Transcript DÉPRESSION
TROUBLES DE L’HUMEUR
Symptomatologie
Approches thérapeutiques
O. Chatillon,
Hôpital Sainte Anne
L’HUMEUR
Généralités
L’HUMEUR
« L’humeur est cette disposition affective
fondamentale, riche de toutes les instances
émotionnelles et instinctives, qui donne à chacun
de nos états d’âme une tonalité agréable ou
désagréable, oscillant entre les deux pôles
extrêmes du plaisir et de la douleur. »
Jean Delay
L’HUMEUR
État dynamique, dont les variations sont
physiologiques
Syn: moral, thymie, affects
TROUBLES DE L’HUMEUR
Fixation de l’humeur dans un état
extrême :
– Tristesse et douleur morale : dépression
– Euphorie : manie
Aigu ou chronique
DOMAINES LIES À L’HUMEUR
Sthénie (état de forme)
Contenu des pensées
Psychomotricité
Conduites instinctuelles (sommeil,
appétit, libido)
Anxiété
Dynamique émotionnelle
LA DEPRESSION
Généralités
QUELQUES CHIFFRES
1ère pathologie psychiatrique
– 121 M de personnes dans le monde
– 3 M en France
1ère cause de handicap dans le monde
» Rapport OMS 2004
2 femmes pour 1 homme
5 à 25% de prévalence vie entière
Pathologie universelle
Définition
Trouble de l’humeur dominé par la
tristesse et un ralentissement global de
la psychomotricité.
Met en jeu le pronostic vital,
principalement en raison du risque
suicidaire.
Les causes?
Dépressions primaires / secondaires
Dépressions endogènes / psychogènes
Dépressions primaires
Hypothèses psychodynamiques
– Psychanalytique
– Cognitiviste
Hypothèses biologiques
– Neurotransmission monoaminergique
– Déséquilibre endocrinien
– Prédisposition génétique
Hypothèses sociologiques
– Facteurs prédisposants
– Facteurs précipitants
Dépressions « primaires »
Multiples hypothèses
« Psychologiques » « Biologiques »
« Sociologiques »
-Approche analytique
-Approche cognitive
Facteurs favorisants
et facteurs précipitants
e
-Neurobiologie
-Endocrinologie
-Génétique
e
Multifactoriel
e
Dépressions « secondaires »
À un trouble psychiatrique +++
À une pathologie organique
– Maladies dépressogènes
– Maladies déprimantes
À une prise de médicament ou de
toxique
Dépressions secondaires à un autre
trouble psychiatrique
Troubles anxieux (TAG, phobies…)
Psychoses (Schizophrénie…)
Troubles du sommeil
Troubles des conduites alimentaires
(anorexie, boulimie…)
« Vraies » causes organiques de dépression
Maladies « dépressogènes »
Altèrent le fonctionnement cérébral et
provoquent la dépression
Exemples:
–
–
–
–
Neuro: Parkinson, démences, SEP, tumeurs, AVC
Endocrino: hypothyroïdie, hypercorticismes
Certains cancers
Infectio: VIH, tuberculose…
« Fausses » causes organiques de dépression
Maladies « déprimantes »
Soit par le handicap chronique qu’elles
imposent:
– Cancers
– Maladies cardiovasculaires
– Handicaps verbaux et moteurs
Soit par leur caractère traumatisant:
– Infarctus
– Traumatismes…
« Vraies » et « fausses » dépressions
organiques
« Vraies » dépressions organiques
> le traitement de la dépression passe avant tout
par le traitement de l’affection causale
« Fausses » dépressions organiques »
> le traitement de l’affection causale ne suffit pas
toujours
Causes toxiques de dépression
Anti-hypertenseurs +++
Corticostéroïdes
L-Dopa
Endogène ou psychogène?
?
ENDOGÈNE
PSYCHOGÈNE
LE SYNDROME DEPRESSIF
Généralités
Humeur dépressive
Asthénie
Modification du contenu des pensées
Ralentissement psychomoteur
Troubles des conduites instinctuelles
Symptômes anxieux
± Délire
Humeur dépressive
Tristesse intense, qualitativement singulière
• envahit tous les champs de la vie mentale
• peu accessible au raisonnement, au réconfort
• entraîne une importante impotence fonctionnelle
Anhédonie : perte de la sensation de plaisir
Aboulie : perte d’initiative, absence d’envie
Au maximum, perte de l’élan vital (athymhormie)
Ennui, anesthésie affective, le patient étant hyporéactif aux
stimuli agréables
ou au contraire, irritabilité, labilité émotionnelle, hyperthymie
douloureuse (ou douleur morale) avec crises de larmes
parfois inexplicables par le patient, et anxiogènes.
