DANIEL Conférence - Les discussions philosophiques de 5 a 18

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Transcript DANIEL Conférence - Les discussions philosophiques de 5 a 18

Marie-France Daniel
Université de Montréal
Clermont-Ferrand, 2 juin 2014
Des fissures dans les croyances
 PHILOSOPHES PRAGMATISTES DE L’ÉDUCATION:
-DEWEY : démocratisant la notion de pensée réfléchie.
-LIPMAN : rendant la philosophie accessible aux enfants
par le biais du dialogue entre pairs.
« Pensée critique » et « Dialogue entre pairs »
PLAN DE LA PRÉSENTATION
1. Éducation responsable
2. Pensée critique
3. Dialogue critique
ÉDUCATION
RESPONSABLE
ÉDUCATION RESPONSABLE
PRAGMATISTES:
 Transmission des acquis n’est PAS une fin en
soi
 But de l’école n’est PAS de développer chez les
élèves la soumission, l’obéissance, la
répétition aveugle de ce qui y est transmis.
ÉDUCATION RESPONSABLE
« Je crois que l'éducation actuelle échoue parce
qu'elle [...] conçoit l'école comme un lieu où
certaines informations doivent être données,
où certaines leçons doivent être apprises, ou
bien où certaines habitudes doivent être
contractées.
La valeur de ces choses est conçue comme
étant en grande partie situés dans un avenir
lointain;
Il s'ensuit qu'elles ne sont pas vraiment
éducatives. » (Dewey, My pedagogic Creed, p. 88)
ÉDUCATION “RESPONSABLE”
 Connaissance = consensus social (vs 1 vérité objective)
via DIALOGUE continu.
 Développement d’une PENSÉE autonome.
 Amélioration de L’EXPÉRIENCE personnelle et sociale.
Communication, Pensée, Expérience.
Éduc. Responsable: COMMUNICATION
 La connaissance = PAS un produit culturel à
transmettre.
 La connaissance = processus social qui se transforme
grâce à la communication.
Responsabilité :
- amener les élèves à s’intéresser aux problématiques
des pairs et de la société,
- s’engager dans leur résolution par le biais d’activités
sociales qui nécessitent et stimulent des compétences
reliées au dialogue.
Éduc. Responsable: COMMUNICATION
 Individus vivent en société en vertu des
valeurs, des croyances, des objectifs, des
connaissances qu’ils ont en commun.
 Ne deviennent pas un groupe social du fait de
leur juxtaposition.
 Deviennent membres d’une communauté
lorsqu’ils partagent une compréhension et
visée communes, lesquelles adviennent grâce
au dialogue.
Éducation responsable
EXPÉRIENCE
L’EXPÉRIENCE PRATIQUE ET INTELLECTUELLE =
- La base de toute éducation significative.
- Envoie à l’élève le signal qu’il est une personne à part
entière,
qui possède un bagage unique
pouvant aider à résoudre des problèmes avec ses
pairs.
Éducation responsable
EXPÉRIENCE
 Que les élèves deviennent :
- deviennent engagés activement dans la
recherche
- deviennent les co-constructeurs de leur
expérience.
 Plus qu’un droit individuel,
cet engagement = responsabilité sociale.
ÉDUCATION RESPONSABLE:
EXPÉRIENCE (Communauté de recherche de Lipman)
 L’humain au centre du processus éducatif (vs le
curriculum);
 L’élève = un être qui a des droits démocratiques de
participer à la transformation de la société,
 des responsabilités de s’y engager activement.
Éducation responsable : PENSÉE
 Lipman: Il n’est pas logique de croire que l’école peut
former des jeunes plus engagés dans leur communauté,
et les aider ainsi à améliorer leur expérience, sans leur
apprendre à penser (Lipman, 2003).
 RESTRUCTURATION DE L’ÉCOLE :
- Ne PAS fournir toutes les réponses aux élèves
- Mais leur poser plus de questions.
Trop de réponses étouffent
la soif de connaître de l’élève.
Éducation responsable: PENSÉE
« Le savoir coupé de l’action réfléchie
est un savoir mort,
un poids écrasant pour l’esprit.
Parce qu’il singe la connaissance,
il est un des obstacles les plus puissants
au développement de l’intelligence.»
