Préparation au concours de l’INP Archéologie BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES Magali Watteaux UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales Michelet – 18/01/2011 Introduction : définition des.

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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 2

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 3

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 4

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 5

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 6

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 7

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 11

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 12

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 13

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 14

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 15

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 16

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 20

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 21

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

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Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 22

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 23

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 24

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 25

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 26

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 27

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 30

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 31

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 32

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 33

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 34

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 35

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 36

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 39

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 40

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 41

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 42

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 43

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 44

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 45

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 46

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


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Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 49

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)


Slide 50

Préparation au concours de l’INP
Archéologie

BRÈVE HISTORIOGRAPHIE FRANÇAISE
DES ÉTUDES GÉOHISTORIQUES
Magali Watteaux
UMR 7041 – Équipe Archéologies environnementales

Michelet – 18/01/2011

Introduction : définition des mots clés
Le « milieu » : notion datant du début du XXe. Désigne les conditions climatiques, la
géomorphologie et les sols, l’hydrographie et les formations végétales.
« L’environnement »  vient de l’anglais « environment ». Avant les années 50, on le
traduisait par « milieu ». Généralisation du terme à partir des années 70. Définition : « le
monde biophysique transformé par l’homme » (Cyria Emelianoff, Dictionnaire de la
Géographie et de l’Espace des sociétés (p. 317).
La « nature »  englobe l’ensemble de ce qui existe en dehors de l’action humaine, tout ce
qui, dans l’univers, se produit spontanément : eau, terre, feu, atmosphère, métal, minerai,
pierre, végétal, faune, ressources + biologie humaine. L’homme entretient des rapports avec
cette nature. De ces rapports, l’une des plus apparentes synthèses est le « paysage ».

Le « paysage » : terme complexe et flou employé dans différentes disciplines pour exprimer
différents objets. Polysémie excessive qui témoigne d’un très large intérêt. Au sens coutumier
= ensemble des formes et des modelés visibles à la surface du sol. La 1ère définition du
paysage appartient cependant d’abord au vocabulaire artistique. Il désigne en effet un genre
pictural qui naît en Occident aux environs des XVe-XVIe.

Ambrogio Lorenzetti : Effetti del Buon Governo in
campagna (Effets du bon gouvernement à la campagne),
1337–1340, Salle de la Paix du Palais Publique, Sienne

Giorgione : La tempête
(1505), Galleria
dell'Accademia, Venise

Les 4 dimensions du paysage :

• le paysage réel ou visible qui mêle éléments naturels et anthropiques.
• les interactions homme/milieu : contraintes et exploitation du milieu.
• objet de discours (usage intellectuel) = paysage du savant (géographe,
historien, archéologue, sociologue, esthétique…).
• appréciation des utilisateurs de ce paysage = le paysage pensé, vécu,
imaginé.
Les 5 facteurs qui construisent le paysage :
• les éléments « naturels » constituant l’écosystème
• les facteurs technologiques/économiques (= agro-systèmes)
• les facteurs socio-juridiques
• les facteurs politiques
• les facteurs culturels
 « le paysage est le miroir des relations anciennes et actuelles de l’homme
avec la nature qui l’environne » (B. Lizet et F. de Ravignan, Comprendre un
paysage, guide pratique de recherche, Paris, Inra, 1987)

A – L’héritage vidalien et braudélien : temps long et
fixité des paysages
1. Le paysage : fondement de l’Ecole Française de Géographie
1.1. Apparition du paysage en géographie à la fin du XIXe siècle

 2nde moitié XIXe : développement du goût du paysage concret  multiplication
des récits de voyage et des collections de guides de voyage.
 après la défaite de 1871, mise en avant de la beauté des régions de France
pour le public et les scolaires afin de développer l’attachement à la patrie
idéalisée. + découverte de nouveaux territoires (colonisation).
 Le développement de la géographie à cette période est porté par une
demande sociale avide de paysages variés et nouveaux.
 Élisée Reclus, Géographie Universelle (1875-1894) : il inaugure une
géographie littéraire qui allie description des paysages + recherche d’explication
des structures qui les sous-tendent = un des précurseurs de l’École Française
de Géographie.