Asthénie
Fatigue et fatigabilité
Symptôme quasi-constant ++
Caractéristiques dans la dépression :
– Prédominance matinale
– Amélioration vespérale
Modification du contenu de la pensée
Le passé :
– reconstruction négative du passé
Le présent :
– culpabilité exagérée, avec vécu d’indignité
– autodépréciation
L’avenir :
– pessimisme, sensation d’avenir bouché
– incurabilité : sentiment de ne pouvoir être guéri
Idées suicidaires
Facteur de gravité
Pas forcément synonymes de risque
suicidaire
– Intensité
– Intentionnalité
– Moyens
– Projet
Ralentissement psychomoteur
Ralentissement psychique (Bradypsychie)
– Troubles de l'attention et de la concentration, troubles
mnésiques, menant à une indécision et une perplexité
– Ruminations (piétinement de la pensée)
– Bradyphémie : lenteur du discours
– Prosodie monocorde : perte des intonations
Ralentissement moteur
– Pauvreté gestuelle et mimique (hypomimie voire amimie)
– Apragmatisme : perte d’initiative
– Au final, diminutions des conduites élémentaires d’hygiène et
d’alimentation (incurie), avec confinement au lit (clinophilie)
À l'extrême: Mutisme et Stupeur
Conduites instinctuelles
Appétit : anorexie (90%) ou
hyperphagie (10%)
Sommeil : insomnie, typiquement à
réveil précoce (90%) ou hypersomnie
(10%)
Libido : baisse du désir sexuel
Symptômes anxieux
Très fréquents
Problèmes diagnostique entre :
– Trouble anxieux déprimé
– Dépression anxieuse
Délire
Pensée en contradiction avec le réel
Congruence à l’humeur
– Ruine
– Indignité
– Culpabilité
Rappel
Humeur dépressive
Asthénie
Modification du contenu des pensées
Ralentissement psychomoteur
Troubles des conduites instinctuelles
Symptômes anxieux
± Délire
Aucun symptôme spécifique +++
Complications de la dépression
Conduites suicidaires
Addictions
– Stupéfiants
– Anxiolytiques ++
Retentissement social et professionnel
Récidive
Évolution vers un trouble chronique de l’humeur
NOSOGRAPHIE
L’Episode Dépressif Majeur (EDM)
A.
Rupture avec l’état antérieur, avec au moins
5 des symptômes suivants pendant au
moins 2 semaines :
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Humeur dépressive
Anhédonie
Altération du poids ou de l’appétit
Altération quotidienne du sommeil
Agitation / Ralentissement psychomoteur
Asthénie
Dévalorisation / Culpabilité
Troubles de concentration / Indécision
Idées / Projet / Tentative de Suicide
L’Episode Dépressif Majeur (EDM)
A.
Cf prec.
B.
Ne répondant pas aux critères de l’épisode mixte
C.
Altération du fonctionnement social et / ou professionnel
D.
Absence de cause toxique ou organique
E.
En l’absence de deuil
DSM IV-TR
L’Episode Dépressif Majeur (EDM)
Ne veut pas dire sévère, mais « dépression
caractérisée »
Sévérité évaluées en fonction du nombre de
symptômes et du retentissement:
– Léger
– Moyen
– Sévère
Caractéristiques psychotiques
Nosographie de l’EDM
EDM isolé
Trouble dépressif récurrent
Trouble bipolaire
EDM survenant dans le cadre d’une
maladie psychiatrique autre
Mélancolie
EDM très sévère, dont l’ensemble des symptômes sont
exacerbés.
Risque suicidaire majeur
Caractéristiques remarquables « endogènes »
– Au moins 1 des éléments suivants
• Anhédonie généralisée
• Aréactivité aux stimuli agréables
– Et au moins 3 des éléments suivants
•
•
•
•
•
Humeur dépressive marquée
Prédominance matinale
Réveil matinal précoce
Anorexie ou perte de poids
Culpabilité excessive ou inappropriée
Réponse favorable au traitement médicamenteux.
