Modèles actuels de production de textes et mémoire de travail Lucile Chanquoy L.P.C.S. U. de Nice – Sophia Antipolis IUFM Stephen Liégeard 25 mai 2010

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Modèles actuels
de production de textes
et mémoire de travail
Lucile Chanquoy
L.P.C.S.
U. de Nice – Sophia Antipolis
IUFM Stephen Liégeard
25 mai 2010


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Produire un texte (Chanquoy & Alamargot, 2002, 2004)
Production écrite = activité mentale très complexe
nécessitant mise en œuvre de processus cognitifs et de
connaissances langagières et extra-langagières.



Différents niveaux de traitements :

Niveau initial : Elaboration plan de texte
Niveau final : Programmation motrice
(Emission du message)

Caractéristiques
du rédacteur

Contexte de la tâche




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Modèle de Hayes & Flower (1980)


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Hayes (1996): modernisation de Hayes et Flower (1980)


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Actuellement: Modèle de Kellogg (1996)
Brown, McDonald, Brown et Carr (1988)

FORMULATION

EXECUTION

Planification  Traduction

Programmation  Exécution

Calepin
Visuo-spatial

Administrateur
Central

CONTROLE

Lecture

Boucle
Phonologique

Baddeley et Hitch (1974)



Edition


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Qu’est ce que la mémoire de travail?






Mémoire à Court Terme = par opposition
à mémoire à long terme, permet le
stockage temporaire des données.
Recherches : MCT permet stockage mais
aussi traitement.
Aspect fonctionnel et dynamique: MCT
est devenue Mémoire de Travail à double
fonction: traitement + maintien => d’où ce
terme de « travail »


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La MDT de Baddeley et Hitch (1974)






Administrateur central : répartir les
ressources, réguler le flot des infos en MDT,
récupérer infos en MLT, choisir stratégies
cognitives, coordonner traitements et stockage
des infos  2 systèmes esclaves :
Boucle phonologique : pour traitement et
stockage du matériel verbal (système de
stockage phonologique + processus de
récapitulation articulatoire).
Calepin visuospatial : infos visuelles et
spatiales, notamment images mentales.


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Nouveau modèle de Baddeley (2000 et suivantes)

Administrateur Central
Gestion des ressources attentionnelles
Contrôle et coordination des
opérations de traitement

Boucle Phonologique

Buffer sémantique

Calepin Visuo-Spatial

Stockage passif
Autorépétition subvocale

Codage multimodal

Cache visuel
Scribe interne

Langage

MLT
épisodique

Système visuel
sémantique


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A partir de ces modèles experts, comment
envisager le développement et
l’apprentissage de l’écrit ?



Berninger & Swanson, 1994
Bereiter & Scardamalia, 1987






Lenteur de l’apprentissage de la rédaction, activité
très complexe et stratégique.
Développement très lent des processus pour accès
à l’expertise.

Échelle développementale importante car
apprentissage grand nombre de connaissances +
installation graduelle de processus spécifiques,
sans utilisation directe des connaissances orales.


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Fayol (1997) : 4 dimensions spécifiques à l’écrit








Dimension graphique : former et enchaîner correctement
les lettres, à automatiser.
Dimension orthographique : acquérir et automatiser
connaissances sur grammaire, syntaxe, lexique…
Dimension pragmatique et communicationnelle : prendre
en compte le niveau de compréhension du lecteur.
Dimension textuelle : permanence de la trace, avantage
de l’écrit (i.e., révision).

 Devenir un expert = gérer un nb croissant de
connaissances et de contraintes, ce qui est coûteux
en ressources MDT.


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2 modèles d’accès à l’expertise
 Modèles complémentaires, concernant des
périodes différentes du développement :
 Berninger & Swanson (1994, 1996) : mise en
place et développement de formulation, révision
et planification chez les enfants d’environ 6 à
10-11 ans.
 Bereiter & Scardamalia (1987) : accès à une
stratégie experte de rédaction via un système
complexe d’élaboration des contenus, chez des
rédacteurs un peu + âgés, entre 9-10 à 15-16
ans.


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Mémoire de Travail

Mémoire à Long Terme

Résumé des modèles de Berninger et Swanson


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Berninger et Swanson






Apport principal = rôle déterminant de MDT pour le
développement de la production.
Ordre d’apparition « décalé » des composantes de
production : formulation avant planification.
Planification tardive : d’abord locale avant d’être
globale ; activité complexe nécessitant des
connaissances pragmatiques, rhétoriques,
linguistiques et des stratégies expertes pour la
gestion des ressources.


