Varangue N°292 - Infocom Réunion
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Transcript Varangue N°292 - Infocom Réunion
Varangue
n° 292
Journal-école du 5 novembre 2014
BILLETS GRATUITS À LADOM
Petits abus sur les aides à la mobilité
L’Agence de l’outre mer pour la mobilité (Ladom) aide les Réunionnais
à rejoindre la métropole pour leurs études, leur travail ou simplement
pour les vacances. Certains malins n’hésitent pas à mentir sur leur
situation pour avoir des billets à prix réduits voire gratuits.
Qui va payer les billets des Réunionnais ? Le discours de la ministre
de l’Outre Mer, George Pau Langevin, annonçant le retrait partiel de
l’Etat dans le financement de la
continuité territoriale a provoqué
un vent de panique sur l’île. Ce
dispositif, ouvert à tous les Réunionnais, permet d’alléger le prix
du billet d’avion de 360 euros. Mais
l’agence finance également les
départs des apprentis et des étudiants. Et ces derniers n’hésitent
pas à user de stratagèmes pour
bénéficier des aides.
« Les combines »
Le billet d’Audrey*, étudiante dans
le sud de l’île, a été intégralement
payé par l’agence. La jeune femme
a fait une demande de Passeport
Mobilité-Etudes. Ce dispositif
prend en charge, en partie ou en
totalité, les billets des étudiants
à faibles revenus. Seule condition
à respecter : être inscrit dans une
filière qui n’existe pas dans le
département. Pourtant, Audrey est
en Français Langues Etrangères, un
cursus proposé sur l’île. Au moment
de constituer le dossier, l’agence
demande une preuve d’inexistence
ou de saturation de filière. Pour
détourner la contrainte, l’étudiante a simplement choisi une
option qui n’est pas proposée par
l’université de la Réunion. « C’est
la fac qui se charge de remplir le
formulaire, et souvent ils ne sont
pas très regardants », explique-telle. D’autres comme elle, ont profité des faiblesses du système pour
être sûrs que leurs billets soient
payés. Johan*, jeune salarié aujourd’hui, avoue sans honte s’être
inscrit dans deux facs différentes
lorsqu’il effectuait ses études en
métropole. Aux yeux de Ladom, il
était en licence de gestion alors
qu’il finissait son master de droit
des affaires. « Je savais que ma
filière existait ici, mais je voulais
quand même avoir une expérience
en France. Je me suis inscrit dans
une autre fac sans suivre les cours.
Ils n’ont jamais vérifié ».
À en croire les deux Réunionnais,
d’autres jeunes se sont engouffrés
dans cette brèche et aucun d’entre
eux n’a eu de problèmes par la
suite. Les deux amis ne se sentent
pas coupables et ne pensent pas
avoir abusé de la société. « Au
final, j’ai utilisé mon billet pour
faire mes études », se défend Johan. À l’époque où c’était encore
l’ANT, certains de ses proches
mentaient sur leurs intentions et
partaient en vacances en métropole. « Mais maintenant, ce n’est
plus possible, ils vérifient trop »,
conclut-il.
Des contrôles rares
Depuis la polémique déclenchée
par les propos de la ministre, le climat est tendu à Ladom et les déclarations sont filtrées. Mais l’un des
employés confie à demi-mots qu’il
est difficile de suivre les étudiants
et de vérifier les filières. Même en
cas avéré d’abus, les poursuites
sont rares. « On demande juste le
remboursement », explique-t-il.
Outre les étudiants, l’agence aide
également les jeunes salariés qui
souhaitent suivre une formation
en métropole. Mais, l’employé
ajoute : « Pour les formations
professionnelless, c’est plus dur
de frauder ».
Aurore TURPIN
*Noms d’emprunt
Les demandes d’aide ne cessent de croître à LADOM (A.C).
Financés en grande partie par l’Etat et la Région
Réunion, les aides de Ladom connaissent un
véritable succès auprès des ultras marins et les
demandes ne cessent de croître. L’année dernière,
4350 Passeport-Mobilités ont été délivrés contre
2676 en 2012.