Mélancolie: contexte
« Typus melancholicus »
Antécédents familiaux +++
Très lié à la bipolarité, mais pas
exclusivement
Mélancolie
Mélancolie stuporeuse
Mélancolie anxieuse
Mélancolie délirante
URGENCE
THÉRAPEUTIQUE
Syndrome de Cotard
Négation d’organe voire du corps
Damnation
Thème d’immortalité
Jules Cotard
(1840-1889)
Formes « mineures » de
dépression
Episode dépressif mineur (< 15 jours)
Trouble dysthymique
– Symptômes thymiques prédominants +++
– Durée longue > 2 ans
Dépressions récurrentes brêves
TRAITEMENTS (Principes)
Pronostic
EDM = 4 à 8 mois
Évolue le + svt vers la
résolution spontanée.
Risques en l’absence de
traitement
– Conduites suicidaires +++
– Addictions (stupéfiants, mais
surtout médicaments
anxiolytiques)
– Retentissement
socioprofessionnel
– Récidive
– Évolution vers un trouble
chronique de l’humeur
Pourquoi traiter?
Réduire la souffrance et l’incapacité
Diminuer le risque suicidaire
Réduire la durée de l’épisode
Objectif thérapeutique = GUÉRISON
Psychothérapies
Toujours indiquées
En fonction des caractéristiques de la
dépression:
– TCC
– Analytique
– Soutien
Seules: dépression légères à modérées
Antidépresseurs
Dans les dépressions modérées à sévères
ISRS (Prozac®, Floxyfral®, Seropram®) en
1ère intention.
IRSNA ou Tricycliques (Effexor®, Anafranil®)
en 2de intention, ou dans les dépressions
très sévères.
Après bilan, sous surveillanceTolérance des
AD
Sismothérapie
Traitement d’urgence des
mélancolies délirantes et
stuporeuses
En 3ème ligne dans les
dépressions sévères
résistantes
Traitement le plus efficace
(90%)
Photothérapie
Dans les dépressions à caractéristiques
saisonnières.
Évolution sous traitement
Réponse: amélioration des symptômes à 50%
Rémission : disparition des symptômes à 95%
Guérison (rémission > 4 mois)
Rechute (avant la guérison)
Récidive (après la guérison)
– 50% après un 1er épisode
– 70%
//
2ème épisode
– 90%
// 3ème épisode
Chronicité
Résistance
Virage
Quand hospitaliser?
Mélancolies
Dépressions sévères avec risque suicidaire élevé
Trouble somatiques associés
Mode de vie entretenant les troubles
Quand on sent que c’est mieux pour le patient
+++
MANIE et HYPOMANIE
Aux antipodes de la dépression?
Généralités
Troubles de l’humeur dominés par:
– L’exaltation
– L’accélération psychomotrice
Pic de fréquence entre 15 et 30 ans
S’inscrivant dans le cadre d’un trouble
bipolaire de l’humeur.
Causes de manie
Manies « primitives » (Trouble bipolaire)
Manies « secondaires » ou « pseudomanies »
– Pathologies organiques: épilepsies, syndrome
frontal, THE, hypoglycémies, hyperthyroïdies…
– Toxiques +++
• Stupéfiants stimulants (psychoanaleptiques): cocaïne,
amphétamines, ecstasy
• Médicaments: Antidépresseurs, corticostéroïdes…
Le syndrome maniaque
Généralités
S’oppose presque point par point au syndrome
dépressif
–
–
–
–
–
–
Exaltation de l’humeur
Hypersthénie
Idéation « hyper-positive »
Accélération psychomotrice
Troubles des conduites instinctuelles
Délire
RUPTURE AVEC L’ÉTAT ANTÉRIEUR
Caractérisé par une ANOSOGNOSIE (absence de
conscience du trouble).
Exaltation de l’humeur
Euphorie : joie intense, exaltation
Expansivité de l’humeur, sans pudeur ni
réserve.
Hypersyntonie: hyperadaptabilité, familiarité
Ludisme
Hyperhédonie
Labilité émotionnelleirritabilité
Hypersthénie
Absence de fatigue
Moindre fatigabilité
Malgré un appétit et un sommeil
souvent réduits ++
Modification du contenu des pensées
Surestimation de soi
Sentiment de toute-puissance
généralement sous-tendu par un pseudo-délire
mégalomaniaque ou mystique.
Optimisme débordant, insouciance
Anosognosie et déni du trouble
Accélération psychomotrice (1)
Hypervigilance et distractibilité
Tachypsychie
Diffluence
Troubles de la concentration et de
l’attention (manifestes, mais dont le
patient ne se plaint que rarement).
Accélération psychomotrice (2)
Langage : logorrhée (langage
abondant), et/ou tachyphémie (langage
accéléré).