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Bereiter & Scardamalia (1987)
 Ont montré l’importance de la planification en
fonction des contraintes rédactionnelles pour
l’accès à l’expertise.


De la stratégie des connaissances racontées
(knowledge telling strategy)



À la stratégie des connaissances transformées
(knowledge transforming strategy)
par le passage à une planification locale à
globale selon capacités MDT.


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Stratégie des connaissances racontées
R eprésen tation m en tale
de la con sign e

P rocessus des connaissances rapportées
R ep érer le genre

C on struire des son des m ém orielles
R écupérer des contenus en m ém oire
grâce aux sondes
éch ec

D éclen ch er le test d’opportun ité
réussite

E crire (n ote, brouillon , etc.)
M ettre à jour la représen tation
m entale du texte

C onnaissa nce du discours

C onnaissa nce du c onte nu

R ep érer le th èm e


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Stratégie des connaissances transformées
R eprésen tation m en tale
de la con sign e

A nalyse du problèm e et
déterm in ation des buts

C onn aissan ces
du discours

T ran sfert du
problèm e

T ran sfert du
problèm e

Processus des
con naissan ces rapportées

Figure 2 b : Stratégie des connaissan ces tran sform ées

E spac e de s problèm e s rhé torique s

E spac e problèm e du c onte nu

C onn aissan ces
du con ten u


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Bilan des modèles développementaux






Berninger & Swanson (1994) et Bereiter &
Scardamalia (1987) : rôle fondamental de
MDT pour articulation et interaction des
processus rédactionnels.
Augmentation des capacités et/ou des
ressources en MDT augmentation permet
complexification traitements rédactionnels
Principal facteur de développement =
évolution, avec la pratique, des capacités de
maintien et de traitement de la MDT.


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2ème partie : Quelques travaux


I. Planification
En fonction de contraintes rédactionnelles
(Chanquoy, van den Bergh & Schilperoord, 2004)



II. Formulation
Orthographier sans erreurs
(Negro & Chanquoy, 2008, 2010)



III. Révision
Aider à réviser par tous les moyens
(Chanquoy, 2001, 2009)


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I. Planification : Présentation




Enfants + jeunes = fonctionnent par « cycles »
de « récupération – production » (McCutchen,
2000) ; difficultés à organiser les idées
récupérées en texte ; 1 fois l’idée récupérée,
elle est traduite en mots/phrase et le
processus de récupération des idées en MLT
recommence.
Enfants + âgés / adultes = procèdent avec un
mode de planification + sophistiqué, +
contrôlé, d’où + de ressources nécessaires.


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Reprise du paradigme de
Chanquoy, Foulin & Fayol (1990, 1996)
3 types de contraintes
1) Disponibilité des informations
- suite attendue
- suite inattendue
2) Complexité syntaxique
- exprimer 3 idées en 1 phrase à 3 propositions
- exprimer 3 idées en 3 phrases


2) Type de texte
- description
- narration


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Méthode









Participants : collégiens néerlandais de 6ème et de 4ème
(6ème et 8ème années aux Pays-Bas)
Matériel : 16 amorces narratives et 16 descriptives.
Ex : La neige tombe.
C’est une voiture.
Marc s’habille.
Elle est garée sur la place.
Il sort de chez lui.
Elle brille.
Procédure : Débuts de trames narratives et
descriptives orales à poursuivre avec 3 idées écrites
via 2 contraintes : prévisibilité et syntaxe.
Participants filmés (main et crayon) afin de recueillir
tous les paramètres temporels (pré-écriture, durée de
pause, vitesse d’écriture, temps de production).


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Résultats – Pré-écriture (2 types de texte)
Tableau 1: Durée moyenne de la pause de pré-écriture (écart-types entre parenthèses)

ème

6
grade
ème
8
grade

Suite banale
3 phrases
1 phrase
7.71
(5.12)
5.84
(4.32)
12.95
7.67
(7.26)
(11.32)

Suite inattendue
3 phrases
1 phrase
8.28
(7.56)
8.19
(5.54)
11.91
6.65
(3.39)
(8.47)

6ème gr. : ≠ entre les moyennes faibles et NS.
8ème gr. : en accord hypo, 3P < 1P.
 6ème gr. : planification pas à pas, locale, quelle
que soit la syntaxe
8ème gr. : prise en compte de la syntaxe mais
pas d’effet de la prévisibilité.


