Apprendre à comprendre un texte lu et/ou illustré

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Transcript Apprendre à comprendre un texte lu et/ou illustré

APPRENDRE A COMPRENDRE LA
LITTERATURE DE JEUNESSE
au cycle 1
Véronique Boiron IUFM d’Aquitaine, Bordeaux 4
[email protected]
Formation 78, le 20/3/2013
INTRODUCTION
Des constats et des discours problématiques
1- APPRENDRE A COMPRENDRE LE LANGAGE ECRIT (PS-CE1)
1. Spécificités du langage écrit
2 - AUTRES OBSTACLES A LA COMPREHENSION
3 - APPRENDRE A COMPRENDRE LA LITTERATURE DE JEUNESSE (PS au
CM2…)
1. Complexification de la littérature de jeunesse
2. Des savoirs encyclopédiques et littéraires
3. Lire des livres : quelques bonnes raisons de le faire
4 - COMPRENDRE UN TEXTE ECRIT, UN ALBUM
1. La classe : un lieu unique
2. Spécificités du langage écrit
3. Savoirs littéraires et encyclopédiques
5 - APPRENDRE A COMPRENDRE UN TEXTE LU : LA MEDIATION
TEXTUELLE
1. La lecture à voix haute
2. Les dialogues maître-texte-élèves
3. Le langage du maitre
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
Introduction
Des constats :
• Résultats insatisfaisants de nos élèves
• Transfert problématique des travaux cycle 3 vers
cycle 2 puis cycle 1…
• Métaphores qui empêchent de penser le rôle des
maîtres et des apprentissages scolaires >>
• Pratiques scolaires à repenser (albums à l’école
maternelle types de questions de lecture…)
• Autonomie de lecture/médiation textuelle et
langagière des maitres
• Quid du développement de l’E ?
• L’une des plus grandes difficultés langagières
pour les élèves des cycles 1, 2 et 3 va être de
COMPRENDRE le langage écrit (= apprendre
une langue étrangère).
• Aussi, faut-il enseigner et s’assurer que les
élèves ont construit à l’école les outils
(langagiers, culturels et littéraires) pour
apprendre à comprendre les textes écrits
(contes, albums, récits illustrés…).
Des manières problématiques de penser la
littérature à l’école
On relève en didactique de la littérature et dans les
programmes officiels un paradigme de métaphores
problématiques (le contact, la rencontre avec les œuvres,
la fréquentation des œuvres, l’immersion dans la
littérature, le bain de littérature, la magie du livre…) qui
évoquent (invoquent ?) la naturalisation, l’immédiateté,
l’évidence, la connivence, le plaisir, le goût, les émotions,
les valeurs.
De fait, ces manières de dire empêchent de penser les
apprentissages scolaires qui eux, restent encore
rarement invoqués en terme de jouissance
intellectuelle…
Des constats et des discours
problématiques
• La littérature de jeunesse fait l’objet de
nombreux travaux et discours depuis
quelques années. Mais, ils sont encore peu
nombreux sur l’école maternelle et le cycle 2
qui voit des principes pour les élèves plus
âgés transférés sur les plus jeunes de nos
élèves.
• Or, ce transfert est très problématique car il
empêche de penser les spécificités des
apprentissages en maternelle et en cycle 2.
Des discours
problématiques
• Aucune étude à ce jour ne permet d’affirmer
que plus on lit de textes et d’albums aux
jeunes élèves, mieux ils les comprennent !
• Aucune étude à ce jour ne permet de dire
que la seule lecture assure la compréhension
• Aucune étude à ce jour ne permet de dire
que la compréhension se construit dans la
fréquentation d’œuvres résistantes...
Des savoirs
Posons d’emblée que :
• AUCUN texte n’est simpliste pour les
enfants car c’est du langage écrit
• La langue française et l’acte de lire sont
des obstacles à la compréhension
• La compréhension s’enseigne par le
maitres et doit s’apprendre
progressivement …
1. Comprendre le langage écrit
(la forme écrite du langage)
Apprendre à comprendre le langage écrit
(PS-CE1)
1. Une hiérarchie d’informations différente :
Oral « moi tu sais ! / mon vélo rouge !// eh ben hier ! j’ l’ai cassé ! »
Écrit : Hier, j’ai cassé mon vélo rouge.
