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Diélectriques Courants de conduction par Yvan SEGUI Directeur de Recherches au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) Laboratoire de Génie électrique ESA 5003. Université Paul Sabatier 1. 1.1 1.2 Généralités................................................................................................. Conduction et structure des matériaux ..................................................... 1.1.1 Rappel sur la théorie des bandes ...................................................... 1.1.2 Métaux-Semi-conducteurs-Isolants .................................................. 1.1.3 Isolants réels ....................................................................................... Courants de conduction, de diffusion, de déplacement et de polarisation ......................................................................................... D 2 301 - 2 — 2 — 2 — 2 — 3 — 4 2. Conduction dans les gaz........................................................................ — 4 3. Conduction ionique ................................................................................. — 5 4. 4.1 Conduction électronique ....................................................................... Mécanismes contrôlés par l’interface ........................................................ 4.1.1 Généralités .......................................................................................... 4.1.2 Effet thermoélectronique (ou effet Schottky) ................................... 4.1.3 Effet Fowler-Nordheim ....................................................................... Mécanismes contrôlés par le volume du diélectrique.............................. 4.2.1 Courants limités par charge d’espace............................................... 4.2.2 Effet Poole-Frenkel.............................................................................. 4.2.3 Conduction par saut (hopping).......................................................... 4.2.4 Courants résultant de l’orientation dipolaire ................................... 4.2.5 Cas des courants non réversibles ..................................................... 4.2.6 Polarisation interfaciale...................................................................... — — — — — — — — — — — — 5 6 6 6 7 7 7 8 9 9 11 12 Références bibliographiques ......................................................................... — 12 4.2 ans cet article, on s’intéresse aux mouvements de charges sur des distances beaucoup plus importantes que quelques distances interatomiques. Les courants que l’on va mesurer sont même dus, pour une large part, à des porteurs qui, injectés à partir d’une des électrodes, vont traverser l’épaisseur du matériau. Gardons tout de même en mémoire le fait qu’un mouvement localisé de porteur donnera lieu à un courant mesurable dans le circuit extérieur, même si le porteur ne sort pas du diélectrique. Mesurer la conduction dans un diélectrique peut, à priori, apparaître comme paradoxal ou inutile, puisque sa fonction principale est, en général, d’assurer une isolation. Toutefois, ce que l’on appelle communément des isolants sont des matériaux dont la résistivité varie de quelques 108 Ω · cm jusqu’à 1018 Ω · cm ou plus. Cette variation de plus de 10 décades suggère fortement que plusieurs phénomènes ou mécanismes de conduction peuvent générer des courants. En outre, d’un point de vue des composants et des systèmes, deux aspects sont extrêmement importants : — le cas de l’utilisation des matériaux à très faibles pertes (par exemple, les condensateurs) ; D Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 1 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ — le cas où l’évolution des très faibles courants de conduction est le signe avant-coureur d’une dégradation des propriétés du matériau d’isolation qui va, à terme, mettre fin à la vie du dispositif. Il est donc utile, voire indispensable dans certains cas, de pouvoir mesurer, analyser et comprendre l’origine des courants de conduction qui apparaissent dans les isolants lorsqu’ils sont soumis intentionnellement ou non à un champ électrique. Cette nécessité est renforcée par le fait que l’évolution actuelle du matériel en construction électrique tend vers des puissances massiques et des températures de fonctionnement plus élevées. Cette évolution conduit à un accroissement des contraintes, notamment électriques, sur les isolants et ne permet plus la solution de facilité qui consistait à augmenter l’épaisseur d’isolation, mais nous oblige à une utilisation plus proche des limites de tenue des matériaux diélectriques. Nota : le lecteur se reportera utilement à l’article [D 2 300] Diélectriques. Bases théoriques [10]. 1. Généralités Énergie E 1.1 Conduction et structure des matériaux Énergie E Bande de conduction Bande interdite 1.1.1 Rappel sur la théorie des bandes Bande de valence Les théories de la conduction consistent à décrire les phénomènes d’injection et de mouvements de porteurs sous l’action d’un champ électrique. Outre ce champ extérieur, les porteurs sont, dans la matière, en interaction avec les atomes et les molécules ; l’outil qui nous permet de décrire ces interactions dans la matière organisée est connue sous le nom de théorie des bandes. Cette théorie est parfaitement établie pour les solides monocristallins (voir, par exemple [1]). Rappelons-en ici les résultats principaux qui nous seront utiles pour décrire les mécanismes de conduction. Cette description s’adresse aux porteurs de type électron ou trou (défaut d’électrons) ; le cas des ions échappe à ce type d’analyse et sera envisagée au paragraphe 3. a Dans les bandes autorisées, le nombre de places varie en fonction de l’énergie comme une fonction N (E ) (figure 1 b ), mais reste, de toute façon, suffisamment élevé pour que l’on puisse l’assimiler à un continuum. Aucun porteur ne peut exister avec une énergie correspondant à la bande interdite. Le nombre d’électrons n (E ) susceptibles de participer à la conduction est déterminé par le produit de la fonction N (E ) [nombre de places disponibles] par une fonction f (E ), qui exprime la probabilité que ces places soient occupées. Cette fonction f (E ) est appelée fonction de Fermi et s’écrit : k D 2 301 − 2 b densité d'état EF est une valeur particulière de E appelé niveau de Fermi, dont la valeur est liée à la nature du matériau étudié. L’allure de la fonction f (E ) est donnée sur la figure 2 b). A T = 0K, f (E ) prend la valeur : 1 pour E < EF et 0 pour E > EF L’augmentation de T tend à « adoucir » la marche d’escalier, mais on reste quand même assez proche d’une transition abrupte. En pratique, cela signifie que le niveau de Fermi sépare le domaine d’énergie où les places occupables seront occupées de celui où les places occupables seront vides. 