujets devaient
évaluer l’inconfort produit par les chocs
sur une échelle en 7 points
Trente chocs ont été administrés à
chaque volontaire. Tous étaient de même
intensité et d’une durée de 2 secondes.
Les premiers résultats montrent que les
sujets obéissent aux consignes :
Rouge et jaune : ils appuient sur le bouton
pour arrêter le choc (fuite)
Vert : ils n’appuient pas (non-fuite)
Estimation de la douleur en fonction du
type de chocs électriques (évités Vs.
Subis)
7
6
Estimations
moyennes de
douleur
5
4
3
Fuite (
vit
s)
2
non-fuite (subis)
TR
1
0
Fuite
(
vit
s)
non-fuite
(subis)
Type de choc
TR
Cette recherche montre que le sujet fait une
inférence auto-attributive sur des états internes
(douleur) à partir d’un comportement
Valins a mis en place des recherches qui
montrent que l’inférence auto-attributive se
fait également à partir de faux feed-backs
sur des modifications physiologiques.
C’est une remise en cause de :
- La théorie de James-Lange ?
- La théorie de Cannon-Bard ?
Remise en cause de James-Lange
Car il montre que les manifestations
neurovégétatives ne sont pas nécessaires
pour éprouver une émotion
Remise en cause de Cannon-Bard
Les émotions ne sont pas déclenchées par le
SNC mais elles sont le produit d’une lecture
(parfois erronées) d’indices physiologiques
Valins a montré que les sujets jugent plus
attirantes les photos expérimentalement
associées à de fausses accélérations des
battements cardiaques que celles qui n’ont
pas
été
associées
à
de
telles
accélérations.
Les nombreuses données expérimentales
obtenues dans le cadre des paradigmes
issus de la théorie de l’inférence autoperceptive
montrent
que
les
sujets
procèdent à des inférences automatiques
pour déduire des états émotionnels non
accessibles de manière directe.
Le premier modèle général intégrant
l’attribution est directement issu de la
théorie
périphéraliste
de
James.
L’argument contre James, avancé par
Cannon-Bard, est que les réactions
physiologiques n’étaient pas différenciées.
Comment éprouver une émotion en prenant
conscience
des
modifications
physiologiques ?
Ce sont Schachter et Singer qui, en
1962, trouvent la solution.
• Ok avec Cannon-Bard sur l’aspect
indifférencié
des
manifestations
physiologiques
• Ce qui permet d’éprouver la qualité
de
l’émotion,
c’est
l’étiquetage
cognitif.
Selon
le
modèle
bi-factoriel
Schachter et Singer il faut :
de
• Une réaction physiologique (elle
peut être déclenchée par n’importe
quel facteur externe ou interne),
• Une
attribution
causale
:
l’interprétation cognitive de cette
réaction,
• Dans des conditions où le sujet ne
connaît pas exactement la cause.
Si la cause de la réaction physiologique
est évidente, il y a congruence avec
l’interprétation.
• Mais sachant que les modifications
physiologiques
peuvent
être
déclenchées
par
de
nombreux
éléments
Alors, l’interprétation
important
joue
un
rôle
La
conception
bi-factorielle
permet
d’intégrer la conception de Zajonc et
celle de Mandler-Lazarus car :
• Il y a possibilité de percevoir et traiter
l’information de manière subliminale ou
non-consciente
• L’évaluation joue un rôle fondamentale
(l’étiquetage cognitif)
Nous sommes en présence du modèle de
Zajonc de l’antériorité de l’émotion
lorsqu’il y a concordance entre les
réactions
physiologiques
et
l’interprétation cognitive
Nous sommes en présence du modèle de
Mandler-Lazarus s’il y a congruence : c’est
l’évaluation (l’interprétation ou étiquetage)
qui
donne
à
l’émotion
sa
qualité
phénoménologique.