48% D’ABANDONS AU GRAND RAID 2014
« Je n’ai pas eu de soupe »
Pour la 22éme édition du Grand Raid, ils sont 2204 fous à avoir chaussé
leur paire de trail. La mise en place d’un plan B, suite à des éboulis au
Col du Taïbit, a allongé le parcours de 10 kilomètres. Conséquence ?
1057 participants ont abandonné, soit le double de l’année dernière.
« Encore plus technique, plus
accidenté, plus dangereux » :
l’Ultra Trail de 174 kilomètres a
eu raison de Nicolas, jeune raideur
de 25 ans. Assis sur l’herbe du
stade « Halte là » dans les hauts
de la Possession, le sportif peine à
cacher sa frustration. Ce qui devait
être une « partie de plaisir » s’est
transformé en cauchemar : « La
descente à Cilaos était hyper
étroite, hyper glissante, raconte-til, on prenait 5 minutes à traverser
des rivières. » Les 10300 mètres de
dénivelé positif ont mis ses nerfs à
rude épreuve. Mollets endoloris,
moral à zéro, le métropolitain
a renoncé à la ligne d’arrivée.
« J’avais à cœur de faire un gros
chrono, je suis parti fort, je ne l’ai
pas senti venir », regrette-t-il.
Cette année, la liste des abandons
est longue : 48% des participants
n’ont pas atteint le stade de la
Redoute. Marcelle Puy, Julien
Chorier, Iker Karrera : même ces
grands noms du trail ont dû
déclarer forfait. Le Grand Raid
2014 laisse à Laurence, 45 ans, un
goût amer. La sportive s’indigne :
« Je n’ai pas eu assez de soupe,
je n’ai pas pu me réchauffer. A
Mare à Boue, j’ai dû mettre une
couverture de survie à même la
peau pour continuer ». La SaintLeusienne a du mal à accepter cet
échec et dénonce un manque d’organisation aux niveaux des stations
d’approvisionnement : « A Piton
Textor, même une banane, ils ne
pouvaient pas nous en donner ! »
Un mental d’acier?
Sur le point de ravitaillement, côté
« massage », les médecins, kinésithérapeutes et podologues sont
aux petits soins, pour le plus grand
plaisir des raiders, épuisés par la
chaleur et la fatigue. Infirmière,
Caroline voit défiler les blessés,
déchirures aux cuisses, ampoules
et cloques aux pieds : « Généralement, ils sont dans un état où ils
n’en peuvent plus ! » Selon sa collègue, Marie-Lucie, les Réunionnais
auraient plus de mal à venir à bout
du circuit. « Ceux qui ont connu
tous les parcours précédents,
face aux nouvelles difficultés, je
pense qu’ils en prennent un coup
psychologiquement. », justifie la
bénévole. Car courir le Grand Raid
2014, c’est aussi avoir un mental
d’acier. Faustine, elle, a rencontré
des cas extrême. Même si elle n’a
pas « vu trop de dégâts », la kinésithérapeute raconte : « Il y en a
quelques uns qui ont des hallucinations. Ils tremblent un peu, après
deux nuits sans dormir. »
Ce n’est pas le cas de Didier,
tout sourire après s’être reposé
quelques heures à la station précédente. Pour une première partici-
Le Grand Raid 2014 n’a pas épargné certains fous (M.R)
pation, le coureur semble fier de
sa performance. Après un départ
difficile, il avait pourtant songé à
abandonner. « J’ai eu des crampes
aux cuisses, j’y suis allé comme un
taureau, rigole le jeune homme
de 28 ans, mais après, mentalement, je me suis ressaisi ! » Son
dossard numéro 321, il a tenu à
l’emmener jusqu’au bout. Tout
comme les quelques raiders fous,
soit 42% des participants, qui ont
rassemblé physique et mental pour
venir à bout de cette Diagonale du
combattant.