1.1.2 Métaux-Semi-conducteurs-Isolants (1) ■ Si la valeur du niveau de Fermi EF est située dans le domaine d’une bande d’énergie autorisée, la répartition en énergie de la densité électronique n (E ) est donné par la figure 2 c qui est le résultat des produits des fonctions représentées sur les figures 2 a et 2 b. constante de Boltzmann et T température thermodynamique, On voit que n’importe quel petit accroissement d’énergie fourni aux porteurs (par exemple à partir d’un champ électrique) peut être accepté, puisque, dans la zone où se trouvent les porteurs d’énergie 1 f ( E ) = ---------------------------------------------------------1 + exp [ ( E Ð E F ) ⁄ kT ] avec diagramme de bandes Figure 1 – Diagramme d’énergie des porteurs dans un matériau isolant La répartition en énergie des porteurs dans un matériau détermine largement les propriétés de conduction. La mécanique quantique nous apprend que, dans un solide cristallin, les porteurs ne peuvent pas acquérir n’importe quelle énergie. Il existe des bandes d’énergie permises (de valence et de conduction, § 1.1.2) et des bandes d’énergies interdites (figure 1 a ). N (E) Distance Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _______________________________________________________________________________________________________________________ DIÉLECTRIQUES Énergie E Énergie E On voit que, si ces conditions sont réunies pour les métaux, elles ne le sont que très faiblement pour les semiconducteurs et pratiquement pas pour les isolants. Énergie E En effet, des porteurs existent bien dans la bande de valence mais, comme toutes les cases disponibles sont presque totalement remplies, ils ne pourront pas bouger. f (E) à T = 0 K EF N (E ) a densité d'état Dans la bande de conduction, il existe, par contre, très peu de porteurs car f ( E ) ≈ 0 . 0 b 0,5 1 f (E ) fonction de Fermi n (E ) c densité des porteurs Le produit de la densité d'état par la fonction de Fermi donne la densité de porteurs en fonction de l'énergie Énergie E Ec ■ De nombreux travaux (par exemple, [2], [3]) se sont attachés à montrer les effets du désordre structural sur les résultats de la théorie de bandes. Sans entrer dans les détails qui dépassent largement le cadre de cet article, il ressort que, moyennant quelques modifications, les conclusions essentielles de la théorie des bandes restent acceptables pourvu que l’ordre à courte distance soit conservé. Cela est le cas des solides et des liquides. Si l’on veut s’en convaincre, il suffit de mesurer la conductivité d’un isolant ou d’un semicristallin à l’état solide, puis à l’état fondu. On n’observe pratiquement pas de discontinuité lors du passage à l’état liquide. Énergie E Ec Ef Ev Ev N (E ) a densité d'état 0 b 1 f (E ) fonction de Fermi n (E ) c 1.1.3 Isolants réels Les éléments théoriques développés dans les paragraphes 1.1.1 et 1.1.2 supposent un réseau d’atomes périodique et infini. Ce n’est évidemment pas le cas des isolants réels qu’ils soient solides, liquides ou gazeux. Figure 2 – Métal : densité d’état, fonction de Fermi et densité de porteurs en fonction de l’énergie Énergie E De par la forme de la fonction de Fermi f (E ), cet effet sera d’autant plus marqué que Ec et Ev seront éloignés de EF, autrement dit que la bande interdite sera large. densité de porteurs Figure 3 – Semi-conducteur ou isolant : densité d’état, fonction de Fermi et densité de porteurs en fonction de l’énergie les plus élevés, on se trouve dans un continuum d’état et que les états immédiatement supérieurs aux états occupés d’énergie les plus élevés sont inoccupés. Cette situation est typiquement celle des métaux. ■ Si la valeur de EF est située dans le domaine d’une bande d’énergie interdite, la répartition en énergie des électrons est donné sur la figure 3. On voit que, pratiquement, tous les états situés dans la bande inférieure sont occupés par des électrons alors que tous les états situés dans la bande supérieure sont vides. Ces deux bandes sont bien entendu séparées par la bande interdite où il n’y a ni place pour les électrons, ni, par conséquent, d’électrons. On appelle généralement Ec et Ev les bornes supérieure et inférieure de la bande interdite. Un porteur sera situé dans la bande de conduction si son énergie est supérieure à Ec et dans la bande de valence si son énergie est inférieure à E v . Cette situation est celle des semiconducteurs et des isolants. La seule différence entre ces deux types de matériaux réside dans la largeur de la bande interdite Ec-Ev ; elle est de l’ordre de 1 eV pour les semiconducteurs et peut atteindre 6 à 8 eV pour les isolants. Physiquement, cela peut aussi s’admettre en observant que les longueurs et angles des liaisons entre atomes ne peuvent pas beaucoup changer sans se rompre c’est-à-dire sans destruction du matériau (quelques pour-cent pour les longueurs et quelques degrés pour les angles). Les ajustements aux résultats de la théorie des bandes, qu’il faut introduire pour expliquer le comportement des matériaux non cristallins, sont les suivants. Les frontières entre la bande de valence, la bande interdite et la bande de conduction ne sont plus parfaitement définies à un niveau donné et on peut trouver une certaine densité d’états occupables dans ce qui était précédemment la bande interdite. Ces états, qui sont occupés ou vide selon leur position par rapport au niveau de Fermi, sont dits « localisés », car ils sont énergétiquement distincts de leurs plus proches voisins. Par conséquent, la mobilité des porteurs occupant éventuellement ces états sera de plus en plus faible au fur et à mesure que l’on se rapproche du milieu de la bande de conduction. Les diagrammes de la densité de porteurs et de leur mobilité peuvent alors se représenter par les figures 4 a et 4 b. Énergie E Ec Ev ■ Pour que des porteurs puissent se déplacer sous l’action du champ électrique, il faut réunir deux conditions : — il faut que de tels porteurs existent ; — il faut que, à distance énergétique proche, il y ait des places disponibles. Énergie E N (E ) a densité d'état b mobilité Figure 4 – Matériau non cristallin : densité d’état et mobilité électronique Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 3 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ ■ Pour les gaz, même l’ordre à courte distance est inexistant ; l’approche est fondamentalement différente. Nous l’aborderons brièvement au paragraphe 2. Pour une analyse plus détaillée concernant les gaz le lecteur se reportera aux références [11] et [12]. En fonction des valeurs de capacité et résistance équivalente du circuit et de la source d’alimentation, la constante de temps de décroissance de la densité JD du courant de déplacement varie. Elle est, dans la plupart des cas, assez courte (typiquement inférieure à 1 s). Toutefois, lors de mesures des courants aux temps courts, elle peut être largement prédominante tout en étant sans aucune relation avec un déplacement physique d’un porteur de charge à l’intérieur du matériau. 