BUHEZ BREIZ NOVEMBRE 1923

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Transcript BUHEZ BREIZ NOVEMBRE 1923

y Année
Novembre 1923
N • 35
ÉffÉI
Revue Mensuelle Bilingue d'Action Bretonne
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MOULLET E T l A N « DÉPÊCHE »
BREST
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Gérant: J. OtLTVTEJÇ, ij, rue de Brest, LanJerncau.
( L A VIE DE L A B R E T A G N E )
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^evue menôùelle d'étudeô pout la défende deâ
intéiêtà nationaux : intellectuelô, économïqueô et
attiàtiqueâ de la Œlzetagne.
RÉDUCTION :
Rédacteur en'.chef : Pierre Mocaêr
Daniel Bernard — Léon Le Berre — Olivier Berthou — J. BOUILLE —
D Caradec — Y von Croq — POL Diverrês
G. Dottin — M. Duhamel —
E. Ernault — Marquis de l'Estourbcillon — Loeiz Ar Floc'h — Fanch
(Jourvil — Jules Gros — Loeiz Herrieu — Fanch Jaffrennou — Alfred
L a j a t — Yves Le Moal — E r w a n Màrec — Emile Masson —André
Mellac —'IVlèven Mordiern— Y, Morvran Goblet — Louis Nicolas —
Ivonig Picard — Docteur Picquenard — H. Quilgars — R , ROY —
François Vallée.
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La Revue est- rédigée en breton et en français.
Les manuscrits ne sont pas rendus, sauf convention contraire^
L'orthographe bretonne est celle de YEmgléo ar
Skrivagnerienpour
le breton généial et celle de la grammaire Guillevic et L e Gpff
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Tous les droits de reproduction, traduction et adaption sont
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11 sera rendu compte de tout livre* quelle qu'en soit la langue,
intéressant la Bretagne ou les pays celtiques et dont un exemplaire
aura été adressé à M. "Pierre Mocàër, 40, boulevard Gambetta,
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SOMMHIRE :
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La Zangue Tialienale au Pay* de Galles....
Tywi JONES. %
Za J{eine Anne (suite).
L» GUYADER.
Atouez an Jlnaon
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Tah>1r.
Zes Ecrivains Bretons du Pays de Galles (M. Noury). ,
P. G .
Souscription pour le monument Callocb.
Une cetonie de l'organisme Breton (suite).. ;..'..
. . . . . Ch. L E GOFFIC.
Al Leorig Burzudus (kendalc'h).
. . . . . . . . . . . . . . . '} G . M I L I N .
Tiotes sur Tart Breton (suite).. . .
. . , . . .
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QUILGARS.
Zes ìioises (poesie)
i.l.
G . SBVRETTE.
Merdeadenu Vindoséllos (kendai'ch)
X3 V
An Jieol bag al Zoar..............}........
. . . B A R E AR GOUBD.
Le Soleil et la lume
E . ERNAULT. '
Cbronìmue
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La langue bretonne en 40 leçons, par F . Vallée, 6" édition,
imprimerie Saint-Guillaume,
Saint-Brieuc, et chez tous les
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P r i x franco : 3.50
Vocabulaire français-breton
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F. Vallée, librairie Prudhomme, Saint-Brieuc.
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sur l'Histoire et la Civilisation celtique), par Meven Mordiern et
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R. L e Roux, Saint-Hélory, P o r d i c (Côtes-du-Nord).
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#
N 35
à* A N N É E
SOMMAIRE :
LA LANGUE NATIONALE
AU PAYS
DE GALLES
T Ï W I JONES.
LA REINE ANNE (suite). . GUYADER.
MOUEZ
AN ANA0N
TALDIR.
LES ECRIVAINS
BRETONS DU PAYS
DE GALLES (M. Noury)
P. G.
SOUSCRIPTION
CALLOC'H.
UNE CELLULE
DE
L'ORGANISME
Ch. LE GOFPIC.
BRETON (suite)
NOVEMBRE 1923
AL LEORIG
BTMZUDUS
(kendalc'h).
G. MILIX.
NOTES SUR L'ART BRETON
(suite).
H. QUILQARS.
LES ILOISES (-poésie)..
G. SEVRETTE.
MERDEADENN
VINDOSETLOS..
X3AN HEOL HAG AL LOAR.
BARZ AR GOtTEI).
LE SOLEIL ET LA LUNE. E. ERXAULT.
CHRONIQUE.
La Langue Nationale
au Pays de Galles
Nous sommes «heureux de pouvoir donner à nos lecteurs 'la traduction d'un
discours en gallois prononcé récemment au P a y s de Galles par le rédacteur
en tchef du Tarian d'Atoerdare, notre ami Tywi Jones, dont nous admirons
Tardent patriotisme et la fidélité à la langue galloise. C'est un animateur de
premier ordre qui a su conquérir par sa sincérité l'estime et l'affection de
igens qui ne -partagent 'pas toujours, comme c'est notre cas, ses idées dans
tous les domaines.
i
P . MOCAER.
Je tiens à dire dès le début que je m'adresse à vous, non pas
comme savant ou comme autorité sur la langue, mais comme
un simple Gallois qui a tpassé les meilleures années de sa vie
à la ferme et à la mine de charbon.
Etant Gallois, le gallois est ma langue. Je suis Gallois et
vous êtes Gallois. Il nous est impossible à vous comme à moi
de nous transformer en quelque chose d'autre et nous ne pouvons que nous couvrir de ridicule en essayant de le faire. N o u s
sommes Gallois — et j e ne vois pas d'autre raison meiïleuff:
pour que nous conservions et honorions le cymray. Je ne puis
m'imaginer un de nos compatriotes q u i voudrait être digne
de son pays et qui en mépriserait la langue. Je puis encore bien
moins m'imaginer un Gallois qui prétendrait être chrétien, qui
mépriserait la langue de sa propre nation et qui négligerait- de
l'enseigner à ses enfants. U n tel homme ne serait ni Gallois, ni
chrétien.
~
,
.
•
Que l'on remarque bien,, du reste, que je ne suis pas de
ceux qui soutiennent que nous sommes le peuple choisi du Ciel,
que nous sommes supérieurs à tous les autres, que notre langue
est plus belle que n'importe quelle autre, que notre poésie, notre
littérature et notre chant sont incomparables. Certains ont dit
beaucoup trop, de bêtises à ce sujet.
On ne peut comparer la littérature galloise de nos jours
à la littérature de l'Angleterre et des autres pays, mais quelle
que soit la valeur relative du cymray et de sa littérature, c'est
ma langue, et sa littérature est celle qui m'est de toutes la plus
proche. M o n ambition est donc de voir notre langue, notre
littérature, notre musique, notre art se développer, se perfectionner pour nous ^permettre de prendre honorablement notre
place dans la grande (famille des nations du monde.
Je viens de dire que nous n'étions pas la nation prédestinée
dans le sens que l'on donne généralement à cette expression,
car j e crois que chaque nation est prédestinée. Et voilà la différence entre le patriote et l'impérialiste. Le premier reconnaît le
droit qu'a chaque membre de la grande famille des nations,
de vivre sa vie sans en être empêché de l'extérieur. L'autre ne
reconnaît de droits à aucune autre nation.sauf la sienne; la
tyrannie est donc l'essence de l'impérialisme.
L a Gamhrie est prédestinée comme toute autre nation sera
prête à assurer son salut; j a m a i s une nation servile idolâtrant
l'étranger ne sera prédestinée.
Puisque nous (parlons de la langue et de la foi du Pays de
Galles, il n'est peut-être pas mauvais de se demander d'abord
CE QU'EST LA LANGUE
U n e langue n'est pas une collection de mots; c'est la cristallisation de la pensée et un moyen de communion entre
intelligence et intelligence, entre âme et âme. C'est par la langue
•principalement que nous nous comprenons et que nous voyons
ce qui est invisible a u x yeux d u corps. L a langue est le trésor
des productions, de l'intelligence et de la culture. C'est elle qui
en reflète la richesse et la pauvreté.
Le Bardé Cwsg d ' E l i s ' W y n n'est {pas un assemblage de
mots, pas «plus que Tir y Dyneddon de Tegla Davies. N o n , ces
œuvres contiennent des mondles de pensées et chaque pihrase est
comme une fenêtre à travers laquelle brille une flamme spirituelle.
U n mot n'est pas non plus une collection de lettres. Chaque
lettre séparément est, d'ailleurs, quelque chose de plus qu'une
marque sur le papier. Tennyson disait que s'il pouvait deviner
le secret de la petite fleur qu'il tenait dans la main, le mystère
de Dieu, et de l'homme lui serait facile à pénétrer. E n jouant
avec des mots et des lettres, nous touchons les franges de la
robe du grand mystère et heureux est celui qui peut en tirer
un profit.
Les noms des champs autour de ma vieille demeure ne sont
pas des simples marques pour les reconnaître et il en est de
même des noms de fermes. On n'a qu'à penser a u x souvenirs
romantiques, historiques et littéraires que nous rappellent les
noms où ils se sont incorporés. C'est la pensée qui s'est vêtue
de chair et la (plupart des noms portent ce vêtement vivant
avec âme.
A ce propos, combien il est triste de penser qu'aujourd'hui,
dans quelques-uns des comtés du Pays de Galles, il y a des
Gallois p o u r qui ces noms de lieux mélodieux et riches qu'ils
emploient pourtant chaque jour, n'ont ni charme ni sens. Dans
une ville d'un de ces comtés, le professeur G w y n n Jones ayant
demandé quelque chose en gallois dans une boutique, reçut la
réponse : « Nous sont pas Gallois ici, dans les collines, Gallois
est. »
Que l'on pense une minute à l'enfant pauvre, aimant sa
langue, sa littérature, et devenu après des difficultés inconcevables célèbre, en Europe et qui reçut une telle réponse dans
son ^propre pays et de ses propres compatriotes ! Gomme les
« Nous sont pas Gallois » peuvent être inintelligents et grossiers !
Chaque nation a son expérience qui, comme le dit Gwili,
devient une révélation, et cette révélation devient une nouvelle
expérience au cours des siècles. Chaque pensée nouvelle qui
naît de l'expérience se forge de mots nouveaux et enrichit la
langue. En vérité, celui qui a donné sa grâce au chant de
l'oiseau a aussi mis dans l'âme de l'homme l'instinct de ia
beauté, de la forme et du son du langage. Pour conserver euxmêmes le fruit de leur expérience et de leurs efforts intellectuels, les hommes ont appris à donner une forme de beauté à
leurs pensées — triades, proverbes, légendes, paraboles et
chants — ils ont senti que la pensée que l'on avait conquise
valait la peine d'être conservée soigneusement et ils ont reconnu
l'utilité de l'art dans ce but.
L a littérature fournit également son appui et quelques-uns
des chefs-d'œuvre de la littérature de nos jours sont de vieilles
choses que l'on n'écrivit après qu'elles eussent pris naissance
et vécu dans la tradition populaire.