1.2. Paul Vidal de la Blache et le « possibilisme » de Lucien Febvre
Une lecture française des relations sociétés-milieux
 PVDLB (1845-1918) : 1er géographe universitaire français et fondateur de la géographie
française moderne (fondateur des Annales de Géographie, 1891).
 distanciation d’avec les thèses des géographes naturalistes allemands (Humbolt, Ritter,
Ratzel)  déterminisme géographique moins simpliste promis à un grand avenir.
 schéma vulgarisé et amplifié par Lucien Febvre (historien) : le « possibilisme » =
déterminisme relatif.

Une description pseudo-paysagère
 le paysage est le point de départ de toute analyse géographique car il permet de
caractériser les régions géographiques.
 PVDLB, 1903, « Le tableau de la géographie de la France » : monumental tableau
géographique, exhaustif et littéraire en introduction au manuel L’histoire de France d’Ernest
Lavisse.

Le paysage est profondément ancré dans la géographie régionale
Échelle monographique pour caractériser les régions et expliquer ce qu’on voit  bloque
toute tentative de conceptualisation du paysage.

2. Le « passif » de l’héritage vidalien en géographie et en histoire
2.1. Prédominance des études géomorphologiques, régionales et ruralistes
 domination du dogme vidalien jusque dans les années 1950.
 l’étude des paysages n’est abordée que sous l’angle géomorphologique.
 la tonalité ruraliste et régionale l’emporte également : nombreuses thèses
à la mode vidalienne sur les régions françaises.  valorisation du cadre
monographique.
 mais chez les historiens, le cadre géographique régional ne servait qu’à
dire l’histoire qui s’y était déroulée = tableaux introductifs.

 en plaçant le paysage au cœur de la géographie, un rapprochement s’est
opéré avec l’histoire puisque le paysage est aussi un produit des hommes.

Les historiens étudient surtout les
parcellaires et les systèmes agraires.

Par la suite, ils approfondiront ces axes
d’étude et peu le paysage en lui-même.

C’est une des conséquences du
possibilisme qui, postulant qu’il n’existe
pas de déterminisme naturel, a permis
de considérer l’espace comme une
variable non pertinente et un cadre
neutre.

1931

1983

La seule synthèse sur
l’histoire du paysage…
…par un géographe

2.2. L’espace selon Braudel : temps long et fixité du cadre géographique
L’héritage vidalien est particulièrement important en histoire car :
 double formation des historiens en géographie.

 Lucien Febvre a opté pour les méthodes de l’Ecole Française de Géographie.
Les Annales ont été une tribune pour la diffusion des grandes thèses de
géographie vidalienne.
Fernand Braudel en particulier a occupé une place charnière entre la géographie et
l’histoire :
 opposition du « temps long » au « temps court » de l’évènementiel.
 grand intérêt porté à la géographie. Directeur des Annales et disciple de Febvre.
Il affirme que la géographie est au cœur même de l’histoire.

 mais c’est un espace assujetti au temps car il permet d’introduire le « temps
long» en histoire : la géographie « aide à retrouver les plus lentes des réalités
structurales » (« Histoire et sciences sociales. La longue durée », Annales ESC, 4,
oct-déc. 1958, pp. 725-753)  les cadres géographiques sont des « prisons de
longue durée ».

B – Les années 1960-1970 : rejet viscéral du paysage
1. Avènement de la « nouvelle géographie » néo-positiviste
1.1. Les origines de la nouvelle géographie
Les prémices de la New geography viennent d’Allemagne et des USA. Elles sont
d’essence sociologique et économique : réflexion sur le phénomène urbain (école
de Chicago au début XXe) et théorisation sur les localisations humaines, à partir
de modèles économiques réinterprétés au regard des nouvelles problématiques.

Les modélisations économiques des fondateurs de l’analyse spatiale :
• modèle des places centrales : Christaller (1933), Lösch (1940), Isard (1956), von Thünen
(1826), Thiessen (1911).
• modèles de localisation des activités : von Thünen (1875), Weber (1909).
• modèles de gravité : Reilly (1931), Carrothers (1956).
• modèle des hiérarchies dont la loi rang-taille : Zipf (1949), Auerbach (1913).
• modèles de diffusion : Sauer (1952), Hagerstrand (1953).