1.2 Courants de conduction, de diffusion, de déplacement et de polarisation 2. Conduction dans les gaz Nous étudierons, dans la suite de cet article, le mouvement de porteurs entrant au niveau de l’une des électrodes et, éventuellement, sortant par l’autre. Il existe cependant deux autres sources de courant qu’un mesureur de courant placé en série avec l’échantillon est incapable de discerner des premières ; ce sont les courants de déplacement et les courants de polarisation. Le comportement des gaz, utilisés en tant qu’isolants, est détaillé dans l’article Gaz isolants [13]. On ne donne ici qu’un bref aperçu, en signalant que leur comportement est tout à fait différent de celui des liquides et des solides diélectriques à cause de la faible densité de matière et des libres parcours moyens des espèces qui y sont beaucoup plus importants. La conduction dans les liquides et les solides diélectriques peut être analysée à partir de cette description du matériau. Nous l’aborderons dans les paragraphes 3 et 4. L’expression générale de la densité de courant, mesurée dans le circuit extérieur, due à l’application d’une différence de potentiel entre les deux faces d’un diélectrique s’écrit : ∂n (x,t ) ∂D (x,t ) j ( t ) = q n ( x , t ) µ ( E , t ) E ( x , t ) Ð q D n ---------------------- + ---------------------∂x ∂t (2) Par souci de simplicité, on a ici restreint le problème au cas unidimensionnel et on a considéré un seul type de porteurs. Dans cette expression, on a : q n (x , t ) µ ( E ,t ) E (x , t ) Dn charge élémentaire (= 1,602 · 10−19 C) ; densité de porteurs à l’abscisse x à l’instant t ; mobilité des porteurs ; champ local à l’abscisse x, à l’instant t, résultant de l’application de la différence de potentiel aux bornes du diélectrique ; constante de diffusion des porteurs, liée à leur mobilité par la relation d’Einstein ; D (x,t ) vecteur induction électrique. Pour un diélectrique qui présente une polarisation P, l’induction D est donnée par la relation : D (x , t ) = ε 0 E ( x ,t ) + P (x ,t ) (3) εo étant la permittivité du vide. L’expression de la densité de courant peut alors s’écrire : ∂E ∂P j ( t ) = j ( x , t ) + ε 0 ------- + ------∂t ∂t (4) ■ Le comportement d’un gaz sous champ électrique est généralement représenté par la caractéristique tension-courant. Elle a, en champ homogène, l’allure représentée sur la figure 5. ● De l’origine de cette courbe jusqu’au point A, nous avons des régimes dits non autoentretenus pour lesquels le courant, en général très faible, dépend de l’apport d’une source extérieure de rayonnements ionisants. ● À partir du point B, le champ appliqué conduit à une ionisation du gaz suffisante pour que l’on puisse considérer que le gaz devient conducteur de l’électricité. Dans une analyse plus fine on distingue plusieurs régimes de décharge : — entre B et C : décharge sombre ; — entre C et F : décharges luminescentes subnormale (C à D), normale (D à E) et anormale (E à F) ; — au-delà de F, on assiste à une transition vers un arc électrique pouvant véhiculer des courants très intenses. ■ Du point de vue des qualités d’isolation, c’est évidemment la position du point B qui est importante. Elle dépend de la nature du gaz, mais aussi de sa pression et de l’épaisseur de la lame de gaz aux bornes de laquelle est appliqué la tension. Les courbes qui donnent la valeur de la tension au point B en fonction du produit pd de la pression par la distance interélectrodes sont connues sous le nom de courbes de Paschen. Ces courbes ont été tracées pour tous les gaz usuels (on peut consulter [4] et [5]). À titre d’exemple, la figure 6 représente quelques courbes pour des gaz simples. j (x,t ) étant la densité de courant local à l’abscisse x et à l’instant t : ∂n (x,t ) j ( x , t ) = qn ( x , t ) µ ( E , t ) E ( x , t ) Ð qD n ---------------------∂ tx (5) Tension Ce courant est composé : — d’un courant dû au mouvement de charges sous l’action du champ (courant de conduction) ; — d’un courant dû au mouvement de charges sous l’action de leur gradient de concentration (courant de diffusion). ● ε0 ∂E/∂t et ∂P/∂t sont respectivement les courants de déplacement et les courants de polarisation. Les deux sont des courants transitoires qui décroissent jusqu’à s’annuler avec le temps. Nous discuterons des courants de polarisation au paragraphe 4.2.4, quand nous envisagerons les conséquences en termes de courant de l’orientation dipolaire. Le courant de déplacement ε0 ∂E/∂t est lié à la variation de champ électrique. C’est, par exemple, le courant transitoire recueilli aux bornes d’un condensateur à air soumis à un échelon de tension. D 2 301 − 4 F B C D E A Courant Figure 5 – Caractéristique tension − courant d’un gaz Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _______________________________________________________________________________________________________________________ DIÉLECTRIQUES Énergie V (V) Air 2 104 8 6 4 2 H2 8 6 4 Ne He φd A ld N2 li Ar 2 Distance 102 10 –1 φi φ 103 2 4 6 8 1 2 4 6 8 10 2 4 6 8 10 2 2 4 6 8 pd (cm . Torr) 10 3 Le Torr, bien qu'unité non légale, est l'unité usuelle pour ces mesures; en fonction de l'unité normalisée, on a : 1 Torr = 133,3224 Pa. Figure 6 – Courbes de Paschen pour quelques gaz simples L’allure générale est semblable pour tous les gaz et indique qu’il existe une valeur du produit pd qui rend l’amorçage de la décharge plus facile. Pour un maximum de tenue à la tension, il faut donc s’éloigner de cette zone. Figure 7 – Position d’un ion dans une série de puits de potentiel soumis à un champ électrique extérieur ■ Les courants direct Id et inverse Ii sont respectivement propor( φ Ð q ,d E ) ( φ + q ,i E ) tionnels à exp Ð ---------------------------- et exp Ð --------------------------- . Le courant total kT kT est la somme algébrique des deux. En faisant l’hypothèse de sites uniformément distribués on peut considérer : ,d = ,i = , La densité du courant total s’exprime