Quoique toutes les nations soient au fond semblables,
puisqu'elles sont du même sang et filles d'un même père,
néanmoins chaque nation a son expérience particulière qui
diffère de celle de toutes les autres. L a conséquence en est que
chaque nation a développé sa langue particulière, ses traditions
spéciales, sa littérature et son idéal q u i lui sont propres. Le
trésor de la beauté de la vie du monde est rendue dans la
diversité des langues des hommes. C'est à grand'peine que je
croirais qu'il a jamais existé une seule langue qui ne fût digne
d'être conservée.
Dans le Pays de Galles, on a trop loué le gallois comme ht
plus belle langue d u monde et on s'est trop moqué de l'anglais
comme -di'un langage mal fabriqué. Ceci n'était que folie
d'ignorants. Qui ne rougirait d'entendre tourner en dérision la
langue de Shakespeare, Milton, Bunyan et Tennyson ? De telles
assertions folles font tort a u Pays de Galles. Les Anglais ont
parfaitement le «droit d'être fiers de leur littérature; ils seraient
méprisables s'ils n'agissaient pas ainsi et nous ne devons pas
nous moquer d'eux quand ils nous donnent le bon exemple.
U n des éléments de la force de la nation anglaise est, en effet,
qu'elle glorifie sa ipropre langue et sa propre littérature. L'élément (principal de notre faiblesse est que nous sommes trop
enclins à mépriser notre langue et notre littérature à nous.
L a chose en question n'est pas de savoir si notre langue est
inférieure ou supérieure à n'importe quelle autre. Le gallois
est notre langue à nous et c'est lui qui, jusqu'à la fin des temps,
sera le reflet de notre dignité ou de notre indignité. Si nous
nous abaissons, en tant que nation, la langue qui fut vivante
sur les livres de nos pères portera comme langue morte témoig n a g e contre nous. Les gens qui rejetteraient le gallois rejetteraient n'importe quelle autre langue qui le remplacerait et le
vieux 'peuple cultivé de Gambrie devrait céder la place aux
« N o u s sont pas Gallois » .
U n mot de plus. On a dit dans une réunion, récemment,
que si le Pays de Galles voulait parler au monde, il devait le
faire p a r l'intermédiaire de l'anglais. Je dis, moi, que si le
Pays de Galles veut parler a u monde, il faut qu'il lui parle
en gallois ou qu'il ne lui parle pas d u tout. D'ailleurs, les gens
de notre race, qui autrefois pensèrent et parlèrent leur langue
à eux, parlent aujourd'hui a u monde dans beaucoup de langue.».
L a Fairy Queen de Sipenser, les Idylls of the King de Tennyson
et beaucoup d'autres chefs-d'œuvres ne sont que la voix des
vieux Gallois qui 'parlent a u x âges parce qu'ils ont bien parlé
dans leur propre langue.
Que le Pays, de Galles parle le cymray, que ses fils et ses
filles cultivent la vieille langue et la vieille civilisation de la
nation et le monde trouvera bien le moyen de savoir ce qui
se passe et se dit chez nous. Pendant que. nous apprendrions la
langue d'un autre peuple et que nous en imiterions les pires
coutumes, il ne s'élèverait pas de voix méritant qu'on l'écoute.
L a Gombrie s'abandonne depuis quelques générations et personne ne l'écoute parce qu'elle est trop occupée à tuer sa
propre langue et sa nationalité. Sa voix n'est que le faible
écho de choses que l'on dit mieux dans une autre langue et
p a r dVautres gens. Le Pays de Galles se suicide et le fruit en
est que les «< N o u s sont p a s Gallois » disent sans rougir à
Fauteur d u Départ d'Arthur
et au traducteur incomparable de
Faust qu'il n'y a p a s de gens comme lui dans u n lieu respectable^
(.4
suivre».
T Y W I JOÎŒS.
1
LA REINE ANNE
(Suite)
IV
Le premier pas de la Reine Anne en
Cornouaille
L e lendemain, quittant la ville aux longs galas,
L e cortège royal partit devers Daoulas.
Contournant les hauteurs qui dominent la ville,
Chevaux et chars, valets et maîtres, à la file,
Sous la neige tombant, gravissaient le coteau.
L e s cavaliers allaient, le nez dans leur manteau;
Et les dames, trompant l'ennui des jours moroses, j
Frileuses, bavardaient dans leurs voitures, closes.
C'est ainsi qu'on parvint au célèbre Vallon
Où s'arrêtaient alors les confins du L é o n .
L-n ruisseau, traversé par une passerelle,
Coulait, tout murmurant, sous cette voûte frêle,
T r è s fier de voir, du sein de son lit de roseaux,
Deux illustres pays se mirer dans ses eaux.
D'un côté, le pays de L é o n . Et de l'autre,
L e pays le plus beau de l'univers, le nôtre !
L e pays des pommiers et des fruits savoureux,
Paradis des buveurs, E d e n des amoureux,
L e pays où j a m a i s le pays n'est le même,
L e pays où l'on chante, où l'on danse, où l'on aime,
Où la femme est plus belle, et plus beaux sont les jours,
L e soleil plus doré, plus douces les amours,
L e pays dont le nom fait que le. cœur tressaille,
L e pays des pays bretons — la Cornouaille !
L a Reine A n n e eut alors un caprice enfantin :
P o u r passer la rivière au babil argentin,
E l l e mit pied à terre avec tout son cortège.
E t la voilà courant gaîment parmi la neige...
Mais par précaution elle avait, ce jour-là,
Ses beaux petits sabots pas plus grands que c
Si mignons qu'à la voir passer la passerelle,
T o u t e rieuse, avec ses femmes derrière elle,
Des sabots de la Reine on était amoureux,
E t les caîlloux, eux-même, étaient tendres pour '
L a Cornouaille, enfin, reçut sa Suzeraine,
Or, au moment précis où la petite Reine
Posa son pied divin sur le nouveau sentier,
O prodige ! le sol du pays tout entier
Sembla f r é m i r d'amour jusque dans ses entrailles...
Et, des monts à la mer, toute la Cornouailles,
Réchauffée aux rayons d'un soleil printanier,
Se recouvrit de fleurs, c o m m e au printemps dernier.
O Reine ! ô femme aimée ! ô blonde enchanteresse !
Elle avait fécondé le sol d'une caresse !
Plus de neige ! le pré, délivré de l'hiver,
Après son manteau blanc, reprit son manteau vert.
Humides encor, mille et mille pâquerettes,
Rougissantes, ouvraient déjà leurs gorgerettes.
Un tapis tout fleuri courait le long de l'eau.
L a violette, au pied de l'orme et du bouleau,
Se mariait avec les primevères blanches.
L'aubépine exhalait le parfum de ses branches.
Jamais printemps plus doux, aux premiers jours d'avril,
N e couvrit l'arbrisseau d'un duvet plus subtil.
L a feuille, c o m m e aux j o u r s qui suivent la froidure,
Hésitait à montrer sa timide verdure.
Ce n'était pas encor l'épanouissement
E n plein soleil, c'était c o m m e un bruissement
Dans toute la Nature, inquiète et ravie
De renaître si tôt à l'amour, à la v i e .
L e s tendres noisetiers, les hêtres, les pommiers,
L e s ormes, où viendront roucouler les ramiers,
Sentaient s o u r c e et grandir leur feuille à peine verte.
Celle du chêne, brune, et non encore ouverte,
Se repliait, tirant, en un pénible effort,
D'une sève plus lente, un feuillage plus fort.
Partout, des prés, des champs, des buissons et des haies,
Des taillis frissonnants, des hautaines futaies,
Montait une buée albeuse dans l'azur,
Comme un hommage au ciel adorablcment pur.
Peu à peu l'air s'emplit de frémissements d'ailes.
De là-bas, tout au loin, un long v o l d'hirondelles
Venait, pour saluer la Reine du printemps.
A l o r s , tous les oiseaux, trop longtemps hésitants,
Etirant au soleil leurs ailes engourdies,
S'essayèrent d'abord aux notes moins hardies,
Préludant au concert par des trilles discrets.
Puis, bientôt, éclata, des buissons aux forêts,
Dans un crescendo fait d'ineffable harmonie,
Le cantique d'amour et de joie infinie,
Où tout chante, avec Pan, sur des modes divers,
Quand s'éveille au printemps l'âme de l'Univers;
L'hymne où la mer lointaine, avec sa voix profonde,
Prête son souffle épique à l'orchestre du monde,
\
— 735 —
L ' h y m n e où toutes les voix, s'unissant à la fois,
P o u r le concert final, ne font plus qu'une voix
Qui s'élève idéale, auguste et solennelle,
V e r s l'Infini, vers Dieu, vers la Source éternelle...
Devant cette Genèse, éclose en un instant,
L a Reine Anne, debout, et le sein palpitant,
Se tenait, rougissante et la paupière humide,
Dans un recueillement grave, presque timide.
— Ainsi, debout, au seuil de l'Eden enchanteur,
Eve, sans doute avant que l'Esprit tentateur
N'eût entr'ouvert son âme à des voluptés vaines,
Dut sentir le frisson printanier dans ses veines...
Ivre, prêtant l'oreille au doux concert d'amour,
Elle frémit d'avance, et, dès le premier jour,
Dans l'hymne universel, chanté par la nature,
Elle avait pressenti sa disgrâce future... —
Quand la Reine sortit de son ravissement,
Comme elle retournait la tête doucement
P o u r saluer de loin la terre Léonaise,
Elle vit — oh ! non plus l'Eden de la Genèse —
Mais, sous l'horizon noir, le L é o n , triste et seul,
T o u t recouvert de neige ainsi que d'un linceul...
•
Entrée
V
nocturne
à
Quimper
L e soir de ce beau jour, par une nuit sereine,
L e .magnifique et long cortège de la Reine,
Achevant à minuit son voyage lointain,
S'arrêta sous les murs de Quimper-Corentin.
Un héraut s'avança vers la porte Tourbie
Et sonna, haut et ferme, à la garde ébaubie.
L ' h o m m e du guet dormait. S'éveillant en sursaut :
— « Qui va là ? » cria-t-il. — « Ouvrez ! » dit le héraut,
— « Qui va là ? » dit encor l'homme à la pertuisane.
L e héraut répondit : — « Ouvrez à la Reine A n n e ! »
— L a Reine A n n e 7... En avant, trompettes et tambours !
Réveillez la cité ! réveillez les faubourgs !
L a Reine ?... A h ! par exemple, on ne l'attendait gùères !
Aussi, depuis le Steir jusqu'au bout des Reguaires,
Depuis le P i c h é r y jusqu'au rempart caduc
Qui, de nos j o u r s . e n c o r , longe la Terre-au-Duc,
T o u t le monde dormait, le bonnet aux oreilles...
Et venir vous surprendre à des heures pareilles !
— Allons, debout ! tambours, battez ! trompes, sonnez !
Canons, tonnez ! Sonnez, cloches, carillonnez !