(Dewey, 1983, p. 197)
ÉDUCATION RESPONSABLE: RÉSUMÉ
 Équilibrer la transmission d’un héritage public et la co-construction
d’une culture commune.
 Prône le dialogue.
 Place l’expérience des élèves au cœur du processus éducatif,
 Transforme la classe en une CR.
 Apprendre aux enfants à trouver eux-mêmes des idées et à les mettre
à l'épreuve dans l'action.
 Vise à susciter des rajustements continuels (vs s’ancrer dans des
habitudes)
 Élèves = agents de progrès actifs, capables de penser de manière
critique, de questionner, d’évaluer;
 Agents engagés, capables d’inscrire leur subjectivité dans une
intersubjectivité orientée vers l’amélioration de la démocratie.
PENSÉE CRITIQUE
PC constructive
PC dénigrante
Acte réfléchi et logique qui vise à
évaluer les principes et faits avant
de porter un jugement
d’appréciation (Ennis, 1985, 1993; Lipman,
Réflexe instinctif constitué d’un
jugement gratuit, caractérisé par
un rejet des prémisses et des faits
sans examen préalable de ces
faits.
1988, 1995; Paul, 1993; Siegel, 1988)
Esprit créatif, une volonté
d’innover et d’avancer (Ennis, 1985,
Peur de la nouveauté et du
changement.
1993; Lipman, 1995)
Responsabilité envers soi, les
Droit d’expression
autres et la société (Paul, 1993); elle se indépendamment des
manifeste dans un dialogue
conséquences; enfermement sur
(Lipman, 1988, 1995)
soi et ses propres perspectives.
Retour réflexif sur soi; autocorrection en vue d’une
amélioration (Lipman, 1995).
S’attarde essentiellement sur les
failles de l’autre.
PENSÉE CRITIQUE
 Philosophes font ressortir des modes de pensée
différents: logique, créatif, responsable, métacognitif.
 Majorité d’études : Seul mode logique (Kwack, 2007).
 Résultats de recherches récentes (enfants de 4 à 12 ans)
4 modes de pensée :
logique, créatif, responsable, métacognitif .
PC constructive / dialogique
P. LOGIQUE: Être cohérent et articulé.
P. CRÉATIVE: Créer des relations nouvelles. Poser des
questions inattendues qui vont susciter la réflexion.
P. RESPONSABLE: Équilibre entre le droit de
s’exprimer et la responsabilité de le faire dans le
respect de l’autre et avec le souci de l’amélioration de
l’expérience.
P. MÉTACOGNITIVE: Rétrospection en vue d’une
amélioration.
PC: PRODUIT OU PROCESSUS?
COMPLEXIFICATION DES 4 MODES DE PENSÉE
À PARTIR DE PERSPECTIVES ÉPISTÉMOLOGIQUES
 ÉGOCENTRISME : Représentations concrètes et issues
de la seule expérience personnelle;
 RELATIVISME : Représentations ouvertes à la
diversité et convergent vers des relations plurielles;
 INTERSUBJECTIVITÉ: Représentations abstraites et
décentrées, se co-construisent au moyen du dialogue
critique et visent un bien commun.
PC: RÉVERSIBILITÉ?
 Néo-piagétiens: Développement par stades irréversibles.
 Développement d’une PCD comme un «échafaudage» (Daniel &
Gagnon):
- ZPD qui tente un saut vers l’inconnu et revient prendre pied
dans le connu,
- Intègre graduellement la représentation du « nous » mais
sans délaisser le confort du « je »,
- Processus dans lequel les représentations que des jeunes se
complexifient avec le nombre d’années de praxis
dialogique …
… mais de manière provisoire, jusqu’à ce que les
représentations soient transformées et que la transformation
soit intégrée.
PC - 1er OBSTACLE : L’ÉCOLE
 L’école étouffe très tôt et très longtemps le
questionnement des élèves en inculquat que
les savoirs sont des vérités à mémoriser
(plutôt que des constructions sociales à questionner).
PC - 1er OBSTACLE : L’ÉCOLE
Quand l’école ambitionne l’accumulation d’informations,
il reste peu de temps pour la réflexion sur ces
informations...
Un système d’éducation qui craint le questionnement des
élèves
est susceptible de former des citoyens consommateurs de
croyances et de certitudes ;
des citoyens non-critiques, conformes et peu engagés
socialement.