- nouveaux concepts d’analyse spatiale : réseaux, flux, proximité, polarité…
- expérimentation de nouveaux outils : analyses quantitatives grâce à l’informatique…
- expérimentation de nouveaux modes de représentation : chorèmes, modèles, systèmes…
- réévaluation de champs d’étude jusqu’alors laissés de côté : géographie urbaine,
industrielle, sociale, politique, espace vécu/espace perçu.

L’hexagone français d’après R. Brunet,
«Structure et dynamique de l’espace
français : schéma d’un système », L’espace
géographique, 1973, n° 2, p. 249-255.

1.2. Élaboration de nouveaux concepts pour la recherche des lois
fondamentales de l’organisation de l’espace
Effervescence néo-positiviste et nomothétique : on pense qu’il est possible,
en perfectionnant la méthode hypothético-déductive, de découvrir des lois
mathématiques de l’organisation de l’espace :
 Les formes spatiales élémentaires sont donc considérées comme
universelles et transhistoriques.
 Élaboration de modèles spatiaux mettant au jour les lois fondamentales de
l’organisation de l’espace.
 Espace ni géométrique ni naturel mais mathématique et constitué de
formes et de structures récurrentes, quelles que soient les sociétés étudiées.

 Opposition totale à la tradition idiographique de l’école vidalienne.

2. Remise en cause et rejet de l’École Française de Géographie
Roger Brunet : chef de file de la nouvelle géographie française.
2.1. Un point de vue radicalement différent sur la nature de l’espace
 critique de la survalorisation du paysage-objet dans la géographie
vidalienne alors que la nature principale du paysage serait celle d’un
paysage-perçu et vécu.
 dénonciation de la superficialité du paysage : notion molle et concept flou,
rejeté au profit du terme « espace ».
 dénonciation de la partialité du paysage = vision partielle et ponctuelle d’un
territoire qui ne permet pas d’en déduire des généralités.
 description géographique vidalienne est superficielle et inexacte.
2.2. Rejet de l’approche historique des paysages
 en rejetant l’approche vidalienne, les nouveaux géographes rejettent aussi
l’approche historique qui forme selon eux un écran à la reconnaissance des
systèmes spatiaux.
 Roger Brunet : les formes historiques sont « passives » dans la constitution
de l’espace.

3. L’archéologie spatiale dans le sillage de la nouvelle géographie
3.1. Bref historique
 issue de la New Archaeology anglo-saxonne des années 1960-1970, ellemême inspirée de la New Geography.
 étude des répartitions d’une série d’objets, de structures, d’un pavage ou d’un
réseau de sites par l’application de modèles spatiaux inspirés des modèles
économiques et sociologiques repris par la New Geography.
 2 ouvrages clés :
- David L. CLARKE, Spatial Archaeology, Academic press, Londres, 1977
- Ian HODDER et Clive ORTON, Spatial analysis in archaeology, Cambridge
University Press, Cambridge-Londres-New York, 1976

Théorie des places centrales
de Christaller

Polygones de Thiessen

En France : une archéologie
spatiale moins développée
que dans les pays angloaméricains en raison de
l’héritage vidalien.
Elle est plutôt le fait de
protohistoriens.
Zadora-Rio (Elisabeth), « Les terroirs médiévaux dans le Nord et le Nord-Ouest de l’Europe » dans
Guilaine (Jean) (dir.), Pour une archéologie agraire. Armand, Colin, Paris, 1991, pp. 165-191.

3.2. L’archéologie spatiale depuis les années 1980-1990

 les analyses spatiales sont de plus en
plus répandues : cf. nombreux exemples
dans Temps et espaces de l’homme en
société (2005)

…mais, l’expression d’archéologie spatiale
n’est plus vraiment répandue et signale la fin
de sa mode – du moins sous cette expression
– et plus largement de la New archaeology
depuis les années 1980.
Exemple : Des oppida aux métropoles (1998) :
travail d’archéologie spatiale mais les auteurs
préfèrent parler de « techniques de l’analyse
spatiale » (p. 10).