Autres (graphorrée…)
Hyperactivité motrice avec
hypermimie, agitation
Accélération psychomotrice (3)
Désinhibition comportementale et pulsionnelle +++
Absence totale d’autocensure.
– Présentation débraillée, originale
– Manifestations de joie : chant, danses, applaudissements,
exhibitionnisme
– Multiplication des initiatives : « commence tout, mais ne finit
rien » :
• domestiques (rangements, déménagements),
• professionnelles (brusque changement d’orientation),
• ludiques (désirs soudains de s’amuser dans des lieux ou des heures
impropres)
• voyages pathologiques
– Absentéisme ou relâchement professionnel
– Désinhibition financière (achats pathologiques)
– Comportements agressifs
Troubles des conduites instinctuelles
Insomnie constante, sans fatigue
Hyperphagie ou anorexie
Libido exacerbée, hypersexualité
Délire ou pseudo-délire?
Pseudo-délire quasi constant.
Délire possible:
– Congruent à l’humeur exaltée
– Mégalomaniaque ou mystique
– Mécanismes intuitifs et imaginatifs
Que choisir?
BIPOLAIRE
B
i
d
u
l
e
HYPOMANIAQUE
MANIACO-DÉPRESSIF
Maniaque?
cyclothymique
Machin-chose
PMD
Épisode maniaque
Syndrome maniaque caractérisé
Pendant une durée suffisante ++
Rompant avec l’état antérieur
Altérant profondément le fonctionnement
socio-professionnel
En l’absence de cause organique ou toxique
Épisode hypomaniaque
Syndrome maniaque moins prononcé
Rompant avec l’état antérieur
N’altérant pas ou peu, voire exacerbant le
fonctionnement socio-professionnel
En l’absence de cause organique ou toxique
Risque n°1 = évolution vers la MANIE
Manie / Hypomanie
« L’hypomaniaque est hyperproductif »
« Le maniaque est IMPRODUCTIF »
Formes cliniques de l’épisode maniaque
Episode maniaque / hypomaniaque
Manie délirante
Etat mixte
Manie « atypique »
Furie maniaque
Diagnostic différentiel
Confusion
Ivresses
Episode psychotique aigu
Agitation hystérique
Episodes pseudo-maniaques d’origine
organique
Cadre nosologique
Episode isolé (rarissime)
Trouble bipolaire de l’humeur +++
Risques liés à la manie
Désinsertion socio-professionnelle
Conduites à risque:
–
–
–
–
–
Rapports sexuels non protégés
Errances, vagabondage
Dilapidation du capital financier
Comportement hétéro-agressif, rixes
Développement d’addictions
Dans les formes les plus agitées :
épuisement, dénutrition, déshydratation
Principes de traitement
Episode d’agitation psychique peu
accessible à une psychothérapie, sinon
à visée pédagogique
Traitement médicamenteux
– Sédatif
– Thymorégulateur
Trouble bipolaire de l’humeur
Définition
Alternance d’épisodes dépressifs et
d’épisodes maniaques ou
hypomaniaques.
Anciennement appelé « Psychose
maniaco-dépressive » (PMD).
– Terme aujourd’hui impropre ++
Caractéristiques
Episodes dépressifs:
– Souvent sévères
– Caractéristiques mélancoliques
Episodes d’agitation:
– Maniaques (type 1)
– Hypomaniaques (type 2)
– Suite à un traitement antidépresseur (type 3)
Le cycle bipolaire
Durée séparant le début d’un épisode
(dépressif ou maniaque) du début du suivant.
La durée des cycles est un facteur
pronostique majeur +++
« Rapid cyclers » = formes les + sévères
Une forme mineure: la
cyclothymie
Alternance d’épisodes dépressifs
mineurs, ou majeur légers
Et d’épisodes strictement
hypomaniaques
Forme bénigne, ne nécessitant le plus
souvent aucune intervention
thérapeutique
Généralités
TBP type 1: 1%
TBP type 2 et cyclothymie : 4-6%
Début à l’âge jeune (15-30 ans)
Délai moyen de diagnostic: 10 ans.
Pronostic
Maladie chronique et incurable à ce jour
Complications cumulées des phases
dépressives et maniaques
Pronostic « révolutionné » par les traitements
thymorégulateurs
– Sels de Lithium
– Anticonvulsivants
En cas de bonne observance, et de bonne
réponse au traitement, le pronostic est BON.
Principal enjeu: l’éducation
A la maladie
– Acceptation, résilience
– Psychoéducation (identification des signes de
rechute)
– Associations de malade
Au traitement
Etayage psychothérapeutique indispensable