Hors du lit, messeigneurs ! Hors du lit, belles dames !
A vos armes, les preux ! A v o s atours, les femmes !
Et vite à la T o u r b i e ! On se morfond là-bas !
' L a Reine attend ! Morbleu, les Rois n'attendent pas !
— 736 —
A h ! si vous aviee vu Quimper, la bonne ville,
Mettre sur pied sa gent militaire et civile,
S'agiter, s'assembler, courir de toutes parts,
Grimper le Pichéry, tout le long des remparts;
Mille cris, mille gens graves perdant la tête;
•
L e s femmes, dans la rue, achevant leur toilette;
Coiffes, capels, béguins, mêlés aux morions;
Soudards courant, manants échangeant horions;
L e s juges, les marchands, les métiers, le chapitre,
T o u t le monde, jusqu'à l'Evêque avec sa mitre !
Mais, le plus beau, c'était monsieur le Gouverneur.
P o u r arriver premier s'étant piqué d'honneur,
Il avait revêtu ses armes, Dieu sait c o m m e ,
Dare dare, en un tour de main; et le gros homme,
T r a î n a n t sa graisse, allait, se hâtait lentement,
E t suait sang et eau, sous son harnachement.
C'est ainsi que, jouant des coudes, hors d'haleine,
Bousculant les plats gueux dont la rue était pleine,
Il arriva dernier au rendez-ivous royal,
A p r è s l'Evêque, après ceux du Présidial.
L a Reine commençait à perdre patience.
N o n qu'elle eût grande hâte, en bonne conscience.
D e v o i r de près ce sac à v i n au nez v e r m e i l ;
Mais, c o m m e ses beaux yeux se fermaient de sommeil,
P o u r demander un lit, elle attendait son hôte.
L e gros h o m m e arriva, tout confus d'être en faute.
Rouge, la tête basse, il plia le genou
Devant la Reine. Alors, alors un rire fou
S'empara de la Reine, et courut à la ronde,
Quand, au soudain éclat des torches, tout le monde
V i t le gros gouverneur, suant, soufflant, sifflant,
A r m é de pied en cap, épée et dague au flanc,
Jambières au mollet, et haubert à sa taille...
Mais le benêt, au lieu de casque de bataille,
Etait resté coiffé de son bonnet de nuit !
— « Bon ! voilà le signal de s'aller mettre au lit ! »
Dit la Reine. « Monsieur nous prêche là d'exemple.
« Or, nous ferons demain connaissance plus ample.
« Messeigneurs, bonne nuit ! Plaise à saint Corentin
a Qu'on sonne l'Angélus, très tard, demain matin ! »
Et de fait, imitant sa Visiteuse auguste,
Quimper se replongea dans le sommeil du juste,
Si bien, de si bon cœur, qu'à l'heure où l'aube luit,
T o u t dormait — excepté l'homme au bonnet de nuit...
( A suivre).
1
•
•"
F. L E GUYADER.
- -
•
•
.*
.
.
..
I
M MKOH
MOUEZ
I. — K O M Z
—
UNAN
« Hop ! Mond a ran. A n traou a deuz. Marv ón.
Evel eur fregaden an euz straket ennon;
Eun distagaden grenn; eur strons berr tredanel;
Ha brenna me a wel aze ma c'horf marvel
Klouar c'hoaz ha kasti : an dud w a r o daoulin,
Ha me a nij en dro, moren skanv mousilin,
Gwagen hertzian a glev hag a zant roud an dud
Mez a zo d'douchabl, diboaniet, elfen vud.
Me a advev, mez heb levenez na glac'har.
N ' o n nag eürus na drougeürus, mad^na digar,
Douget ec'h on d'an nec'h evel eun ezennik,
Euz elemantr an A e r ec'h on eun elfennik.
Ma envor a zo skler, mez na meuz ket a nec'h
En eur goll pouez ar c'horf am euz leusket ar bec'h.
Evel neuial a ran kreiz eur mor ílour divent
Stok ouz stok, mesk ha mesk, gant c'houezadennou g w e n t
A zo A n a o n all hag a garg ar gwabren
Ken stank ha war an aod ar c'hreunennou sabren.
En era zougen a ramp an eil w a r egile,
Hag e savomp bemde uheloc'hik en ne,
Dre ma skanva hon elfennou, dre ma lezomp
Da beurgoueza d'an traon ar pounnera o u z o m p ;
Evel eur voulik gaz a zic'houez tam ha tam
Beb dek vloaz, beb kant vloaz, m ' ia a l a m da l a m
Uheloc'h uhel c'hoaz tresek barr an ne glan...
Pellaat a ra ouzomp ar bed hag e vouzkan,
Koll a r a m p ar gweled euz m i g n o n hag euz kar
Hag ar sonj ahanomp a guita an douar. »
II. — M A M I C H E R O U R I E N
VARO
«
Mouller on bet gwechall dek vloaz em iaouankiz
(Amzer a c'hourennou na zeui ken w a r e giz.)
M a zi a zordone vel eur rusken wenan
T u d ha mekanikou a drouze a-unan.
Gw eled a ran brema en moren ar pelider
Dremm m a micherourien staget w ar o micher
Rag kalz epad dek vloaz a zo bet tremenet
Tal ar bank atellier ha goude 'n em dennet,
Lod zo aet da lec'h all da glask gwelloc'h labour,
L o d zo aet d'ar vered da glask gwelloc'h kledour.
T
r
•
•
— 738 —
A r re a zo maro e ma o bizajou
Chómet gant o mestr koz merket w a r boltrejou,
Maint aze ouz ar vur staget dibouez eul las
Ha ma zell a blij d'an en em boz w a r o fas.
Alexander Goaziou ebarz ar c'henta tol
A unanaz ganin gant kred eun abostol
Hag a roaz dorn d'in da zevel en Keraéz
Gazetennou breizek hag eun ti moullerez.
Skoíliet ha kouezet eo arok e zaou-ugent,
En parrez Plouganou neuz kavet penn e h e n t
Polyte Laterre ( B c d l a n n ) savet a vihanik
Ebarz m a moullerez ' ; em gavaz buhanik
Da veza mestr-mouller ha kontervestr ganin
Gwelloc'h Barz, evitan na n'euz ket bet hinín;
Ne oa ket Iregont vloaz pa oa bet diskaret
Hag en bered Keraéz ec'h eo bet douaret
D a bedi evitan zo chomet w a r e lerc'h
Theresa, e bried, ha Viviana, e vere'h.
Louis ar Beller a oa ganet en ker Dinam,
W a l al labouriou fin e oa eur mestr dinam,
Plijout a re d'ezan kas en d r o ' e vinerv
V e l ma plij d'ar peizant bouta 'n arar en erv.
Per Alanik
Diski re an
E gamarad
T r e o daou
a oa eur c'hrennard koant ha ter
typo vel diski e bater;
Moysan oa memez oad gantan
/
e vi j e gwechou haligentan.
A n T r o e n e z zo bet ganin evel komiz,
N a chomaz er buró med tri pe bevar miz,
Goulen a reaz mond neuze da zerviji,
Barz ar Ganolierien ec'h eag d'angaji.
Moysan hag A i a n i k , Troenez, ar Beller
E pad ar Reuz spontus oa pevar brezeller,
Roet o deuz o g w a d evid difenn B r o C h a l i ,
W a r an dachen emgann int maro didamall.
P a c'houez an avel viz diwar Sant-Ian Blevin
P a bign ar c'houmoul du diwar raene Gourin,
Uz da di koz ar Bobl an orjalennou dir
V e l kerden telennou a w i g o u r trist ha hir.
A n neud telefonik gant o mouez hirvoudus
A zeblant d'in diston galvadennou k l e m m u s
A n anaon diboaniet hag a blij d'é ni j a l
Uz d'ar plasou karet o deuz bevet gwechall.
Miz Du
1923.
TALDIR.
i
LES ECRIVAINS BRETONS DU P A Y S DE V A N N E S
M. N O U R Y
(t)
Pierre Noury naquit à Lauzach en 1743, au village de K e r «
glérec, dans une pauvre, très pauvre chaumière qui existait encore naguère. Son père, Jean-Marie, et sa mère, A n n e Largouét,
moins riches des biens de ce monde que des dons de la grâce,
s'appliquèrent à transmettre à leur enfant cette meilleure part
qu'ils avaient reçue. Que celui-ci en grandissant se soit montré
pieux autant qu'intelligent, un fait le montre clairement, c'est
que les prêtres de Lauzach le distinguèrent parmi leurs jeunes
paroissiens et renvoyèrent étudier à leurs frais au collège des
Jésuites de Vannas. Qu'il ait été aux études un excellent élève,
nous en avons un témoignage visible dans ses prix de rhétorique
longtemps conservés au couvent de Bignan. Que, pendant ses
trois années de préparation immédiate au sacerdoce (années
passéos suivant l'usage du temps hors d'internat et en pleine
liberté), il ait donné pleine satisfaction à tous ses supérieurs»
c'est ce qu'atteste la parole affectueuse que lui adressa M g r Bertin
au lendemain de son ordination, en le nommant v i c a i r e de P l u melin : « Je veux que vous preniez part au concours dès q u e
vous aurez l'âge canonique. » Il faut savoir qu'avant la R é v o lution, les nominations aux bénéfices étaient partagées entre
l'évêque et le pape. L e choix de l'évêque ne dépendait que de
lui seul; le choix du pape était fixé au m o y e n d'un concours
public, auquel pouvaient prendre part tous les prêtres qui avaient
quelque légitime ambition.
M . Noury vint donc résider à Plumelin, non pas au bourg
même, mais au hameau de la Chapelle-Neuve, près du sanctuaire
de N . - D . de la Fosse. L'habitation qu'il occupait a laissé quelques
ruines, auxquelles on donne le nom de maison vicariale. I l y
passa deux ans, attaché opiniâtrement au travail. D e u x heures
par jour étaient consacrées à la théologie, le reste à l'Ecriture
sainte. I l ne sortait guère. L a parole de l'évêque, un attrait particulier, le sentiment du devoir (le devoir était de ne connaître
que l'église et sa c h a m b r e ) , lui avaient dicté ce règlement sévère,
qui faisait son bonheur. Or, il arriva que deux cures importantes,
celle de Baud et celle de Bignan, vinrent à vaquer dans les m o i s
qui appelaient un concours. A u j o u r indiqué, on v i t affluer à
Vannes des candidats venus de tous les doyennés, les uns recom(1) Cette notice a été rédigée principalement d'après une biographie écrite
en breton par Mgr Joubioux dans Bremah er Fé (1843) et d'après les articles
du P. Deïbrei sur les prêtres émigrés en Eapagne Œfudes religieuses, 1891),
Elle a.paru, en partie, dans le Pays Br?ton 1912.
t
— 740 —
mandés par leurs cheveux blancs, les autres par leur notoriété,
et parmi eux un jeune prêtre de 27 ans, un peu téméraire sans
doute s'il n'avait été là pour obéir à un ordre, l'abbé Noury.