alors par : q,E J = J 0 sh ----------- kT 3. Conduction ionique ● Des ions, en plus ou moins grandes quantités, existent dans tous les matériaux diélectriques. Ils proviennent d’impuretés, dépendant des procédés de fabrication, des processus d’ionisation liés, par exemple, à l’absorption de rayonnement, des processus de dégradation du matériau ou, encore, de l’absorption de contamination, comme des molécules d’eau qui peuvent, en se dissociant, former des ions OH−. Le transport des ions se différencie de celui des électrons par deux facteurs principaux : — la taille des espèces transportées est incomparablement plus importante et les simples effets stériques peuvent, à eux seuls, expliquer que les mobilités ioniques sont inférieures, de plusieurs ordres de grandeurs, aux mobilités électroniques ; — le transport d’ions résulte en un transport de matière. Cas des champs faibles Si q, E << kT alors : q,E J = J 0 ----------kT Le courant est alors proportionnel au champ électrique et on obtient un comportement ohmique. ● Cas des champs forts On a typiquement des valeurs de champ de l’ordre de 107 V/m. On peut alors négliger le courant inverse par rapport au courant direct. Le courant s’écrit dans ce cas : (φ Ð q,E) J = J 0 exp Ð ------------------------kT ■ Le mécanisme de transport est, en fait, une série de sauts audessus des barrières de potentiel, qui permet aux ions de se mouvoir d’un site à un autre. Ces barrières de potentiel sont créées par la structure locale du matériau et sont modifiées par le champ électrique extérieur appliqué. La figure 7 décrit cette situation. Dans un diagramme ln J = f (E ), on doit donc obtenir une droite dont la pente q , ⁄ kT permet de calculer la distance moyenne des sauts. Si φ est la profondeur du puits de potentiel que voit un ion situé en A en l’absence de champ appliqué, la hauteur de barrière qu’il aura à franchir lorsqu’on applique un champ E est : — dans le sens direct : 4. Conduction électronique φd = φ Ð q ,d E — dans le sens inverse : φi = φ + q ,i E Imaginons les phénomènes de conduction comme un flux de porteurs entrant dans le diélectrique, puis étant transporté au sein de celui-ci pour, enfin, ressortir par l’autre face. Il est clair que le flux maximal pour un champ donné sera contrôlé par celle des trois étapes autorisant le flux le plus faible. Donc ce flux de porteurs sera soit contrôlé par des phénomènes d’interface électrode-diélectrique, soit par des phénomènes de volume au sein du diélectrique. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 5 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ Ec φ0 lnJ 1 βs kT φ 3 EF 2 Métal Diélectrique ln AT 2 – Ev φo kT Distance Figure 8 – Diagramme de bande à l’interface électrode métalliquediélectrique E 1/2 (V1/2 .m1/2) On remarquera les valeurs théoriques de la pente et de l'ordonnée à l'origine 4.1 Mécanismes contrôlés par l’interface Figure 9 – Variation dans un diagramme semi-logarithmique, de la densité de courant en fonction du champ électrique pour un mécanisme d’injection de type Schottky 4.1.1 Généralités La figure 8 représente le schéma de bande à l’interface électrode métallique-diélectrique. EF est le niveau de Fermi du métal d’électrode, et ne dépend que de la nature de ce métal. Ev et Ec sont respectivement les énergies correspondant au niveau supérieur de la bande de valence du diélectrique et au niveau inférieur de la bande de conduction. Dans le métal, on trouve des électrons disponibles jusqu’au niveau de Fermi et pratiquement aucun au-dessus. Un électron situé au niveau EF à la cathode (métal de gauche sur la figure 8) a trois possibilités pour pénétrer dans le diélectrique où il doit arriver jusque dans la bande de conduction pour pouvoir participer au transport : — voie 1 : passage par dessus la barrière ; elle est appelée effet thermoélectronique (ou plus communément effet Schottky) ; — voie 2 : passage au travers de la barrière à énergie constante ; — voie 3 : passage au travers de la barrière après un gain d’énergie (énergie thermique kT par exemple). Les voies 2 et 3 sont appelées effet Fowler-Nordheim et sont traitées comme l’effet tunnel à travers une barrière d’énergie triangulaire. 4.1.2 Effet thermoélectronique (ou effet Schottky) Il s’agit du trajet 1 sur la figure 8. ■ La hauteur de barrière φ que doit franchir un porteur issu de l’électrode métallique est déterminée par trois facteurs : — la hauteur de barrière, en l’absence de champ appliqué : φ 0 = Ec − EF où Ec est le niveau de la bande de conduction de l’isolant et EF le niveau de Fermi du métal ; — le champ électrique extérieur, appliqué au système ; il est supposé uniforme dans l’isolant et donc égal à V/L où V est la différence de potentiel appliqué entre les deux électrodes et L l’épaisseur de l’isolant ; — l’énergie liée à la force image ; cette force est due au champ électrostatique créé par l’électron qui s’éloigne du métal et par la charge de signe opposé induite par l’électron à la surface de ce D 2 301 − 6 métal. Cet effet est bien décrit dans les livres d’électrostatique classique ; par exemple on peut consulter la référence [6]. Le calcul détaillé [7] montre que la hauteur de barrière est donnée par : φ = φ0 − βSE 1/2 La constante de Schottky βS est donnée par : βS = (q3/4εr ε0)1/2 εr étant la permittivité relative du diélectrique. ■ La densité de courant (quantité de charge par unité de temps et de surface d’électrode) est alors donnée par : ( φ0 Ð βS E 1 ⁄ 2 ) (φ) J = AT 2 exp Ð ------- = AT 2 exp Ð ----------------------------------kT kT (6) où A, constante de Richardson-Schottky, est donnée par : A = 4πmk2/h3 = 120 A/cm2 avec m masse de l’électron, h constante de Planck. ■ Pour reconnaître si un courant est contrôlé par ce type de mécanisme, il suffit d’exploiter la relation (6). On peut l’écrire : φ βS E 1 ⁄ 2 ln J = ln ( AT 2 ) Ð ------0- + -----------------kT kT (7) Un graphe liant lnJ à E1/2 doit être une droite (figure 9). On peut calculer la pente théorique de cette droite, βS /kT, et la comparer à la pente expérimentale. L’ordonnée à l’origine de cette droite vaut φ ln AT 2 Ð ------0- et sa valeur expérimentale permet de calculer φ0 . kT Par ailleurs, si l’on a possibilité d’étudier des échantillons dont on peut changer la nature des électrodes, on peut avoir une action Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _______________________________________________________________________________________________________________________ DIÉLECTRIQUES directe et quantifiable sur EF (qui ne dépend que de la nature du métal) et donc sur φ 0 = E c − EF 4.2.1.2 