PROCESSIONNAIRE PIN HR 07-2014 - Hepia - HES

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Transcript PROCESSIONNAIRE PIN HR 07-2014 - Hepia - HES

Paysage
La chenille
processionnaire du pin
Tout comme la processionnaire du chêne, il s’agit de connaître et de contrôler cette chenille
affectant les pins des régions tempérées de Suisse afin de limiter les problèmes de santé
des professionnels et les dégâts qu’elles occasionnent aux végétaux affectés.
DR
Texte: Bastien ­Cochard, Pierre-Yves Bovigny et François Lefort* Photos: Jean-Luc Pasquier, Fotolia, mises à disposition
L
a processionnaire du Pin, Thaumetopoea pityocampa est le principal lépidoptère ravageur rencontré chez les
Pinaceae présent en Europe du Sud et en
Afrique du Nord. En Suisse, elle est présente dans les vallées grisonnes du sud
des Alpes, le Tessin, la vallée du Rhône et la
région du lac Léman. Bien que cette processionnaire privilégie les forêts éparses
et ensoleillées, elle est également présente sur des sites de haute altitude. Dans
le Haut-Valais, des nids ont été trouvés
près de Zeneggen à 1300 m. Au Tessin,
l’espèce peut être présente jusqu’à des
altitudes de 1600 à 1700 m.
De nombreuses études scientifiques, indiquent que l’expansion géographique de
ce ravageur va de pair avec l’augmentation de la température liée au réchauffement climatique global.
*Institut Terre Nature et Environnement (inTNE),
Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture. Groupe plantes et pathogènes, Hepia, HES-SO/
Genève, route de Presinge 150, 1254 Jussy.
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Horticulture romande
La processionnaire du pin peut coloniser et
défolier la totalité des pins présents dans
son aire de répartition. Néanmoins ce ravageur à une préférence pour les pins noirs,
Pinus nigra et plus précisément sa sous espèce nigricans, le pin noir d’Autriche. Sui­vent
par ordre décroissant, le pin maritime, Pinus
pinaster, le pin sylvestre, Pinus sylvestris et le
pin d’Alep, Pinus halepensis. Si les femelles
au stade adulte ne trouvent pas ces espè­ces
pour pondre, les cèdres et les autres conifères peuvent également être colonisés.
Aspect des dégâts
Seul le stade larvaire de ce ravageur crée
des dégâts. Une fois écloses, les larves
commencent à défolier les jeunes pousses
de l’année. En hiver, les chenilles se regroupent dans les nids situés aux cimes
des arbres. L’augmentation de la température à l’intérieur du cocon leur permet de
digérer les aiguilles consommées durant
la nuit. Pour que les larves puissent sortir
brouter les aiguilles, certaines conditions
thermiques doivent néanmoins être res-
pectées. Les nuits doivent être supérieures
à 0°C et la journée précédente, l’intérieur
du nid doit atteindre 9°C. Dès le printemps, il est possible de voir apparaître un
dépérissement de certaines branches dû
à l’infection des aiguilles consommées
par le champignon Sphaeropsis sapinea.
Conséquences
L’attaque des chenilles entraîne une diminution de la croissance aérienne et radiale
des jeunes arbres. Une destruction de 5 à
20% de feuillage peut entraîner une perte
de croissance d’environ 20%. Dans le cas de
très fortes défoliations la croissance peut
chuter de 30 à 95%. Cette perte de croissance est due au fait que les larves se nourrissent préférentiellement des jeunes
pousses qui chez les pins, ont une activité
photosynthétique plus importante que les
aiguilles issues des années précédentes.
Biologie et épidémiologie
Le cycle biologique de Thaumetopoea pityocampa est annuel et comprend quatre
stades distincts. Cependant les périodes
exactes dépendent fortement des conditions climatiques de l’année.
La période d’envol des papillons commen­ce
dès la fin de l’été et peut durer jusqu’en automne. Ceux-ci arborent des lignes trans­
versales noires sur les ailes antérieu­res de
couleur beige. Les ailes postérieures sont
quant à elles blanches. Le stade adulte comporte un fort dimorphisme sexuel. Les femelles d’une en­vergure de 33 à 42 mm sont
Juillet-Août 2014 No 7/8
© paulrommer – Fotolia.com
Phytosanitaire
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migration hivernale vers la cime des arbres
pour installer leur cocon de soie. Cette production de nids d’hiver leur permet d’atténuer les variations brutales de température et ainsi permettre aux chenilles de
conserver un optimum thermique nécessaire à leur survie. Quand les conditions le
permettent, les chenilles sortent la nuit se
nourrir et passe le jour à l’intérieur du nid.
Au printemps, les chenilles quittent leur
nid, en constituant une file indienne, c’est
la procession. La colonie se dirige alors vers
le sol. Chaque chenille se transforme en
chrysalide sous terre entre 5 et 20 cm de
profondeur. La diapause a une durée variable. Elle est le complément exact de la
durée d’évolution nécessaire au maintien
du rythme annuel. Si les conditions climatiques sont mauvaises, l’insecte peut survivre dans le sol pendant un à deux ans.
1 Pin fortement défolié.
plus grandes et plus volumineuses que les
mâles (30‑35 mm). Une fois accouplées, les
femelles se mettent en quête d’un rameau,
où elles pourront déposer leur ponte sous
forme d’un manchon écailleux beige clair.