L e concours comportait deux épreuves : discussion d'un cas de
conscience et sermon sur un texte donné. A u x deux épreuves,
M . N o u r y se classa le p r e m i e r ; le second jour, il fut particulièrement félicité par un examinateur qui lui dit : « Monsieur
l'abbé Noury, vous nous avez donné une homélie bien nourrie. »
L e j e u n e lauréat pouvait choisir entre Baud et Bignan. Il choisit
Bignan (1770).
Bignan était une grande paroisse desservie par sept vicaires,
avec une population considérable où ne manquaient pas les esprits
m a l tournés, prêts à profiter de toutes les occasions pour jouer
à l'indépendance. M . N o u r y triompha de ces difficultés. O n nous
le dépeint grand de taille, droit; de longs cheveux noirs, le nez
un peu fort, un regard et une voix exprimant habituellement
la douceur, mais capable d'exprimer l'indignation. L a bonté et
le dévouement étaient le fond de son caractère. P a r là, il
eut v i t e fait de s'attacher étroitement tous ses vicaires, pour la
plupart plus âgés que l u i ; par là il conquit aussi tout ce qu'il
y avait dans la paroisse de personnes recommandables, de sorte
que les mécontents trouvèrent peu d'échos et furent réduits à
garder le silence. Bientôt on le v i t venir j o u e r aux boules avec
ses paroissiens sur la place publique, y mettant la meilleure
grâce du monde et payant pour ses partenaires; on sut qu'aucun
malheur ne pouvait arriver dans la paroisse sans qu'il le regardât
c o m m e sien et en eût sa part, que personne ne pouvait se
trouver dans le besoin « a n s être sûr de voir arriver du presbytère
un secours efficace. Bref, il aima et fut aimé.
t
11 paraît que M . N o u r y était écouté avec attention et attendrissement. Je pense que la diction de l'orateur et la sympathie
de l'auditoire n'étaient pas étrangères au succès.
M . N o u r y a passé en son temps pour un architecte habile.
C'est d'après ses plans qu'on aurait construit non seulement
l'église de Bignan, mais encore celle de Guénin, de Guern, de
Berné ainsi que les tours de P l u v i g n e r et de Naizin, le porche
de Carnac ( 2 ) . L e dix-huitième siècle n'appréciait que l'architecture grecque. Et, certes, l'architecture grecque est admirable
quand elle s'exprime en belles colonnades de marbre, en belles
lignes droites fuyant à perte de vue le long des architraves et
des corniches, quand elle s'adjoint la peinture et la sculpture
pour décorer les chapiteaux, les frises, les murs et qu'enfin elle
pose son chef-d'œuvre dans la transparence d'un ciel oriental.
Mais est-ce qu'ils réalisent bien ces conditions, les monuments
dessinés par M . N o u r y ? A ce propos, M g r Joubîoux dit de lui
un mot que nous apprécions pleinement : In hoc non laudo.
(2) Ce n'est p a s bien sûr. En ce q-ii concerne Guern, 'le livre iparoissial
porte que les plans et devis ont été faits et -donnés p a r Jules Pichot, ingénieur des Ponts et Qhattssées de Bretagne au département de Pontivy.
•
-
— 741 —
M . N o u r y était recteur de Bignan depuis trente ans, au m o ment où éclata la Révolution française. E n 1790, vote» de la
Constitution civile du clergé; en 1791, les évêques et les prêtres
qui refusent le serment sont destitués, la majorité des évêques
part pour l'exil; en 1792, on organise la chasse aux prêtres :
premier décret de déportation le 26 mai, deuxième décret plus
urgent le 26 août, massacres de septembre. C'est le moment de
l'émigration en masse du clergé français. En quelques mois, la
municipalité de Nantes délivra 221 passeports à autant d'ecclésiastiques en partance pour l'Espagne et le Portugal, et, dans
toute la France, le mouvement fut le m ê m e . Il eût été sans
doute plus beau de rester à son poste et d'affronter le danger
Quelques-uns le firent, comme M . Largouët, un des vicaires de
Bignan et cousin du recteur. Mais cela était-il possible à tous ?
Etait-il sage d'exposer la vie de tous les prêtres ? N e valait-il
pas mieux conserver aux fidèles des pasteurs légitimes pour un
ave-nir peut-être prochain ? On remarquera du moins que
M . N o u r y ne se décide à fuir qu'au dernier m o m e n t et quand
la situation paraît désespérée. Escortés par un groupe d'amis et
c o m m e violentés par eux, lui et deux de ses vicaires v e n t s'embarquer à Locmariaquflr, d'où ils gagnent Bilbao (18 oct. 1792).
A lire certaines lettres de M . Noury, on serait tenté de croire
que le peuple espagnol fit mauvaise figure aux prêtres français
expatriés. Or, cette impression serait tout à l'opposé de la v é r i t é
historique. D'une façon générale, les prêtres français trouvèrent
en Espagne l'accueil le plus cordial; ils eurent seulement à
souffrir de la part du gouvernement et de la part d e quelques
membres du bas clergé.
(A suivre.)
P . G.
Souscription pour la Croix Celtique
du Monument Calloc'h
T o t a l des listes précédentes
M . Olivréro, à Paris
657 fr.
10 fr.
Total
667 Fr.
U n e cellule de l'organisme Breton
PLOUGASTEL
.
(Suite)
LE COSTUME
Après la maison, le costume.
Celui des habitants de Plougastel a de bonne heure fixé l'attention.
Abel Hugo, frère de Victor, dans La France Pittoresque (1833),
trouvait que l'habillement du Plougastélois « i m p r i m e à sa p h y sionomie quelque chose d'étrange et d'antique. Un bonnet de
forme phygienne de couleur brun clair recouvre sa tête ornée
de cheveux touffus et flottants sur les épaules. Une large capote
de laine, descendant à mi-cuisse et garnie d'un capuchon, retombe
sur un gilet qu'entoure une ceinture de mouchoirs de R o u e n ;
des pantalons, très larges et à poches latérales, forment le complément de ce vêtement singulier qui ressemble assez à celui
que nos peintres modernes donnent aux Albanais » .
Il est assez curieux, par parenthèse, qu'Abel Hugo, dans sa
description, soit resté à peu près muet sur les vives couleurs
du costume plougastélois; il en assombrit jusqu'au bonnet qu'il
peint « brun clair » et qui était rouge. P o l de Courcy se montrait
plus précis en 1865. A cette époque, le costume usuel des h o m m e s
de la péninsule se composait d'un pourpoint à basques
(porpant)
en berlinge blanc; d'une veste à manches (roquederi),
également
en berlinge blanc ou en silésie violette; de deux gilets de dessous,
verts, rouges, blancs, bleus ou violets, ; d'un pantalon à la turque,
de toile, de berlinge brun ou de drap noir, suivant la saison,
et qui se fermait le plus habituellement au moyen d'une cheville
de bois et, quelquefois, d'une clef à laquelle on substituait le
dimanche un double bouton; d'une cravate de couleur à nœud
coulant; d'un turban à carreaux autour des reins; d'un bonnet
rouge et, les jours de pluie ou de tempête, d'un caban en toile
piquée et matelassée. T r è s différent était le costume de cérémonie
(noces, pardons, etc.) : le porpant, doublé de vert, se faisait alors
amarante; le pantalon et le bonnet étaient remplacés, l'un par
une grande culotte rouge serrant aux genoux les Las de flanelle
blanche, l'autre par un large feutre garni de chenilles de couleur.
Et l'on jetait sur le tout — ce qu'oublie Courcy — une grande
cape noire à l'espagnole.
De ce double costume, tant usuel que de cérémonie, il est
demeuré fort peu de chose. Et, tout d'abord la cape, l'habit et
— 743 —
la culotte amarante, ainsi que le grand feutre à chenille qui se
relevait sur les côtés, ont disparu à peu près complètement. E n
ces dernières années pourtant, sur l'initiative de YUnion
régionaliste bretonne, qui tint une de ses sessions à Plougastel,
quelques Plougastélois ont sorti de l'armoire les anciens costumes
de noces et les chapeaux'à chenilles de leurs pères. A u concours
costumes de Brest, en 1908, le grand prix d'honneur fut
attribué à un superbe costume de marié du x v m siècle, entièrement amarante, guêtres comprises, sauf les gilets, blanc bordé
de bleu, vert bordé de jaune. L a ceinture elle-même était à
carreaux rouges; de la culotte, serrée aux genoux, tombait un
flot de dentelles.
e
T o u t en applaudissant aux tentatives, de restauration de
VUnion régionaliste bretonne et du comité des fêtes brestoises,
nous ne nous en dissimulons pas la vanité : il n'est guère a
penser que la m o d e revienne jamais de ces beaux costumes
rétrospectifs, qui resteront très probablement de simples curiosités archéologiques, des objets de vitrine, comme les costumes
des paludiers du Bourg-de-Batz. De m ê m e le bonnet rouge, complètement passé d'usage et auquel, sur la côte, les pêcheurs^cultivateurs ont depuis longtemps substitué le vulgaire béret bleu.
Quant au chapeau des hommes de l'intérieur, c'est maintenant
celui du reste de la Cornouaille et du L é o n : un feutre à cuve
et à ruban de velours n o r fermé par une boucle en argent.
;
Mais, pour avoir fortement évolué en ces cinquante dernières
années, le costume plougastélois n'en a pas moins gardé, à la
coiffure masculine près, une très vive originalité. Il se compose
essentiellement d'un surgilet à manches, giteten war
c'horré,
violet ou vert à volonté (violet de préférence les jours de cérém o n i e ) , bleu, si l'homme est en deuil, et de trois gilets sans
manches : le premier vert ou violet (mais toujours d'une couleur
différente de celle du surgilet; vert donc, quand celui-ci est violet,
et violet q u a n d il est v e r t ) ; le second rouge (ou bleu, en cas
de d e u i l ) ; le troisième en flanelle blanche à ganse rouge (bleue,
en cas de d e u i l ) . E n outre, ce surgilet et ces gilets sont ornés
aux boutonnièrse et au col de galons et de broderies dont la
couleur verte, jaune, rouge, diffère de celle du vêtement lui-même.
Entre les premières boutonnières et le col, au-dessous de la
branchette ou de l'étoile qui décore le devant du surgilet, le
propriétaire de l'habit fait toujours broder l'initiale de son prénom (cette initiale est le plus souvent à l'envers. Ex. : C, F , E ) .
Une rangée de boutons descend de chaque côté du surgilet et
sur le devant des gilets, et le choix de ces boutons n'est pas
plus livré au hasard que le reste du costume : en poils d e chèvre
pour le gilet blanc; en métal pour les autres gilets, ils sont en
os ou en nacre pour le surgilet. Ajoutons que les gilets doivent
être « étages » , de manière à se laisser voir du premier coup
d'œ?l. Une dernière particularité : quand le Plougastélois porte
son surgilet déboutonné, c'est qu'il est en tenue de cérémonie
(pardons, messes, festins, n o c e s ) ; quand il le porte boutonné,
— 744 —
c'est qu'il est en petite tenue, qu'il vaque à ses affaires ou se
:rend au marché.