L’abaissement de l’archéologie spatiale au
rang de simple méthode d’analyse témoigne
de la reformulation voire du désintérêt et
même de l’opposition ferme qu’elle a suscités
après les années 1970.

C – Depuis la fin des années 1970, renouveau généralisé
des études sur les paysages
1. Contexte socio-économique : une prise de conscience
environnementale
 renouveau du paysage comme objet scientifique dans les SHS et SVT +
apparition des problématiques environnementales…
 liés à une forte prise de conscience environnementale dans le monde
occidental…
 issue des conséquences néfastes sur l’environnement de l’accélération du
processus d’urbanisation et du développement technologique.
 Développement d’un mouvement écologique politico-social.
 Le paysage revient sur le devant de la scène scientifique et l’environnement
y fait son apparition.
 Recherche qui s’insère dans le cadre d’une réflexion plus vaste et
transdisciplinaire sur les choix d’aménagement, dans une optique de durabilité
et de protection des paysages.

2. Réhabilitation du paysage comme objet scientifique en géographie
2.1. Remise en question de la New Geography et de la New Archaeology

 remise en question des approches mathématiques de la nouvelle géographie.
 les géographes redécouvrent l’importance des héritages et l’intérêt de l’étude
conjointe des milieux naturels et espaces sociaux.
 idem pour la critique de la New archaeology à partir des années 1980 : on lui
reproche de ne pas assez mettre l’accent sur le social, le culturel et le
symbolique. Les paysages sont dorénavant vus comme l’expression de
significations culturelles particulières.
 aujourd’hui la Landscape Archaeology travaille majoritairement selon cette
approche. Optique parallèle à la Social Archaeology depuis les années 1980 : les
vestiges matériels sont interprétés comme le reflet d’une réalité sociale pleine de
sens que les archéologues ont la charge de décrypter.

Patrice BRUN défend l’archéologie spatiale (sous le nouveau titre d’archéologie « des
réseaux locaux ») et dénonce les excès de cette critique :
« En somme, il serait plus juste d’inverser, ou presque, la proposition : le modèle dominant n’est pas,
ou n’a été qu’un court moment, celui que l’on dénonce et que l’on qualifie de progressiste,
matérialiste, centraliste, déterministe, scientiste et, pour finir, spatialiste. Le modèle qui domine
depuis un quart de siècle est, tout au contraire, particulariste, relativiste, « déconstructionniste »,
symboliste, tout entier érigé contre une chimère : une caricature de la modernité. On en confond les
étapes historiques. On ignore sans vergogne la profusion des écrits montrant la très claire
conscience, chez les progressistes aussi, du potentiel de destruction que revêt toujours le progrès
technique. On caricature les travaux des évolutionnistes en leur prêtant abusivement une conception
unilinéaire de l’évolution vers davantage de complexité organisationnelle. On décrète que le rôle de la
distance et de la densité sociale ne peut avoir été déterminant et, par conséquent, que les
configurations spatiales de sites ne peuvent être des révélateurs fiables de l’organisation sociale. De
façon étonnante, ces jugements de valeur à l’emporte-pièce, ne sont pourtant appuyés sur aucune
validation.
Cela ne veut pas forcément dire qu’ils sont entièrement faux, ce qui nous ferait sombrer dans une
opposition binaire aussi sommaire que celle dans laquelle les postmodernes se sont enferrés. Cela
signifie qu’il importe dorénavant de mettre en œuvre une procédure d’évaluation de la
représentativité sociale de l’organisation spatiale des sociétés. »
(Texte diffusé pour la préparation d’une journée de travail à Nanterre en 2009)

2.2. Le rôle moteur de la biogéographie
 les propositions nouvelles, dès les années 1970, viennent de la géographie
physique et surtout des biogéographes.

