Transcript voir ici

Conférence
Quelle est la place de la créativité
dans le travail?
Si la mobilisation de la créativité dans le champ du travail est
aujourd’hui un enjeu et une ressource tant pour les entreprises
que pour les salariés, son développement et sa généralisation
sont souvent empêchés par des idées reçues et des injonctions
de type : «soyez créatifs ».
Intervenants
 Thierry Gaubert,
 psychologue du travail, chargé de cours à
 l’université Lyon II, coresponsable de la filière psychologie de travail
 au CNAM Lyon, directeur du cabinet METOD
 Jean Marc Moncorger,
 Consultant, docteur en créativité et innovation, Ph.D
 Responsable R&D, dirigeant de sociétés dans le secteur médical.
 Publication : « Testez votre créativité » Editions Marco Pietteur.
Un autre regard sur la créativité
Introduction
Pour saisir les enjeux de la créativité dans le travail et
penser les voies de son développement, il est
nécessaire de mettre en discussion certaines idées
reçues:
 L’activité créatrice serait réservée à certains métiers
 Il y aurait des profils de personnalités plus créatifs que
d’autres
 Avoir des idées c’est être créatif
Pour dépasser ces idées reçues, il convient de porter un
autre regard sur la créativité, à partir de clés de lectures
pluridisciplinaires
I
Des mathématiques à la psychologie du travail
 1 / Démonstration par le théorème de Gödel qu’un
monde sans créativité ne peut pas exister.
 2 / Application de cette démonstration au monde du
travail.
D’après le théorème d’incomplétude de Gödel:
 Il existe pour l’arithmétique, des assertions
correctes mais que l’on ne peut pas démontrer
arithmétiquement, c’est-à-dire à partir des
axiomes et des règles de déduction de
l’arithmétique.
 Il est impossible de démontrer la cohérence de
l’arithmétique en utilisant ses moyens.
 Tout système formel cohérent est incomplet. Cette
incomplétude est sans remède .
Si nous transposons le théorème de Gödel au réel:
 Quelles que soient les lois déterministes en nombre
fini que nous allons énoncer sur le réel, il y aura
toujours des énoncés qui sortiront du cadre de ces lois
déterministes.
 D’après le théorème de Gödel, un système formel
déterministe absolu ne peut pas fonctionner, sans
créativité.
Travail et créativité
 La confrontation au « réel du travail »
 La mobilisation de la Métis
 Créativité et santé au travail
La confrontation au « réel du travail »
 Dans le travail, nous faisons l’expérience de l’écart
entre ce que les ergonomes nomment le travail prescrit
et le travail réel, dans la mesure où il ne suffit pas
d’appliquer les consignes et de suivre les procédures
pour que « ça marche ».
 Ainsi, travailler nécessite d’inventer des solutions,
d’élaborer des stratégies pour pallier les défaillances de
la prescription et faire face aux imprévus et aux aléas.
 L’expérience de travail se construit dans la
confrontation au réel qui résiste « à la maîtrise
technique, à la connaissance scientifique et qui est
toujours une invitation à poursuivre le travail
d’investigation et découverte » (Dejours)
La mobilisation de la Métis
 Dans cette confrontation au réel du travail, nous
mobilisons une forme particulière d’intelligence
créatrice: la Métis, déesse de la mythologie grecque
symbolisant l’ingéniosité que les artisans, les
médecins, les navigateurs utilisaient pour appréhender
les situations complexes et mouvantes
 Aujourd’hui, la complexité des situations de travail
nécessite la mobilisation de cette intelligence qui « par
sa souplesse et sa malléabilité lui donne la victoire
dans les domaines où il n’est pas de règles toutes faites,
de recettes figées, mais où chaque épreuve exige
l’invention d’une parade neuve, la découverte d’une
issue cachée » (Detienne et Vernant)
Créativité et santé au travail
 Au-delà de son efficacité pratique, cette intelligence
« subjective et corporelle » (Dejours) offre une issue
positive à l’énergie pulsionnelle qui va pouvoir
s’investir dans l’acte créatif
 Dans cette perspective, l’agir créatif permet de
dépasser la stricte conservation de soi qui pour
(Canguilhem) peut s’opposer à terme à la santé « vivre
ce n’est seulement végéter et se conserver, c’est
affronter des risques et triompher »
 A contrario, on peut faire l’hypothèse que la souffrance
au travail et ses conséquences psychiques et
psychosomatiques peuvent être liées à l’impossibilité
de mobiliser l’intelligence créative dans le travail.
II
La démarche créative
Les trois démarches intellectuelles utilisées
dans les situations que nous rencontrons au travail
et dans la vie courante:
1
Idée de départ
Techniques / protocoles
résultat final connu
Cf Démarche intellectuelle de type Application
2
Idée de départ
Pas de Techniques ni de protocoles
résultat final connu
Cf Démarche intellectuelle de type Transposition
3
Idée de départ
Pas de Techniques ni de protocoles
résultat final inconnu
Cf Démarche intellectuelle de type Conception
 En conclusion, on utilise une démarche créative:
 chaque fois qu’on ne peut pas appliquer un protocole
de résolution pour une action ou une réalisation
donnée, et qu’on invente une stratégie de résolution de
problème. (démarche de transposition)
 chaque fois que le résultat final est inconnu, et qu’on
doit inventer la solution (démarche de conception)
 chaque fois qu’on doit faire face aux défaillances de la
procédure. (démarche d’application)
III
Les idées naissent du réel
 Pas d’idée « extra univers », ni de création ex nihilo.