Le modèle bi-factoriel est simple :
l’étiquetage cognitif est limité à la lecture
de l’environnement immédiat
D’autres psychologues sociaux vont
étendre le processus d’étiquetage aux
processus inférentiels plus complexes :
Tel est le cas de Weiner
Dernier cour
Le modèle qui a généralisé les recherches
sur les conséquences émotionnelles des
explications causales est celui de Weiner
• Selon Weiner (cf. 1986), les attributions
consécutives à un échec ou à une
réussite
déterminent
les
réactions
émotionnelles
Il s’agit de la causalité « naïve », subjective
soumise à l’apprentissage social et à
diverses motivations et non de la causalité
scientifique
Weiner
L’explication d’un échec par des facteurs
internes donne lieu à des conséquences
émotionnelles différentes de celles que
génèrent
des explications par des
facteurs externes.
Il a défini 3 dimensions :
La première dimension causale :
attribution Interne/Externe
La seconde :
La dimension Stable/Instable
exemple pour un échec :
Incompétence : (stable)
manque d’effort : (instable)
La troisième dimension est
Contrôlable/Incontrôlable
L’effort, l’application, etc. par exemple sont
contrôlables
L’incompétence, le pouvoir des autres, la
chance etc. sont incontrôlables
Ce qui permet de prédire les émotions, ce
sont
les
combinaisons
de
ces
3
dimensions:
- Interne/Externe
- Stable/Instable
- Contrôlable/Incontrôlable
Et le type d’événement Négatif ou Positif
Qu’est-ce qui est pire que l’échec ?
La réussite qui ne comble pas…
Aphorisme attribué aux Stoïciens
En effet,
Une réussite attribuée à des facteurs
Externes Instables et Incontrôlables (i. e.
la chance) ne donne pas lieu à une émotion
positive
Une réussite attribuée à des facteurs
Internes Stables = émotions positives et
estime de soi positive
Le modèle attributionnel des émotions de
Weiner est prédictif du comportement
social via les émotions
Il est prédictif à partir de variables corrélées
à des préférences en matière de causalité
• Des styles attributifs des sujets (i. e. locus
de contrôle)
• Des normes sociales d’attributions (i. e. la
norme d’internalité)
• Schémas de soi (i. e. schémas scolaires
d’échec de réussite) acquis en contexte
scolaire ou familiale
• Des attributions ponctuelles motivées
(fausse modestie, auto-complaisance etc.)
Par rapport au débat sur la genèse des
émotions, le modèle de Weiner permet
d’intégrer des conceptions opposées car :
Face à un événement (comme l’échec ou la
réussite par exemple) :
a) il y a d’abord une réaction rapide de joie
ou de réussite,
b) ensuite, le sujet procède à des analyses
causales, qui vont soit modérer soit
générer des émotions
Le modèle de Weiner est donc compatible
avec le modèle de Zajonc mais aussi avec le
modèle de Mandler-Lazarus
5. Emotions
social
implicites
et
comportement
5.1. L’hypothèse des marqueurs somatiques.
La conception dominante en matière de
prédiction du comportement :
Le
sujet
examine
avec
raison
et
consciemment les alternatives avant de
prendre une décision
C’est une approche qui a montré ses
limites et notamment pour les décisions
complexes et celles qui ont une forte
implication pour l’individu.
L’approche rationnelle classique serait
souvent observée pour des conduites
anodines.
En effet, on peut évaluer et délimiter
assez facilement les conséquences d’une
conduite à faible implication.
Cela est plus difficile pour des décisions
plus importantes.
Approche alternative
Dans les décisions importantes, la raison est
assistée par les processus émotionnels qui
exploitent les informations tirées des
événements passées.
Si la situation est inédite, les processus
émotionnels procèdent par analogie
Selon l’hypothèse des marqueurs somatiques
de Damasio (2003)
Si la décision est importante, on doit faire
face à une masse de connaissances liées aux
alternatives possibles.
Ces connaissances sont faites d’arguments,
d’images, de commentaires etc…
L’hypothèse classique qui évacue les
émotions de la décision et du comportement
est infondée car :
.