Marion RISTOR
DE LA BRETAGNE A MADAGASCAR EN PASSANT PAR LA REUNION
Le rêve malgache de l’auto-constructeur
Éric Duval s’est forgé un savoir-faire dans la construction de maison en bois, en puisant dans son
imagination autant que dans l’environnement qui l’entoure. Aujourd’hui, après s’être bâti son
« Refuge » à Madagascar, il y préconstruit des cases en kit qu’il monte à La Réunion.
Accompagné de quatre artisans malgache , Eric Duval a construit quatre
cases sur son terrain. (C.A)
« Le bitume » est le nom donné à
la seule route traversant la ville de
Foulpointe, située à 60 km au Nord
de Tamatave. De part et d’autre de
cette nationale, des restaurants,
des bars. Au-delà, les ruelles sableuses du marché sont obscurcies
par la cendre se dégageant des
brasiers des commerçants. Des
maisons faites de feuilles de ravenala et de bois de goyavier côtoient
les habitations en dur, où vivent
essentiellement des karana et des
vazaa. Le voyageur débouche enfin
sur un lagon, bordé d’une plage à
perte de vue. Là, sont installés
des hôtels de luxe, attirant chaque
année des milliers de touristes et
les propriétés les plus somptueuses
de la commune. Parmi elles,
« l’Eden refuge », propriété d’Éric
Duval. Vingt-trois ans en arrière, un CAP
de menuiserie en poche, le jeune
Breton décide de changer d’hémisphère avec l’idée de créer une activité de pêche à la Réunion. Mais le
projet initial tombe à l’eau tandis
que les factures, elles, continuent
à affluer. « J’acceptais tous les
petits boulots dans le bâtiment :
l’électricité, la menuiserie »,
se souvient-il. Au fil des années,
chantier après chantier, il acquiert
un savoir-faire lui permettant de
s’attaquer seul à des extensions de
maison. Un autodidacte, mais aussi
un aventurier qui ne se contente
plus d’une vie occidentale qu’il
juge étouffante : « On a l’impression d’être fliqué tout le temps
ici…»
Cette fois destination Madagascar,
où quelques années auparavant
Éric et sa femme, originaire de la
Grande Île, ont acheté un terrain
en friche de quatre hectares, situé
sur la commune de Foulpointe.
Quinze ans plus tard, en pénétrant
dans « l’Eden refuge », on a du mal
à imaginer cette même nature,
non apprivoisée. Deux rangées
de bambous géants escortent les
voyageurs depuis l’entrée vers
une maison entourée d’un jardin
exotique, où se mêlent différentes
espèces de bambous, ravenalas,
flamboyants... «Cette maison, c’est la première
que j’ai construite en arrivant sur
Lors de son dernier retour à la Réunion, l’auto-constructeur a ramené 1790 pièces de bois pour une maison
en kit.(C.A)
le terrain», commente le quinquagénaire. Aidé de quatre artisans
de Foulpointe, Éric Duval construit
trois autres cases sur ses quatre
hectares, la dernière achevée il y
a peu. « J’ai commencé par acheter une machine de menuiserie
pour les meubles, puis d’autres
pour la charpente et maintenant
j’ai tout un atelier », poursuitil.
20% moins cher ?
Aujourd’hui, la construction est
une passion dans laquelle il passe
le plus clair de son temps. Ses
maisons sont faites en bois avec
une toiture composée de feuilles
de ravenala tressées. Éric Duval
réussit à allier soin de la finition et
aspect naturel des matériaux qu’il
exploite. Le résultat, ce sont des
cases colorées, où chaque recoin
fait preuve d’originalité : un bar
orné de bouteilles de vin récupérées, un autre composé de fine
lames de bois disposées les unes
contre les autres ; des barrières intérieures en bois de goyavier brut,
ou encore des pans de mur remplacés par des bambous géants alignés
côte à côte…
Même si le quinquagénaire se dit
heureux de pouvoir s’épanouir à
Madagascar, il garde cependant
un pied à la Réunion, où il se rend
plusieurs fois par an. « Il faut
garder une porte de sortie quand
tu vis à Madagascar… pour ne pas
t’y retrouver bloqué », prévientil. Lors de son dernier retour, il a
ramené, dans ses bagages, 1790
pièces de bois qui dans trois mois
constitueront la première case
entièrement malgache, construite
et pensée à La Réunion. « On a
fonctionné avec des plans conçus
par une boite d’architectes réunionnais pour préparer toutes les
pièces à Madagascar », précise-t-il.