Le nombre d’individus par manchon varie
en fonction de la dynamique de la population de la saison précédente, Il varie entre 70
à 300 œufs par ponte. Après une durée de
30 à 45 jours, les larves éclosent et commencent à brouter les aiguilles aux alentours immédiats de la ponte. La période larvaire comprend cinq stades. Cette période
dite de déplacement, dure tant que les températures moyennes ne descendent pas en
dessous de 20 °C. Les chenilles au dos bleunoir et à la pilosité roussâtre, tissent des réseaux de soie appelés pré-nids, dont elles se
séparent à chaque déplacement.
La chute des températures entraîne une
No 6 Juin 2014
William M. Ciesla, Forest Health Management Intermational,
Bugwood.org
2 Chenilles consommant des aiguilles.
D. D. Cadahia, Subdireccion General de Sanidad Vegetal,
Bugwood.org
3 Nids avec dégâts sur jeunes pousses.
William M. Ciesla, Forest Health Management Intermational,
Bugwood.org
4 Chenilles dans un nid soyeux.
John H. Ghent, USDA Forest Service, Bugwood.org
5 Manchon d’œufs sur une aiguille.
D. D. Cadahia, Subdireccion General de Sanidad Vegetal,
Bugwood.org
6 Nid d’hiver.
© B. Cochard, hepia
Horticulture romande
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Phytosanitaire
Paysage
© Jean-Luc Pasquier
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7 Cocon.
La ville de Londres dispose d’une corporation dédiée à la lutte des chenilles processionnaires et a présenté son travail au
Chelsea Flower Show 2014 en emballant
métaphoriquement des arbres comme des
cocons. Cela afin de démontrer l’importance de la coordination de la lutte contre
les processionnaires du chêne et du pin
aux propriétaires et aux communes.
Impacts sur la santé humaine
En milieu urbain les chenilles posent des
problèmes pour la santé humaine et notamment pour le personnel travaillant
dans les domaines de la foresterie et de
l’horticulture. Les chenilles présentent
dans les nids, arborent des poils urticants
sur la face dorsale. Si les chenilles ressentent une menace, elles libèrent leurs poils
formant ainsi un barrage venimeux autour
de la colonie. Ces poils urticants s’accrochent dans les muqueuses et sur la
peau, provoquant d’importantes démangeaisons et des troubles parfois graves.
Ces poils, à l’abri dans les nids, conservent
leurs propriétés urticantes plusieurs années après la disparition des chenilles.
Moyens de lutte
La lutte contre ces chenilles doit être faite
tout au long de l’année en combinant la
destruction des nids, le piégeage et la lutte
biologique. Cette dernière est très efficace
et participe à la réduction de l’emploi de
matières actives chimiques néfastes pour
l’environnement. A partir de l’été, l’utilisation de pièges à phéromones pour limiter
le nombre de papillons permet aussi d’esti-
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Horticulture romande
D. D. Cadahia, Subdireccion General de Sanidad Vegetal,
Bugwood.org
8 Papillon.
D. D. Cadahia, Subdireccion General de Sanidad Vegetal,
Bugwood.org
9 Chenilles en processions.
William M. Ciesla, Forest Health Management Intermational,
Bugwood.org
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mer la date d’apparition des premières
larves et de déterminer les dates de traitement. Dès l’apparition des chenilles à l’automne, il est possible de traiter les arbres
avec des solutions à base de Bacillus thuringiensis var. kurstaki ou de champignons
entomopathogènes tels que Beauveria
bassiana. L’activité de ces produits est plus
importante sur les premiers stades larvaires, il faut donc les utiliser dans les semaines suivant l’éclosion des larves. Sur les
stades 4 et 5 (hiver) il est possible d’utiliser
des produits issus de toxines bactériennes
comme le spinosad. Néanmoins, ce type
d’intervention est à privilégier seulement
en cas de forte attaque, tout comme les
insecticides chimiques perturbant la mue,
tels que les substances de la famille des
benzoylurées, à employer sur les jeunes
chenilles (stades L1 à L3). Ce type de traitement est à réserver aux interventions de
faible ampleur ou de rattrapage éventuel.
Durant l’hiver, le retrait des nids à l’aide
d’échenilloirs, puis l’élimination par incinération, sont communément appliqués
dans les espaces verts urbains et fortement recommandés voire obligatoires
dans les espaces privés selon les cantons. Il
est aussi possible d’intercepter les processions en ceinturant l’arbre par une gouttière qui recueillera les chenilles. Cette
technique est particulièrement intéressante dans le cas de grands arbres difficiles
à traiter. Enfin, la mise en place de nichoirs
favorisant l’implantation d’espèces d’oiseaux insectivores peut faire partie d’une
stratégie de lutte. Plusieurs espèces sont
connues pour consommer les chenilles
comme le coucou gris, Cuculus canorus, la
huppe fasciée, Upupa epops et la mésange
charbonnière, Parus major.
En conclusion, il est certainement illusoire
d’imaginer éliminer totalement ces chenilles mais les dégâts et les risques pour la
santé humaine, de même que les coûts,
peuvent être fortement diminués par l’application des méthodes de lutte biologique
et technique aux périodes appropriées.
Fiches techniques sur les
processionnaires du chêne et du pin
http://hepia.hesge.ch/fr/news/detail/
date/2014/05/06/les-chenilles-processionnaires-lesconnaitre-et-sen-proteger/
juillet-août 2014 No 7/8