 biogéographie = branche à la croisée des sciences naturelles, de la géographie
physique, pédologie et écologie qui étudie la vie à la surface du globe par des
analyses descriptives et explicatives de la répartition des êtres vivants.
 Georges Bertrand est l’un des premiers à avoir développé l’approche
systémique et revalorisé le paysage en géographie. + promotion de la
pluridisciplinarité entre historiens, géographes et archéologues.
 il a développé une vision globale du milieu autour du concept de géosystème :
− le « potentiel écologique » (combinaison des données physico-chimiques)
− « l’exploitation biologique » (les écosystèmes)
− « l’utilisation anthropique »
 Le paysage est conçu comme résultant de l’intégration de tous ces rapports.
Alain Roger : chef de file d’un courant esthétisant et culturaliste selon lequel
l’étude paysagère des écologues et biogéographes = la « morphologie de
l’environnement », parce que le paysage n’existe que dans l’interaction entre la
subjectivité de l’observateur et les objets concrets.

2.3. Développement des approches économique, sociale et historique
G. Bertrand, 1973 : les recherches sur le paysage « sont encore mal
dégagées de leur gangue biogéographique » et il formule le vœu qu’elles se
rapprochent « des préoccupations économiques et sociales » afin de « mieux
poser les problèmes de l’utilisation [du milieu] par les sociétés humaines ».
(cité dans G. Rougerie et N. Beroutchavili, Géosystèmes et Paysages. Bilan et
méthodes, Armand Colin, Paris, 1991, p. 81)

G. Bertrand, 1975 : « Pour une histoire
écologique de la France rurale – L’impossible
tableau géographique » dans Duby (G.) et Wallon
(A.) (dir.), Histoire de la France rurale, t. I. Des
origines à 1340, Seuil, Paris, 1975, pp. 34-113.
= 1er temps fort de l’ouverture vers l’histoire.
En 1995, il parle de « révolution copernicienne » à
ce propos (dans Brunel et Moriceau, L’histoire
rurale en France, p. 68).
Refus du tableau géographique introductif
traditionnel : « le tableau géographique a été à la
fois la conséquence et la cause d’une conception
bloquée des rapports de l’homme et du milieu »
puisqu’il ne peut retenir, par essence, que les
traits généraux et permanents au détriment des
dynamismes de toutes sortes qui caractérisent
l’histoire rurale (p. 39-40).
Critique du possibilisme qui n’est que
« l’application littéraire d’un principe philosophique
vague » et « une forme "scientifique" du laxisme »
(p. 51).

Critique de la prédominance de l’approche
économique et juridique dans les travaux des
historiens.

G. Bertrand, 1978 : « L’archéologie du paysage dans la perspective de
l’écologie historique », dans Archéologie du paysage, Actes du colloque tenu à
Paris, E.N.S., mai 1977, Caesarodunum, Tours, 1978, pp. 132-138.
= 2e temps fort, cette fois-ci en direction de l’archéologie.
Sa manière de considérer le paysage est considérablement élargie en direction
de la société, de la subjectivité, du culturel, etc.

G. et Cl. Bertrand, 1991 : « La mémoire des terroirs » dans Guilaine (J.) (dir.),
Pour une archéologie agraire, Armand Colin, Paris, 1991, pp. 11-17.
« l’archéologie agraire apparaît de plus en plus comme une "discipline
d’interface" entre les sciences de la nature et les sciences sociales. » (p.17)
 il incite pour ce faire les archéologues à passer de l’échelle du site à celle de
l’horizon géographique infini .

 Le concept de paysage redevient fédérateur en géographie et devient
un lieu de rencontre avec les autres disciplines dont l’archéologie qui
s’approprie à la même époque ce nouveau champ.

3. Le « boom » des études archéologiques sur les paysages et
l’environnement
 développement de l’intérêt archéologique porté aux paysages à la fin des années 1970.
 jusqu’à cette date, les fouilles sont ponctuelles et les archéologues français se
préoccupent peu de l’environnement du site.
 le développement de certaines techniques et sciences (photographie aérienne, de la
photo-interprétation, de la télédétection, de la prospection géophysique, des sciences
paléonaturalistes, etc.) va permettre d’y remédier. Depuis, recherche du « contexte ».