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Tableau 2. Suites produites en 4ème pour les 2 consignes de prévisibilité des informations
Début
Anne est malade.
Elle appelle le docteur.
Elle va à son cabinet.

Suite attendue
Le docteur dit : “vous avez de la fièvre”,
donc allez au lit tout de suite sinon ça
va être plus grave.

Il neige.
Marc s’habille.
Il sort de chez lui.

Sa mère lui demande s’il a mis son
anorak. Parce que la semaine dernière
il a attrapé froid. Et il n’est pas
complètement guéri.
Le coiffeur lui fait une belle coupe. Alors
il rentre à la maison content. Sa maman
pense aussi qu’il est mignon.

Jean va chez le coiffeur.
Il rentre dans le salon.
Il s’assoit.

Suite inattendue
Bon, elle ne va pas chez le docteur.
Sur le chemin, il commence à pleuvoir.
La pluie la réveille, elle a rêvé tout
cela.
Soudain, il voit un voleur. Avec son
ami il suit le voleur. Jusqu’à ce qu’il
voit que c’est son propre père.
Tout d’un coup, il réalise que ce n’est
pas son tour du tout, en rougissant il
reprend sa place dans la salle
d’attente.

Suites inattendues : Tout d’un coup, Cependant,
Soudain, Mais, …
Connecteurs indiquent 1 événement inattendu
et permettent de « gagner du temps » (pause intra
plutôt qu’interpropositionnelle)


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II.Formulation : Orthographe


Intérêt particulier pour l’orthographe
grammaticale et les erreurs d’accord sujet-verbe



Recherches effectuées en collaboration avec
Isabelle Negro, MCF à l’UNS.



Question fondamentale :
Pourquoi les enfants commettent-ils des erreurs
d’accord ?



Pour y répondre, les chercheurs utilisent un modèle
de la production orale, plus précis.


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Modèle de production orale de phrases : Bock et Levelt (1994)
Message
Traitement
Fonctions syntaxiques

Sélection lexicale

Traitement
Marquage morphologique

Ordre d’énonciation

Positionnel

Encodage Phonologique
Sorties

Encodage
Grammatical

Fonctionnel


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Pourquoi cet intérêt pour les erreurs ?




Erreurs de production = fenêtre ouverte sur
les processus.
Erreurs très variées :





inversions phonologiques
(e.g., « glisser dans la piscine »…)
erreurs lexicales (chapot)
erreurs grammaticales (en genre, en nombre)
 Ici : erreurs d’accord entre le verbe et son
sujet


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Erreurs spontanées chez des locuteurs ou des
rédacteurs pourtant « experts »





« Une partie de vos dons seront versée à…. » (Radio)
« Le montant des cotisations salariales s’élèvent à… »
(Presse)
« Ils envisagent d’interdirent la pêche à la baleine. » (Le
Monde, 2006)

 Erreurs d’accord de proximité ou d’attraction
« Nom1 + Nom2 + Verbe »
= accorder le verbe avec le nom le plus proche


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En français, à l’écrit :







A l’écrit, la terminaisons de genre et de nombre
des verbes, noms, adjectifs (la morphologie) est
marquée mais rarement prononcée:
« Les petits bateaux bleus dansent sur la mer. »
Une seule marque du pluriel est audible
L’accord doit donc être calculé sans se référer à la
forme orale de la phrase.
Ceci conduit à un risque d’erreurs élevé.


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Pourquoi ces erreurs d’accord ?


Règle grammaticale très simple :





Singulier => Singulier
Pluriel => Pluriel

Ce n’est pas une méconnaissance de la règle,
d’où :




Quelle est la cause d’une erreur sur un accord
aussi simple?
Quelles sont les informations nécessaires pour
réaliser un accord correct ?


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Interprétation des erreurs d’accord




Besoin d’ « énergie mentale » (Jespersen,
1924) càd ressources cognitives pour mémoriser
le nombre du sujet et l’appliquer au verbe.
Accord = maintien du nombre du sujet en mémoire
jusqu’au verbe


Plus le sujet est éloigné du verbe, plus le risque
d’erreurs augmente car :





risque d’oubli de la flexion correcte ;
charge cognitive plus lourde par ce maintien en MDT.