Le Plougastélois ignore les bretelles et s'en tient encore,
comme la plupart des Bretons, à la ceinture ou turban, tantôt
en coton à carreaux, tantôt en flanelle bleu clair. L a culotte
ou braie fermée d'une clavette en buis, ibil bcuz, a dû disparaître
d'assez bonne heure, car on ne la voit même pas sur les plus
vieux habitants de la paroisse. Mais le pantalon actuel s'en souvient encore : en drap noir l'hiver, l'été en toile blanche, il est
toujours très évasé dans le haut, c o m m e le pantalon à la hussarde
ou la culotte de cheval, avec des poches basses sur les côtés,
« assez larges, me dit un loustic, pour y entrer un cochon de
lait, assez profondes pour y faire disparaître un litre d'eau-devie » ; serré aux genoux, ce pantalon moule étroitement la j a m b e
jusqu'au cou-de-pied. L e s vieux seuls portent encore des pantalons de berlinge, étoffe de laine grossière généralement brune
et extraordinairement résistante, dont la principale fabrique se
trouvait au moulin à foulon de Kergoff. L'élevage des moutons
ayant presque entièrement cessé dans la commune, le moulin a
fermé ses portes. U n vieillard m e disait :
— J'ai quatre pantalons. T r o i s sont en berlinge et ils m e
survivront.
— C'est vrai, confesse son compagnon, plus jeune. Ces berlinges duraient très bien vingt ans. C'était quasi inusable. Mais
l'élevage des moutons ne peut s'accomoder avec le développement
de la culture maraîchère.
Sur le reste du costume masculin, il n'y a aucune particularité
notable à signaler : bas, souliers, sabots ressemblent à ceux des
autres régions de la Bretagne; mais la chemise, empesée, montante, comporte, en plus, une cravate en soie brochée de couleurs
vives, fabriquée spécialement à L y o n ( 1 ) et non à Plougastel,
comme le dit M . Choleau, où on se borne à la coudre et à la
replier sur une doublure blanche.
En somme, un Plougastélois a toujours au moins trois costumes : un costume de travail et deux costumes d e cérémonie.
Le deuxième j o u r des noces, en effet, les assistants du sexe mâle,
qui sont en surgilet violet ou vert le premier jour, se mettent
en surgilet bleu pour le service funèbre que les familles des
deux mariés font célébrer à la mémoire de leurs défunts. L e
bleu, pourtant, n'est pas la couleur exclusive du deuil, comme
le vîiolet est surtout la couleur de la j o i e : c'est aussi la couleur
sérieuse, adoptée par les hommes d'un certain âge. Mais ce
bleu est de plusieurs tons : vers trente ans, les hommes mariés
qui l'adoptent choisissent le bleu d'outre-mer; les vieillards lui
préfèrent le bleu de Prusse, qui se rapproche du noir. On voit
(1) D'une façon générale •d'ailleurs (et. « 9 u f autrefois le berlinge et le
pUpouz) les éléments du costume plougastélois sont fournis par !e dehors :
c'est à Montauban, par exemple, que se fabrique spécialement pour la péninsule le drap violet nommé solférino en français, chilisé (déformation du mot
français silésie) mouk en breton.
apparaître, d'ailleurs, depuis quelques années, Ire noir comme
couleur de deuil : le gilet noir à ganse bleue est particulièrement
grand deuil.
Des prescriptions tout aussi sévères régissent l'habillement
féminin. P l u s lourd, moins chatoyant que celui des hommes, il
comprend deux jupes : celle de dessous, lostenn dindan, en flanelle bleue; celle de dessus, lostenn war c'horré, en drap noir
pendant la semaine, en drap violet les dimanches et j o u r s fériés
et toujours liserée d'orange. Sur cette seconde j u p e , on noue,
pour le courant, un tablier de pilpous r a y é ; les j o u r s de cérémonie, un tablier en soie bleu pâle, verte, rouge ou gorge de
pigeon, avec application de dentelles d'argent. L e corsage, véri
table cuirasse, s'appelle krapos; suivant le cas, il est vert, violet
ou bleu, et se porte sur Yhivizenn, sorte de camisole en drap
noir, relevée aux manches jusqu'à la hauteur du coude, de
manière à former une sorte de poche où les ménagères précautionnées insèrent la liste de leurs « commissions » . Un tricot
de même couleur (blanc pour les noces) descend jusqu'aux
mains. N'oublions pas le chiloc'h ou coq. C'est le nom donné
à l'espèce d e crête qui termine par derrière le krapos. Il est en
carton rigide, recouvert de drap galonné : placé à la proue des
femmes, au-dessous du ruban de la jupe, plus encore qu'à une
crête, il ressemble à un gouvernail symbolique. Par-dessus le
krapos est noué, en semaine, un châle ou mouchoir de cotonnade.; Mais là, derechef, le protocole intervient : tantôt le châle
est un i m p r i m é bleuté & fleurettes* blanches; tantôt les fleuri
sont remplacées par des rayures blanches, et c'est qu'alors la
femme est en deuil. L e deuil féminin se révèle également à la
couleur noire du ruban des coiffes et du ruban des tabliers, ainsi
qu'à l'adoption du kapot pour les dimanches et j o u r s fériés.
Ce kapot ou cape, qui ne tombe que jusqu'aux genoux et se
ferme par des agrafes en cuivre, est muni d'une visière rigide
et dessme sur la tête c o m m e un casque : on le met sur le bras
pour entrer dans les maisons, mais on le garde à l'église.
. Pour les jours de fête ou de cérémonie, les femmes ont un
troisième châle complètement blanc, en tulle ou en mousseline,
et une coiffe de même nuance et de m ê m e tissu, uni ou brodé,
dont elles laissent pendre les ailes sur leur dos et sur le devant
du corsage. E n temps ordinaire, cette coiffe, q u ' A b e l H u g o admirait fort et qu'il comparaît au chapska polonais, est en percale
et relevée et épinglée sur la- tête; un cintre en zinc, nommé
bourleden, lui assure la rigidité nécessaire; deux barbes en descendent sur l'épaule; une mentonnière de couleur la fixe au cou.
Il ne faut pas moins d e deux mètres d'étoffe pour la confection
de cette belle coiffe, dont on ne peut mesurer l'amplitude; qu'une
fois dépliée et qui est le grand luxe des Plougasteloises. D'autre
part, la blancheur immaculée qu'elles s'efforcent de lui conserver
ne peut être obtenue par les procédés ordinaires : la lessive ne se
fait que deux ou trois fois l'an dans les fermes bretonnes. Il en
découle que, pour subvenir aux nécessités journalières, une P l o u :
•746 —
gastéloise qui se respecte doit posséder au moins une grosse de
coiffes, soit 144 !
Cela suppose une certaine aisance, parfaitement réelle d'ailleurs, et dont la richesse des costumes enfantins nous fournit
une nouvelle confirmation. Mais c o m m e n t se reconnaître dans
tout ce bariolage, au milieu de cette sarabande p o l y c h r o m e des
bonnets, des tabliers, des luren ou bandelettes à franges d'or et
d'argent, des turbans, des châles, des jupes de dessous nommées
sae chez les enfants en rupture de maillot, puis drogot chez les
fillettes d e quatre à douze ans et qui présentent alors cette particularité d e se rattacher au krapos pour tenir la taille ? L e lostenn
se noue, en effet, à la ceinture et ne peut être porté que par
les femmes dont les hanches sont formées.
On le voit, tout ou presque tout, dans ces costumes, est
méticudeusement établi et réglé; la part du caprice, de la fantaisie
individuelle, y est aussi restreinte que possible : du premier coup
d'œil, un connaisseur distingue au genre de sa vêture la condition
d'un Plougastélois ou d'une Plougastéloise. Et voici le plus
étrange de l'histoire : costumes masculins, costumés féminins,
costumes d'enfants sont confectionnés à Plougastel par des
femmes. L e seul kemener (tailleur) de la commune, vieux vétéran
des guerres du troisième Empire et de 1870, François Ropartz,
plus connu sous le sobriquet de Fanch ar Pruss, a pris sa retraite
l'an passé ( 1 ) . On ne suppose point qu'il ait eu des successeurs.
Deux sortes d'ouvrières travaillent aux costumes tant masculins
que féminins : la couturière proprement dite et la tailleuse. L a
couturière ne « fait » que les coiffes, tabliers, mouchoirs, cravates, etc.; c'est la tailleuse qui confectionne le reste. P o u r le
costume masculin au moins, il va sans dire que, dans ces conditions, tout essayage complet est assez difficile, mais les tailleuses
sont adroites et i- est rare qu'elles soient obligées à des retouches.
On cite particulièrement, pour leur habileté professionnelle,
Marie-Barba Gwennou et ses filles, tailleuses pour h o m m e s au
bourg de Plougastel...
(A
suivre).
Ch. L E G O F F I C .
ABONNEZ-VOUS
Nous adressons ce mois-ci à quelques bons Bretons
des numéros spécimen de notre revue et nous leur demandons instamment de bien vouloir nous soutenir dans
notre œuvre bretonne EN S'ABONNANT.
(1) 1910.
AL LE0R1G BURZUDUS
(KENDALC'H)
A I * m a r t o l o d - m a n a y e a s dioc'h a r c'habiten, ha, pa
zonje miri den ennan, a l a v a r a s :
na
— R a vezin-me e r g e a r , e L a n d e r n e , e ti v a m a i n m !
H a dioe'litu ne v o e g w e l e t niui, hag ec'h en em g a v a s e t i o
vamm e Landerne.
A n Inni goz-man n ' e d o ket war-c'hed anezan, p e l i dioc'h
eno, hag e v o e souezet o Avelet he m a b o t j g e r i an nor. Choni
a reas m a n t r e t .
— P e n a o s , emezi, out-te deut d'ar g e a r ? M e *gave d'in edos
en I n d e z .
^
— T o s t orni bet, v a mainili. E v e l a t o , setu m e ama, d i s t r o
e v i t mat. M e ne d i n ken w a r a r mor, emezan o p o k a t d'ezi
ha d'e voereb k o z a oa o elioni g a n t e v a m m .
A n diou-man laouen a l a v a r a s :
— R e d eo d ' e o m p k e r c ' h a t eun d r a bennak d'it.
E u r gwenneg l>ennak a oa en ti, d a o u s t ma 'z o a p a o u r
an diou g o z . M a l a v a r a s a r v a m m d'he c'hoar :
— K e m e r a r v o i i t a i l h ' z o aze, ha kea da g e r c ' h a t eur vout a i l h a d w i n , p a "z eo d i s t r o v a mab.