3.1. Naissance de « l’archéologie du paysage » à la française
 Raymond Chevallier (archéologue aérien) lance l’expression dans un article de 1976 :
« Le paysage, palimpseste de l’histoire pour une archéologie du paysage ».
+ organisation d’un colloque fondateur Archéologie du paysage, en 1977 à Paris.
 R. Chevallier promeut l’approche archéologique : elle peut selon lui reconstituer la
dimension historique des paysages en révélant ce qui a disparu et qui n’est donc plus
fonctionnel (fossile) à partir d’une observation directe (du sol ou d’avion) ou
indirectement, par la cartographie, l’iconographie et les textes. En particulier,
l’archéologie aérienne est primordiale dans cette ouverture du champ d’investigation car
elle offre un effet de recul essentiel.

Ferme indigène – Picardie. © Agache

« Paysage-palimpseste »

Conception stratigraphique du
paysage

 Volonté de dater les formes
fossiles et de restituer le paysage à
telle ou telle époque
Villa – Picardie. © Agache

 succès de l’expression mais, finalement, peu de chercheurs ont réellement
souhaité se placer sous cette bannière, la plupart préférant des intitulés plus
limités, liés à divers fondamentaux, géologique (géoarchéologie), écologique
(archéobotanique,
chrono-écologie),
géographique
(archéogéographie),
géohistorique et politique (chorématique historique, archéohistoire), entre autres.
Même Raymond Chevallier, en 2000 : « géotopographie archéologique »
 Discipline qui n’a pas réussi à rassembler les suffrages malgré le succès de
l’expression dans son sens banal.
 Georges Bertrand, bien qu’il s’affirme confiant dans la fortune future de cette
« expression heureuse » en 1978, s’interroge sur la pertinence du terme paysage :
« Le paysage n’est donc pas un concept, tout au plus une notion foisonnante que chacun a
cru pouvoir utiliser à sa façon et sous des acceptations diverses. Il fait depuis quelques
années fonction d’auberge espagnole. Il en est devenu confus, puis insignifiant et enfin
transparent ! Les archéologues vont-ils, après d’autres chercheurs, augmenter encore cette
incohérence et cette ambiguïté ? » (Bertrand 1978, p. 133).

 aujourd’hui, au travers de ce qu’en disent les manuels d’archéologie, la définition
semble, malgré tout, toujours mal établie et floue, cette fois en raison d’un
rapprochement avec l’archéologie de l’environnement.

3.2. Le programme PIREN/CNRS : élaboration d’une écologie historique ou
écohistoire
 1984-1985 : lancement de l’Action thématique programmée « Histoire de
l’environnement et des phénomènes naturels » devenue Programme scientifique
du PIREN/CNRS (Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement).
 Définition d’une nouvelle discipline : l’histoire de l’environnement ou
« écologie historique » ou « écohistoire ».
 premiers résultats présentés par Robert Delort lors du colloque en 1991 Pour une
histoire de l’environnement (1993). Les auteurs y posent comme principes de base :
− la variabilité extrême des facteurs de l’environnement
− l’importance de l’action humaine sur l’environnement (depuis des millénaires)
− l’importance du passé pour la connaissance de l’avenir
 l’archéologie préhistorique apparaît
protohistoriques et historiques.

plus

avancée

que

les

archéologies

 chapitres les mieux documentés : l’histoire récente du fait climatique et les formes
du relief. Encore beaucoup de chemin à parcourir…

2001

Discipline qui « émarge à de très
nombreuses disciplines » (Beck et
Delort 1993, p. 14), l’écohistoire ou
histoire de l’environnement ne
réussit guère à s’extraire de
l’ambiguïté générale, en ce qui
concerne les appellations. Elle
n’échappe pas au terme-valise
d’environnement dont les auteurs
mesurent pourtant l’anachronisme.

