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602 2013 42

Arrêt du 27 janvier 2014 II

e

Cour administrative

Composition

Président: Juges: Greffière-adjointe: Christian Pfammatter Johannes Frölicher, Josef Hayoz Vanessa Thalmann

Parties Objet

X.

,

recourant,

contre

DIRECTION DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES CONSTRUCTIONS,

rue des Chanoines 17, case postale, 1701 Fribourg,

autorité intimée,

Aménagement du territoire et constructions Recours du 1 er mars 2013 contre la décision du 4 février 2013 — Pouvoir Judiciaire

PJ

Gerichtsbehörden

GB

Tribunal cantonal

TC Page 2 de 6

considérant en fait

A. X. et l'hoirie Y. étaient copropriétaires du chalet "_____" sis en zone agricole sur l'article ____ du Registre foncier (RF) de la Commune de ____. Ce chalet figure en valeur C au recensement des chalets d'alpage du canton de Fribourg. B. En 2002, la couverture de tavillons du pan ouest de la toiture de ce chalet a été remplacée par de la tôle thermolaquée, travaux exécutés sans permis de construire. C. Une demande de permis de construire a été mise à l'enquête publique dans la Feuille officielle (FO) concernant, d'une part, la légalisation des travaux de rénovation déjà effectués en tôle thermolaquée sur le pan ouest du toit du chalet "______" et, d'autre part, la rénovation projetée du pan est du toit dudit chalet, également en tôle thermolaquée. D. Par décision du 27 avril 2009, la Direction de l'aménagement, de l'environnement et des constructions (DAEC) a refusé de délivrer une autorisation spéciale pour la légalisation de la rénovation du pan ouest du toit ainsi que pour la rénovation projetée du pan est en tôle thermolaquée. Par décision du 22 mai 2009, le Préfet du district de la Gruyère a refusé de délivrer le permis de construire sollicité. Ces décisions sont entrées en force, un recours interjeté contre elles auprès du Tribunal cantonal ayant été déclaré irrecevable par décision du 14 juillet 2009 (602 2009 41). E. Le 9 février 2010, le Préfet du district de la Gruyère a transmis le dossier de la cause à la DAEC en tant qu'autorité compétente pour instruire la procédure de rétablissement de l'état de droit concernant le pan ouest du toit du chalet. Sur la base du préavis négatif de la commune et après avoir pris des renseignements auprès du propriétaire ainsi qu'auprès du Service des biens culturels, notamment par rapport aux conséquences financières du rétablissement de l'état de droit, la DAEC a ordonné, le 4 février 2013, que la tôle thermolaquée du pan ouest du toit du chalet "_______" soit ôtée, impartissant pour ce faire un délai échéant le 30 juin 2013. F. Agissant le 28 février 2013, X. – désormais seul propriétaire du chalet – a contesté cette décision devant le Tribunal cantonal en concluant à son annulation. A l'appui de ses conclusions, le recourant relève qu'en 2002, le matériau pour la couverture du pan ouest avait été choisi pour des raisons financières évidentes. Il invoque une inégalité de traitement par rapport aux chalets environnants, dont un grand nombre serait recouvert du même matériau. Il fait valoir qu'onze ans après la réalisation des travaux, l'obligation de rétablir serait prescrite. En outre, son chalet, recensé en valeur C, ne demanderait pas de protection spéciale. Il s'étonne enfin de l'«amende» qui lui aurait été infligée, contestant implicitement les frais de procédure mis à sa charge à hauteur de 900 francs. G. Dans ses observations du 28 mai 2013, la commune indique que la couverture du chalet de (…) a été autorisée en tôle thermolaquée. Pour le reste, elle renvoie aux dispositions claires de la législation topique et souligne que les subventions allouées actuellement permettent de compenser substantiellement la différence de coûts pour la pose de tavillons, en comparaison avec la tôle ou l'Eternit. Le 24 mai 2013, le Service des biens culturels souligne pour sa part que la décision de la DAEC était justifiée.