PC – 1er OBSTACLE : L’ÉCOLE
 Résultats de recherches É-U auprès des étudiants
universitaires :
La pensée est réfléchie mais PAS critique
(Berland
& McNeill, 2010; Flores et al., 2012; King et Kitchener, 2001 ; Kuhn, 2007, 2009).
 Ces résultats ne signifient pas que les étudiants ne
disposent pas des structures intellectuelles nécessaires
pour penser de manière complexe, mais qu’ils n’ont pas
été stimulés dans ce sens (Bataineh et Zghoul, 2006; Berland et McNeill,
2010; Kuhn, 2009).
PC – 2e OBSTACLE : L’AFFECTIF
 Prédispositions (Paul, 1993),
 Attitudes intellectuelles (Facione, 1999, 2011),
 Émotions (Damasio, 1994; Dewey, 1960, 1983).
… relèvent du plan affectif
et sont nouées aux habiletés de pensée.
PC – 2e OBSTACLE : L’AFFECTIF
 Plan affectif = essentiel pour stimuler le processus de
pensée critique.
(Ex.: motivation intrinsèque à résoudre une problématique).
 Mais l’affectif peut être un frein à la mobilisation
d’une PC car ses éléments constituants
= PAS transmissibles comme règles de logique.
= régulièrement mis en balance avec d’autres
tendances
(ex.: peur du risque, désir de se protéger et de conserver ses croyances,
besoin de sécurité et d’autoprotection).
PC – 3e OBSTACLE : PRAXIS
 PPE : contexte social de la communauté de recherche
 Interaction dialogique avec les pairs.
 PC = PAS mécanique argumentative
PC = des compétences relationnelles de 3 ordres :
- relation à soi (égocentrisme),
- sensibilité à l’autre (relativisme),
- engagement social (intersubjectivité).
 3 ordres de relations inscrivent la PC dans une praxis, càd
dans une interrelation avec l’action (Freire, 1974).
PC – 3e OBSTACLE : PRAXIS
 En PPE, philosopher …
= PAS énoncer des mots,
= trouver des idées pour résoudre des
problèmes issus de l’expérience.
 PC= praxis responsable
donc difficulté supplémentaire à sa
mobilisation.
PC: NÉCESSITÉ DE LA STIMULER?
Le contexte actuel des sociétés industrialisées exige de
stimuler une PC puisque :
 Les idées et les informations circulent abondamment
 sans aucun filtre.
 Les jeunes n’ont pas de critères pour évaluer la
justesse de ces informations,
 ni pour les prioriser en fonction de leur pertinence.
PC: NÉCESSITÉ DE LA STIMULER?
 PC n’est pas innée;
 N’apparait pas nécessairement avec le nombre d’années
de scolarité (É-U).
 Québec: analyses des entrevues et journaux de bord des
étudiants en dernière année d’un programme de
formation initiale des maîtres = épistémologie
relativisme /égocentrisme. L’aspect évaluatif = évacué du
processus réflexif (Forges, 2013).
 Il convient donc de stimuler très tôt chez les jeunes
l’habitude d’une PCD (dès leurs premiers pas à l’école)
(Lipman et al., 1980).
PC : RÉSUMÉ
 PC = introduite par des philosophes américains, à la suite des
travaux de Dewey - qui visaient la démocratisation de pensée et son
utilité sociale.
 Aujourd’hui la PC = souvent réduite à une application de logique
formelle.
 Des recherches exploratoires, conduites auprès de philosophants (5
à 12 ans) montrent qu’une PCD aboutie rejoint des éléments
définitoires apportés par les philosophes:
- multimodalité (logique, créatif, responsable et métacognitif)
- récursivité des apprentissages (vs irréversibilité).
 PC = peu mobilisée chez les adolescents/jeunes adultes. Stimulation
nécessite une réorganisation des programmes de formation, sa
mobilisation va à l’encontre de l’individualisme et du confort de la
certitude.
 Essentiel de la stimuler pour aider les jeunes à faire des choix
éclairés et cohérents avec leurs objectifs de vie et ceux de la société.
DIALOGUE CRITIQUE
DIALOGUE CRITIQUE
“ la langue participe à l’éclosion des concepts
et des
idées
parce qu’elle fait accéder à la connaissance et à la
compréhension des choses. (…)
Elle est aussi un instrument de libération et de
pouvoir parce qu’elle permet d’exprimer une pensée
et d’infléchir celle de l’autre.