Oral « moi ! mon chat / les croquettes ! il les mange pas ! »
Écrit : Mon chat ne mange pas de croquettes.
Oral : Maitre ! Vanessa mon dessin ! elle l’a DECHIRE !!!
Écrit : Je protestais alors contre Vanessa qui avait déchiré mon dessin.
Apprendre à comprendre le langage écrit
(PS-CE1)
2. Modes d’enchainement : implicite et
savoirs du monde
Ecrit Il pleut. Le pique-nique est annulé. Face à
notre désarroi, maman décide d’installer la
nappe à carreaux dans le salon.
Oral « ah mince alors ! / ah non c’est pas d’
chance ! il pleut // on va pas pouvoir faire
notre pique-nique ! // ah non c’est trop bête !
on n’a plus qu’à le faire dans le salon !! »
3. Ajouter du langage, ajouter des savoirs,
combler les blancs du texte
Autrefois, la vie des paysans était pénible.
Aujourd’hui, les machines agricoles assurent la
plupart des travaux.
Pour comprendre le langage écrit, il faut
ajouter du langage. Tout texte écrit est
incomplet et contient de l’implicite. Les
inférences restent à construire. Tout lecteur
doit remplir les « blancs du texte ».
Comprendre le langage écrit : « faire le film
dans sa tête »
4. Construire et mobiliser des images mentales
Plage Sainte Anne (Finistère), deux baigneurs se
noyaient. Un touriste s’élança. De sorte que M.
Etienne dut sauver trois personnes.
(F. Fénéon, 1906, Nouvelles en trois lignes)
Le touriste a-t-il réussi à sauver les deux
baigneurs ?
Qui est le meilleur nageur de l’histoire ?
>> Faire le film dans sa tête
Problème de vocabulaire ? De syntaxe ?
Apprendre à comprendre le langage écrit
(PS-CE1)
5. La chaine référentielle : relations anaphoriques, chaine
pronominale et lexicale
Dans toute histoire ECRITE, les personnages sont nommés
de façon très diversifiées :
le prince = le beau jeune homme = il = le fils du roi = le
cavalier = celui-ci = ce dernier…
La chouette = le rapace = le volatile = l'oiseau nocturne ...
L'ogre = le géant = le monstre = le mangeur d'enfants...
A l’ORAL, plus de 95 % des énoncés comportent une
reprise pronominale qui permet de suivre le personnage
ou le sujet du discours :
« le prince il est parti à cheval »
« la maitresse elle aime pas quand on crie ! »
2. Obstacles à la compréhension du langage écrit
6. Les marqueurs de l’écrit
Etant donné que les élèves de maternelle n’ont ACCES
aux textes écrits que par la LECTURE MAGISTRALE
(lecture à voix haute) ils n’ont pas accès à un certain
nombre de marqueurs qui aident à la compréhension
des textes :
- marqueurs orthographiques (vert/ver/verre)
- féminin/masculin (mon amie Claude)
- singulier/pluriel (il pleure/ils pleurent)
- ponctuation et mise en pages (virgules, tirets,
changements de paragraphes…)
Langage oral et langage écrit
• Le langage oral et le langage écrit mobilisent une
grammaire très différente l’une de l’autre.
• L’oral prend en compte l’interlocuteur en présence
(ses savoirs, ses réactions) et requiert une
adaptation et une prise en compte permanentes
du discours produit au discours de l’interlocuteur.
• Vers 3 ans, l’enfant est devenu expert dans la
compréhension du langage oral (écart entre
compréhension-réception et production).
Langage oral/langage écrit
Du langage oral au langage écrit :
• + de 95% des énoncés oraux comportent au
moins une reprise pronominale.
• Un seul élément de la négation.
• Des mots assurent les liens et créent une
cohésion et une cohérence entre énoncés.
• Une hiérarchisation différente des
informations.
Le langage oral n’est PAS une sous forme
du langage écrit et n’est PAS développé
pour entrer dans l’écrit !
2. Autres obstacles à la
compréhension du langage écrit
2. Obstacles à la compréhension du
langage écrit
L’acte de lecture est opaque
Etant donné que l’action de lire est une activité invisible
pour les autres (lien entre rétine et cerveau), les E n’ont
pas accès à ce qui se passe quand quelqu’un lit. Ils ne
font pas le lien entre les « pattes de mouches » sur le
papier et le langage qui sort de la bouche de l’adulte
(lecture à haute voix). Ils pensent que le M invente, que
c’est lui qui a écrit l’histoire, ils confondent
lire/parler/raconter/réciter…
Tout cela constitue autant d’obstacles à la
compréhension du langage écrit ET à la
construction de représentations de l’ACTE DE
LIRE.