3.3. L’archéologie agraire française : un développement tardif
 développement tardif en France alors qu’elle existe depuis le début du Xxe en GrandeBretagne, en Allemagne, au Danemark et aux Pays-Bas.
 le colloque de 1977 sur l’archéologie du paysage, en parallèle au développement des
différentes méthodes de prospection, a surtout généré des études sur l’évolution de
l’occupation du sol et non sur les paysages en eux-mêmes.
 colloque clé = Jean Guilaine (dir.), Pour une archéologie agraire. A la croisée des sciences
de l’homme et de la nature (1991). Les contributions se répartissent entre :
− les archéologues et l’étude du monde rural : techniques, outillage, façons culturales,
terroirs, paysages ruraux, etc.
− les naturalistes et l’étude de l’anthropisation du milieu : pédologie, palynologie,
géoarchéologie, archéolozoologie, etc.
Il reste cependant à mettre en œuvre, des vœux mêmes de J. Guilaine, une étude plus
globale, sur le fonctionnement des sociétés, au-delà de la simple reconnaissance de vestiges.
 3 domaines en matière d’histoire rurale et agraire où les avancées apportées par
l’archéologie sont les plus significatives :
− les productions, l’outillage et les techniques agricoles ;
− l’environnement par le biais de la restitution des paysages (rivages, forêts, reliefs, cours
d’eau, etc.) ;
− l’étude des parcellaires anciens.

3.4. L’émergence des archéologies du
paléoenvironnement

4. Une proposition récente de réorganisation du champ du
savoir géohistorique : l’archéogéographie
4.1. Historique et définition
 filiation de l’option « archéogéographie » du DEA Archéologie
environnementale de Paris 1
 impulsion de Gérard Chouquer, historien antiquisant, DR au CNRS +
professeur à Coimbra
Archéologie + géographie = les 2
socles disciplinaires de base
Sources de plusieurs origines :
 documents planimétriques : cartes, plans et photos aériennes
 données paléonaturalistes
 documents écrits : archives médiévales et modernes, cadastres
 données archéologiques

www.

Un site web

. org

Ouvrages « fondateurs » de la
discipline archéogéographique

2003

2000

Ouvrages formalisant la
discipline archéogéographique
2007

2008

4.2. Les enjeux de l’archéogéographie
a) Décomposition des objets « installés » et aujourd’hui en crise
Discipline héritière des divers courants de la géographie historique et de la géohistoire,
ou encore de l’archéologie du paysage, mais elle s’en différencie en postulant la crise
des objets géohistoriques et la nécessité de leur recomposition.
Constat : malgré l’accumulation des nouvelles données, les objets, récits et cadres
interprétatifs traditionnels ne changent pas. Résistance des « grands objets » de la
géographie historique et de l’histoire.

 Propositions de réorganisation des savoirs à partir d’une « archéologie du savoir »
(Michel Foucault)
Exemples
 la planification antique (Chouquer, Favory)

 les formes agraires protohistoriques (Chouquer)
 la modélisation des formes agraires médiévales : bocage/openfield/Méditerranée (Lavigne,
Watteaux), forme radio-concentrique (Chouquer, Watteaux)

 les territoires antiques et médiévaux : le domaine royal (Buscail), la cité antique (Chouquer, Favory,
Lopes), la paroisse et seigneurie médiévale (Zadora-Rio, Buscail), etc.

 la morphologie des espaces irrigués historiques de Méditerranée (Gonzalez Villaescusa)

b) Recomposition : définition de nouveaux objets et paradigmes :
Autre aspect = étude de la dynamique des planimétries (voirie, habitat,
parcellaires), de l’occupation du sol et leurs hybridations avec l’orohydrographie et la végétation.  on étudie moins ce que les choses ont été,
parce que cet objectif paraît de plus en plus délicat à atteindre, que ce que les
choses sont devenues. Travail sur la mémoire des formes.
// réflexion de l’archéologue Laurent Olivier (Le sombre abîme du temps, 2008).

+ étude des parcellaires planifiés antiques (Chouquer, Favory, Brigand…),
médiévaux (Lavigne, Abbé, Watteaux, Brigand), modernes (Chouquer).

 La centuriation antique

centurie

 La forme quasi parfaite d’une
centuriation « romaine » visible sur une
carte n’est pas l’effet d’une remarquable
conservation mais l’effet d’une construction
de l’objet dans la durée.
 Les aménagements des périodes
médiévale et moderne participent à la
construction et à la résilience des
centuriations antiques.