— I t ho-tioii, e m e heñían, m e a z i w a l l o an ti, end ra
viot o vont.
ma
H a g an d i o u g o z ha m o n t neuze. N ' o a n t ket d i s t r o ma
'z oa w a r d a o l an ti bihan eur f r i k o a b e p seurt t r a o u hag
e-c'hiz n'o doa debret na g w e l e t biskoaz. S t a g e t da z i b r i ez oa,
pa z i s t r o j o n t , h a g e v o e n t souezet o w e l e t kemend-all a draou.
— B r e m a , va mainili ha va moereb, e m e heñían, d e b r i t h a g
e v i t . D i o u e r a-wale'h hoc'h eus bet, ha m a i l eo d'eoc'h t a n v a
eun d r a bennak v a t .
—
P e n a o s , e m e z o , e o d e u t an traou-man a m a ?
— A n dra-ze, e m e heman, ne o a r den nemedon-me. E v e l a t o ,
k r e d i t e r v a d n ' i n t k e t laeret. A - b a r z n e m e u r ne c h o m o t e r c'hoz
t o u l l kampr, h a m e a l a k a i o sevel eun ti k a e r d'eoc'h.
N ' o a ket g a o u a l a v a r a s . A - b e n n eiz d e r v e z g o u d e , an d i o u
g o z hag o niab a o a e a t da elioni en eun t i kaer, a r c'haera
a oa w a r - d r o L a n d e r n e , ha s a v e t eno ne o u i e den penaos.
M a l a v a r e an d u d e z o a sorser a r m a r t o l o d .
C h o m a reas e n o e u r pennad g a n t an d i o u g o z , bete m a
k l e v a s e n d o a e m b a n n e t roue B r e i z , d r e a r v r o , e c'belle an
dud y a o u a n k a Lignez uhel h a g a ouenn v a d d o n t da ober
a l lez d'e v e r c ' h . A r brud-ze a l'ekeas eur stultenn da z o n t
e perni h o r m a r t o l o d , a l a v a r a s d'e varani neuze e ranke m o n t
bete N a o n e d e v i t g w e l e t ha ne deuje ket a-benn da g a o u t
m e r c ' h a r roue.
— G w e l l eo d'iit. emezi, elioni ama g a n e o m p , ha k e m e r e t
unan bennak a b l i j o d'az k a l o n , e v i t na d e o m o n t da g l a s k
e lec'h a l i niere'hed ne ouezi ket na petra h i t na p e t r a 'dalont.
A n bini g o z a gonize fur a-wale'h. H e mah, a v a d , d r è m a
c'helle b r e m a ober a r pez a g a r e , a g a v e d'ezan ivez e l a k a j e
k a l o n an b i n i a g e m e r c h e da d r i d a l outan.
M o n t a r e o m p da w e l e t jietra a c'hoarvezas.
H e n i a n 'ta a y a eus a L a n d e r n e eun d r o u i u g a r r o s i o u
oc'h he heul. B i s k o a z n e v o e g w e l e t kemend-all : n'oa anezo
neniet a o u r hag arc'hant. L u g e r n i a reont ocfh an heol, ker
b r a o n'oa den e v i t sellet o u t o .
E r c'hiz-man ec'h en era g a v a s e K a o n e d . M a l a v a r e an dud
d r e e n o ez oa deut eur iirins k a e r e kear.
M a r t o l o d L a n d e r n e a o a g w i s k e t evel eun aotrou kaer.
E v e l a t o ne e'hellas ket m o n t k e r buan ha m a krede da g a o u t
a r roue. N e u z e henian, e v i t t e n n a w a r n a n d a o u l a g a d a r roue,
a z a v a s d i r a k lez a r roue, eun nozvez, e u l lez kaeroc'h e g e t a n .
P a z a v a « roue B r e i z a n t r o n o z , e voe souezet (pi'ou ne v i j e ? )
o w e l e t eul lez k e r kaer, ha m a vire, k o u l s l a v a r e t , oc'h an
heol da bara w a r e hini. G o u l e n n a euire d i o c ' h t u da biou 'oa
a l lez-ze. M a v o e l a v a r e t d'ezan e t l i e beza d'eur prins y a o u a n k
a' oa deut d a N a o n e d , a-nevez a oa, ha g a n t a n eun d r o u i n
g a r r o s i o u , a r seurt n'en doa ket ar roue e-unan.
— M a t ! e m e a r roue. M e -garfe g w e l e t anezan.
M a v o e klasket ha k a v e t v a g w a z , ha l a v a r e t d'ezan m o n t
da g a o u t a r roue.
—
(Da
M o n t a rin, e m e henian, hep dale.
genderc'hel).
G. M I L I N .
L E S
I L O I S E S
*
A Anatole Le Braz.
P a r les chemins bordés d'ajonc et de fougère,
D e v a n t la mer, berceuse au chant mélodieux,
L e s Iloises s'en vont, de leur marche légère,
Portant tout le ciel bleu dans l'azur de leurs yeux.
Elles vont,. maniant les blancs fuseaux de laine,
Se narrant tour à tour les contes d'autrefois,
E t la brise q u i passe emporte sur la plaine,
V e r s les menhirs dormants, les sons clairs de leurs voix.
Quand vient l'heure où la nuit tranquille étend ses vpiàes
Sur l'océan de brume où meurent les îlots,
L e u r cortège descend, guidé par les étoiles,
V e r s l'ombre des sapins qui dominent les flots.
L o r s , dans l e soir mystique et dans l e grand silence,
L e s filles d'Armorique, au regard de candeur,
V e r s l e ciel! attendri font monter en cadence
L a chanson douce éclose au j a r d i n de leur cœur.
E t les graves marins qui, passent dans l e soir,
Ravis d'extase au son des lentes cantilènes,
F i x a n t des y e u x rêveurs sur l'ombre du bois noir,
Sourient — au souvenir de leurs amours lointaines.
Gaston SÉVRETTE.
N O T E S SUR L ' A R T B R E T O N
(Suite)
L'architecture religieuse bretonne a marqué ses monuments
de quelques caractères qui suffisent à montrer que s'il n'y a pas
eu à proprement parler d'école bretonne, il a tout de même existé
entre les architectes, constructeurs et décorateurs une communion d'idées sur la réalisation des détails, ce qui prouve qu'aux
xvi* et XVII siècles il y avait encore au fond de l'âme bretonne
des conceptions artistiques particulières à la race.
e
(*> Bretonnes de rite aux Moines (Morbihan).
\
\
\
Le premier de ces détails, celui qui saute aux yeux de la
personne la moins prévenue, est la façon dont les constructeurs
ont envisagé l'établissement des tours. E n dehors des tours de
genre purement français comme celles de style renaissance, ou
de genre normand comme celles dont la flèche du Kreisker est
le type le plus audacieux, les Bretons ont conçu les tours de trois
façons : soit en façade, formant ou non porche, soit en couronnement de pignons, soit en chevauchement sur le milieu d'un
monument.
Dans le premier mode sont construites des tours comme celles
de L a Roche-Maurice et de Logonna-Daoulas; dans le second, le
clocher de la façade ouest de Pleyben, celui de la chapelle de
Saint-Fiacre au Faouët, celui de Cléden-Poher, etc. A u troisième
mode se rattachent les clochetons de Saint-Nonain de Penmarc'h,
du Folgoët, de Tronoën, de la cathédrale de Saint-Pol de Léon.
L e premier mode n'est pas absolument particulier à la Bretagne; les architectes ont eu cependant pour lui une prédilection,
notamment au x v m siècle. Les deux autres modes sont spéciaux.
Dans la construction des tours en couronnement de pignons, on
remarque que celui-ci, au lieu de se terminer en fleuron, s'arrête
à un moment donné dans sa montée, se redresse et donne naissance à un véritable pédoncule, à un piédestal ou à une galerie
oblongue où vient prendre racine la tour : c'est le cas des églises
de Lanloup, de Saint-PhiJbert, de Moëlan, etc. Dans les petits
monuments comme les chapelles de village, ce mode de couronnement des pignons de façade est presque une règle générale;
il est quelquefois d'une grande simplicité, affectant la forme
d'une mitre de cheminée comme à la chapelle du château du
Hénan. Mais comme ces bases, ces supports de tours se trouvent
être nécessairement très limités en espace, les constructeurs ont
conçu pour leur donner de l'espace un procédé architectonique
tout à fait particulier, très racique, l'établissement de galeries
portées en encorbellement sur des corbeaux : Saint-Fiacre du
Faouët et Pleyben sont deux exemples types de ce genre. Ces
galeries en encorbellement répondent aux principes de l'architecture antique dont les Celtes se sont inspirés; on les retrouve
dans l'architecture militaire où elles paraissent, du reste, être
nées, dans l'établissement de mâchicoulis portés sur des corbeaux en encorbellement qui atteignent des hauteurs inusitées
partout ailleurs qu'en Bretagne de sept ou huit assises, comme
au château de Trécesson; on les retrouve encore dans l'architecture civile où, comme au château du Henan, elles servent
de couronnement de tour et permettent de ménager des chemins
de ronde à air libre en bordure des toits en poivrière.
e
Ce genre de construction appliqué aux églises s'est bientôt
francisé sous l'influence à la fois du gothique et du style renaissance qui ont amené, à peu près aussitôt que ce genre breton
eût éclos, le remplacement des corbeaux par des corniches ou
assises débordantes, comme.à Saint-Servais et à Gouesnou.
Le genre de clochetons établis en chevauchement n'est qu'une
variante du genre précédent. Le clocheton central perçant les
rampants d u toit est établi généralement sur une galerie
oblongue supportée sur un arc intérieur, et il est accosté de
deux pinacles en forme de clocheton forniant à la fois tas de
charge pour les piliers et escalier en vis. C'est le cas des clochetons en chevauchement de la cathédrale de Saint-Pol et de
Saint-Nonain de Penmarc'h. A Tronoen, les pinacles accostant
le clocher sont portés sur le prolongement en hauteur des murs
latéraux renforcés à cet endroit d'un gros contrefort.
Le couronnement des tours marque un grand flottement dans
l'esprit des architectes. Saint-Fiacre du Faouët et Pleyben, ces
deux tours bretonnes ont comme couronnement un clocher
pointu à arêtes garnies de crosses très rapprochées. Il n'est pas
possible d'affirmer que ce couronnement soit celtique; il est
très vraisemblablement le clocher normand, type Kreisker, posé
sur une tour bretonne. A Roscoff, à Notre-Dame de Châteaulin,
à Plogonnec, le couronnement en dômes est nettement Renaissance. U n type de couronnement semble cependant s'accrocher
à la conception celtique : c'est la flèche minuscule garnie de
crosses, épanouie, accostée des frontons à hauts fleurons qui
surmontent les étages aériens, et de pinacles d'angles. Ce mode
trouve son parfait épanouissement dans le clocher de l'église
des Iffs, en Rennais, construite sous Jean V . Ce couronnement,
pour être largement teint de gothique, n'affecte pas moins des
formes spéciales; c'est un véritable bouquet de pierre, de proportions extrêmement gracieuses et que l'on retrouve à l'état
rudimentaire et très altéré à Guimiliau, à Tredrez, à SaintColomban de Plouharnel.