Équations fondamentales Dans le cas simple où l’on suppose un seul type de porteurs (ici, des électrons) et un système undimensionnel, les phénomènes de transport sont décrits par quatre équations : Intervenant dans l’exponentielle, un changement de nature du métal d’électrode peut entraîner une variation supérieure à une décade de la densité de courant traversant l’échantillon. ∂n (x,t ) j ( x , t ) = qn ( x , t ) µE ( x , t ) Ð D n ---------------------∂x (9) ∂E (x,t ) qn ( x , t ) ---------------------- = ---------------------εr ε0 ∂x (10) ∂n (x,t ) ∂j (x,t ) -------------------- = q ---------------------∂t ∂x (11) ∫E x t (12) 4.1.3 Effet Fowler-Nordheim Il s’agit des trajets 2 et 3 sur la figure 8. ■ En première approximation, la densité de courant qui régit ce type de mécanisme [8] est donnée par : j = AE2 exp (− B/E ) avec (8) q3 A = ----------------- , 8π hφ 0 B = 4 ( 2 m ) 1 / 2 φ 03 / 2 ■ Il est aisé de reconnaître si un courant est contrôlé par ce type de mécanisme. En effet, c’est le seul mécanisme ayant une dépendance en exp(− 1/E ) ; donc un graphe : ln ( j/E2) = f (1/E ) doit être une droite. C’est, également, le seul mécanisme sur lequel la température a un effet négligeable. Tous les autres sont activés thermiquement selon des lois du type exp(− W/kT), où W est une énergie d’activation caractéristique du processus physique envisagé. V = ( , ) dx La relation (9) exprime que le courant local est, à tout instant, la somme d’un courant de transport sous l’action du champ local et d’un courant de diffusion lié à un gradient de concentration de charge. Dans le calcul, on néglige très souvent le courant de diffusion, car les valeurs des coefficients de diffusion Dn pour les diélectriques sont très faibles. Cette approximation est, en général, légitime, sauf aux endroits où le gradient de concentration dn/dx est très important, notamment près des électrodes. La relation (10) est la traditionnelle équation de Poisson ; elle exprime que le champ électrique local est lié à la distribution de charge dans le volume entier du diélectrique. La relation (11) est l’équation de continuité ; elle exprime qu’une variation dans l’espace du courant (donc du flux de charge par unité de temps) doit s’accompagner d’une variation de la densité de charge locale dans le temps. La relation (12) est l’expression bien connue selon laquelle le champ dérive du potentiel. 4.2.1.3 Expression des lois courant-tension 4.2 Mécanismes contrôlés par le volume du diélectrique Une solution exhaustive de ce système d’équations différentielles couplées et non linéaires est extrêmement lourde. On privilégie une approche simplifiée pouvant aboutir à des expressions analytiques liant le courant à la tension appliquée. 4.2.1 Courants limités par charge d’espace ■ On peut d’abord considérer le régime stationnaire pour lequel [∂/∂t = 0] dans les équations. Un traitement exhaustif de ce problème est donné dans la référence bibliographique [9]. En négligeant le courant de diffusion, en supposant µ = Cte et qu’il n’existe ni porteurs intrinsèques, ni pièges dans le diélectrique, on arrive à la relation : 9 V2 J = --- ε r ε 0 µ -----8 L3 4.2.1.1 Concept Dans les mécanismes de transport que nous verrons dans la suite de ce paragraphe 4.2, on considérera des phénomènes physiques locaux dans lesquels le mouvement des charges est indépendant de la situation existant dans l’environnement du site considéré. Les mécanismes limités par charge d’espace considèrent, au contraire, qu’un porteur se déplace sous l’effet du champ électrique selon une loi très simple de type : avec L épaisseur du diélectrique, V tension appliquée. (13) ■ Si l’on suppose maintenant qu’il existe, dans le matériau, des sites susceptibles de piéger une partie des porteurs, l’équation (13) devient : v = µE 9 V2 J = --- ε r ε 0 θµ -----8 L3 (14) où v est la vitesse du porteur et µ sa mobilité souvent considérée comme constante. où La valeur E du champ est imposée non seulement par le champ appliqué, mais aussi par le champ induit par les charges déjà injectées dans le matériau et participant au transport. Il s’agit donc d’une description de nature « mouvement collectif » et qui sera donc naturellement représentée par un système d’équations couplées. ■ La caractéristique générale courant-tension pour un tel processus est représentée sur la figure 10. θ = η/n t est la fraction de porteurs injectés libres par rapport aux porteurs piégés ; plus θ est faible, plus l’action des pièges est efficace et plus le courant est faible. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 7 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ Courant ln I α =2 tM α =2 Temps Figure 11 – Caractéristique courant-temps pour un mécanisme de conduction limité par charge d’espace en régime transitoire α =1 plus possible et les lois de comportement sont déterminées par un calcul numérique. Ces lois prennent des formes différentes selon les distributions choisies. Le comportement général reste du type : Vtr VTFL ln V 9 V,+1 J = --- ε r ε 0 µ ---------------8 L 2, + 1 Figure 10 – Caractéristique courant-tension pour un mécanisme de conduction limité par charge d’espace en régime permanent où , est un nombre variant entre 0 et 3 et dont la valeur dépend de la distribution des pièges en énergie. Lorsque la tension V est inférieure à une tension de transition Vtr (V < Vtr ), la densité de porteurs injectés est négligeable devant la densité de porteurs intrinsèques n0 ; le comportement est ohmique : ● j = qn0µE Cette situation se poursuit jusqu’à ce que les porteurs piégés remplissent tous les pièges. La valeur de la tension V appliquée vaut alors VTFL (TFL est issu de l’appellation anglo-saxone « Trap Filled Limit »). ● Pour V > VTFL , tous les pièges ont capté un porteur et ne sont donc plus actifs pour de nouveaux piégeages ; la caractéristique rejoint la caractéristique d’un diélectrique sans piège donné par l’équation (13). Les valeurs de Vtr et VTFL peuvent être déterminées à partir de (13), (14) et (15) : 9 L3 = --- qn 0 -------------θε r ε 0 8 Vtr donne accès à la densité de porteurs intrinsèques n 0 ; L2 V TFL = qN t ---------εr ε0 VTFL donne accès à la densité de pièges Nt . Par ailleurs, l’exploitation des parties linéaires donne accès à la mobilité des porteurs. ● L’équation (14) suppose que la tension V appliquée au diélectrique permet de remplir des pièges situés à un niveau d’énergie bien défini, situé dans la bande interdite de l’isolant (cf. § 1.1.3). La réalité est souvent plus complexe, les pièges pouvant être situés à des niveaux énergétiques différents, on