 La forme radio-quadrillée : fusion d’un réseau routier radial à grande
échelle et de trames parcellaires « quadrillées » à petite échelle.
L’exemple de Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) d’après l’analyse d’un cliché IGN
de 1956 (G. Chouquer)

 Les réseaux de formations

Région de Beaugency (Loire et
Loir-et-Cher). S. Robert.

 Les corridors hydro-parcellaires associant des éléments anthropiques et naturels
en fonction du rapport à l’eau.

Sorigny (Indre-et-Loire)
C. Pinoteau

 Les réseaux physiques réguliers ou régularités organiques
La huerta de Murcie dans les environs de Era Alta (Espagne). R. Gonzales Villaescusa

Analyse de R. Gonzales Villaescusa.

 Les villages-rûs

Les Maillys (Côte-d’Or)
M. Foucault

 Les corridors fluviaires
Tours. H. Noizet

 Du « paysage-palimpseste » à la « transformission »
La coupe de Pierrelatte (Drôme) : une coupe heuristique pour l’archéogéographie

La coupe de Pierrelatte en plan : transmission de la forme en plan au-delà du
modelé et des hiatus sédimentaires (UCHRONIE)
5 dimensions à restituer :
profondeur
latitude
longitude
hauteur
dynamique

Transformission
Mot créé à partir de
transformation et de
transmission. Permet de
décrire la double action de
transformation dans le temps
des réalités géographiques et
de transmission de certains
caractères de ces réalités
donnant l’impression d’une
pérennité de la forme.

Conclusions
1/ Il existe une relation indéniable entre les recherches menées sur les
paysages et les paléoenvironnements et le contexte socio-économique
dans lequel elles s’inscrivent.

2/ La dimension spatiale des objets étudiés par les historiens et
archéologues est longtemps restée « soumise » à celle du temps. Mais
cette vision fixiste et déterministe du milieu est depuis ces dernières années
sérieusement « écornée » par l’association entre l’archéologie et les SVT et
par la démarche systémique et interdisciplinaire.
3/ Si l’on dresse un bilan, on observe une multitude d’intitulés s’inscrivant
dans ce large champ de recherche sur l’occupation du sol et les paysages. Cf.
tome 2 du Traité d’archéogéographie. L’archéologie des disciplines
géohistoriques (Chouquer et Watteaux), à paraître chez Errance.
Ce champ représente un axe majeur de la connaissance mais il est encore
imparfaitement conçu car il n'est pas structuré : 150 intitulés différents de
la fin du XIXe à nos jours ! Fragmentation qui caractérise en réalité une phase
d’émergence d’un champ scientifique très riche.

Les éditeurs scientifiques souhaitaient tenir compte de « l’évolution récente de la discipline (...)
une pratique archéologique qui ne peut plus se réduire à la fouille, (...) qui devient archéologie
extensive, archéologie du terroir ou du paysage » (Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 6).
Archéologie et espaces, (colloque de 1989, Fiches et Van der Leeuw 1990)
- archéologie et espaces (titre)
- landscapes (p. 9)
- analyse régionale (p. 25)
- landscape archaeology (p. 35)
- occupation du sol (p. 47)
- organisation des espaces (p. 71)
- espace géographique (p. 87)
- géographie historique (p. 87)
- approche régionale (p. 157)
- territoires (p. 183)
- prospection régionale (p. 285)
- analyse de l’espace du passé (p. 299)
- archéologie et histoire du paysage (p. 363)
- géographie historique de l’espace rural (p. 363)
- paysage rural (p. 383)
- analyse spatiale (p. 503)

« Après écoute des communications et lecture des contributions, nous voudrions développer
quelques réflexions sur le thème de ces rencontres : “archéologie des espaces”, expression
juste et plus riche que la traduction littérale de l’anglais “archéologie spatiale”, qui est trop
proche de l’expression méthodologique “analyse spatiale”, avant tout synchronique, ou
d’autres formules comme “archéologie extensive”, trop générique, “archéologie du terroir”,
trop rustique et “archéologie du paysage” trop descriptive. »
(Fiches et Van der Leeuw 1990, p. 503)