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TC Page 3 de 6 H. Le 24 juin 2013, la DAEC conclut au rejet du recours, sous suite de frais, en renvoyant pour l'essentiel à sa décision. Elle conteste explicitement tolérer des situations illégales dans l'exécution des tâches qui lui sont conférées par la loi. Elle interviendrait selon elle dans toutes les situations qui sont portées à sa connaissance dans le cadre de l'art. 167 de la loi sur l'aménagement du territoire et les constructions (LATeC; RSF 710.1).

en droit

1. a) Déposé dans le délai et les formes prescrits - et l'avance des frais de procédure ayant été versée en temps utile - le recours est recevable en vertu de l'art. 114 al. 1 let. a du code de procédure et de juridiction administrative (CPJA; RSF 150.1). Le Tribunal cantonal peut donc entrer en matière sur ses mérites. b) Selon l'art. 77 CPJA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, à défaut d'habilitation légale expresse, le Tribunal cantonal ne peut pas examiner, en l'espèce, le grief d'inopportunité (art. 78 al. 2 CPJA). 2. a) L'art. 167 LATeC a la teneur suivante: " 1 Lorsque le ou la propriétaire exécute des travaux sans permis ou en violation des plans, des conditions du permis ou d'une mesure de protection, le préfet ordonne, d'office ou sur requête, l'arrêt total ou partiel des travaux. 2 Dans les cas visés à l'alinéa 1 et lorsque des constructions ou installations illégales sont déjà réalisées, le préfet impartit un délai convenable au ou à la propriétaire pour déposer une demande de permis de construire en vue de la légalisation des travaux effectués, à moins qu'une telle légalisation n'apparaisse d'emblée exclue. 3 Si le ou la propriétaire n'obtempère pas à l'ordre reçu ou si les travaux ne peuvent être légalisés, le préfet peut, après avoir entendu les personnes et les organes intéressés, ordonner, sans préjudice des sanctions pénales, les modifications ou les adaptations, la démolition totale ou partielle des ouvrages, la remise en état du sol. Lorsque les circonstances le commandent, le préfet peut prononcer une interdiction d'occuper les locaux ou de les exploiter. 4 Lorsque des travaux sis hors de la zone à bâtir ont été exécutés sans permis ou en violation du droit applicable en la matière, la Direction est compétente pour prendre les mesures prévues à l'alinéa 3." b) Une mesure de rétablissement de l'état de droit impose à l'autorité d'effectuer une appréciation circonstanciée de la situation, fondée sur le respect du principe de la proportionnalité (ATC du 11 mars 2008, 2A 07 70). Le principe de la proportionnalité exige que la décision litigieuse soit apte à produire les résultats attendus et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par des mesures moins restrictives. En outre, il interdit toute limitation qui irait au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics et privés qui sont compromis (ATF 132 I 49 consid. 7.2 p. 62 et les arrêts cités; cf. également A. G RISEL , Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, p. 349). Dès lors, le fait qu'une construction soit illégale ne signifie pas encore qu'elle doive être automatiquement démolie. Le constructeur peut se voir dispenser de démolir l'ouvrage, lorsque la violation est de peu d'importance ou lorsque la démolition n'est pas compatible avec l'intérêt public