parle alors de distribution en énergie des pièges. Dans ce cas, le calcul analytique précédent n’est D 2 301 − 8 Dans un diagramme bilogarithmique, la caractéristique est toujours une droite, mais la valeur de la pente au lieu d’être 2, comme dans le cas précédent, peut prendre des valeurs supérieures (typiquement entre 2 et 4). (15) et l’on obtient une droite de pente α = 1 dans un diagramme courant-tension en coordonnées bilogarithmique. ● Lorsque V est supérieur à Vtr , ce sont les porteurs injectés, dont une partie est piégée, qui constituent l’espèce dominante. Le transport est contrôlé par une loi donnée par l’équation (14) et donc de pente α = 2 dans un diagramme bilogarithmique. V tr (16) 4.2.1.4 Caractéristique particulière des courants limités par charges d’espace Les équations (9) à (12) montrent que ce mécanisme donne lieu à un transitoire de courant lorsqu’une tension constante est appliquée au matériau. Une expression analytique explicitant j (t ) est impossible à établir. Une courbe typique, établie à partir d’une solution numérique, est représentée sur la figure 11. On remarque que le régime transitoire montre une croissance puis une décroissance du courant jusqu’à l’obtention d’un régime stationnaire. La valeur de t M est caractéristique du temps mis par les premiers porteurs injectés pour atteindre la contre-électrode. En supposant une loi de transport (par exemple v = µE ), t M permet donc d’avoir accès à la mobilité. La partie montante de cette courbe est rarement observable car, au temps courts, d’autres mécanismes, tels que la relaxation dipolaire ou les courants de déplacement, qui donnent des courants fortement décroissants dans le temps peuvent masquer le phénomène. La valeur de t M est alors seulement repérée par la présence d’une anomalie dans la décroissance du courant. 4.2.2 Effet Poole-Frenkel La figure 12 représente la situation énergétique dans l’environnement d’un piège coulombien à l’intérieur du matériau lorsqu’on applique un champ extérieur. Il existe une forte analogie entre cette situation et celle décrite au paragraphe 4.1.2 pour l’effet Schottky. Le potentiel en 1/r est, ici, dû à un piège, alors qu’il était dû au vide laissé dans le métal par le départ de l’électron pour l’effet Schottky. Le porteur venant de la bande de conduction en amont du site et entraîné par le champ est piégé dans un site à une profondeur φ0 . Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _______________________________________________________________________________________________________________________ DIÉLECTRIQUES Énergie EF φ0 site vide φ site occupé Figure 13 – Sauts de site à site dans un mécanisme de Hopping Figure 12 – Diagramme de bande dans le cas de l’effet Poole-Frenkel Physiquement, un tel site peut être une liaison pendante ou un défaut dans un réseau. Pour continuer à contribuer au courant, le porteur doit alors s’extraire du piège en franchissant une hauteur de barrière. C’est l’énergie thermique kT qui permet ce saut. ■ La probabilité de saut par dessus une barrière de hauteur φ s’écrit : φ P = P 0 exp Ð ------- kT Par conséquent, l’expression du courant est : ( φ0 Ð ∆ φ ) J = J 0 exp Ð ----------------------kT (17) Le calcul montre que l’abaissement de barrière ∆φ s’exprime par : ∆φ = βPFE1/2 où β PF q3 = ---------- ε r ε 0 1/2 (18) Lorsque les sites sont spatialement et/ou énergétiquement proches, il y a un recouvrement non négligeable des fonctions d’onde et donc une probabilité de passage d’un site à l’autre. Plus on se rapproche du niveau de Fermi, plus la probabilité d’occupation se rapproche de 1/2 et plus on a de chance de trouver des sites donneurs (occupés) ou accepteurs (vides) proches les uns des autres. On peut donc avoir un processus de migration de porteurs d’origine purement quantique qui se manifeste autour du niveau de Fermi. Pour être mis en évidence, il ne faut pas que ce processus soit masqué par un transport plus classique qui se produit par émission vers la bande de conduction. C’est pourquoi il a été le plus souvent mis en évidence à basse température. ■ En optimisant les compromis entre distance énergétique et distance spatiale N. Mott a montré que la conductivité pouvait s’écrire : σ = σ0 exp [− (AT −1/4)] (20) où A est une constante dépendant de la densité et de la nature des pièges. est appelée constante de Poole-Frenkel. L’expression de la densité de courant s’écrit finalement : ( φ 0 Ð β PF E 1 / 2 ) J = J 0 exp Ð -----------------------------------kT À chaque site est associé une fonction d’onde, qui d’après la mécanique quantique est liée à la probabilité de présence. (19) β PF ■ L’équation (19) s’écrit ln J = Cte Ð --------- E 1 / 2 . kT On reconnaît qu’un transport est contrôlé par un mécanisme de type Poole-Frenkel si un diagramme portant le logarithme du courant en fonction de la racine carrée du champ est une droite. De plus, la pente de la droite a une valeur théorique égale à βPF/kT, aisément calculable si l’on connaît la valeur de la permittivité. On remarque également qu’un diagramme ln J = f (1/T), tracé à un φ0 Ð ∆ φ champ donné, représente une droite dont la pente ------------------- donne k accès à la profondeur φ0 du piège. 4.2.3 Conduction par saut (hopping) ■ Ainsi que nous l’avons vu au paragraphe 1.1, les défauts de structures entraînent l’existence de sites énergétiques que des porteurs peuvent occuper. D’autre part, le niveau de Fermi EF est une valeur d’énergie qui, en première approximation, sépare les niveaux occupés des niveaux vides. La situation autour du niveau de Fermi à l’intérieur du matériau peut être représenté comme sur la figure 13. La loi très particulière en T −1/4 est très caractéristique de ce mécanisme de transport. Elle a été vérifiée à de nombreuses reprises, presque toujours à basse température (typiquement à la température de l’azote liquide ou inférieure). 4.2.4 Courants résultant de l’orientation dipolaire 4.2.4.1 Description phénoménologique Un dipôle qui s’oriente dans un champ électrique occasionne un déplacement de charge. Comme tout déplacement local de charge, cela induit un courant dans le circuit extérieur. Si l’on applique un champ continu, les dipôles se déplacent puis atteignent un état d’équilibre. Statiquement, on peut alors considérer que les charges sont immobiles et que le courant cesse. Lorsqu’on supprime la contrainte, l’agitation thermique tend à redistribuer aléatoirement l’orientation des dipôles. Il s’ensuit alors un courant, de polarité opposée au courant précédent, qui décroît jusqu’à s’annuler lorsqu’on atteint la nouvelle répartition. Une autre façon de considérer l’étape de dépolarisation est de supposer que l’on maintient la contrainte initiale (mais sa contribution en courant sera nulle puisque l’état d’équilibre a été atteint) et de lui superposer une contrainte d’amplitude égale et de polarité opposée. Cette approche permet de comprendre que, au signe près, les courants dus à la polarisation et à la dépolarisation sont superposables. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 9 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ Courant ln I Courant de polarisation ic Temps 1 2 Courant de dépolarisation τM La figure 14 donne un exemple d’enregistrement du courant au cours du temps lorsqu’on applique puis lorsqu’on supprime la contrainte. ic est le courant de conduction ou courant permanent. Son origine n’est pas l’orientation dipolaire et peut être l’un des mécanismes que l’on vient de décrire. Pour un diélectrique réel, on trouve un ensemble de dipôles dont les temps de relaxation sont distribués. La densité du courant mesuré est donc une somme d’exponentielles : Ðt 1 J ( t ) = C 0 V 0 ( ε S Ð ε ∞ ) ∑ ---- exp ------- τi i τi La partie positive du courant transitoire est appelée courant de polarisation ip . Si l’on soustrait le courant de conduction ic à ip on obtient le courant d’absorption : ia = ip − i c La partie négative du courant transitoire est appelée courant de dépolarisation. Comme elle tend vers zéro, ce courant de dépolarisation est confondu avec le courant de résorption. 4.2.4.3 Expression du courant La transformée de Laplace inverse permet de passer du domaine des fréquences au domaine temporel. La permittivité s’écrit alors : εr (t ) = ε∞ + (εs − ε∞) [1 − exp−t/τ ] (21) εs étant la permittivité relative correspondant au champ statique et ε∞ celle correspondant aux champs à fréquence élevée. On a : Q ( t ) = C (t ) V = ε r ( t ) C 0 V 0 C0 = ε0S/d capacité géométrique (c’est-à-dire la valeur de la capacité sans la contribution du diélectrique) de l’échantillon, s, et d, étant respectivement sa surface et son épaisseur, tension appliquée au diélectrique. Le temps de relaxation d’un dipôle s’exprime en général par : τ = τ0 exp(∆E/kT) avec (24) ∆E énergie d’activation l’environnement du dipôle, τ0 facteur dépendant de la nature physique du dipôle. dépendant de 4.2.4.4 Représentation graphique Les valeurs expérimentales des courants d’absorption sont généralement portées dans un diagramme bilogarithmique car les plages de variation du courant et du temps peuvent être très larges. La figure 15 donne un exemple de ce type de résultat. On a porté la représentation d’un temps de relaxation unique (exponentielle décroissante pure), puis les résultats donnés par diverses distributions. Plus la largeur de la distribution est importante, plus les branches asymptotiques de la courbe s’écartent. Le changement de pente se produit pour la valeur de t correspondant au temps de relaxation le plus probable, soit τ M . On peut donc traduire le résultat par deux segments de droites d’équations : I = At −n et I = Bt −m −n et −m étant les pentes des deux segments de droite (n < 1 et m > 1). La densité de courant : dQ (t ) j ( t ) = -----------------dt Il n’est pas rare que la fenêtre de temps accessible à l’expérimentation ne permette pas de voir le changement de pente et le résultat est donc traduit par la loi dite de Curie-Von Schweidler : s’écrit : C0 V0 Ðt j ( t ) = ------------- ( ε S Ð ε ∞ ) exp ----τ τ (23) La distribution des τ peut porter sur τ0 , sur ∆E ou sur les deux. On a vu dans l’article [D 2 300] que la permittivité s’exprime en fonction de la fréquence. I = At−n (22) Donc une famille de dipôles, de même temps de relaxation, donne une décroissance exponentielle du courant de constante de temps τ. D 2 301 − 10 ln t Figure 15 – Transitoires de courant dans le cas d’un mécanisme d’orientation dipolaire 4.2.4.2 Vocabulaire V0 4 – la courbe 1 correspond à un temps de relaxation τ M unique – les courbes 2, 3 et 4 correspondent à des distributions de temps de relaxation centrées sur τ M et de plus en plus larges lorsque l'on passe de la courbe 2 à la courbe 4 Figure 14 – Allure classique des courants transitoires lors de l’application, puis du retrait, d’un champ électrique avec 3 où seule une des deux branches est visible. Les courants d’absorption et de résorption étant réversibles, le même comportement est attendu (à la polarité du courant près) pour les deux types de courant. Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique _______________________________________________________________________________________________________________________ DIÉLECTRIQUES Courant Courant i (A) 10–9 –1 10–10 Temps 10–11 220 °C 200 °C 10–12 175 °C 10–13 1 10 102 103 150 °C 104 Figure 17 – Courants transitoires anormaux Temps t Figure 16 – Caractéristiques courant-temps sur des films de polyimide en réponse à un échelon de champ électrique appliqué à différentes températures ρ (x ) 4.2.4.5 Caractéristiques des courants d’absorption et de résorption d’origines dipolaires On a vu (§ 4.2.4.1) qu’ils étaient réversibles ; ils dépendent du champ et de la température. E (x ) Épaisseur du diélectrique , ■ Effet du champ Si l’on trace I(t ) pour diverses valeurs du champ, on obtient un réseau de courbes identiques à celles de la figure 15. Si l’on se fixe un temps et que, à partir de ce réseau, on trace les caractéristiques courant-tension (courbes isochrones), on doit obtenir une linéarité, car les mécanismes d’orientation dipolaires sont linéaires jusqu’à des valeurs de champ proches de la rupture diélectrique. ■ Effet de la température Les temps de relaxation obéissent généralement à une loi d’Arrhenius en exp(W/kT ), où W est une énergie d’activation caractéristique du mouvement d’orientation des dipôles ; on obtient donc une bonne linéarité entre courant et inverse de la température dans un diagramme ln I = f (1/T ). De plus, si l’on considère la courbe : ln i = f (ln t ) une variation de température tend à déplacer cette courbe selon une direction donnée par une droite de pente − 1 vers les temps longs (respectivement temps courts) si la température diminue (respectivement, augmente). Un exemple expérimental de cette translation est donné sur la figure 16. Figure 18 – Exemple de distribution interne de charges conduisant à des courants de dépolarisation anormaux sions grandes par rapport à la taille d’un dipôle (ce qui est le cas en pratique). Cette condition n’est pas satisfaite pour des courants limités par charge d’espace (§ 4.2.1) puisqu’une des bases même de ce concept est le calcul de