( A suivre.)
H . QUILGARS.
Merdeadenn Vindesêtlos
tennet eus
«Sketla Segebrani» gant X
ROLL
AR GERIOU
3
DIAES
baleg g. saillie; balegi faire saillie.
bras-espar extraordmairement grand.
kenbresek converser.
; l
kenoad gant de même âge que.
klota s'adapter, (ger a Dreger).
koftronka baigner,, se baigner (dans la mer, un lac, une rivière; kibella B<j
"Baigner dans une baignoire) ; sellant ouz gourohkeUi.
krouzell "gg. croupe (de montagne).
diarç'hen sans souliers, nu-pieds.
t&raez atteindre.
divllgin sans manches.
dounvor g. haute mer (ivez
keinvor).
drouk-veska
confondre.
emweladenn g g . entrevue ; emwelouit U. B. avoir une entrevue avec quelqu'un.
euzadenn g g . monstre; eun euzadenn a vorvil un monstre marin; euzite
monstrueux.
gell brun.
geol g. gueule.
gourlufr
très poli.
gouronkedi
baigner, se baigner; sellout ouz kouronka.
gwerelaouenn
g g . aurore (sens primitif) ; par extension, étoile du malin.
loen-stlej g. reptile.
luc'h g. lumière.
merzout apercevoir.
mil g. animal.
mojenn g g . fable, légende.
morvil
g. animal marin.
.
mougeo g g . caverne.
naer g g . serpent.
steuzia disparaître.
strink g. cristal.
reverzi g. grande marée.
•
roenvek muni de rames.
. .
toneg g g . tunique.
tonn g g . vague.
tor {eur menez) g. flanc (d'une montagne).
Emweladenn an Doueez-Veur gant Vindosêtlos
P ' e d o V i n d o s ê t l o s o v o n t da ziraez penn an draonienn,
e steuzias a r v o r e n n . M e r z o u t a reas w a r r a r i b l ar vrezoulerez-veur. I l e bouc"lial a z a l c ' h e gant lie d o u r n kleiz, s a v e t
er vann he brec'h zelidti, t r o outan palv lie d o u r n d i g o r ( 1 ) .
A - d r e u z d ' a ï v o r e n n ha d'an enebourien ez oa d e u t betek di
d ' e genbrezek. K e ï g e l l ha klor-kistin, k e r r o d e l l e k ha
kreon d a n v a d he b l e o en lie fenn. N e m e t he doa an d r e m m
h a g a r c'hrec'henn a n e z i g w e n n d e d ha d a m r u z d e d tener b l e a n
an a v a l e n n hag a r g e r e z e n n . H a g a n d a r berv d i w a r an enigann
he d o a renet h a g a r redadenn e d o o paouez ober, edo ruzietholl ha flamm-skedus he d i o u j o d . V i n d o s ê t l o s e zouaras hag
an doue-ez, o lezel da zoueza d'an d o u a r he bouc'hal h a g he
skoed, a d a o l a s he d i o u v r e c ' h a-vriad en e gerc'hen. h a g a
b o k a s d'ezan.
v
(( G a r o , emezi, a n e m g a n n hon eus r a n k e t e m b r e g e r evidout. K e u z n'eni eus k e t d'am foan a v a t ! R a k m a z out-te
k a r u s a p a o t r a m eus g w e l e t biskoaz. M a u'eni bije ket e u r
p r i e d a g a r a n , te e o a g e m e r f e n . H o g e n eur v e r c ' h d i z e m e z
a m eus, ha hi k a e r o c ' h egedoun. K a d a r n ha krenv, habask
?
lîl,
(1) Da airouezia peoc'h ? Kenveria Notennou düiar-benn
eil mouladur, p. 60.
ar Gelted
koz,
ha sentek ez e o - h i ; k e n o a d e o ganez, ha
kiri, o Tekos. »
d'it e v e z o ,
mar
Ar morvil euzik (1)
V i n d o s ê l o s a adstagas g a n d e verdeadenn. E u r v o u g e o a
w e l a s d i r a z a n m'en em g o l l e a r stêr e barz. A - u s d'ar vougeo
k r o u z e l î eur grec'hienn d i g o a d . O v a l e g i w a r zaou d o r ar
g r e c ' h i e n n a-zehou h a g a-gleiz, d i o u r o c ' h e l l g o u r l u f r ha
kele'hiek a I n g é n i e evel strink. K l o t a a rae ar meueziou diouz
an daou du ouz ai* g r e c ' h i e n n ken n'oa etrezo t r e m e n ebet
na w a r an d o u r n dehou na w a r an d o u r n kleiz. A r stêr a-bez
a y a e er v o u g e o . H a V i n d o s ê t l o s e-barz i v e z d a heul a r stêr- !
K a k - t a l en a-drenv d'ezan setu en e m g l o z , en eur d r o u z a l ,
toull-dor a ougeo, hag hen e-kreiz an d e v a t e n v a l i j e n n .
A r pez a g a v e d'ezan ez oa eur v o u g e o n ' o netra ken neiner
g e o l eun euzadenn a v o r v i l en e m ï a k a e t el lec'h-ze, a r strisa
w a r genou a r stêr, e v i t l o n k a kement pesk a ziskennje g a n t
r e d an dour. K l o p e n an euzadenn eo ez oa a r grec'hienn d i g o a d
a save a-us d'ar v o u g e o , h a g e z a o u l a g a d an d i o u roc'hell
s t r i n k a-zehou h a g a-gleiz. T o r r e t d'ezan e naon, sed a r m i l
euzik en-dro en d o u n v o r . O skei an d o u r g a n d e lost bras-espar
ez a tiiiiat en e raok d i n d a n oabl glas-koe'hennet a r heure,
a-dreuz da donnou stank-diniver aï' m o r - B r a s .
3
(Da genderc'hel.)
X .
N'EUS K E N
SKELTA SEGOBRANI,
le texte breton le plus étendu,
le plus intéressant, le plus instructif paru jusqu'à ce jour,
en souscription chez R. Le Rour, 8aint-Hé1ory, Pordic
(Côtes-du-Nord). Pria-, POUR LES SOUSCRIPTEURS SEULEMENT.
10 francs les trois premiers livres en deui- forts volumes,
illustrés par James Bouille.
(1) Kenveria Naville, p. 85-&.
MOJENNOU
BREZONEK
A N HEOL HAG A L LOAR
D'am
c'heneil
Sekretour
gouiziek an Aotrou Jorj
Breuriez-veur ar basneg.
Lacombe,
Daou. ergerzer en eun ostaleri
En em gayas, tost-ha-tost o tibri.
A n eil gand egile en em rejont meurbet,
H a pa zavjont diouz taol 'oant V e l koz vignoned.
)c'h ober hent neuze kevret,
P a voe 'n abardae-noz arri
O deus sellet ouz al loar-gann
A luc'he sioul en oabl, ha splann.
— Setu, ' m e Ber, eul loar ken g w e n n hag an hiai
' Z o a-ispilh a-us da zor an ti
' L e c ' h 'm boe ar blijadur d'ho kijout.
— Tra ! 'me Yann.
A r seurt arouezinti
rs'eo ket en arc'hant gwenn
Hogen en aour m e l e n ;
Ma neket aour, da vihanan
Eo lugernus ha livet eveltan.
Ac'han a-nebeudou e savas breujou
Etre ar geneiled neve.
tenn
— Eun testeni ' m eus g w i r , a lar P e r : oe'h antren
'Barz en ostaleri, 'kave d'in e tleje
Beza hanvet : « D'al loar a Landerne » .
— M e , a deuas gant Y a n n , en petra e sonjen,
'Med en ardameziou
'Vez o skedi 'us bureoiou
A n notered hag ucherien ?
— Skoed hon ostiz, 'me Ber, 'zo gwenn evel peziou
Hanter-Iur, hag eul lur, ha daou;
' V e l ar skoed-man, m'hen tou
Ru-glaou ! —
Ha diouz e yalc'h e tenn eur pez arc'hant,
Eul lagad-ejon, a dal kant
Gwenneg, ugent real, pe bemp lur.
I
— G'houi 'lar
L e i z ho kenaou !
A c'harmas egile ermeaz eus e skiant,
Rak rust e oa an troc'h gantan eun t a m m ;
H a neuze 'lamín
Diouz e c'hodel eur skoed aour-ílamni ;
— S2U1 'vel 'man... —
gaou
FABLES
BRETONNES
LE SOLEIL & LA LUNE
A mon savant ami M. Georges
Lacombe,
secrétaire de l'Académie
basque.
Deux voyageurs se trouvèrent dans une hôtellerie, où ils
prenaient un repas côte-à-côte. Ils se plurent beaucoup; lorsqu'ils
se levèrent de table, c'étaient comme de vieux amis.
Alors, faisant route ensemble, quand le soir arriva ils virent
la pleine lune qui luisait, sereine, au firmament.
— Voilà, dit Pierre, une lune aussi blanche que celle qui
surmonte la porte du log's où j ' a i eu le plaisir de vous rencontrer.
— P o i n t du tout ! dit Jean. Cette enseigne n'est pas en
argent blanc, mais en or j a u n e ; si ce n'est pas de l'or, elle
en a, du moins, l'éclat et la couleur.
De là s'éleva peu à peu une vive discussion entre les nouveaux amis...
— Une preuve que j ' a i raison, reprit Pierre : en entrant dans
l'auberge, j e pensais qu'elle devait s'appeler « A la lune de
Landerneau » .
— M o i , réplique Jean, à quoi pensais-je, sinon à l'écussou
qui brille sur les études des notaires et des huissiers ?
— L'écu. de notre hôte, dit Pierre, est blanc c o m m e les pièces
d'un demi-franc, d'un franc et de deux; c o m m e cet écu, j e le
j u r e par la braise rouge !
Et de sa bourse il tire une pièce d'argent, un « œil-de-bœuf »>
qui vaut cent sous, vingt réaux, ou cinq francs.
— V o u s mentez à pleine bouche ! s'écrie l'autre, perdant tout
sang-froid; car il avait un peu la tête près du bonnet; et tirant
de sa poche un écu d'or brillant : « Voici comme... »
— 756 —
Dao !
— Setu eur stlafad
' V i t ho tiski da brezek dereat !
Tankerru ! n'on ket eur gaouiad.
E n era zigarezit 'vit ho kunujenn zot,
P e m e 'ro d'eoc'h c'hoaz eur balvad
Da gompezan an treou, w a r hoc'h eil j o d [
Evit respond, eur pez taol troad
A dap;
Eur winkadenn eus an dibab.
Da fiap ! da flip ! da flip ! da flap !
Neuze 'stagont d'em grabisat,
D ' e n . e m dourtal, d'en em zourna,
D'em vleoata,
Da gas em ziskar, em daga
Gant kement nerz o deus ha gwidre...
A r c'h rogad
P ' e d o en e wasa
Gant tousmac'h ha soroc'h,
— Paouezit 'ta !