Dans une société démocratique, la prise de parole est
un acte de citoyenneté et de participation à la vie
collective de même qu’un outil de résolution de
conflits. » (MEQ, 2004, 7)
DIALOGUE CRITIQUE
 Narration, conversation, discussion, dialogue simple,
dialogue critique :
 Ne revêtent PAS les mêmes fonctions,
 ni les mêmes significations,
 ni les mêmes exigences
 n’ont PAS les mêmes incidences - sur le discours,
- sur la stimulation de la pensée,
- sur l’engagement dans l’action.
MODES D’EXPRESSION
 NARRATION : Exposé simple ou récit détaillé d’une suite de faits;
elle raconte et se raconte. Exige peu ou pas sur les plans
cognitif et de la communication (Dict. Académie française, 2009).
 CONVERSATION : Échange d’informations ou de propos naturels et
spontanés (Dict. Académie française, 2009).
 DISCUSSION : Examen d’un fait ou d’une situation en confrontant
les opinions et en y opposant des arguments. Peut se
cristalliser dans des « joutes verbales » où il doit y avoir un
« vainqueur à tout prix » (LE CUNFF, 2009).
 DIALOGUE: Simple ou complexe (non critique ou critique).
Concertation ou une négociation entre minimalement deux
personnes à la recherche d’un compromis ou d’un accord.
DIALOGUE SIMPLE (NON-CRITIQUE)
Prédominance de la sensibilité à l’autre et de l’acceptation
des différences.
 Type d’échange très valorisé par l’école actuelle, car il
contient intrinsèquement des valeurs socialement
prisées (pluralisme, tolérance, vivre-ensemble).
 Demeure INSUFFISANT pour aider les jeunes à entrer
dans une réflexion critique sur la vie, la société, les
traditions, les valeurs, etc.
« Si l’on s’en tient à la seule réflexion,
il y a risque d’enfermement sur soi, voire de
complaisance en soi,
à l’abri de l’interpellation de la confrontation.»
Bourgeault (2012, p. 113-114) :
DIALOGUE CRITIQUE
 Recherche d’intercompréhension
 qui impose aux interlocuteurs de s’assurer
qu’ils se comprennent
 pour co-construire des interprétations
communes
 dans une visée d’enrichissement des
perspectives initiales.
 Résultat : Transformation des perspectives.
DIALOGUE CRITIQUE
DIALOGUE CRITIQUE (ex.: questionnements, nuances, etc.)
va créer un déséquilibre cognitif suffisant
pour déclencher chez les élèves un processus
réfléchi susceptible de conduire à :
- clarification des propositions,
- transformation des représentations,
- remise en question des préjugés,
- choix éclairés.
DIALOGUE CRITIQUE FAVORISE:
- mise en place d’un pouvoir horizontal (vs vertical);
- des valeurs comme la coopération et l’entraide.
DIALOGUE - RÉSUMÉ
 Ne pas amalgamer la narration, la conversation, la
discussion, le dialogue simple et le dialogue critique.
 Si c’est le développement chez les jeunes d’une PC
« constructive » qui est visé, c’est le DIALOGUE
CRITIQUE qui devrait être valorisé dans les classes.
 Car la praxis du dialogue critique = forme de protection
contre la domination d'une minorité, contre la
discrimination raciale, le sexisme, etc.
 C’est une avenue pour diminuer l’individualisme chez les
jeunes et favoriser leur engagement social.
CONCLUSION
 L’école a la mission d’outiller les jeunes sur les plans





intellectuel, social/éthique et personnel.
L’éducation doit devenir RESPONSABLE.
Elle doit stimuler l’engagement social et l’investigation
rigoureuse des problèmes, en CR.
Sera ainsi un lieu d’émancipation pour les jeunes qui
comprendront la nécessité de faire primer
l’intersubjectivité sur les subjectivités.
Développement d’une PCD: incontournable «afin de
favoriser chez les élèves une compréhension véritable
des événements au lieu de développer et de maintenir
une vision simplificatrice des informations reliées à ces
événements.» (Delors, 1996, p. 47)
La praxis du DIALOGUE CRITIQUE = moyen approprié.