Obstacles à la compréhension du
langage écrit
• Seule la verbalisation de son activité
par le maitre leur permet de comprendre
ce que c’est que lire et leur permet de
différencier les activités langagières :
lire à voix haute (permanence de
l’écrit), raconter (pas de texte), parler,
reformuler, réciter par cœur…
3. Comprendre les récits, contes de littérature
de jeunesse (textes illustrés, albums) et se
construire une première culture littéraire
Complexification de la littérature
Savoirs littéraires
Analyse des obstacles
Propositions d’activités
Apprendre à comprendre la littérature
de jeunesse (PS au CM2…)
1. Types de littérature et ruptures entre
pratiques familiales et scolaires;
2. Littérature et mythes (lecture familiales,
lecture magistrale);
3. Malentendus, croyances, idéologie et
discours problématiques : comment penser
la littérature de jeunesse à l’école
maternelle ?
4. Savoirs littéraires.
Apprendre à comprendre la littérature de
jeunesse (PS au CM2…)
Différents types de littérature
- Littérature des milieux populaires : livres-objets
achetés dans les supermarchés dont les
enfants se servent de manière autonome ET
livres liés aux séries télé ou films
« commerciaux »
- Littérature « nostalgique » ( Martine, Club des 5,
Alice…) que certains parents transmettent :
supermarchés et librairies
Cette littérature a souvent été le 1er support de
lecture « autonome » des parents, grandsparents
- Littérature de l’école : transmettre les
VALEURS de la Nation (et les pratiques
culturelles véhiculées par l’école…)
- Littérature « impertinente » qui
transgresse des tabous, qui invite à la
désobéissance et à l’irrespect ou qui
présente d’autres modèles de vie (Jean
a deux mamans…)
• La littérature plébiscitée par l’école peut
constituer des ruptures avec les valeurs
familiales et placer les élèves face à des
formes de violence symbolique (types
d’expériences; rituels du coucher; modes
matériels de vie; modèles de parents …)
Un exemple : une maman qui se baigne avec
son enfant (Au bain ! de Jeanne Ashbé)
Un processus de complexification de la
littérature de jeunesse depuis 10 ans
Cette littérature réclame de plus en plus le concours
actif des jeunes lecteurs. Sa compréhension requiert de
nombreux savoirs littéraires et encyclopédiques.
Pour comprendre la littérature de jeunesse il faut
avoir déjà lu et compris de nombreuses œuvres de
littérature de jeunesse et avoir déjà construit de
nombreuses expériences du monde.
Or, c’est avant tout par la littérature de jeunesse que les
élèves de maternelle construisent leurs expérience. La
compréhension est donc un enjeu fondamental à l’école
maternelle.
Dimensions esthétique/narrative
Complexification des relations texte/images
Complexification du contenu des textes :
- traduction et cultures
- multiplicité des personnages
- omniprésence de dialogues
- dialogues non marqués
- déploiement et ruptures dans l’espace-temps
- diversité des thèmes liés à la vie de l’enfant
- omniprésence des références culturelles
- références à certains types de pratiques familiales
- auto-référenciation (clins d’œil, détournements ou
prolongements de récits et de contes célèbres et de
stéréotypes de personnage).
Apprendre à comprendre la littérature de
jeunesse (PS au CM2…)
Obstacles à la compréhension des textes :
• les images dans les albums;
• l’implicite : TOUT texte est incomplet : il
faut convoquer, ajouter du langage pour
le comprendre;
• les savoirs à construire pour
comprendre un texte littéraire : savoirs
sur l’écrit, savoirs encyclopédiques,
savoirs littéraires.
4. Comment enseigner la
compréhension des récits écrits,
des contes et leur permettre de
construire une première culture
littéraire ?
Comment aider les élèves de 3 à 7 ans à
APPRENDRE A COMPRENDRE (albums,
contes, récits) ?