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TC Page 4 de 6 ou encore lorsque l'intéressé a pu croire de bonne foi qu'il était autorisé à édifier l'ouvrage et que le maintien d'une situation illégale ne heurte pas des intérêts publics prépondérants (ATF 111 Ib 213 consid. 6 = JdT 1987 I 564; ATF 123 II 248 consid. 4a). Même si un administré ne peut se prévaloir de sa bonne foi, il est en droit d'invoquer le principe de la proportionnalité pour s'opposer à un ordre de mise en conformité. Dans ce cas, toutefois, celui qui place l'autorité devant un fait accompli doit accepter que, soucieuse de préserver l'égalité devant la loi et l'ordre juridique, celle ci attache une importance accrue au rétablissement de l'état de droit, sans se préoccuper outre mesure des inconvénients de la situation pour la personne touchée (ATF 123 II 248 consid. 4a). Selon la jurisprudence, un ordre de démolition d'une installation pour rétablir une situation conforme au droit est en principe soumis à un délai de prescription de trente ans (cf. ATF 107 Ia 121 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 1C_478/2011 du 9 février 2012 consid. 2.4; ATF 132 II 21 consid. 6.3). 3. a) Dans le cas particulier, il faut d'emblée constater que le recourant a eu la possibilité de légaliser sa construction. Il a été constaté dans le cadre de cette procédure que la pose d'un toit en tôle thermolaquée n'était pas possible pour des chalets d'alpage au vu de la législation en vigueur. Cette décision est entrée en force et les griefs du recourant, dans la mesure où ils remettraient en question son contenu, sont irrecevables dans la présente procédure. Compte tenu de cette illégalité persistante et confirmée par décision, la DAEC n'a pas violé la loi en engageant une procédure de rétablissement de l'état de droit. b) La LATeC en vigueur en 2002 (ci-après: aLATeC), soit au moment où le recourant a entrepris le remplacement des tavillons par de la tôle, prescrivait à son art. 169 que les projets de construction au sens de l'art. 146 étaient soumis à l'obligation d'un permis de construire. Le terme de construction comprenait selon l'art. 146 al. 2 aLATeC tous les travaux de construction, reconstruction, transformation, agrandissement et réfection. L'art. 147 aLATeC imposait que toute construction devait être conforme aux dispositions de la loi et du règlement d'exécution, à la réglementation communale ainsi qu'aux autres prescriptions fédérales, cantonales et communales en la matière. L'art. 149 aLATeC faisait explicitement mention de l'esthétique des constructions (matériaux, couleurs, genre et pente des toitures, etc.). Selon l'art. 11 de l'arrêté du Conseil d'Etat relatif à la conservation du patrimoine architectural alpestre (RSF 482.43), la rénovation de chalets d'alpage de catégories C et D est admise (al. 2), et peut comporter la remise en état du bâtiment avec des matériaux non traditionnels, à condition qu'ils soient adaptés au site et au type d'architecture (al. 1). Cet article précise en outre que les matériaux suivants ne sont pas autorisés, tant pour les toitures que pour les façades: les tuiles, la brique apparente, les plaques de métal ou de fibre-ciment ondulées ou trapézoïdales ainsi que les revêtements synthétiques. Les ardoises ou bardeaux de fibre-ciment ou de métal non réfléchissant et de teinte s'apparentant à celles des tavillons vieillis sont cependant admis. Au vu de ces dispositions claires, on ne saurait admettre la bonne foi du recourant qui devait connaître son obligation de demander un permis de construire s'il avait l'intention de remplacer une toiture de tavillons par de la tôle thermolaquée. c) L'examen du dossier permet de constater que l'autorité intimée a entendu le recourant conformément à l'art. 167 al. 3 LATeC avant d'ordonner la remise en état des lieux. Elle a également pris des renseignements auprès des services spécialisés, notamment au sujet des coûts financiers de la mesure pour le recourant. Le dossier a été amplement instruit pour pouvoir examiner si le principe de la proportionnalité est respecté. d) Du point de vue de l'intérêt public, celui-ci consiste tout d'abord dans la préservation de l'égalité devant la loi et l'ordre juridique, à laquelle il faut accorder une importance certaine puisque