Selon l’auto-constructeur, le bois
utilisé, du pin de la région de Moramanga, engendre « un coût estimé
inférieur de 20% par rapport à une
case similaire à la Réunion ». Cette
activité de vente de case entre
l’île rouge et la Réunion, l’autoconstructeur la compare à une
« assurance vie » lui permettant
de jouir sereinement de son rêve
malgache.
Corentin ARNAUD
MARIAGES CIVILS EN CREOLE
« Mi déklar zot dé maryé ansanm »
Se marier en créole à la mairie…Une démarche plutôt rare, mais possible depuis
quelques années dans le cadre de la charte des « communes bilingues ». Depuis le 16
octobre, les amoureux peuvent également se marier en créole à la Possession.
« Par la loi, mi déklar zot dé maryé
ansanm ». Tels sont les mots prononcés par le maire à l’adresse des
couples qui en formulent le souhait, à l’occasion de leur mariage
civil à La Possession. C’est Axel
Gauvin, président de l’association
Lofis la Lang Kréol La Rényon, qui
a réalisé la traduction de l’extrait
du code civil relatif au mariage en
créole à la demande de l’ancien
maire de Saint-Paul, Alain Bénard.
Lui-même avait été approché par
Danyel Waro, désireux de célébrer
son union en créole. De fait, le
chanteur et sa compagne furent
les premiers à appliquer le droit
du mariage bilingue à La Réunion.
Dans ce texte, intitulé « Sérémoni mariaz civil », on y lit par
exemple : « Manzèl (ou Mésié)… Ou
lé dakor pou maryé èk Mésié (ou
Manzèl)… ? », ou encore « La fanm
ék le mari i doi respèk l’inn-a-lot.
Zot i doi èt fidèl, donn la min,
porte sekour l’inn-a-lot ».
Si la démarche n’est pas très habituelle, elle a tout de même séduit
quelques tourtereaux. A l’image
d’Alexandra et Frédéric Técher, 22
et 23 ans, qui se sont dit « oui »,
et qui sait, peut-être « oui mi vé »,
le 22 août dernier. En vacances à
La Réunion, le couple a souhaité
s’unir sur ses terres « en créole »,
à Saint-Joseph, ville où ils ont
grandi. Les jeunes mariés se sont
volontiers prêtés au jeu. « Nous
nous sommes dit pourquoi ne pas
essayer ? Bin lé té comik en fèt
! ». Alexandra de préciser : « Nous
sommes fiers de nos origines. Nous
avons voulu que notre mariage soit
en communion avec nos racines,
c’est symbolique pour nous». Un
sentiment qui rejoint l’analyse
d’Axel Gauvin : « La plupart des
Réunionnais restent attachés à
leurs origines, d’où le choix de
célébrer un mariage en créole qui
est lié à des valeurs sentimentales
et affectives ».
Huit municipalités ont adopté cette
charte de « communes bilingues » :
l’Entre-Deux, La Possession, SaintPaul, Saint-Joseph, Saint-Denis, Le
Zot la di a zot « oui » l’inn-a-lot (photo: Alexandre Bertucat)
Port, Saint-Louis ainsi que la ville
de Saint-André. Toutefois, Tamponnais et Saint-Leusiens peuvent eux
aussi se marier en créole, bien que
leur mairie respective n’ait pas
adhéré à cette loi.
Seulement 20 % des mariages sont
célébrés en créole dans le cheflieu, et on compte une moyenne de
quatre célébrations péi à Saint-Joseph par an. Selon Axel Gauvin, le
droit au mariage bilingue n’est pas
suffisamment relayé par les médias
alors que paradoxalement, « dès
l’entrée des villes, dans les mairies
ou encore les publicités, on voit du
créole quasiment partout…».