E (x,t ). Elle n’est pas, non plus, satisfaite dans le cas d’un transport d’impuretés ioniques interne au matériau. Exemple : supposons que, par effet de charge d’espace ou de transport d’ions, la situation à la fin de l’étape de polarisation soit telle qu’un feuillet de charges positives soit accumulé à la cathode. La figure 18 montre la distribution de charge σ et du champ électrique E qui en résulte lorsque, à la fin de la polarisation, l’échantillon est mis en court-circuit pour être dépolarisé. On remarque que la mise en court-circuit se traduit par : , ∫Ex ( ) dx = V d Ð V 0 = 0 (25) 0 4.2.5 Cas des courants non réversibles Les transitions d’origine purement dipolaires sont superposables. Dans la pratique, il n’est pas rare de constater que ce n’est pas le cas ou même d’enregistrer des comportements anormaux comme celui schématisé sur la figure 17 où le courant de résorption change de polarité au cours du temps. On voit bien que cette condition de court-circuit impose que le plan de champ nul soit situé dans la zone où se trouvent les charges et donc, que, puisque les charges sont de même polarité, certaines fassent mouvement dans un sens et les autres dans le sens opposé. Cela nous amène à réfléchir sur les raisons de la réversibilité. Elle est liée essentiellement à une distribution uniforme du champ, à tout instant, dans un matériau homogène. Le courant résultant mesuré dans le circuit extérieur dépend de la forme précise de la distribution de charge. La polarité initiale du courant de décharge dépend de la forme que prendra la distribution de charge à la fin de l’étape de polarisation. En cours de dépolarisation, la forme de la distribution évolue et on peut donc assister à des inversions de polarité du courant de décharge au cours du temps. Cette condition est satisfaite, dans un solide qui possède une distribution uniforme de dipôles, dès lors qu’on considère des dimen- En général, la non-réversibilité des courants d’absorption et de résorption doit nous orienter vers la présence d’une charge Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 2 301 − 11 DIÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________________________________ d’espace. Ce peut être le cas typique de matériaux liquides ou solides contenant des impuretés chargées susceptibles de s’accumuler aux électrodes. On peut relier la charge q(t ) accumulée à l’interface des deux diélectriques aux valeurs instantanées e1 (t ) et e2 (t ) des champs électriques par : ε r2 ε 0 e 2 ( t ) Ð ε r1 ε 0 e 1 ( t ) = q 1,2 ( t ) 4.2.6 Polarisation interfaciale (28) soit, en dérivant par rapport au temps : Certains matériaux d’isolation sont des matériaux hétérogènes constitués de diélectriques à caractéristiques différentes. Maxwell a élaboré une théorie, améliorée plus tard par Wagner, puis Sillars, puis, plus récemment, par d’autres auteurs comme Bruggemann, pour expliquer le comportement de ces diélectriques aussi bien en alternatif qu’en continu. d e2 ( t ) d e 1 ( t ) d q 1,2 ( t ) ε r2 ε 0 ------------------ Ð ε r1 ε 0 ------------------ = ------------------------ = i c1 ( t ) Ð i c2 ( t ) dt dt dt Le courant traversant chacun des diélectriques s’écrit : Disposons deux plaques d’isolants d’épaisseur , 1 et , 2 (que l’on supposera égales par souci de simplification) entre les armatures d’un condensateur et appliquons à t = O un échelon de tension d’amplitude V0 . Soit ε r1 et σ1 (resp. ε r2 et σ2) la permittivité relative et la conductivité de l’isolant 1 (resp. isolant 2). A t = 0, les inductions électriques D1 et D2 sont égales puisqu’il n’y a pas de charges interfaciales, d’où : ε 0 ε r1 E 1 = ε 0 ε r2 E 2 (26) Les courants de conduction ic1 et ic2 sont différents dans les deux couches et il apparaît donc une charge interfaciale q1,2 . En régime stationnaire, il faut atteindre la condition ic1 = ic2 , soit : E1 σ 1 = E2 σ 2 (27) Il existe un régime transitoire pour passer de la situation décrite par (26) à celle décrite par (27). On peut remarquer que si on a : σ 1 ε r2 = σ 2 ε r1 les relations (26) et (27) sont satisfaites simultanément et il n’y a donc ni régime transitoire, ni accumulation de charges à l’interface. Si tel n’est pas le cas, l’accumulation de charges à l’interface a pour conséquence d’abaisser le champ appliqué au matériau de plus forte conductivité et de l’augmenter pour celui de plus faible conductivité de telle sorte que (27) soit satisfaite. (29) d e1 ( t ) i 1 ( t ) = i c1 ( t ) + ε r1 ε 0 ------------------dt (30) d e2 ( t ) i 2 ( t ) = i c2 ( t ) + ε r2 ε 0 ------------------dt (31) Les équations (29) à (31) permettent de calculer les expressions de e1 (t ), e2 (t ), i1 (t ) et i2 (t ). Dans le cas simple où les deux diélectriques ont la même épaisseur , , on aboutit à : σ 2 V 0 V 0 ε r2 σ2 Ðt - Ð -----------------e 1 ( t ) = ------------------- ------ + ------ ------------------ exp ------- τ σ1 + σ2 , , ε r1 + ε r2 σ 1 + σ 2 (32) V0 σ1 ε2 Ð σ2 ε1 V0 σ1 σ2 Ðt i 1 ( t ) = -------------------------- + --------------------------- ------------------------------ exp ------- τ , ( σ 1 + σ 2 ) , ( σ 1 + σ 2 ) ε r2 + ε r1 (33) On voit bien, dans la relation (33), que le courant est composé d’un courant de conduction ne dépendant pas du temps ; il est uniquement fonction des conductivités des deux diélectriques et d’un courant transitoire de type exponentiel décroissant dont la constante de temps dépend des conductivités et des permittivités relatives. Des expressions similaires à (32) et (33) peuvent être évidemment établies pour e2 (t ) et i2(t ). On remarque que, pour t = ∞ (régime stationnaire), on trouve : V0 σ1 σ2 i 1 = i 2 = -------------------------1 ( σ1 + σ2 ) alors que e2 est différent de e1 pour satisfaire l’équation (27). Références bibliographiques [1] BRUNET (H.) et TEYSSIER (J.L.). – Introduction à la physique des matériaux conducteurs et semiconducteurs. 316 p. 1992. Dunod Paris. [2] ANDERSON (P.W.). – Physical Review 109, 1958 p. 1492-1498. [3] MOTT (N.F.). – Conduction in non crystalline materials (Conduction dans les matériaux non cristallins). 128 p. 1987. Clarendon Press Oxford university Press (GB). [4] RAIZER (Y.P.). – Gaz discharge physics (Physique des décharges dans les gaz). 449 p. 1991. Springer Verlag Berlin. [5] NASSER (E.A.). – Fondamentals of gaseous ionization and plasma electronics - part 1 (Bases de l’ionisation dans les gaz et de l’électronique des plasmas − tome 1) 249 p. 1971 Wiley interscience New York (USA). [6] Cours de Physique de Berkeley Tome 2 : Electromagnetisme - Armand Colin. 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