I. La formation des mots en diachronie.

Download Report

Transcript I. La formation des mots en diachronie.

Eléments de lexicologie (3)
Pr. François MANIEZ
Directeur du CRTT , EA 4162
(Centre de Recherche en Terminologie et Traduction)
Université Lumière Lyon 2
requête Google : maniezf
La formation des mots
I. La formation des mots en diachronie.
A. Mots héréditaires et mots empruntés.



Les mots héréditaires sont ceux que le
français a hérités d’une langue ancienne
(latin, francique, gaulois).
L’étymologie étudie les mots en remontant
jusqu’à leur forme la plus ancienne,
l’étymon (attesté ou reconstitué).
« âme » et anima sont un même lexème
historiquement.

On ignore parfois l’origine d’un mot, et
certains autres ne sont que des
onomatopées (japper, grommeler, ouf !)
emprunts : bravade, képi, golf, chiffre,
euphorie, fragile
 Formes savantes / populaires  doublets
 frêle/fragile, écouter/ausculter, naïf/natif,
nager/naviguer.
 Doublets par suffixation : originel/original,
inclinaison/inclination

3
B. Les mots construits
 Mots créés à partir du fonds primitif : les
éléments des mots héréditaires ou des
emprunts sont réemployés dans de
nouvelles combinaisons :
 misanthrope et androgyne (Gr.) 
misogyne

impossible, fragilité (Lat.)
 spontanéité (Fr), instantané

4
Deux procédés de construction :
 Composition (poisson-chat, omnivore)
 Dérivation (impoli, spontanéité)
 Deux types de dérivation :
 affixale (ajout d’un affixe) : navig-ateur
 régressive (back-formation) :
somnolen[t/ce]  somnoler, baby-sitter
 baby-sit, agress[eur/ion]  agresser

5
Dérivation impropre (conversion) :
 Changement de catégorie grammaticale
 personne (je n’ai vu aucune personne)
 sauf (votre respect étant sauf)
 mauve (adj. Depuis 1829)


déverbaux (ou postverbaux) : substantifs dont
le suffixe est zéro par rapport au verbe
correspondant : crier/cri, oublier/oubli,
appeler/appel, avouer/aveu
,
6
II. La formation des mots en
synchronie.
1. Mots construits et mots simples
 Les mots construits sont ceux qui ont
une structure interne qui les met en
relation avec d’autres mots de la langue.
 = dérivés + composés
 Opposé à « mot fléchi », « mot
construit » désigne spécifiquement les
dérivés.

7
2. La motivation
Les mots simples sont arbitraires, mais
les mots construits sont relativement
motivés :
 « vingt est immotivé, mais dix-neuf ne
l’est pas au même degré » (FDS)
 poirier/cerisier/pommier  chêne,
frêne
 concierge/portier, jadis/autrefois,
souvent/fréquemment

8
La démotivation

Chacun des supports de métal que l'on place
dans le foyer d'une cheminée afin de maintenir
les bûches au dessus de l'âtre pour en faciliter
la combustion.
 Retranchement improvisé avec des objets ou
des matériaux divers (poutres, pieux, pavés,
voitures, etc.) pour interdire l'accès d'un lieu
ou pour se mettre à couvert de l'adversaire
dans un combat de rues.
 Impression pénible laissée par un événement
malheureux ou décevant.
9
Il y a divers degrés de démotivation :
 plafond, embonpoint, débonnaire
 fourchette, trottoir, déjeuner

10
La remotivation
Rattachement d’un mot à un autre à
cause d’une ressemblance de forme
accidentelle.
 = fausse motivation, étymologie
populaire


Abondance de paroles vides de sens ou qui
disent peu. Synon. fam. blablabla.
 Dér., à l'aide du suff. -age*, de l'anc. verbe
verbier « chanter en modulant » (1530)
11

Certains mots semblent avoir une
étymologie commune :



[À propos d'une activité hum.] Résultat négatif, et
généralement d'une certaine gravité, d'une
entreprise.
[En parlant d'une pers. ou de ce qu'elle a entrepris
ou produit] Se heurter à un obstacle social, moral
ou intellectuel et ne pas réussir à le surmonter.
 ] Heurter le rivage ou le fond marin et s'y
immobiliser.
12
A. Jour ~. Jour consacré au travail.
 B. [En parlant de matériaux] Qui peut
être façonné.
 Les fausses motivations montrent
l’indépendance des perspectives
synchronique et diachronique : elles sont
fausses historiquement, mais vraies du
point de vue du fonctionnement actuel
de la langue.