Mélissa PERCIOT
RECYCLAGE DES BOUTEILLES EN VERRE
« L’argent sous la roche »
Jetées dans la nature ou à la poubelle, les bouteilles de Dodo connaissent
pourtant plusieurs vies. Avant d’être recyclées, elles sont traquées par des
petites mains qui trouvent en ces chopines une source de revenus parfois
salutaire.
Dans le quartier de la Providence,
à Saint-Denis, un étonnant ballet
se déroule quotidiennement autour
des bornes d’apport volontaire
destinées aux déchets en verre.
Aux premières lueurs du jour et,
surtout, à la tombée de la nuit,
défilent hommes et femmes dotés
d’un étrange attirail. Certains
trainent avec peine des caddies
ou des cabas, d’autres des contenants plus incongrus comme des
poussettes usagées. Tous tiennent
dans l’autre main une longue tige
de fer recourbée à l’une de ses
extrémités. Ils déambulent entre
poubelles et bacs à verre en s’arrêtant parfois devant un talus ou un
caniveau. Ces gens que l’on peut
croiser partout sur l’île partagent
la même quête : la recherche des
bouteilles en verre brun qui contenait une Dodo ou un Cot péi.
Landeau et caddie
Gérard* est employé communal. Le
quinquagénaire enfourche son vélo
trois à quatre fois par semaine pour
traquer les précieuses bouteilles.
Lampe frontale vissée sur la tête,
sac sur le dos, il part arpenter les
quartiers de la Providence, des
Camélias et de Saint-François :
« Je fais tout le temps le même
trajet, je quitte la maison vers 22h
quand il n’y plus trop de voitures
sur la route et je rentre entre
minuit et une heure du matin ».
S’il confie que son salaire lui suf-
fit à vivre, Gérard trouve en ces
chopines abandonnées un moyen
d’améliorer un peu son quotidien
: « Ça ne rapporte pas trop comparé au temps que ça prend, mais
c’est toujours un plus à la fin du
mois ». Ces rondes nocturnes sont
aussi l’occasion de joindre l’utile
à l’agréable. « Ça me change les
idées après le travail et comme
ça je fais un peu de sport », ironise t-il.
5euros pour 120 bouteilles
Mais pour certains, cette chasse
aux cols bruns est permanente
et représente un complément de
revenus non négligeable. Pour
Cédric, « c’est comme trouver
l’argent sous la roche ». Sans emploi et dans une situation précaire,
l’homme sillonne les rues à longueur de journée afin de collecter
un maximum de bouteilles. À 11h,
la poussette dans laquelle il stocke
ses trouvailles est déjà bien remplie. Pour lui, c’est un petit boulot
qui arrange tout le monde : « C’est
pas un emploi mais au moins ça
nettoie un peu le chemin et ça
m’aide pour acheter ce que j’ai
besoin ». Cette routine semble lui
permettre de rester actif tant bien
que mal. « Vaut mieux ça que de
rester toute la journée devant la
boutique sans rien faire », conclutil avec le sourire.
Après en avoir ramassé suffisamment, ces petites mains de la
La tête enfoncé dans le bac à verre, Cédric repère les bouteilles oubliées La tête enfoncé dans le bac à verre,
Cédric repère les bouteilles oubliées (D.F°
récup vendent les chopines à des
grossistes. Ceux-ci passent de case
en case à bord de leur camionnette
et chargent les bouteilles ainsi récupérées. « Je reprend par lot seulement, c’est 5 euros pour 120 bouteilles » confie l’un d’entre eux. Il
les revend ensuite aux Brasseries
de Bourbon pour 7 centimes l’unité. Le bénéfice à la revente de ces
bouteilles est donc plutôt maigre :
environ 4 centimes par pièce pour
les collecteurs comme Cédric et 3
centimes pour les grossistes.
Selon les Brasseries de Bourbon,
cette économie de la bouteille vide
permettrait le recyclage de près
de 70% de celles qui sont en circulation. Après avoir été nettoyées et
reconditionnées pour la vente, ces
chopines retournent en magasin.