On ne connaît pas toutes les données du
problème
• On ne peut pas envisager toutes les
alternatives
• Une analyse explicite prendrait trop de
temps, notamment en cas d’urgence
• Il est difficile de maintenir en mémoire
toutes les données du problème
Des
Représentations
Potentielles
contiennent des informations sur la façon
dont certaines situations ont généralement
été
couplées
à
certaines
réponses
émotionnelles au cours de l’histoire
individuelle.
Si les émotions primaires dépendent du
système limbique, les émotions secondaires
supposent l’intervention de représentations
potentielles.
Chez les patients présentant des lésions
préfrontales, seules les émotions primaires
sont conservées.
Les émotions constituent des marqueurs
somatiques
qui
contraignent
les
processus cognitifs à tenir compte des
résultats positifs ou négatifs d’un
comportement
Une des validations expérimentales est
faite par
Béchara, Damasio, Damasio & Anderson
(1994).
Paradigme sous forme de jeux de carte.
Le paradigme expérimental
On présente aux sujets 4 paquets de carte :
A, B, C & D, et un prêt de 2000 $ en billets
fictifs.
Le but est de perdre le moins possible, et
gagner le maximum.
Tâche (jeu) = retourner une carte d’un
paquet A, B, C & D.
• On peut gagner ou perdre face
l’expérimentateur
• A & B = Gains : 100 $ Pertes : 1250 $
• C & D = Gains : 050 $ Pertes : 0100 $
à
V.I. : Type de sujets : patients à lésions
préfrontales (zone impliquée dans les
émotions)
verus
personnes
non
cérébrolésés
Moyennes de cartes sélectionnées dans chacun des
paquets par des patients cérébrolésés et des sujets
non-cérébrolésés.
35
30
25
20
contrôle
cérébrolésés
15
10
5
0
A
B
C
D
* Les sujets non-cérébrolésés commencent par
préférer les paquets A et B (gains élevés mais
pertes plus élevées), mais après une trentaine de
cartes, ils restent sur les paquets C et D.
* Les patients cérébrolésés font le choix de A et B.
Selon Damasio : Les patients dépourvues
d’émotions perdent car :
• Ils ne tiennent compte que des gains
immédiats car
• Ils ne peuvent constituer des marqueurs
somatiques pour tirer bénéfice des coups
antérieurs
Les émotions sont une aide importante aux
processus
de
décision.
Elles informent les processus cognitifs sur
les alternatives à rejeter immédiatement
sans
avoir
à
les
examiner.
Les émotions qui sont, dans cette
expérience, une mémoire des coups
précédents font défaut aux sujets à lésions
préfrontales
L’évaluation inconsciente du système
émotionnel précède l’évaluation cognitive.
La théorie des « marqueurs somatiques »
va dans le sens de la théorie de Zajonc.
Damasio a montré que sans les émotions,
les
patients
ont
des
troubles
du
comportement social alors que leurs
capacités
cognitives
sont
intactes.
Pour en savoir plus sur des patients à
lésions
neurologiques
préfrontales
:
Cf.
« L’erreur de Descartes
Française : Odile JACOB.
».
Traduction
Damasio
a
validé
les
philosophiques de Spinoza
intuitions
• Avec des observations de patients
atteints de lésions neurologiques
• Des recherches expérimentales
Mais il a surtout remis en cause de
nombreuses théories et modèles :
i.e. ceux qui étudient les émotions comme
perturbateurs de la raison
Il propose de renverser la problématique
des liens entre cognitions et émotions :
• Non seulement les émotions ne sont pas
perturbateurs,
• mais en plus, sans les émotions, les
cognitions ne sont pas efficaces
5.2. L’apport des recherches en cognition
sociale
Les recherches en cognition sociale ont
porté notamment sur :
• Emotions et persuasion
• Émotions et stéréotypes sociaux
• Émotions et stratégies de traitement de
l’information
En ce qui concerne la persuasion, la
procédure-type consiste à comparer le
changement d’attitude post-expérimental
des sujets induits à éprouver des émotions
positives à des sujets en émotions
négatives.