13
B. L’analyse en éléments
1. Identification des éléments
 Morphèmes : unités significatives
minimales

Les commutations paradigmatiques
permettent leur identification :
 embarquement / débarquement
 embarquement / emprisonnement
 embarquement / embarcation
 somnambule / noctambule / … / somnifère
14

Le fait de retrouver des éléments
combinés à d’autres avec le même sens
et avec la même forme confirme leur
existence en tant que morphème.
ambul- est présent dans
ambulance/ambulant.
 –fère est présent dans pétrolifère.


Les variantes (somn/somni, barqu/barc)
sont appelées allomorphes.
15
Quand la variation entre ces formes
devient plus importante (allégresse/alacr-ité), on ne parle plus
d’allomorphie : les deux formes, qui ont
le même étymon, sont considérées
comme des synonymes.
 Barc-, somn- et dé- sont des morphèmes
liés, alors que barque est un morphème
libre.


Pseudo-affixes :


-onge (mensonge) ou -our (amour)
Quasi-affixes :



-as dans coutelas, fatras, canevas, plâtras
-as est également la finale de déverbaux (-asser) :
débarras, embarras, tracas, trépas
2. Péj. [En parlant de la manière d'être d'une pers.
ou, p. ext., d'une pers.] Qui est mesuré, étudié,
retenu dans de strictes limites, qui bannit toute
spontanéité, toute vivacité.



Segments radicaux non identifiés :
 in- dans insolite (= inhabituel, mais –solite ne peut
être interprété en synchronie).
Éléments grecs ou latins à emploi unique
 étymo- dans étymologie, aristo- dans aristocrate.
Éléments grecs ou latins plus ou moins identifiés :
 mélo- dans mélodrame
 Chef d'État qui exerce le pouvoir seul et sans
contrôle et qui gouverne avec une autorité absolue
et arbitraire;
 Rapport avec potentat, impotent, mais
interprétation de des- ?
2. Les familles de mots
 Elles sont formées de mots qui ont un
élément radical commun :

Accélérer, célérité, décélération :
(-)célèr- (rapide, rapidité)
 Ambulance, ambulant, ambulatoire,
déambuler, funambule, noctambule,
somnambule : (-)ambul- (se déplacer)


Ce sont des familles morphosémantiques
synchroniques
 morphosémantiques : le sens de l’élément doit être
constant. C’est un point difficile à établir, car le sens
n’a pas l’objectivité de la forme :
 Sentiment de honte, de gêne qu'une personne
éprouve à faire, à envisager ou à être témoin des
choses de nature sexuelle. (GR)
 Effronterie audacieuse ou cynique qui choque,
indigne, révolte. (GR)
 pudeur, pudique, pudibond (du Lat. pudere « avoir
honte »).  impudent ?






synchroniques : un mot démotivé sort de sa
famille.
chenil, canin sont en relation avec chien.
1. Partie la plus basse du peuple considérée
comme méprisable dans ses idées, ses goûts,
ses actes.
2. Individu malhonnête et sans scrupules.
Personne que l'absence de scrupules et de
sens moral, rend capable de méfaits divers.
Fausse étymologie (schnappen + Hahn)
Un exemple de dérivation complexe







fait de rompre le lien de territorialité entre une
société et un territoire.
déterritorialisation
Le TLF ne donne que territoire et territorial, le
GR territorialisme et territorialité.
105 000 pour déterritorialisation
125 000 pour territorialisation
16 500 pour territorialiser
4 330 pour déterritorialiser

TLF : Empr. au lat. territorium « id. », dér. de
terra « terre »; v. aussi terroir, forme pop.
issue de territorium.
 Autres sources : terrere (terrifier) , participe
passé territus, (espace sur lequel le proconsul
a le droit de vie et de mort).
 En principe les mots latins suffixés en -torium
sont eux-mêmes dérivés de -tor (agent d'une
action).
 Écritoire, conservatoire, laboratoire sont des
déverbaux.