A skrij eur vouez distak; petra ' c'hoarve ganeoc'h
M'en em gannit e-giz loened mut, v a breudeur ?
D'ho iakat a-unan, kentoc'h
Perak n' it ket da gavout ar barneur
A beoc'h ? —
A r c'huzulier c'houek-Se, karget a furnez veur,
A oa eur beleg koz o tremen dre an hent.
Gwall-vezekaet, int a eure kerkent
A r z a o , ha d ' o barn hén e-unan hen ped'jont.
A n eil goud' égile e z'splegas e gond.
A n den Doue, dre ma komzent,
A c'hoarze a-greiz e g a l ó n ;
A-greiz e galón 'n eus c'hoarzet,
H a g o c'haoziou p ' en devoe peurglevet,
E n deus gouelet,
D'ar vreutaerien simudet g a n d estpn
E r w a n A r Goff, 'n aotrou person,
A lavaras : — Róet
Pep-hini ac'hanoc'h e bez moneiz d'in-me,
H a deut ganin bete 'n davarn
A voe aheg ken g w a z c'hoari-daouarn
Etrezoc'h-c'houi; eno ' v o diskleriet ho parn
Ha diskouezet ar wrrione. —
H a m o n t o zri...
A-ziouc'h an ñor ec'h ispilhe
Eur piad w a r an tu déou melen
H a w a r an tu klei, g w e n n ;
A n ostaleri-ze
« D'an heol ha d'al loar » , oa hanvet,
Gand eun diviz 'velse skrivet :
Vlan !
— Voilà une giffle pour vous apprendre à parler poliment !
Morbleu ! j e ne suis pas menteur... Présentez des excuses pour
votre sotte injure, ou je vous donne encore une giffle sur l'autre
joue, pour rétablir l'équilibre !
E n réponse, c'est un grand coup de pied qu'il reçoit, une
ruade bien conditionnée. Clic ! clac ! clic ! clac ! Ils se mettent
à se frapper, à s'égratigner, à se choquer, à se prendre aux cheveux, à essayer de se renverser, de s'étrangler, en déployant tout
ce qu'ils ont de vigueur et d'astuce...
A u moment où la lutte était le plus enragée, avec de rudes
poussées et des grognements :
— Arrêtez donc ! crie une voix nette; qu'avez-vous à vous
battre comme des bêtes brutes, mes frères ? Pour vous mettre
d'accord, que n'allez-vous trouver le juge de paix ?
• Ce bon conseiller, plein d'une sagesse auguste, était un vieux
prêtre qui passait, sur la route. Tout confus, ils firent trêve
aussitôt, et les prièrent de les juger lui-même. L'un après
l'autre expliqua son affaire.
L'homme de Dieu, pendant qu'ils parlaient, riait de tout son
cœur; de tout son cœur il a ri; et quand il eut entendu jusqu'au
bout leurs dires, il a pleuré.
A u x plaideurs muets d'étonnement, monsieur le curé Yves
Lefèvre a dit : — Que chacun de vous me remette sa pièce de
monnaie; et retournez avec moi à l'auberge q u i vous a faits
si vilainement en ven:r aux mains. C'est là que sera probablemée votre sentence, et manifestée la vérité. » Ils s'en vont tous
les trois.
Au-dessus de la porte pendait un plat, jaune du côté droit
et blanc du côté gauche; « Au soleil et à la lune » était le
nom de l'hôtellerie, avec un écriteau ainsi conçu :
— 758 —
« D a luc'h an heol,
D a sked al loar, tud w a r varc'h pe w a r droad,
E k a v an holl
' V i t dister-briz ama bod ha boued mat. »
— Breman, 'me an abad,
Gwelout a rit aval
Perak V h o a r z e n ouz ho selaou :
A r g w i r , hep gouzout d'eoc'h, a oa ganec'h ho taou;
H a perak, goude, 'ouelis dru;
i Gant peb-unan, hep goüt d'ezan, ed'o ar gaou;
O verzout reiz, endeeun, unan eus an daou du,
N e brizje ket sellet ouz an tu-all.
T u d uratuek a zo gwasoc'h 'vit hanter-dall :
Ouspenn dre spered berr,
Pec'hi a reont dre galón fall
Enep karantez hag eeunder
Gourc'hemennet d'eomp holl gant Jezuz hon Salver,
O tispenn o nesa dre bep sord flipadou
Plateun, o skilfou.
Elec'h en em glevout da glask eun tredeog
Gouest da zisvarn an dra, morc'hed ebet n 'o deus
E n o zu o-unan da drouc'ha grons ha rok.
A c ' h a n o e tired, siouaz, lies gwall-freuz,
Kas, ha skuilhadeg gwad, mez ha dtemantr, ha'réuz...
^ec'herien geiz, e v i t ho pinijen
H o taou bez pemp lur, 'n hini g w e n n
Evel al loar, hag an himi nielen
Evel an heol, en p r o f a v o ganeoc'h kaset
D'ar Gevredigez 'zo savet
Gand eur strollad *tud vat evit lakat da ren
« A r Peoc'h dre ar g w i r » en holl bed.
— Gand ar seurt tell-gastiz gwenn-kann,
E m e Ber, m e 'lakay unan
E n aour, e gwir-arouez da c'hlac'har d'ara fec'hed.
— Ha m e a roy eun all en arc'hant, eme Y a n n ,
E n koun d'hon c'heneilded,
' Z o 'vit mat adskoulmet.
— Mat ! eme ar beleg; brema n'ankouait k e t :
Arabat barn dioustu :
Sellit ouz an daou du.
BARZ AR GÓUED,
Rener
Breuriez-veur
ar
brezoneg.
« A la lueur du soleil, au clair de la lune, cavaliers otf
piétons, chacun trouve ici, à bon marché, bon gîte et bon repas. »
— A présent, dit l'abbé, vous voyez clairement pourquoi j e
riais à vous entendre : vous avez raison tous les deux sans î e
savoir; et pourquoi, ensuite, j e pleurai amèrement : chacun, à
son insu, avait tort; il apercevait bien l'un des côtés, mais ne
prenait pas la peine de regarder l'autre. L e s gens partiaux sont
plus qu'à moitié aveugles : ils ne pèchent pas seulement par
petitesse d'esprit, mais aussi par mauvais cœuir, contre la charité
et la justice q u e nous c o m m a n d e à tous Jésus notre Sauveur,
déchirant de toute façon leur prochain à coups d e langue et de
griffes. A u 'lieu d e s'entendre pour chercher un arbitre capable
d'apprécier le litige, ils s'arrogent le droit de décider orgueilleusement dans leur propre sens. D e là proviennent, hélas ! bien
des malheurs : haine, effusion de sang, honte, ruines, désastres...
t •
Pauvres, pécheurs, pour v o t r e pénitence, vous enverrez vos
deux pièces de cinq francs, celle qui est blanche c o m m e la hine
et celle qui est j a u n e c o m m e le soleil, en offrande à la Société
que des hommes de bien ont fondée pour faire régner dans l e
monde entier « la P a i x par l e D r o i t » .
— Oui, dit Pierre, et à cette pièce blanche d'amende j ' e n
ajouterai une en or, en témoignage de m o n sincère repentir.
— E t moi, dit Jean, j ' e n donnerai une autre en argent, en
l'honneur de notre amitié, q u i est renouée pour toujours !
— Bien ! dit- le prêtre. Maintenant, ne l'oubliez point :
11 ne faut
pas juger
trop
vite;
regardez
les deux
côtés
!
E . ERNAULT,
Président
de l'Académie
bretonne,
'
CHRONIQUE
—
——
^
v-x-t
A QUIMPER
A u COÛTS de llhiver 1923-1924, des cours d'enseignement supérieur des
lettres auront lieu à. Quimper, au Musée départemental. Dans le programme
des conférences, mous signalons Oelles relatives à la Bretagne :
P a r M . Brégeon, professeur agrégé des l e t t r e s : Brizeux : L'Homme
(29 nov.) ; — L e Poète : I
Les ihèmes •d'inspiration (3 j a n v i e r ) ; 2 ° La
Bretagne dans l'œuvre de Brizeux (31 janvier) ; — L'Artiste : sa poétique.
Conclusion (20 f é v r i e r ) .
Par M . Ruellan, professeur agrégé d'histoire et de géographie : Pour
comprendre les paysages bretons, étude géographique, avec projections (24 novembre, 15 décembre, 19 janvier et 15 février).
o
LOUABLE
•
INITIATIVE
Pour ne pas vivre en étranger en Bretagne, pour connaître les ehefsd'œuvre uniques de notre littérature nationale autrement qu'à travers des
traductions plus ou moins exactes, il faut apprendre le breton.
Pour répondre à ce besoin, Unvaniez yaouankiz Vreiz a doté la capitale
de la Bretagne d'un « o u r s public de langue bretonne.
.«Ce coups a lieu tous les dimanches, de 9 heures à 10 heures, au local
des Mignoned Breiz lzel, 1, rue d u Ghamp-de-Mars ( 1 étage).
I l vise à des résultats pratiques : apprendre à lire le breton et ô
entendre une conversation usuelle.
Contrairement à l'opinion courants, l'étude du breton — au moins en
ce qui concerne la lecture — est facile.
.'
Ce cours est'gratuit, et ouvert* à tous.
e r
L ' A R T BRETON, L'EXPOSITION INTERNATIONALE
DES A R T S APPLIQUÉS
e
e
Lès présidents des 5 et 6 régions économiques, les présidents des
comités des arts appliqués de la région die Nantes et de celle de Rennes,
les directeurs des écoles des Beaux-Arts des mêmes régions, ainsi que des
représentants de l'Union .régionaliste et de- la Fédération régionaliste, réunis
récemment à. Nantes, ont décidé la formation d'un comité de défense da
l'Ajrt breton qui centralisera les efforts de tous les organismes existants.
l.e comité comprend notamment : M . Jean-Julien Lemordant, MM. Deniau
et Vullemin, les présidents des chambres de commerce des' cinq départements
bretons, M. Doltin, doyen de la Faculté de Rennes, M . le marquis de l'Estourbeillon, M . Cholcau, M . l'abbé Bossard du Clos, etc.
Dans la séance du matin, le président, après avoir montré, dans un
exposé d'ensemble, la situation toute particulière .dans laquelle se trouve
la Bretagne", insista sur la nécessité d'obtenir, dès maintenant, du Pouvo.r
«entrai, des garanties qui permettront à nos industriels e t à nos artisans
d e participer à l'exposition internationale des arts appliqués.
L a séande d e l'après-midi fut consacrée à l'étude de différents projets.
Toutes les solutions susceptibles de mettre en valeur l'extrême variété et
la profonde originalité! des œuvres de nos industriels e t de nos artisans
furent examinées et ensuite adoptées par les délégués qui, avant de se
séparer, procédèrent à 'la nomination du nouveau comité.
^
l* gérant
; J. O u ï r a s , 17, rue de Brest; l*ndernea«.