Il s’git de travaux réalisés notamment
par Bless et ses collaborateurs.
L’hypothèse générale
Les sujets en état émotionnel positif sont
plus influençables que les sujets en état
émotionnel négatif.
L’argument théorique principale
Emotions
négatives
:
traitement
de
l’information systématique,
Emotions
positives
:
traitement
de
l’information plus superficiel (schémas,
heuristiques, stéréotypes etc.)
Mackie & Worth (1991)
Hypothèse
La mobilisation de ressources cognitives
conduit les sujets induits à éprouver des
émotions négatives à être plus sensibles
aux arguments forts que les sujets induits
à éprouver des émotions positives
Changement moyen d’attitude en fonction de
l’émotion induite et de la qualité des arguments
(Mackie & Worth, 1991)
ch a ng em e nt a ttitu de
1,4
1,2
1
0,8
arguments forts
arguments faibles
0,6
0,4
0,2
0
émotion +
émotion -
Changement d’attitude en fonction de l’émotion
induite et de l’expertise de la source
ch an gem e n t atti tud e
1,4
1,2
1
0,8
0,6
source experte
source non-experte
0,4
0,2
0
émotion +
Type d'émotion induite
ém. Neutre
Selon
Schwarz
&
Bless
(1991)
Le
traitement
de
l’information
serait
heuristique et moins systématique lorsque
les états émotionnels du sujet sont positifs,
il serait plus systématique lorsque les
émotions
sont
négatives.
Bless
(2000)
Les états émotionnels négatifs informent le
sujet qu’il n’est pas suffisant de se former
une impression ou une attitude sur des
connaissances générales pré-existantes
(par exemple en utilisant des catégories,
des
schémas
et
des
stéréotypes).
Sur les stéréotypes
Les recherches réalisées notamment par
Bodenhausen (cf. Bodenhausen, Sheppard
& Kramer, 1994).
Les sujets en état émotionnel positif ont
davantage
recours
aux
stéréotypes
sociaux que les sujets en état émotionnel
négatif sauf pour la colère.
L’argument théorique est le même :
Les
états
émotionnels
positifs
ne
nécéssitent pas un traitement profond :
donc
utilisation
des
catégories
(stéréotypes)
L’émotion
négative
:
l’information individuelle.
utilisation
de
Conclusion
Les recherches en cognition sociale
montrent que les états émotionnels ont des
effets sur le comportement social car elles
déterminent le type de traitement de
l’information sociale.
Conclusion générale
A ce jour, on admet généralement que
1) Les émotions ont un rôle (+ ou important) au niveau de la perception, de la
cognition et du comportement social
2) Qu’elles constituent une mémoire
individuelle et collective inconsciente qui
participent
à
l’orientation
des
comportements
Il n’y a pas en revanche de consensus large
sur :
• L’antrériorité des émotions ou des
cognitions
• L’importance de la part culturelle et
de la part neurobiologique des
émotions
• Leur « utilité » ou « non utilité »
Informations sur le contrôle
Réflexions à développer à partir du cours
• Antériorité
des émotions ou des
cognitions
• Implications de chacune des positions
pour le comportement social
• Emotions : aide précieuse ou biais pour
la raison ?
• Les émotions comme mémoire
• Prédiction du comportement à partir des
émotions
Exemples de sujet d’examen (1H)
Documents autorisés
• Quels sont les arguments qui vous
semblent les plus puissants en faveur de
l’antériorité des émotions sur la cognition.
• Argumenter dans quelle mesure les
émotions peuvent constituer une mémoire
individuelle.
Sujet 1
• Argument neurobiologique de LeDoux
et le modèle de la double voie
• Argument expérimental de KunstWilson & Zajonc (1980),
• Argument expérimental de Seamon,
Marsh et Brody (1984),
• Ontogenèse et phylogenèse
Sujet 2
Le
modèle
Bower
de
mnésique des émotions
l’organisation
L’hypothèse des marqueurs somatiques de
Damasio