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•
•
•
•
•
Raconter et RERACONTER
Résumer AVANT de lire
Lire et RELIRE
Lire des récits non illustrés
NE PAS MODIFIER les textes
Donner des savoirs encyclopédiques
Construire des savoirs littéraires (stéréotypes…)
Proposer différents types de lecture (lecture répertoire ;
lectures médiatisées; lectures autonomes)
• Proposer différents modes de lecture (petits groupes en
ateliers dirigés; duelle; collective)
• Construire une progression des lectures de la PS à la GS
et de la GS au CE1
• Utiliser les mêmes supports (albums ou
récits ou contes) dans une progression
d’activités (raconter, raconter puis lire, lire)
• Proposer des lectures magistrales
interprétatives
• Dire ou lire la fin avant de poursuivre
• Proposer des lectures suivies quand l’histoire
est comprise
• Eviter d’instrumentaliser la littérature
• Ritualiser les moments de lecture
• Mobiliser le langage du maitre pour
apprendre à comprendre
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Des questions pour aider à comprendre
Des questions à poser systématiquement à l’oral :
1. C’est l’histoire de qui ? = repérer le(s)
personnage(s) principal(aux)
2. Qu’est-ce qui lui (leur) arrive ? OU qu’est-ce que
ça raconte ? = repérer la raison du récit
3. De quoi ça parle ?
4. Comment s’appelle la petite fille ? Quel âge a-telle ? ... = une question de type informatif
5. Comment ça se fait que …? Comment a-t-il réussi
à …? Comment tu expliques que… ? = une
question portant sur un implicite
Des questions fondamentales pour
apprendre à comprendre et interpréter
• Comment tu expliques que les parents de
Charlotte à la fin, ils veulent bien garder le chien?
(Chien Bleu)
• Comment ça se fait que les bébés chouettes se
serrent fort les uns contre les autres ? (Bébés
chouettes)
• Qu’est-ce qu’elle aurait bien pu faire la maman
pour que ses bébés n’aient pas peur ? (Bébés
chouettes)
Ces questions permettent d’aller au-delà du
texte, d’ajouter du langage et des savoirs du
monde (expériences)
• Comment ça se fait que le renard, lui, il arrive à
manger la galette ? (Roule galette)
• Comment tu comprends ça, toi, que Verdurette
cherche partout un prince charmant ? ( Pauvre
Verdurette)
• Comment ça se fait que le loup se couche dans le lit
de la grand-mère ? (Petit Chaperon rouge)
Ce type de questions construit les stéréotypes
littéraires (la ruse…) et les savoirs littéraires (le
système de personnages : grenouille/prince…)
Des questions fondamentales
• Qu’est-ce qu’il a fait Georges pour dire
bonjour ? (Aboie Georges !)
• Comment ça se fait que la maman renverse
la soupe ? (L’âne Trotro fait de la soupe)
Ce type de questions construit la pensée
des personnages et donne sens à leurs
actions inexpliquées
Lire des livres à l’école :
7 (bonnes) raisons (au moins) de le faire
pour TOUS les élèves…
1. Construire des pratiques, sociales, culturelles
et langagières à propos des livres.
2. Construire l’attention conjointe sur un objet
culturel scolarisé.
3. Comprendre les attentes et intentions de
l’adulte, de l’institution.
4. Construire un imaginaire culturel.
5. Construire les valeurs de l’Ecole, de la Nation.
6. Multiplier les expériences du monde, de soi...
7. Se construire comme apprenti interprète.
COMPRENDRE UN TEXTE C’EST AUSSI
1. Construire des savoirs littéraires :
- Stéréotypes littéraires
- Systèmes de personnages
- Permanence du personnage
2. Apprendre à convoquer des savoirs
encyclopédiques.
3. Construire des savoir faire de l’autre :
- Pensée, motivations des personnages…
BOIRON Véronique & REBIERE Maryse (2009). « Quels albums pour la
petite section ?, Propositions de critères de choix », La littérature en corpus,
SCEREN, CRDP Bourgogne.
BOULAY Lily (1982). Miroir des contes, Armand Colin
BRIGAUDIOT Mireille (2000). Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école
maternelle, Hachette.
CASSAGNES P., GARCIA-DEBANC C., (1995). 50 activités pour apprivoiser
les livres en classe ou en BCD, CRDP Midi-Pyrénées.
Revue CAHIERS PEDAGOGIQUES, 2007, n°462 « La littérature ».
Revue CAHIERS PEDAGOGIQUES, 2007, n°456 « L’école maternelle ».