Une même bouteille peut effectuer
ce circuit jusqu’à trois fois. Celles
qui ont été endommagés ou qui
sont restés dans les bacs à verre
seront broyées puis transformés
en sable avant d’être converties
en matériaux de construction, ou
rejoindront les verreries des pays
voisins.
Denis FERAUD
COUPEURS DE CANNE AU NOIR
« Être déclaré, c’est l’arnaque »
Depuis le mois d’octobre, gendarmes et inspecteurs de la sécurité sociale procèdent à des
contrôles inopinés dans les champs de canne. La plupart des coupeurs ne sont pas déclarés.
Pourtant, ces derniers peuvent dans certains cas cumuler emploi saisonnier et droits sociaux.
Dès la lueur du jour, les premiers
coups de sabres se font entendre
dans les champs de cannes de
Saint-Benoit. Un coup à ras du sol,
un autre sur le dernier nœud avant
les feuilles, suivit d’un dernier défeuillage rendent les roseaux prêts
pour le transport. Les coupeurs
érigent des tas de manière à simplifier le ramassage. Un travail répétitif et difficile ; pourtant, « dan
la canne y devien pa riche», se
plaint Jocelyn, 22 ans. Lui, comme
beaucoup d’autres sur cette exploitation, travaille au noir.
Une tâche payée 13€ la tonne.
Autant dire qu’il ne faut pas chômer. Le rythme est élevé dans cette
course à la pesée. « Si ou veu un
bon paye fo ou mouille le maillot », développe le jeune homme
d’un air dépité. Pour ce Bénédictin
avoisinant les deux mètres de hauteur, bénéficier des droits sociaux
est une aide non négligeable :« Mi
ve garde mon garde mon RSA ; sé
pou sa mi lé pas déclaré ».
Tectec, de son nom « gaté », retraité du bâtiment, coupe lui aussi au
noir. « Ek 500€ de retraite, koman
ou fé ? », s’interroge le gramoune
du haut de ses 65 ans. Maurice, un
petit cafre, ancien chef d’équipe
dans le bâtiment, est aigri : « Déjà
ou gagne pas gran chose, être déclaré, c’est l’arnaque ! » Une régularisation lui ferait perdre environ
500€ par mois, estime-t-il.
Le quadragénaire, longtemps au
chômage, ne veut pas entendre
parler des contrôles. « Aou controlèr, vien fé arète amwin mon travay, ma mont aou mwin », grogne
le Bénédictin. « En lèr, na kelkun y
koné que sak mi fé lé bon, mi vole
pas domoun, mi tué pas domoun,
mi travay pou mwin mangé ! »,
s’énerve Maurice les larmes au
yeux.
Patrice, lui aussi employé non
déclaré, se rappelle un jour où
les autorités n’ont pas lésiné sur
les moyens : « L’hélicoptère té
passe ba pou compte domoun ».
Une fois posées sur la terre ferme,
les autorités vérifièrent le nombre
d’ouvriers et exigèrent la déclaration. « Né na té cour cachette
dan canne ! », s’amuse le coupeur,
avant de reprendre son sabre et de
recommencer son dur labeur.
Jeremy ZITTE
Patrice coupe les cannes depuis 6 heures ce matin(photo M.P)
Un cumul possible
Depuis 2012, suite à la pression notamment de La Confédération générale des planteurs et éleveurs de
La Réunion (CGPER), il est possible de cumuler l’emploi saisonnier et RSA. Une disposition ignorée par
beaucoup, ce qui a le don d’énerver Jean Yves Minatchy. « Il faut que le pôle emploi fasse son travail,
s ‘exaspère l’emblématique président de la CGPER, qu’il informe les bénéficiaire du RSA qu’ils peuvent
cumuler les deux ! » En attendant, le syndicat demande purement et simplement l’arrêt des contrôles
sur les coupeurs….
OURS
Directeur de publication :
Bernard IDELSON
Rédacteur en chef :
Laurent DECLOITRE
Secrétaires de rédaction :
Julie RAMALINGOM RAMASSAMY