 La source d’idées est l’existant, le réel.
 L’idée nouvelle vient d’un autre regard sur l’existant.
 L’observation et l’interrogation sont sources d’idées
nouvelles, y compris à travers la sérendipité.
 Toute invention, toute innovation n’est que la
combinaison nouvelle d’éléments préexistants
empruntés au milieu ambiant, aux techniques déjà
connues. (G. Haudricourt)
 Une invention intervient quand le filtre social la laisse
passer (G. Simondon)
IV
les traits de personnalité liés à la créativité
 La persévérance.
 La tolérance à l’ambiguïté.
 La flexibilité. (sensibilité au changement, souplesse de
l’esprit, capacité à se dégager d’une idée initiale pour
explorer d’autres pistes, et une aptitude à appréhender
une idée ou un objet sous des angles différents).
 L’individualisme. Les créateurs ne cherchent pas à se
conformer à l’opinion du groupe.
 La curiosité vis-à-vis du monde extérieur et intérieur.
les traits de personnalité liés à la créativité
 Acceptation de la prise de risque.
 Besoin de reconnaissance
 La capacité d’encodage sélectif, (possibilité de relever
une information dans l’environnement, en rapport
avec le problème à résoudre, alors que dans la majorité
des cas, peu de personnes ne la voient).
 L’ouverture aux nouvelles idées, et aux nouvelles
expériences.
Styles de créativité
selon l’indicateur de personnalité MBTI
EXPLORATEUR
ANTICIPATEUR
Développe une vision de son
futur pour créer des produits de
qualité
SONY
GUTENBERG
Combine des procédés
existants pour créer la presse à
imprimer
MODIFICATEUR
S’inspire d’une danse de
serpents pour trouver la
structure du carbone
KEKULÉ
PALISSY
Procède à de nombreux
essais pour créer la
céramique
EXPÉRIMENTATEUR
24
Que retenir des différentes approches de la
psychologie de la créativité?
- Le nombre et la diversité des traits psychologiques
qui favorisent la créativité ne permettent pas de
définir un type de personnalité créative.
- Chacun a un style de créativité lui permettant
d’être plus à l’aise dans certaines formes
d’expression de cette créativité.
- Il convient également de prendre en compte les
dimensions émotionnelles (cf travaux de Damasio)
et l’intuition (cf travaux de Gigerenzer) dans le
développement du potentiel créatif.
L’homme est plein, à chaque minute, de
possibilités non réalisées.
Lev VYGOTSKI
V
Une démarche par hypothèses:
 processus heuristique, basé sur des évaluations
successives et des hypothèses provisoires.
 Contrairement aux méthodes algorithmiques, les
méthodes heuristiques n’assurent pas que l’on arrivera à
un résultat en un nombre fini d’étapes.
 Une heuristique est une technique empirique de
résolution de problèmes qui tient compte des résultats
précédents, à chaque étape, et en déduit la stratégie à
adopter pour la suite.
 consiste à évaluer des possibles, et à réajuster
instantanément l’option choisie, si elle ne convient pas.
Une démarche par hypothèses:
 le traitement d’une idée consiste à la transformer en
hypothèse de travail, l’examiner, l’évaluer, la mettre à
l’épreuve, la retravailler en recherchant de
l’information suite aux questions qu’elle soulève et
vérifier tous les résultats partiels obtenus.
 Nous sommes dans la même situation qu’un individu
qui ferait un puzzle sans en connaître le résultat final,
et qui pose les pièces les unes après les autres, jusqu’au
moment où le nombre d’éléments lui permet de
comprendre le sujet.
La méthode heuristique
 Contrairement aux méthodes algorithmiques, les
méthodes heuristiques n’assurent pas que l’on arrivera
à un résultat en un nombre fini d’étapes.
 Nous sommes dans la même situation qu’un individu
qui ferait un puzzle sans en connaître le résultat final,
et qui pose les pièces les unes après les autres, jusqu’au
moment où le nombre d’éléments lui permet de
comprendre le sujet.
VI
Constat et questionnements
 L’ingéniosité que chacun mobilise dans son activité pour pallier les
défaillances de la prescription et sortir des dilemmes inhérents au
travail, reste le plus souvent dans l’implicite et le non dit.
 Comment rendre lisible les productions de cette intelligence créative ?
 Comment conjuguer intelligences singulières et intelligences
collectives ?
 Comment un collectif de travail peut s’approprier une démarche
facilitant le développement d’une intelligence créative dans le travail ?
Méthodologie
 La plupart des techniques de créativité font appel à l’imagination et aux




capacités cognitives en les décontextualisant du réel du travail et de
l’expérience vécue.
Dans la mesure où le processus créatif est un remaniement de
l’existant, il convient de partir du concret pour pouvoir déclencher
l’émergence d’idées nouvelles.
C’est dans cette perspective que se situe la méthode de l’objet socio
technique. Un collectif de travail est engagé dans une démarche de
recherche - action à partir d’un objet représentatif des différentes
données d’une situation de travail. Cette méthode inductive conduit les
participants:
- à expliciter leur savoir-faire développé dans l’utilisation de cet objet
- à s’engager dans un processus de transformation de cet objet
Bibliographie
Voir document annexe:
 - ouvrages
 - articles