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TC Page 5 de 6 les autorités – par le comportement du recourant qui a renoncé en 2002 à suivre la procédure du permis de construire – ont été mises devant un fait accompli. Il existe en plus un intérêt public lié au respect des valeurs des bâtiments alpestres. Ce patrimoine est précisément protégé contre les changements de l'aspect par la norme qu'il s'agit d'appliquer en l'espèce. Le Service des biens culturels relève que le remplacement d'une couverture de tavillons par une couverture de tôle thermolaquée change de manière notable l'aspect de la toiture. En effet, la taille de cette partie du bâtiment est importante. En tant que composante principale de l'édifice, elle influence sensiblement et bien visiblement le caractère architectural. En sa qualité d'autorité spécialisée de l'Etat, le Service des biens culturels a relevé l'importance de l'intérêt public consistant dans l'application des normes de protection du patrimoine. La commune abonde dans son sens et le Tribunal de céans ne voit pas de raison de se distancier de cette appréciation. Dans ces conditions, l'intérêt public important à la protection des biens culturels prime manifestement l'intérêt privé du recourant à pouvoir laisser en place une toiture qui a été posée sans permis de construire. Enfin, on peut renvoyer aux calculs que le Service des biens culturels a effectués pour étayer l'impact financier de la mesure. Ces charges financières ne paraissent pas excessives compte tenu des intérêts publics en jeu. On notera finalement que, selon la jurisprudence précitée, un ordre de démolition d'une installation pour rétablir une situation conforme au droit est en principe soumis à un délai de prescription de trente ans. Aussi, le recourant ne peut pas se prévaloir du fait que la situation illégale perdure depuis un laps de temps qui le protégerait de la mesure prise à son endroit. Cette situation implique nécessairement l'enlèvement de la tôle thermolaquée du pan ouest de la toiture. La mesure ordonnée par la DAEC respecte le principe de la proportionnalité, tel que défini ci-dessus. On ne voit pas quelle mesure moins incisive aurait pu être prise pour atteindre le résultat voulu. e) Les critiques de l'intéressé concernant une prétendue violation de son droit à l'égalité ne changent rien à cette constatation. Le principe de la légalité de l'activité administrative prévaut en principe sur celui de l'égalité de traitement. En conséquence, le justiciable ne peut généralement pas se prétendre victime d'une inégalité devant la loi lorsque celle-ci est correctement appliquée à son cas, alors qu'elle aurait été faussement, voire pas appliquée du tout, dans d'autres cas (ATF 126 V 390 consid. 6a p. 392 et les références citées). Cela présuppose cependant, de la part de l'autorité dont la décision est attaquée, la volonté d'appliquer correctement à l'avenir les dispositions légales en question. Le citoyen ne peut prétendre à l'égalité dans l'illégalité que s'il y a lieu de prévoir que l'administration persévérera dans l'inobservation de la loi (ATF 1C_133/2010 du 4 juin 2010 consid. 4.1; ATF 127 I 1 consid. 3a p. 2/3 et les arrêts cités). La comparaison que fait le recourant avec les autres chalets et leur toiture similaire n'est pas pertinente. En effet, l'existence de toitures en tôle ne saurait justifier que la législation en vigueur ne soit pas appliquée dans les procédures de demande de permis de construire. La décision du 22 mai 2009 refusant de délivrer le permis de construire repose précisément sur les dispositions précitées, lesquelles sont sans équivoque par rapport aux matériaux à utiliser pour la toiture. Il en résulte que le permis ne pouvait pas être octroyé à la lumière de cette législation. Le fait que d'autres chalets auraient été mis au bénéfice d'un permis de construire permettant l'utilisation de la tôle avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du Conseil d'Etat relatif à la conservation du patrimoine architectural alpestre ne saurait profiter au recourant. Si tel était le cas, on ne pourrait guère introduire une nouvelle législation destinée à renforcer la protection de certains biens culturels. Aussi, le simple renvoi aux quelques 30% de chalets qui, selon le recourant, seraient recouverts de tôle ne suffit pas à démontrer une violation du principe de l'égalité de traitement.

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TC Page 6 de 6 La commune fait quant à elle référence à un seul chalet pour lequel une toiture en tôle aurait été acceptée. En application de la jurisprudence précitée, on ne saurait en conclure que les autorités n'auraient pas la volonté d'appliquer les règles relatives à la protection du patrimoine. Toutes celles impliquées dans la présente procédure ont insisté sur l'importance qu'elles accordent à la protection du patrimoine alpestre. Au vu de ce qui précède, ce grief doit être rejeté. La requête du recourant tendant à ce qu'une vision locale soit effectuée doit également être rejetée, dès lors qu'elle ne permettrait pas de changer l'issue de la présente procédure. 4. Le recourant conteste implicitement les frais de procédure qui ont été mis à sa charge à raison de 900 francs. Les frais de procédure comprennent les émoluments et les débours (art. 127 CPJA). Selon le prescrit de l'art. 130 CPJA, en première instance, les frais sont mis à la charge de celui qui requiert ou provoque une décision de l'autorité administrative. Le montant est fixé en application du tarif des émoluments administratifs (RSF 126.21). Il ne s'agit ainsi pas d'une amende qui aurait été infligée au recourant, mais bien d'une conséquence des règles précitées, selon lesquelles l'activité étatique est payante. Partant, la décision doit également être confirmée sur ce point. Dès lors, c'est en vain que le recourant conteste la décision de rétablissement de l'état de droit du 4 février 2013. 5. Mal fondé, le recours doit ainsi être entièrement rejeté. Il appartient au recourant qui succombe de supporter les frais de procédure en application de l'art. 131 CPJA.

la Cour arrête:

I. Le recours est rejeté. II. III.

202.47

. Les frais de procédure sont mis à la charge du recourant à raison de 2'000 francs. Ils sont prélevés sur l'avance de frais qui a été effectuée. Il n'est pas alloué d'indemnité de partie. Cette décision peut faire l'objet d'un recours auprès du Tribunal fédéral, à Lausanne, dans les 30 jours dès sa notification. La fixation du montant des frais de procédure peut faire l'objet d'une réclamation auprès de l'autorité qui a statué, lorsque seule cette partie de la décision est contestée (art. 148 CPJA).