Interprétation en terme de « charge », soit en
termes de manque de ressources attentionnelles.


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Fayol & Miret (2005)


3 facteurs principaux pour expliquer erreurs
d’accord à l’écrit :







une surcharge cognitive, empêchant notamment la mise
en œuvre d’un contrôle pré- ou post-graphique
la fragilité du fonctionnement d’une composante
l’objectif que s’est fixé le rédacteur.

Erreurs d’accord expliquées par une surcharge
cognitive en MDT




Chez des enfants n’ayant pas encore automatisé les
règles orthographiques.
Chez des adultes ayant automatisé ces règles.


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Paradigme expérimental


Constructions spécifiques : un nom préverbal
différant en nombre du nom sujet, sépare
celui-ci du verbe et accroît la probabilité de
commettre une erreur d’accord :




« Les roues (Nom1 Pluriel) du wagon (Nom2
Singulier) grince. »

En termes de charge cognitive




Nom 2 occupe de la place en mémoire
+ d’erreurs si tâche secondaire, car manque de
ressources pour maintenir le nombre du nom sujet.


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Chanquoy & Negro (1996, 2002)








Erreurs d’accord sujet-verbe à l’écrit
analysées à 2 temps verbaux : présent et
imparfait.
Participants : élèves de 5ème collège (12-13
ans) et adultes
Procédure : rappel écrit de séquences de
phrases présentées oralement.


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Séquence = phrase amorce + phrase cible











Phrase amorce = Sujet Verbe Objet
Phrase cible = (Complément) Pronom 1 Pronom 2 Verbe
(Complément).

« Le chat mangeait un poisson. Il le croquait sous
un banc ».
4 combinaisons de nombre : (SS, PP) vs. (SP, PS):
il le, ils les – il les, ils le.
Verbes 1er groupe, terminaison non audible au
présent (« il chante » vs. « ils chantent ») et à
l’imparfait (« il chantait » vs. « ils chantaient ») .
2 positions du complément : au début ou à la fin de
la phrase cible (+ erreurs au début)
charge MDT : 5 mots unisyllabiques proches
phonologiquement ( « rein, daim, faim, saint, nain »).


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Résultats
Adverbial phrase position
Beginning
End
Number of pronouns
SS PP SP PS SS PP SP PS
With load .01 .01 .13 .10
0 .01 .09 .09
Adults
Without load
0 .01 .05 .09 .01 .01 .09 .06
With load
0
0 .33 .15
0
0 .40 .13
Children
Without load .09
0 .24 .25 .01 .02 .43 .23






Enfants > adultes
il les, ils le > il le, ils les
 Il les > ils le
 pour les 2 temps et pour les 2 âges
Pas d’effet de la place du complément.
Effet de la tâche ajoutée significatif au présent pour les 2
groupes d’âge mais pas à l’imparfait


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Opposition entre présent et imparfait :
marques flexionnelles + régulières à
l’imparfait
quel que soit le groupe verbal : singulier =
« ait » et pluriel « aient » :






1er groupe : « il chantait – ils chantaient »
2ème groupe : « il finissait – ils finissaient »
3ème groupe : « il prenait – ils prenaient »)

Présent : pas de régularité, sauf 1er groupe :




1er groupe : « il chante – ils chantent » ;
2ème groupe : « il finit – ils finissent » ;
3ème groupe : « il prend – ils prennent »


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Plus facile et moins coûteux cognitivement
d’apprendre les flexions de l’imparfait
Automatisation plus rapide car très grande
régularité des marques quel que soit le
groupe verbal
Automatisation plus rapide permet la
récupération directe et moins coûteuse des
terminaisons en MDT
Baisse du coût cognitif permet la réalisation
de la tâche secondaire, au moins à
l’imparfait, sans commettre plus d’erreurs
d’accord.


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Conclusion


Erreurs d’accord






Quand il n’y a pas suffisamment de ressources en
MDT pour gérer l’ensemble des traitements
langagiers => surcharge cognitive.
Difficulté de gestion parallèle de la transcription
d’un segment de texte et de son orthographe.

Acquisition lente des compétences
orthographiques, aboutissant à construction
d’un système de règles, mis ensuite en
œuvre automatiquement, mais qui reste
fragile.


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